Me revoila après quelques mois d'absence et de vide abyssal côté imagination. Après plusieurs tentatives infructueuses pour venir à bout de mon angoisse de la page blanche, je vous offre ici la seule chose à laquelle mon cerveau soit capable d'adhérer actuellement : de la fanfiction fleuve à base de scénario ultra connu et presque commercial. Sans vouloir dénigrer les super fanfictions de ce genre que je suis avidement comme un moustique vous aspire le sang, écrire ceci me semble assez thérapique dans ma tentative de retrouver le plaisir d'écrire d'une part, d'autre part cette petite étincelle qui faisait autrefois naître des histoires originales. J'espère que vous ne m'en voudrez donc pas trop de ne vous livrer "qu'une" mentor fic Severus/Harry.

Rating : T

Résumé : Un choix. Il suffit d'un choix pour tout changer. Se taire et obéir ou bien tenter l'impossible pour repousser l'irrémédiable ?

Lorsqu'Albus lui annonce que le Survivant doit mourir, Severus refuse d'accepter qu'il n'y a aucun autre moyen de détruire ce fragment d'âme qui s'est accroché au fils de Lily. Harry ne sera pas élevé comme un porc destiné à l'abattoir. Severus le préparera au combat qui l'attend, dût-il se dresser contre la volonté de celui qui les a tous manipulés.

Severus/Harry mentor Dumbledore bashing NO SLASH


SURTOUT NE DIS RIEN

Chapitre 1 : Chair à canon

- Donc, quand l'heure sera venue, Potter devra mourir ?

Les mots s'échappèrent de ses lèvres avec répugnance, trahissant le sentiment d'horreur qui grandissait en lui. Ce n'était pas un plan tolérable pour le grand Albus Dumbledore. Jamais il n'oserait…

- Oui, oui. Il doit mourir.

Le ton attristé qu'il affectait donna à Severus une forte impression d'anomalie. Il n'était certes pas doué pour comprendre les émotions humaines, mais Albus prônait toujours le bien, et l'amour. Comment pouvait-il seulement envisager l'idée de sacrifier un élève, fut-il le fils de l'être le plus abject que Severus eut rencontré, à l'exception faite du Seigneur des Ténèbres ? Au bord de la nausée, le masque vide qu'il affichait tomba, et un rictus de profond dégoût déforma ses traits. Albus, celui à qui il avait promis de tout donner, en échange de la protection de Lily… L'homme n'avait pas tenu sa promesse, et la seule personne que Severus eut jamais aimé avait disparu pour toujours. Albus Dumbledore avait alors présenté le garçon comme un ersatz, une rédemption, qui grandirait protégé par l'amour de sa mère, tout comme par la personne qui l'avait le plus aimée.

Severus avait saisi cette promesse de rédemption et s'y était cramponné, année après année, en espérant que la douleur s'atténuerait. En perdant Lily, il avait perdu bien plus que la possibilité d'être pardonné. Il avait tout perdu ce soir-là. Sa reconnaissance vis-à-vis du vieil homme s'était irrémédiablement muée en une rancœur qui irait grandissant avec les années, alors même qu'il évoluait dans la cage dorée que l'homme lui imposait. Oh, qu'il avait été manipulé.

- Vous l'avez gardé en vie pour qu'il puisse mourir au moment propice. Vous l'avez élevé comme un porc destiné à l'abattoir !

- Ne me dites pas que vous avez fini par avoir de l'affection pour lui ?

La question le prit au dépourvu. Sous son sarcasme mal dissimulé, elle trahissait que le vieil homme n'en avait jamais eu. Harry avait été un outil, un pion, qu'il se devait de sacrifier. Peut-être son meilleur pion. Son cavalier ou… Son fou. Qui avancerait toujours en ligne droite, incapable de la subtilité.

Sous ses lunettes en demi-lune, les yeux scrutateurs attendaient une réponse. Mais Severus ne connaissait pas l'affection le cœur humain lui était trop étranger. Il n'avait jamais pu comprendre comment on pouvait éprouver quoi que ce soit vis-à-vis d'un autre être humain. Seule Lily… Son obsession, celle pour qui il vivait. Seule Lily avait compté. Accepter de perdre l'Elu, ainsi que cet imbécile appréciait être appelé, cela signifierait accepter de la laisser partir à tout jamais. Cela signifierait qu'elle n'existerait plus, définitivement plus, et sa propre existence n'aurait plus aucune justification.

Pour conjurer cette peur du vide abyssal, il se remémora machinalement l'odeur de ses cheveux, celle des fleurs des champs qui poussaient autrefois au bord de la rivière… Et pour chasser son Détraqueur intérieur, il conjura la biche d'argent. Sa présence rassurante semblait le protéger de l'inhumanité de l'homme face à lui, qui le dévisagea avec presque une sorte de terreur.

- Après tout ce temps ?

Il comprit à l'expression du Directeur que son visage trahissait une intensité de sentiments inaccoutumée. Severus souffrait, et sa souffrance n'aurait pas de fin.

- A jamais.

Il lui fit répéter. Il devrait attendre que Voldemort soit affaibli pour révéler au garçon la nature du sacrifice qu'il devait accomplir. Que signifiait « affaibli » ? Albus ne lui donna pas plus d'explication, pensant qu'il se contenterait de faire comme tout le monde et de lui faire confiance. Mais Severus n'était pas comme tout le monde. Dépourvu de ces liens qui relient les êtres vivants entre eux, son intellect n'était pas perturbé et sa concentration jamais détournée. Comment Voldemort pourrait-il être affaibli ? Il était invincible, ou presque. Le Directeur savait quelque chose que Severus ignorait. Pire encore : il s'imaginait déjà mourir avec ce secret.

Celui-ci devant être d'une importance capitale, il avait dû le confier à une personne au moins. Surement pas Minerva sa loyauté n'avait de paire que son honnêteté, et il doutait de sa capacité à garder pour elle un tel avantage stratégique. Non, elle s'empresserait de le partager avec l'Ordre, attendant que quelqu'un pourvu de capacités de stratèges élabore un plan qu'elle pourrait suivre à la lettre. Mieux valait en informer quelqu'un en mal d'attention, qui garderait jalousement ce secret, car il le ferait se sentir spécial. Quelqu'un qu'il contrôlait totalement, car il avait tellement perdu qu'il ne faisait plus confiance qu'à l'homme qui s'apprêtait à le mettre à mort. Severus était convaincu que Potter était au courant de ce qui pourrait affaiblir le Lord.

Il adressa un dernier regard de dégoût au vieil homme qui se prévalait de son amour. Bien sûr qu'il ne pouvait pas lui confier ce secret, car Severus se devait de continuer son rôle d'espion, pour le bien de tous. Voldemort ne devait en aucun cas être au courant qu'ils avaient trouvé un avantage stratégique. Alors, il laissait un gamin de seize ans plus que perturbé se débattre avec quelque chose qui le dépassait. Sans le préparer, en comptant seulement sur cet amour qu'il croyait plus fort que tout. Et Severus comprenait pourquoi à présent : si Potter se découvrait des pouvoirs, il pourrait bien se mettre dans l'idée de survivre au combat final, sans se sacrifier comme l'avait fait sa mère.

Il devait y avoir un moyen.

Regagnant l'humidité poisseuse des cachots, il descendit l'escalier de colimaçon au pas de course, lorsque quelque chose d'invisible le heurta de plein fouet. Déstabilisé, il tituba et se rattrapa à une aspérité du mur au dernier moment.

- Potter ! éructa-t-il ce gamin choisissait son jour pour se promener dans les couloirs sous sa cape d'invisibilité. Cinquante points en moins pour Gryffondor !

Des bruits de pas précipités s'enfuirent dans les étages. Il soupira de frustration. Les révélations de ces dernières heures nécessitaient toute son attention. Ce n'était pas le moment de courir après une ombre.

Son bureau dût percevoir son mécontentement car la porte s'ouvrit à la volée alors même qu'il n'avait pas eu le temps de projeter sa magie dessus. Cela ne l'empêcha pas de la claquer de toutes ses forces avant d'ouvrir la deuxième porte, celle dissimulée entre deux étagères, qui donnait sur ses appartements.

Se baissant légèrement pour passer la voûte ancienne, il pénétra dans un petit salon dont les murs étaient entièrement camouflés derrières des bibliothèques qui ployaient sous le poids des manuscrits qui s'alignaient sur les étagères. Pour seuls autres meubles, un canapé, une table basse et deux fauteuils. Dans un coin, sous une lanterne murale, une petite table de travail qui croulait sous les parchemins griffonnés de pattes de mouches noires.

Il s'effondra sur le canapé. Albus. Il avait toujours perçu comme un malaise lorsqu'il pensait à l'homme, mais jamais il n'avait pu le prendre sur le fait d'un de ses petits crimes qu'il commettait dans l'ombre, pour le Plus Grand Bien. Manipulés. Tous. Lui plus encore.

Alors que ses yeux se perdaient dans la contemplation d'une tache d'humidité au plafond, il se remémora ce soir, à la Tête du Sanglier. Les mots de cette folle, ceux qu'il s'était empressé de rapporter à son Seigneur. La gloire, enfin, la gloire était à sa portée. Il serait reconnu, adulé pour avoir rapporté une information d'une telle importance. Respecté par ceux qui l'avaient maltraité.

Mais l'homme aux yeux rougeoyants avait alors scellé le sort de Lily… Le piédestal sur lequel il se voyait déjà s'effondrait. Et il avait accouru aux pieds de Dumbledore, non pas par loyauté, mais parce que Severus était un Serpentard. Il comprenait le pouvoir, et qui en était le détenteur. Albus possédait sa propre armée, il pouvait la protéger.

C'est alors que l'homme lui avait demandé ce qu'il ferait en échange. Depuis quand le Bien avait-il de raison pour agir ? Malgré l'incongruité de ces paroles, Severus n'avait pas le choix. Il lui avait promis sa loyauté. Avec la mort de Lily, c'était devenu un asservissement. Ses mouvements étaient loin d'être libres, alors même que Albus l'avait tiré d'Azkaban. Il avait gagné d'être confiné au château, en tant qu'enseignant, pas même capable de choisir sa voie et de se consacrer à quoi que ce soit d'autre.

Non pas qu'il en aurait été capable, après la mort de Lily. Les mois qui avaient suivi avaient bien failli lui être fatals. Comment lui survivre ? Certains soirs, la douleur était trop forte. Alors, il s'enivrait à n'en plus finir. Lorsqu'il se réveillait, la migraine qui lui battait les tempes lui semblait un maigre réconfort qui l'éloignait momentanément de la douleur qui lui vrillait le cœur.

Il avait fallu plusieurs mois à Albus pour l'autoriser à commander autre chose que des ingrédients pour les potions de bases que préparaient les étudiants. Le Directeur redoutait qu'il ne prépare un poison qui lui offrirait une mort miséricordieuse. Mais Severus savait qu'il ne l'avait pas méritée.

Si ce n'était sa promesse, il serait sans doute parti rejoindre Lily. Mais il était condamné à la vie, par un bambin qu'il ne reverrait que dix ans plus tard. Pas étonnant qu'il l'ait haï dès qu'il avait croisé son regard. Harry Potter. Sa damnation.

La douleur s'était atténué, bien évidemment. Mais elle avait laissé place à un cœur d'un froid brûlant qui était capable de détruire quiconque essayait de l'atteindre. Il avait engourdi ses sens, ravalé sa colère, l'avait transformée en persécution pure et simple des victimes qu'on avait mises à sa disposition – ses élèves remplaçaient alors l'addiction pour la souffrance qu'il avait éprouvée lorsque, aux côtés des autres Mangemorts, il avait tué, employant les sorts les plus sombres et les plus avilissants.

Pourtant, l'horreur qu'il avait éprouvée ce soir à l'annonce de la sentence qui pesait sur le Survivant surpassait de loin celle de ses premiers meurtres. Il ne pouvait se résoudre à laisser le fils de Lily mourir sans avoir tout tenté pour lui ôter ce morceau d'âme. Mais pour cela, il avait besoin d'en savoir plus, et Dumbledore ne lui dirait jamais rien.

- Potter, il va falloir que vous parliez… Que vous le vouliez ou non.

Car il avait promis, il avait promis à Lily qu'il ferait tout pour qu'elle lui pardonne.