Anakin. Le vaisseau. Son aveu. Ses instants repassaient en boucle dans sa tête, tel un cauchemar qui refuserait de prendre fin. Anakin dont les flammes du côté obscur l'avait privé. Elle n'avait rien vu venir, comme si le destin avait seul choisi à sa place, alors qu'il lui avait apporté le plus grand des bonheurs. Des enfants qui seraient privés de leur père. Des enfants qui seraient privés d'enfance dans une galaxie gouvernée par l'Empire. Un avenir qu'elle craignait, qu'elle refusait de vivre même.

La douleur la submergeait de toute part. C'était trop. Elle s'était battue corps et âme toute sa vie pour un idéal que ce destin avait pris un malin plaisir à réduire en cendres. Par la personne qu'elle aimait plus que sa propre vie, peut-être même que le fruit de leur amour. Son enfant, leur chair et leur sang. Elle voulait vivre pour lui. La douleur gagnait du terrain, enflammant son esprit et la privant de ses pensées, comme si elle voulait prendre les dernières parcelles de son âme. Car seul son esprit trépassait. Son corps, quant à lui, aller donner la vie. Elle devait tenir encore un peu. Pour eux, unique espoir de laisser quelque chose de bon derrière elle. Elle savait qu'elle allait mourir. Mais la mort ne serait-elle pas un profond soulagement face à une telle douleur ?

Any. Où était le petit garçon aux yeux azurs des étendues de sable gris de Tatoïne ? Intrépide et sauvage, curieux et bon. C'est comme s'il s'était peu à peu évaporé sous ses yeux, sans qu'elle ne remarque que Vador prenait possession de son amour. Où était le petit Any de ses temps d'enfance, qui s'était battu pour être reconnu d'elle ? Elle qui s'était tant débattue avec elle-même pour fuir cette romance tragique. Elle avait fini par y croire vraiment avec les années. Et la future naissance n'avait fait que renforcer ses espoirs. Anakin était mort, et elle devait l'admettre.

Celui qu'elle aimait n'aurait pas pu tuer les enfants du Temples. Any ne les aurait jamais abandonné. Mais n'avait-il pas dit avoir fait ça pour elle ? Etait-ce à cause de ce rêve qu'il avait fait quelques mois plus tôt ? Ce rêve où elle mourrait. Il y a encore du bon en lui. Une pensée, intuitive, s'était forgée, tenace. Je dois tenir pour eux. Vador ne devait être qu'un cauchemar éveillé, le fruit de son imagination. Tiens pour lui, pour eux.

Cette fois, la douleur provenait du bas de son ventre. Son corps et son âme s'était ressoudés pour ne refaire qu'un. Elle s'entendait hurler, des gouttes de sueur perlant à son front dans l'effort de l'enfant à naître. Il n'y avait que les souvenirs heureux. La première fois où il s'étaient embrassés à Naboo, insouciants et libres. Et les lointains moments de rires à refaire le monde dans l'herbe drue. Ils n'étaient alors qu'un homme et une femme se découvrant l'un l'autre. Il y avait eu son merveilleux sourire lorsqu'elle lui avait annoncé l'heureuse nouvelle. Cette étincelle. Pouvait-elle encore espérer face à un avenir si noir ?

Elle entend un cri perçant, le premier cri de la vie. Anakin est-il blessé ? Elle divague. Une main s'empare de la sienne, rugueuse et fraternelle. Obi-Wan ! Et le bébé, son enfant. Any. Il n'y a plus que le bonheur de l'instant présent. Obi-Wan lui tend le petit ange, l'être inespéré. . C'est un petit garçon, si fragile, avec de grands yeux bleus, comme Any. Elle chuchote :

« Luke. »

Elle sent que ce n'est pas fini. Il y a... un autre enfant. Les convulsions reprennent, la douleur aussi. L'autre petit ange apparaît, si frêle lui aussi. Elle est là, c'est une fille. Avec elle aussi les yeux bleus océans, comme son père. Mais les bébés n'ont t'ils pas tous les yeux bleus à la naissance ? La couleur des yeux de ses enfants se dévoilera de jour en jour, créant à chacun d'eux une identité propre. Mais verra-t-elle ses enfants grandir ? En aura-t-elle la force sans Anakin ? Ses pensées s'embrouillent à mesure que le néant l'emprisonne dans son étaux. Elle va retrouver son refuge.

Any. Il s'avance vers elle. Doucement, un sourire sur les lèvres. Elle est heureuse de le revoir, si heureuse. Elle s'inquiétait pour lui, il lui manquait. Il a tellement grandit ! Ce n'est plus l'enfant de Tatoïne qui parlait mariage avec elle, non, c'est un homme de dix-neuf ans, au regard océan, aux cheveux blonds portant la coupe des padawans. Il est plus grand qu'elle, désormais, de plusieurs centimètres. Il est là, il la protège. Son sourire dans l'herbe drue de Naboo. Il l'a accompagné. L'aime t'il ? Elle n'est pas sûre. Joue t'il avec elle ? Elle oui. Elle est obligée, partagée entre ses sentiments et son devoir de sénatrice. Elle n'a pas le droit d'aimer un jedi. Jamais. C'est interdit.

Mais elle n'a jamais été si heureuse. Jamais, un mot qui revient souvent. Tout va trop vite pour elle. Et le jour où il a été catapulté en essayant de monter un des créatures de Naboo ? Il l'a fait rire. Sa douleur lorsqu'il lui dit que sa mère est en danger. Il ne veut pas la laisser seule. Elle lui dit qu'elle l'accompagnera. Elle irait avec lui au-delà des étoiles.

Mais le danger est réel, pour elle comme pour lui. Tout est déjà aller trop vite, et tout va se terminé. Alors elle avoue, parce qu'elle croit qu'elle va mourir. Elle avoue l'Interdit, le Maudit. Et elle s'en moque. Mais ils survivent, et leur amour est désormais impossible à vaincre. Il est ancré en elle, à jamais. Alors ils décident de se marier, pour l'accepter et l'embrasser.

Tout passe à nouveau trop vite, entre l'amour, ses devoirs et les missions d'Anakin. Trois années les plus belles de sa vie, jusqu'au moment où elle se rend compte qu'elle est enceinte de lui. Elle est heureuse, mais encore un danger, un énième obstacle. Elle espère qu'il va croire en eux, et qu'il acceptera. Ils vont devoir avouer aux jedis, et Anakin risque de perdre son titre. Elle lui annonce, la peur au ventre, et encore son sourire. Il est heureux. Le soulagement, mais la peur grandissante aussi. Une peur qu'elle ne contrôle pas, comme un pressentiment du désastre qui va suivre. Palpatine apparaît et son pouvoir grandit. L'annonce d'Obi-Wan. Anakin est passé du côté obscur de la force. Elle ne le croit pas, c'est impossible. Pas dans un tel moment de leur vie, pas Lui. Elle veut hurler, mais elle court jusqu'à son vaisseau. Elle fuit la République en cendre, elle s'en moque désormais. Elle le veut seulement Lui. La suivra t'il dans sa folie ?

Mustafar. Elle ne peut nier qu'elle est terrifiée de ce qu'elle va découvrir et ses pires craintes se révèlent. Une planète en cendres. Elle descend du vaisseau. Anakin est là, il l'attend. Mais ses yeux. Elle l'enlace, le supplie de revenir vers elle. Il refuse. Elle ne peut pas le suivre, c'est renié ce qu'elle est, et ce qu'ils ont été. Anakin lève sa main gantée vers elle, son regard de braise braqué sur elle. Pour la première fois de sa vie, elle a peur de lui. Mais pour leur enfant. Elle veut sauver sa vie.

NON. NON. NON. Elle n'a pas la force pour prendre contact avec lui, mais elle essaie. Le souffle lui manque.

Elle sent que ses forces l'abandonnent. Dans un dernier souffle, elle murmure à Obi-Wan, et peut-être un peu pour elle-même :

« Il y a encore du bon en lui. »

Et le Néant qui l'étouffe. Elle ne veut pas mourir. Il y a encore un peu de Lumière. Et un murmure qui semble venir du fonds des âges déchire l'air :

« C'est notre don. Tu es le seul espoir de la rébellion. Montres toi en digne. »

Au loin, un cri retentit. Elle reconnait la voix. Anakin.