Love don't die
Quand il s'agissait de définir l'amour, même les anges ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur une définition. La seule chose qu'ils admettaient de concert était qu'il s'agissait de quelque chose de bien trop grand pour être compréhensible dans sa totalité.
Aux yeux de Gabriel, l'amour était davantage une énergie consciente d'elle-même qu'autre chose.
L'amour poussait au monstrueux comme au sublime. Puisqu'il motivait ainsi les êtres, il s'agissait donc d'une énergie. D'ailleurs, ne se sentait-on pas dans une forme éblouissante lorsqu'on était amoureux ?
Comme toutes les énergies, l'amour pouvait se transformer. L'amour pouvait se convertir en haine, comme cela avait été le cas pour Michel et Lucifer.
Gabriel n'avait jamais été très doué pour transformer l'amour en un autre sentiment. Même après tout ce qu'avait fait Lucifer, il avait été incapable de cesser de l'aimer. Il espérait toujours que cet amour se dissiperait, mais il savait que c'était impossible.
L'énergie ne disparaissait pas. Elle trouvait toujours à se reconvertir, sous une forme ou une autre.
Quand l'amour ne se transformait, il trouvait toujours un moyen de revenir. Surtout s'il était fort et profond.
Tant de gens ignoraient être les porteurs d'un amour encore plus vieux qu'eux.
S'il avait voulu, Gabriel aurait pu transférer sa capacité d'aimer. Il ne l'avait jamais fait. Pour quelle raison aurait-il confié ce qu'il ressentait envers sa famille céleste à un parfait inconnu ?
Et puis, l'Apocalypse était venue.
Et puis les Winchester l'avaient démasqué.
Et puis il avait retrouvé Castiel.
Castiel avait beau avoir grandi depuis tous ces millénaires, aux yeux de son grand frère, il était toujours aussi petit. Et il était si déplacé parmi les humains. Si différent, comme un oiseau tombé parmi les souris. Comment celui qui sait voler peut-il penser comme celui qui est cloué au sol ?
Son petit oiseau aux ailes brisées, son bébé qu'il n'avait pas su protéger… Il aurait tant voulu pouvoir rattraper le coup.
Mais Castiel réussissait à transformer l'amour, au contraire de son frère aîné. Et l'amour qu'il avait jadis voué à Gabriel s'était transformé en amertume – pourquoi être parti ? Pourquoi avoir fui tes responsabilités ?
Peut-être, l'amour aurait-il pu ressurgir, avec le temps… Mais il n'y avait plus le temps.
Le temps avait été perdu ce soir dans l'hôtel des dieux païens.
Ce soir, Gabriel avait pratiqué le sortilège qu'il n'avait jamais pratiqué.
Il lui avait suffi de donner le CD porno à Dean – au travers du CD, il avait réussi à faire couler l'énergie.
Il ne pouvait plus aimer Castiel. Il n'avait plus le temps. Mais Dean l'aurait, le temps. Il aurait toute une vie pour veiller sur l'ange déchu.
Gabriel voulait seulement être sûr qu'il le ferait.
Alors il lui avait transféré son amour pour Castiel.
« Prends-en soin comme de ta propre vie. »
A cet instant, ce n'était pas du CD qu'il parlait.
L'amour se transformerait, bien sûr, passé au filtre de l'existence de Dean Winchester. Ce ne serait plus l'amour d'un gardien pour son protégé, mais celui d'un ami pour son meilleur ami, celui d'un humain pour un être qu'il avait adopté dans sa famille.
Mais ce serait toujours de l'amour. L'amour de Gabriel au travers du premier-né de John Winchester.
A Dean d'être le Messager, maintenant. Le flambeau avait été transmis.
L'amour ne mourait pas. Il se réincarnait.
