Bonjour les gens.

Je me lance pour la première fois dans la fic longue toute seule comme une grande sans Mirandae pour me sauver la mise.

J'espère qu'elle vous plaira et que vous aurez autant de plaisir a lire ce chapitre que j'en ai eu a l'écrire.

Bien sur rien ne m'appartient a part l'histoire.

Bonne lecture

Ron

Comme toujours la nuit est moite et lourde, la Grande Bretagne est réputée pour ses hivers mordants mais ses étés humides et étouffants sont également redoutables. Le sommeil me fuit encore une fois, je ne dors que très peu, l'esprit bien trop perturbé par les images de mort et de souffrances qui me poursuivent sans répit.

C'est sans doute le prix à payer quand on exerce mon métier, quand on choisit de vouer sa vie à la lutte contre le mal. C'est le poids que l'on porte après avoir gardé des années l'espoir d'éradiquer la noirceur humaine, pour finalement comprendre que l'on ne peut que juguler non sans mal l'hémorragie des vices que certains laissent suinter d'eux-mêmes avec délectation.

C'est ce que je suis devenu, un chirurgien de l'humanité, je recouds les plaies morales les plus immondes, dissimulant au grand public l'horreur dans laquelle nous vivons. Pour que les mères de familles ne se rongent pas d'inquiétude, pour que les enfants puissent conserver cette part d'innocence que nous perdons tous bien trop vite.

Traquant les criminels, m'enfonçant sans relâche dans les entrailles de la folie humaine, m'insinuant dans les esprits malades jusqu'à être imprégné de leurs déviances, jusqu'à ce qu'elle colle à ma peau comme un manteau trop lourd à porter. Laissant les nuits blanches se succéder, pour comprendre leur logique, pour entendre les voix qui les poussent à devenir ces êtres cruels qui trouvent la jouissance dans la souffrance des autres.

A la fin de la guerre, nous avons tous cru que l'horreur disparaîtrait avec Voldemort, c'était une erreur stupide ! Voldemort était celui qui masquait tous les autres, il n'était que l'horreur qui cache l'immonde. Un mégalomane qui prenait plaisir à étaler ses exploits, qui rêvait d'être un despote, un tyran, qui affichait avec fierté sa folie. Il était dur de le combattre mais pas de le trouver et encore moins de le comprendre, de débusquer ses failles simplement parce qu'il nous les a exposées durant de longues années.

Ceux qui agissent dans l'ombre, qui trouvent le plaisir dans la souffrance des autres sont invisibles, ce sont des ombres, des fantômes qui hantent chaque ville, chaque rue, chaque maison en silence. Indétectables, indiscernables presqu'irréels il faut des mois d'investigations acharnées pour les comprendre, pour pénétrer leurs esprits, pas par la magie mais par la connaissance des méandres de la psychologie humaine.

C'est ce que je suis devenu : un sondeur d'âme, de noirceur, je me fonds dans leur univers jusqu'à devenir un pendant de leur esprit malade pour pouvoir mieux les confondre, les débusquer hors de leur tanières.

Qui aurait pu croire cela ? Que moi Ronald Weasley connu pour mon manque flagrant de tact puisse un jour devenir un Auror spécialisé dans l'étude du comportement des criminels ? Certainement pas moi. Je n'aurais jamais pu croire que ma difficulté à endiguer mes émotions pourrait un jour devenir un atout, que ce manque de contrôle face à mes réactions me permettrait un jour de comprendre celles des autres.

C'est à l'Ecole. des Aurors que cette capacité est apparue au grand jour quant à ma grande surprise, je me suis illustré non pas à l'entraînement physique mais lors des simulations d'interrogatoire. J'étais plus qu'à l'aise dans ce genre d'exercice, il me suffisait d'étudier le dossier de la personne et j'arrivais ensuite à trouver chaque faille qui la ferait craquer. Bon nombre de mes camarades me jalousaient pour cette facilité pourtant je n'oubliais pas que ce n'étaient que des exercices, que ce n'étaient pas de vrais psychopathes que j'avais en face de moi mais de simples personnes entraînées qui finissaient toujours par craquer au bout d'un moment.

Ce n'est que lorsque je me suis retrouvé convoqué dans le bureau du directeur de l'académie que j'ai enfin compris à quel point cette capacité était rare et surtout à quel point elle pouvait intéresser les hauts placés du Ministère. Ils m'ont longuement parlé, m'expliquant que ce que je savais faire était plus que rare, que seulement une poignée de sorciers en était capable et que si j'acceptais de travailler dur je pourrais devenir l'un d'entre eux.

Dire que je fus abasourdi est un faible mot. Je n'avais pas pour habitude d'attirer l'attention des gens, alors j'ai accepté parce que pour la première fois, je me suis senti important.

J'ai rencontré un homme, quelqu'un que j'avais longtemps détesté, méprisé et qui a pris en charge l'ensemble de ma formation. Son passé était chargé, rempli d'ombres, de missions d'infiltrations périlleuses où il avait appris à sonder chacun d'entre nous pour mieux se protéger, pour pouvoir survivre.

Durant ce temps j'ai appris à le respecter jusqu'à l'admirer. Ensemble, nous avons visité Azkaban comme jamais je n'aurais cru le faire, d'interminables journées à sonder l'esprit des criminels détenus là-bas faisant fi de la chape d'angoisse et de tristesse que faisaient peser sur moi les nombreux détraqueurs.

Aujourd'hui, c'est mon travail : ignorer l'horreur pour mieux la comprendre, affronter les regards des familles pour mieux les soulager. Officiellement, je travaille en équipe avec Harry, un simple auror parmi tant d'autres, officieusement je passe des nuits entières plongé dans les rapports d'enquêtes pour cerner la psychologie tortueuse des assassins. Un travail long et pénible durant lequel je me coupe du monde, interrompant ma vie pour mieux cerner la leur.

Avec un soupir, je renonce au sommeil, repoussant rageusement les draps. Je ne supporte plus de sentir le tissu pourtant léger se coller à ma peau moite. Je parcours mon petit appartement du regard, malgré toutes les fenêtres ouvertes aucun courant d'air ne circule et je me surprends à rêver d'un orage.

Je déambule nu dans la cuisine appréciant l'intimité de mon petit chez moi ne pouvant m'empêcher d'imaginer le visage choqué de ma mère si elle savait que je me ballade dans le plus simple appareil chez moi à quatre heures du matin. Déjà surprise par mon célibat, il ne lui en faudrait pas plus pour tirer des conclusions plus farfelues les unes que les autres. Je souris a l'évocation de ma douce maman, de plus en plus désespérée à la vue de ce qu'elle considère presque comme un affront : mon célibat. Elle qui ne rêve que de petits enfants me reproche souvent de ne pas faire l'effort de trouver une « gentille sorcière » avec qui je pourrais me marier et faire une dizaine de marmots. Mais comment lui expliquer que parfois à moi aussi la solitude me pèse, comment lui dire qu'aucune femme ne peut partager mon quotidien ? Personne ne supporterait les jours entiers que je passe sans prononcer un mot parce que je suis submergé par l'horreur de ce que je viens de voir, d'être réveillé par mes cauchemars récurrents qui ne veulent plus partir depuis la fin de la guerre et qui s'alimentent désormais de la nouvelle bataille que je mène depuis quelques années.

Puis il y a mon cœur qui depuis toujours refuse d'obéir à mon esprit et qui reste irrémédiablement lié à une seule personne sans jamais vouloir s'en détacher malgré mes nombreux efforts. Un seul visage s'impose à moi lorsqu'on me parle d'amour, un visage fin et autoritaire mais dont les yeux traduisent une grande beauté d'âme : Hermione.

Sans doute le plus grand échec de ma vie. Je l'ai laissée partir sans jamais rien faire pour la retenir malgré le baiser échangé durant la bataille de Poudlard. A l'époque, j'aurais dû tout faire pour la garder car je ne doutais pas du courage qu'elle avait dû puiser en elle pour initier ce baiser après tant d'années de non-dits entre nous. Mais la mort de Fred, la détresse de mes parents, la dépression dans laquelle s'est enfoncé Harry, tant d'excuses dans lesquelles je me suis plongé pour ne pas avoir à assumer mes sentiments, pour mieux la fuir.

J'ai réussi au-delà de mes espérances. Lassée d'attendre, elle est partie chercher ses parents, puis continuer ses études, ses hiboux se sont espacés jusqu'à ce que je n'en reçoive plus, elle avait dû se lasser de ne jamais recevoir de réponses.

Aujourd'hui notre amitié n'est plus qu'un souvenir lointain, les vestiges d'une complicité que nous ne faisons plus l'effort d'entretenir. Nous nous voyons occasionnellement, aux repas dominicaux chez mes parents, aux réunions entre amis chez Harry ou encore dans les couloirs du Ministère mais nous ne sommes plus que de simples connaissances, rien de plus.

Je présume que c'est aussi le prix à payer de mon métier, pas de vie amoureuse. Les quelques femmes qui traversent ma vie ne supportent pas la noirceur qui m'entoure comme une aura, ne peuvent tolérer que je ne leur ouvre pas la porte de mon cœur puisque depuis toujours une seule personne en possède la clef.

La vie place parfois des épreuves sur notre chemin et Hermione est certainement la seule que je n'ai pas su surmonter, mon erreur, mon plus grand regret avec lequel je dois vivre tous les jours.

Un bruit dans le salon attire mon attention, j'ai à peine le temps de surgir dans la pièce que je vois Harry apparaître dans la cheminée, passablement échevelé, visiblement il a été tiré de son lit il y a peu de temps.

« Ron il faut que tu viennes avec moi de suite, on a une urgence !! Bon sang tu ne peux t'habiller non ??

Il recule vivement en clignant des yeux. Malgré la rougeur dont je sens mes joues envahies , je soutiens son regard outré.

« Et toi, tu ne peux pas prévenir quand tu débarques à trois heures du matin par ma cheminée ? Et arrête de faire l'offusqué, c'est quand même pas la première fois que tu vois un homme nu ! »

« Ron, pour moi tu n'es pas vraiment un homme, c'est pas pareil ! »

Je retiens un sourire amusé.

« Merci Harry. Tu as toujours la phrase qui réconforte. »

« Tu sais très bien ce que je veux dire. Tu es… avec quelqu'un peut-être ?

« Harry, tu m'as déjà vu avec quelqu'un ?

« Non. »

« Bien, ça répond à ta question je crois. »

Je prends la direction de ma chambre dans l'intention de m'habiller en vitesse car j'ai l'intuition que je ne vais pas pouvoir terminer ma nuit.

« Bon, que se passe-t-il ? »

La voix d'Harry me parvient du salon, un peu étouffé par le mur épais qui sépare les deux pièces.

« Je n'ai pas énormément de renseignements. Shacklebolt m'a tiré du lit moi aussi, et je suis d'ailleurs ravi de pas dormir tout nu ! Ils ont trouvé un corps et il réclame notre présence, Kingsley est déjà sur place, il nous attend.

Renonçant à discipliner mes cheveux, je le rejoins, il m'attend déjà devant la cheminée une poignée de poudre à la main.

« Rejoins-moi au Ministère on transplanera de là-bas.

Je le regarde disparaître dans un tourbillon de flammes vertes, avant de rentrer moi aussi dans la cheminé et de dire d'une voix éteinte et résignée.

« Ministère de la magie. »

Le voyage par cheminée est toujours aussi désagréable et c'est le cœur au bord des lèvres que j'atterris dans le hall de l'édifice. Harry m'attend époussetant soigneusement ses vêtements pour éliminer toute trace de suie, je ne prends même pas la peine de me nettoyer.

« Ron, ça ne m'étonne pas que tu ne trouves personne, tu es complètement négligé ! »

« Harry, je ne pense pas à séduire qui que ce soit quand je pars observer une scène de crime. Tu ressembles de plus en plus à ma mère avec les années, c'est Blaise qui te fait cet effet-là ? »

Il secoue la tête et ne prend pas la peine de répondre.

« Bon accroche-toi à mon bras nous allons transplaner. »

Sans plus attendre j'agrippe son poignet et nous disparaissons dans un pop sonore.

Le transplanage n'est pas plus agréable que la cheminée et mon estomac à peine réveillé est encore malmené. J'hume l'air frais quelques secondes pour dissiper mon malaise, je ne suis pas sans ignorer que ce que je vais bientôt voir sera bien plus révulsant qu'un simple transplanage. Ouvrant lentement les yeux, je m'aperçois que nous somme juste à côté du Londres moldu et non pas comme je le croyais sur les lieux d'un crime.

« Ou sommes-nous ? »

« Sur une aire de transplanage. La victime se trouve dans le Londres moldu, nous allons devoir nous y rendre à pied ce n'est pas très loin. »

« Dans le Londres Moldu ?! Mais comment sait-on qu'elle vient de notre monde ? »

Nous commençons à avancer d'un pas rapide et je jette un œil autour de moi. Nous sommes dans une ruelle sombre et crasseuse, le genre d'endroits qui pullulent à Londres mais qui n'apparaissent jamais dans les jolies photos des brochures touristiques. Les poubelles débordent de détritus dégoulinant sur le sol déjà suintant d'immondices. Quelques personnes dorment à même le sol, sur des couvertures crasseuses ne prêtant pas attention à notre passage. Des anonymes, des oubliés, des êtres sans amis, sans famille qui laissent défiler le temps sans plus aucun espoir, attendant simplement que leur sinistre paillasse devienne leur linceul.

Je détourne les yeux de ce spectacle morbide pour écouter les explications d'Harry qui chuchote, comme s'il ne souhaitait pas gêner le repos de ces pauvres bougres.

« A la découverte du corps, c'est la police moldu qui a été envoyée sur place mais ils ont été surpris de découvrir « un bout de bois près de lui, un initié en a eu vent et nous a avertis.

« Les initiés » c'est ainsi que nous surnommons les quelques enquêteurs moldus au courant de notre existence qui sont chargés de faire la liaison entre notre monde et le leur. Je ne cache pas ma surprise, il n'est pas rare de voir les sorciers se balader dans le Londres moldu à la recherche d'objets insolites, ou encore de voir les petites frappes commettrent quelques menus larcins abusant de la crédulité des moldus. Il est pourtant indéniable que les sorciers sont très fiers de leur condition, nourrissant pour la plupart un profond mépris pour les sans magie, même le pire des assassins ne s'abaisserait pas à commettre un crime en dehors du monde sorcier.

« Je sais ce que tu penses Ron, je trouve cela étonnant moi aussi, nous en saurons plus une fois sur place. »

« Où va-t-on ? »

« A l'ancienne station de pompage de Abbey Mills. »

« Connais pas. »

« C'est la première station d'épuration construite à Londres, elle a été faite à l'époque de l'épidémie de choléras parce que les médecins pensaient que le virus se propageait par les eaux souillées. Aujourd'hui bien sûr elle ne fonctionne plus mais la bâtisse bien qu'en ruine n'a jamais été démolie. »

Il a récité tout cela d'une traite, je le regarde incrédule mais aussi quelque peu amusé par sa tirade fort scolaire.

« Vieux, il va falloir te ressaisir, tu me fais penser à Hermione ! »

Il sourit tendrement à l'évocation de notre meilleure amie de qui, en ce qui le concerne, il a toujours été proche.

« Tu ne crois pas si bien dire ! Je suis passé au Ministère avant de venir te chercher pour récupérer l'ordre de mission et je l'ai croisée dans les couloirs. Je commence d'ailleurs à me demander si elle ne vit pas dans son bureau, bref je lui ai dit où nous allions et elle n'a pas pu s'empêcher de me faire un petit cours sur l'histoire du lieu. »

Je ressens un pincement au cœur familier à l'évocation d'Hermione. Je l'imagine sans problème, chuchoter ses explications d'un ton à la fois professoral et enjoué, fière de son savoir mais pas orgueilleuse non plus. Harry doit sentir mon trouble puisqu'il ajoute avec malice :

« Donc rassures-toi, je ne suis pas subitement devenu cultivé ! »

« Je me disais aussi… »

« Figure-toi que Blaise trouve mon inculture mignonne et rafraîchissante ! »

« Je crois surtout qu'il serait prêt à dire n'importe quoi pour te mettre dans son lit. »

« Ron tu sais pour me mettre dans son lit, il n'a pas vraiment besoin de parler… »

« Harry, ferme-là par pitié ! Mon estomac se remet à peine du voyage ! »

Nous pouffons de concert à ma boutade. Harry et Blaise forment un couple depuis trois ans déjà. Après la guerre, Harry s'est enfoncé dans une mélancolie silencieuse dont ni moi, ni Hermione et encore moins Ginny n'avons pu le sortir. Il portait sur ses épaules le poids d'une culpabilité bien trop lourde, bien trop oppressante, se noyant lentement dans les remords, sombrant dans une apathie inquiétante. Il se flagellait constamment, s'accusant des nombreuses morts qu'avait causées la guerre, ne sortant plus du Terrier, s'imposant continuellement la vision des visages ravagés par le chagrin de mes parents, la tristesse inaltérable de Georges.

Puis un jour, par un pur hasard alors que je l'avais traîné presque de force sur le chemin de traverse dans l'espoir de lui changer les idées, nous avons croisé Blaise Zabini. Il nous avait maintes fois aidés durant la guerre, pourtant nous ne l'avions plus vu depuis, la vie nous ayant emportés dans son tourbillon. Le revoir semblait faire plaisir à Harry, trop heureux de voir mon ami sourire à nouveau, j'ai proposé à Blaise de se joindre à nous. Involontairement, je fus l'instigateur de leur histoire et je ne l'ai jamais regretté depuis.

Ils se sont revus de nombreuses fois , contre toute attente et alors que nous avions perdu tout espoir, mon meilleur ami a retrouvé le sourire, redevenant lui-même chaque jour un peu plus. Là encore, rien ne fut simple. J'ai dû accepter de voir Harry briser le cœur de ma sœur, renoncer à ce rêve que je nourrissais depuis tant d'années de le voir un jour devenir légalement un membre de ma famille. Puis j'ai fini par comprendre qu'il serait toujours mon frère, pas parce qu'il épouserait ma sœur mais simplement parce que je l'avais choisi comme tel depuis bien des années.

Je suis coupé brutalement de mes pensées alors que dans la brume nocturne, je vois se dessiner les contours de Abbey Mills. Telle une citadelle imprenable, elle émerge majestueuse et effrayante dans la nuit noire. Des voitures stationnent déjà devant l'entrée. A notre arrivée, nous sommes accueillis par une jeune recrue au teint blafard et maladif.

« Vous devez être Monsieur Potter et Monsieur Weasley, je vous attendais pour vous indiquer l'endroit exact. »

Il semble secoué de haut-le-cœur, son front est recouvert de sueur et ses mains tremblantes nous montrent du doigt la station de pompage plongée dans les ténèbres. Harry regarde le sombre édifice avec appréhension, il semble évident que nous allons trouver dedans quelque chose d'horrible, l'attitude anxieuse de l'officier ne fait que conforter cette impression. Je décide de prendre la parole pour dissiper le malaise ambiant.

« Bien, vous venez avec nous ? »

Il me regarde effaré comme si je venais de proférer la pire des obscénités.

« Monsieur, sans vouloir vous offenser je ne retournerai pas là-dedans même pour un million ! »

Il a l'air sincèrement effrayé, son jeune âge me laisse à penser qu'il a intégré la police il y a peu de temps et que c'est bien la première fois qu'il est confronté à une telle situation. Harry et moi échangeons un regard entendu, inutile de prolonger le calvaire de ce pauvre garçon, sa présence avec nous n'est pas nécessaire. Harry dans un élan de sollicitude lui tape amicalement l'épaule.

« Nous allons y aller seuls. Vous nous attendez ici et surtout ne laissez personne entrer avant que nous soyons ressortis d'accord ? »

« Bien sûr Monsieur. »

Après un dernier regard, Harry et moi nous dirigeons vers la porte d'entrée étonnamment travaillée pour un édifice destiné au traitement des eaux. Elle grince sur ses gonds lorsque nous la poussons, à peine l'avons-nous entrouverte qu'une puissante odeur de décomposition nous frappe de plein fouet. Difficile de dire si celle-ci est due à l'eau croupie ou à autre chose mais elle n'augure rien de bon. J'inhale profondément, une dernière fois l'air frais de la nuit avant de pénétrer à l'intérieur me laissant engloutir par l'obscurité.

Hermione

Je déambule silencieusement dans le labyrinthe sombre que forme le dédale sans fin des couloirs du Ministère. Je dois transplaner au plus vite sur la scène de crime que dirige Harry afin de superviser leur travail et si possible leur venir en aide. C'est mon métier, je suis consultante pour le Ministère, j'aide les aurors pour les recherches théoriques, je fais aussi la liaison entre nos deux mondes quand, comme aujourd'hui, quelqu'un de l'univers sorcier se retrouve chez les moldus.

Kingsley est venu me trouver directement à mon bureau, ne prenant même pas la peine de passer par mon appartement. Depuis le temps, il ne trouve plus surprenant de me trouver dans mon bureau au beau milieu de la nuit.

Je ne peux pas le lui reprocher, mon absence de vie personnelle n'est un secret pour personne ici, à dire vrai je dors parfois dans mon bureau sur un sofa que je dissimule derrière un paravent. Si les anciens de Poudlard savaient cela, ils seraient sans doute pliés de rire mais pas véritablement surpris, mon goût des recherches est toujours aussi vivace.

Désormais, ce ne sont plus les murs de la bibliothèque de Poudlard que je hante de ma présence mais ceux de la somptueuse bibliothèque du Ministère.

J'arrive dans le hall d'entrée, à la lumière tamisée des chandeliers, le marbre rutilant prend de chaudes couleurs ambrées. Un bruit à côté de moi me fait sursauter avant que je ne vois surgir Blaise d'une cheminée.

Comme toujours, il est impeccable, frais et dispos malgré l'heure plus que matinale. Je passe la main dans mes cheveux rendus plus hirsutes qu'à l'habitude par ma nuit sans sommeil, j'essaie de ne pas penser à mon tailleur horriblement froissé pour la même raison.

« Hermione !! Comment vas-tu ? »

Blaise m'embrasse chaleureusement la joue avant de me scruter intensément puis de secouer la tête à la vue de ma tenue plus que négligée, s'abstenant malgré tout d'un commentaire.

« Je vais bien. Tu m'as fait peur, je ne m'attendais pas à voir quelqu'un à cette heure-ci. »

« Oh, eh bien étant donné que Kingsley a réveillé Harry sans ménagement il y a une heure, je me suis dit que moi aussi je finirais par être tiré du lit, donc autant venir de suite et être disponible. Tu as le temps de prendre un café ? »

Je dois résister à l'envie de répondre par l'affirmative, le manque de sommeil commence à se faire sentir et un café noir m'aurait fait le plus grand bien, sans compter que Blaise est de très agréable compagnie.

« Hélas non je ne peux pas. Je dois rejoindre Harry, ordre de Kingsley. »

J'effectue un petit salut militaire me moquant gentiment de l'autorité de notre supérieur.

« Bien je pense que je te reverrais dans la journée mais dans le doute, as-tu quelque chose de prévu ce soir ? »

Je secoue la tête avec un sourire triste.

« Tu sais bien que non Blaise. Je n'ai jamais rien de prévu le soir à part me plonger dans mes dossiers. »

« Eh bien ce soir tu es prise, tu viens manger à la maison, il y aura Draco aussi et peut être des collègues de travail de Harry. »

« Des collègues de travail ? »

Je le regarde quelque peu méfiante. Il faut dire que depuis quelque temps une étrange malédiction pèse sur moi, à chaque repas chez eux, je me retrouve placée à côté d'un collègue de boulot soit stupide, soit barbant ou quand j'ai vraiment de la chance les deux à la fois. Bien sûr lorsqu'après maints subterfuges j'arrive à m'en débarrasser Blaise ou Harry me rejoignent pour me vanter les mérites de leur nouveau copain. Autant dire que maintenant je suis sur mes gardes, ces petites soirées me donnent l'impression d'être la vieille fille de la bande qu'il faut absolument caser.

Blaise me sourit gentiment, je sais que ces petites manigances sont essentiellement l'idée de Harry.

« Ne t'inquiète pas ma belle, pas de compagnon de table rasoir avec des poils dans le nez pour toi ce soir, juste une petite soirée entre amis ! »

Je souris à ces mots, petit souvenir d'un de ces fameux dîners où je me suis retrouvée à côté d'un homme à la pilosité si importante que j'ai envisagé un moment de lui jeter un sort d'épilation que m'avait appris Fleur.

« D''accord je viendrai avec plaisir. Je file, je ne suis pas en avance ! »

Il hoche la tête avec un sourire avant de disparaître dans les couloirs sombres.

Je transplane rapidement sur l'aire de transplanage où m'attend déjà un jeune homme que je reconnais comme un auror stagiaire qui semble d'ailleurs sur le point de s'endormir appuyer contre un mur sale avant de sursauter et de se redresser à ma vue.

« Miss Granger. Je vous attendais, j'ai reçu l'ordre de l'auror Potter de vous escorter jusqu'à la scène de crime. »

Je souris, Harry est souvent très protecteur et je ne suis pas étonnée qu'il m'envoie une escorte, il ne doit pas vouloir que j'erre seule dans les rues mal famées de Londres. Je plisse le nez face à l'odeur d'ordures et d'excréments que dégage la ruelle sans doute amplifiée par la chaleur irrespirable qui nous entoure. L'auror près de moi presse le pas, sans doute pour sortir au plus vite de l'atmosphère nauséabonde, m'obligeant à trottiner ridiculement à côté de lui.

Nous arrivons rapidement aux abords de la station de pompage. Au loin, j'aperçois une faible lumière tressauter dans la nuit. En approchant, je me rends compte que ce n'est rien d'autre qu'une lampe torche qu'un officier de police tient entre ses mains tremblantes.

« Qui est là ? Je vous préviens, je suis armé ! »

Sa voix qu'il souhaite sans doute ferme est faible et apeurée. Je m'avance calmement devant lui ne souhaitant pas l'alarmer encore plus et je lui tends la main avec un sourire.

« Hermione Granger. Je suis là pour seconder le travail de Monsieur Potter. »

Ses traits se détendent instantanément, il soupire de soulagement avant de saisir ma main de la sienne chaude et moite et je retiens une grimace à cette sensation quelque peu visqueuse.

« Bonjour Mademoiselle. Monsieur Potter et Monsieur Weasley sont à l'intérieur depuis un petit moment. Ils m'ont dit d'attendre ici et de ne laisser personne entrer. »

Mon cœur rate un battement à l'entente du nom de Ron. Je me demande quand est-ce que je n'aurais plus cette douleur diffuse dans mon ventre chaque fois que j'entends parler de lui. Je ne savais pas qu'il serait présent, il m'arrive souvent de collaborer avec Harry mais même si Ron est lui aussi chargé de l'enquête, il s'arrange toujours pour ne pas avoir à faire avec moi.

A coup sûr, Harry ne l'a pas informé que je serais présente, tout comme il n'a pas jugé bon de m'informer de sa présence. Harry fut le témoin de notre seule et unique étreinte et de l'éloignement qui en a découlé.

Il a tenté plusieurs fois d'en parler avec moi, mais j'ai toujours refusé d'aborder le sujet. Ron est un sujet bien trop douloureux, je ne m'autorise à y penser que lorsque je suis seule.

Je souris à l'officier.

« Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas l'intention d'entrer. Je vais attendre ici qu'ils aient fini. »

Puis le cœur battant plus fort qu'à l'habitude, je m'assoie sur les marches de la station. Je ne peux réprimer un frisson à l'idée qu'ils sont à l'intérieur sans doute face à une découverte des plus macabres.

Harry

A l'intérieur, l'air est irrespirable, je sens mes poumons se contracter comme s'ils cherchaient à inhaler le moins possible cet air vicié, cette puanteur si forte qu'elle en est presque palpable.

A la lumière de ma baguette, j'aperçois les murs délabrés, fissurés, moisis, des cohortes de rats s'enfuient en couinant lorsque le rayon de lumière les effleure. Je sens ma transpiration me dégouliner le long du dos, des gouttes de sueurs brûlantes me tombent dans les yeux.

L'humidité suinte de chaque mur, visiblement l'endroit doit parfois servir d'abri à certains, des détritus jonchent le sol, parfois de vieux sacs de couchage égarés dans un coin roulés en boule, figés par la crasse.

Si j'étais de ceux qui croient à ce genre de chose, je pourrais dire que nous sommes dans l'antichambre de l'enfer. Comme si une fois passée la porte de cette bâtisse putride, tout espoir de retour était mort.

A côté de moi, Ron, silencieux et tendu, scrute l'obscurité avec intensité, je ne sais pas s'il ressent le même malaise que moi mais si tel est le cas cela reste imperceptible. Impassible, il avance lentement, suivant les balises que nous ont laissées les enquêteurs de police déjà passés par-là.

Je sais que déjà il s'imprègne des lieux, cherchant déjà à comprendre pourquoi l'auteur du crime a choisi cet endroit infâme pour dérouler ensuite le fil rouge de son comportement. Mettant déjà en place quelques pièces du puzzle de l'esprit dérangé de la personne que nous allons bientôt devoir traquer.

Nous arrivons près de la victime dont je ne distingue que la forme encore plongée dans le noir. Comme toujours, mes entrailles se nouent et cela malgré la grande expérience que je possède. Se confronter à la mort n'est jamais facile, côtoyer tous les jours des cadavres me rappelle à quel point notre vie ne tient qu'à un fil et à quel point nous sommes faillibles. A ces moments, je ne peux m'empêcher de penser aux gens que j'aime. Comment pourrais-je vivre si Blaise m'était arraché d'une façon aussi cruelle ? Comment continuer à croire en l'espèce humaine quand on sait pertinemment que le plus grand prédateur de l'homme n'est autre que lui-même ?

Je ne peux retenir un hoquet de surprise lorsque j'éclaire le corps de cette malheureuse de ma baguette. La vision de cette horreur s'imprime avec difficulté dans ma rétine, mes yeux refusant de voir ce massacre.

La victime est une jeune fille, sans doute à peine plus âgée que nous, allongée sur le sol, ses cheveux s'étalent autour d'elle en corolle. Avec horreur, je m'aperçois qu'ils sont raidis par le sang dont ils semblent être imbibés. Son corps est littéralement charcuté, recouvert de plaies béantes, ensanglantées. Aucune partie d'elle ne semble avoir été épargnées, elle semble avoir saigné abondamment ce qui me laisse à penser qu'elle était vivante quand on lui a infligé toutes ces blessures.

Je remonte lentement le faisceau de lumière le long de son corps nu, impudiquement exposé à nos yeux. Passant d'abord par ses jambes déchiquetées, couvertes d'hématomes à la couleur sombre. Sciemment, j'évite d'éclairer la partie qui entoure son sexe cherchant à lui offrir un dernier instant de dignité. Confusément, je pense qu'elle devait être très jolie de son vivant et que même la mort et la souillure que lui a infligé son bourreau n'a pas pu éradiquer complètement sa beauté.

Je remonte sur son torse couvert de lacération et ce qui me semble être des traces de brûlures.

Soudain, j'entends Ron dire d'une voix étouffée.

« Merlin Harry ! Regarde ses bras ! »

Son ton horrifié me met immédiatement sur mes gardes et c'est presque tremblant que je dirige mon lumos sur ses bras.

La stupéfaction me coupe le souffle, je sens une puissante vague de nausée m'envahir, le goût âcre de ma bile envahit ma bouche.

Ses avant-bras ont disparu, à la place il ne reste que deux trous béants, on lui a coupé les bras jusqu'au coude. Je suis figé, incapable de bouger ou d'émettre le moindre son.

Mais le pire reste son visage. Ses yeux fixes et vides sont encore empreints de la terreur presque inhumaine qu'elle a dû ressentir. Ses lèvres sont retroussées en un rictus sordide, les traits marqués par une horreur sans nom, vestiges inaltérables de ses derniers moments. L'expression d'une souffrance telle que même la mort n'a pas voulu la prendre avec elle, les traces de son martyre étant sans doute trop lourdes à charrier dans les limbes.

Comme si cette jeune fille, encore anonyme, avait choisi de laisser derrière elle cette douleur bien trop puissante, préférant la laisser marquer ses traits à tout jamais.

Ron est penché sur elle, scrutant son regard comme dans l'espoir d'y trouver des réponses avant de soupirer tristement et de lui fermer les yeux avec douceur.

Lorsqu'il se relève, je vois son regard tourmenté et je sais qu'il est le reflet du mien, nous ne parlons pas, les paroles sont vaines face au calvaire de la supplicié qui repose sur le sol.

Puis, je le vois se pencher en avant, sondant le sol à l'aide de sa baguette.

« Harry, regarde autour d'elle. »

Je constate que la victime repose au centre de ce qui semble être un pentacle dont je ne connais pas la signification n'étant pas érudit en matière de symboles. Il semble avoir été tracé à la craie autour de son corps, non pas grossièrement mais avec grand soin.

Ron murmure un sort pour reproduire le funeste dessin sur une feuille de papier pendant que je ramasse sa baguette magique qui nous permettra de découvrir l'identité de la victime rendant plus concrète encore sa souffrance parce qu'elle portera son nom.

« Viens Ron sortons d'ici, nous ne pouvons rien faire de plus. Le corps va être transporté au quartier des aurors nous devrons attendre l'expertise de Blaise pour en savoir plus. »

Il acquiesce les sourcils froncés, je sais que déjà il se tourmente, qu'il plonge à présent dans tout ce que notre monde peut avoir de malsain.

Lentement, abattus, nous nous enfonçons à nouveau dans l'obscurité le poids de l'horreur et de la folie pesant sur nos épaules comme une chape de plomb.