Bonjour, bonsoir !
Voici un petit OC que j'ai écris sur une playlist douteuse remplie de musique des années 80. J'espère que ça vous plaira.
Je veux juste remercier Moira-Chan qui m'a corrigé (love sur toi)
Il s'était toujours forcé.
Petit, on le laissait découvrir le monde, personne ne lui disait rien. À quatre ans, ce n'était pas grave si un petit garçon tenait la main d'un autre petit garçon. Ce n'était pas grave non plus qu'ils se fassent des câlins. Et personne ne trouvait étrange qu'un petit garçon préfère être avec d'autres petits garçons. Sauf qu'au bout d'un certain âge, on attendait d'un petit garçon qu'il s'intéresse aux petites filles. Et c'était à ce moment qu'on acceptait des comportements abusifs et sexistes, puisqu'on mettait cela sur le compte de l'innocence enfantine.
Mais Shouta ne s'était jamais intéressé aux petites filles. Il les trouvait bruyantes et ne supportait pas de les voir se forcer à faire comme les grandes. Les garçons lui semblaient beaucoup plus libres, et il préférait cet aspect plus naturel de leur comportement.
Malheureusement, ses parents n'avaient pas aimé le jour où il était venu les voir en leur disant qu'il avait un petit copain, et pas une petite copine comme ils devaient l'espérer. Ils l'avaient immédiatement changé d'école, en accusant la trop mauvaise éducation qu'il avait reçu. Et il avait été humilié à la maison, très régulièrement, pour lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas aimer les autres garçons. Que ce n'était pas naturel, que c'était une maladie. Le temps avait passé, ensuite, mais il n'arrivait toujours pas à aimer les filles, pas plus qu'être ami avec elles. Chaque contact, chaque avance ne faisait que le mettre mal à l'aise.C'était presque du dégout, quand bien même la fille pouvait être amicale et gentille.
Sauf qu'il avait cette idée stupide en tête qui lui disait qu'il ne fallait pas décevoir Papa et Maman. Et Papa et Maman voulaient le voir devenir avocat, ou médecin, avec une charmante petite femme catholique, blonde au mieux. Il n'avait pas aimé ses études, mais il s'était forcé à avoir son diplôme en droit. Il avait fait la rencontre Vanessa, une belle blonde populaire, pas trop conne, qui présentait bien. C'était la femme parfaite que recherchaient ses parents. C'est donc celle qu'il avait invitée à boire un verre, qu'il avait présentée à ses parents un dimanche matin. Ils avaient emménagé ensemble. Lui avait fini dans les affaires, plus ou moins, reprenant boîte d'un oncle lointain. Ses compétences en droit étaient attendues presque depuis sa naissance.
Ça pouvait se gérer. Il n'aimait pas son boulot. Il n'aimait pas son appartement. Il supportait à peine sa compagne. Il avait voulu négocier pour avoir un chat. Mais un chat, ce n'était pas assez bien pour l'image, et puis Vanessa était allergique. Alors ils avaient pris un chien. Un de ces petits clébards insupportables qui aboient pour un rien. Le pire de tout devait être le soir de coït, où il devait prendre une certaine dose de viagra pour faire un minimum semblant d'être excité par ce corps qui n'avait pour lui aucune sensualité.
Et c'est un dimanche matin qu'il avait compris qu'il se forçait bien au-delà de ses propres envies. Sa mère et Vanessa avaient convenu d'un mariage, bien évidemment sans lui en parler avant, et il se retrouvait avec une cérémonie à tenir dans trois mois. C'était un cauchemar car cela signifiait qu'il allait devoir se forcer le reste de son existence. Non. Non, non, non. Ce n'était pas jouable de cette manière. Il ne pouvait se dire qu'il allait passer sa vie avec Vanessa alors qu'il se noyait déjà dans le travail pour passer un minimum de temps avec elle. Et imaginer ça pour le reste de ses années, c'était tout bonnement impossible.
À partir de ce jour, il avait donc cherché tous les moyens possibles et imaginables pour la quitter, sans que cela ne paraisse trop louche. Il avait tout de même un certain honneur qui l'empêchait de tromper la personne avec qui il était. Alors il s'était mis à chercher dans les téléphones et les boites mail pour trouver un potentiel amant, une dérive de Vanessa, un tort suffisamment gros à lui reprocher. Mais rien n'était venu. Il était dans une affreuse impasse. Tous les jours, sa "future épouse" lui parlait de la cérémonie, des préparatifs, des invités. Et il devait tout retenir sans que ça lui retombe dessus, notamment par le biais de ses parents. Il stressait de plus en plus, même son travail commençait à doucement en pâtir. Il s'épuisait de plus en plus.
Jusqu'au soir où il craqua.
Il avait déjà un peu bu, et il hurla. Des accusations sans queue ni tête, des insultes en tout genre et de toutes époques. Et il eut pour seule réponse : " Va te calmer dehors, et reviens quand tu auras dessaoulé. On doit parler de ton costume."
Elle ne le quitta pas. Il venait de la traiter comme la pire des créatures, et elle lui parlait encore du mariage. Il était désespéré. Suffisamment désespéré pour aller dans un des endroits qu'il détestait le plus au monde. Un bar, avec une piste de danse et un matos de karaoké. Des gens bourrés qui parlaient ou chantaient fort. Mais il avait besoin de boire, un peu plus. Ce n'était clairement pas ce qu'il fallait faire, mais il avait besoin de se laisser aller. D'oublier peut-être pour une nuit. C'est pour ça qu'il se retrouva, ce soir-là, au comptoir d'un bar au nom aussi ridicule que son propriétaire, le MacumbaNight. Il s'était mis dans un coin, un peu dans la pénombre, et depuis il envoyait chier toute personne qui tentait un contact de type social avec lui. Ce n'était pas trop agité pour un 21h de samedi soir. Peut-être que le nom du bar était déjà trop ringard pour pouvoir attirer qui que ce soit de plus que les quelques personnes déjà présentes. Il avait donc prévu de se saouler plus que jamais jusqu'au petit matin, pour ensuite espérer trouver une solution à ses problèmes. Enfin, ça, c'était jusqu'à entendre l'une des voix les plus fausses du monde chanter l'une des musiques le plus niaises du monde, une chanson d'amour perdu, parsemée ça-et-là de reniflements bruyants. Il se tourna, cherchant qui était la cause de cette horreur, et aperçut au karaoké un blond aux cheveux particulièrement longs, en train de cracher sa peine dans un micro de mauvaise qualité. Le type devait vivre une rupture amoureuse.
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Et il n'avait pas faux, car Hizashi avait vécu quelques heures plus tôt une des pires déchirures sentimentales de son existence. Ce n'était pourtant pas son genre, bien au contraire. Il était connu pour être un grand tombeur depuis le lycée, enchaînant les relations amoureuses sans lendemain. Il était populaire, il avait une voix en or, un talent inné pour la musique, et une immense incapacité à rester fidèle à qui que ce soit. C'était un jeune homme épris de liberté et de désir, qui ne se refusait jamais rien. Il avait même essayé de se mettre en couple avec deux personnes distinctes, en accord. Sauf qu'il n'avait pas fallu plus d'une semaine pour qu'il les trompe toutes les deux. Que pouvait-il y faire ? C'était plus fort que lui. Quand il avait, c'était ce qu'il n'avait pas qui l'intéressait.
Pourtant, il s'était offusqué le jour où un de ses nombreux petits amis l'avait quitté pour aller avec quelqu'un d'autre. On l'avait trompé, lui qui était pourtant si désirable. Cela lui était toujours resté en travers de la gorge sans qu'une seule seconde il ne se remette en question. C'était de loin son plus gros problème, il ne se remettait en question que rarement et seulement sur des détails futiles. Il aimait bien trop se savoir aimé pour se rendre compte de ses propres défauts. Tant qu'on l'aimait, cela n'avait pas d'importance. Cela lui était déjà arrivé de se faire insulter, parce que trop libertin, parce que trop salaud, parce que trop gay. Ce à quoi il riait bien ouvertement avant de réussir à sortir avec ses attaquants. Cela devait être le plus satisfaisant, d'ailleurs, de parvenir à briser les convictions hétérocentriques des personnes. Il n'était non plus un monstre absolu, et la plupart du temps de bons contacts avec ses ex. Et c'était plutôt une bonne chose.
Un jour, il avait essayé d'être fidèle. Enfin, il s'était forcé à ne rester avec qu'une seule personne sans aller voir ailleurs d'aucune façon. Et en moins de trois jours il avait accumulé un taux de frustration et d'ennui phénoménal. Non, ce n'était clairement pas fait pour lui, alors il était revenu à sa manière de faire bien à lui, et il avait enchaîné douze relations en une semaine. À force, il était devenu impossible pour lui d'aller dans un lieu sans y croiser un ou une ex.
Puis il l'avait rencontrée.
Bon dieu ce qu'elle était belle. La plus belle femme qu'il n'ait jamais vue. Une belle brune aux boucles délicates qui dévalaient son dos, encadrant un visage angélique décoré de saphir en guise de regard. Il avait immédiatement quitté son copain actuel pour partir en chasse de cette créature aux allures parfaites. Il lui avait écrit des chansons d'amour niaises, des poèmes à rallonge jusqu'à gagner un rencard. Il avait même mis le paquet pour la conquérir et il avait eu une sorte de révélation : s'il la gagnait, il ne voudrait plus qu'elle et personne d'autre. Cela impliquait beaucoup de choses pour lui, pourtant il était tellement sous son charme qu'il était prêt à tous les sacrifices. Et un autre de ses défauts l'avait bien vite rattrapé : il voulait tout, tout de suite. Il détestait devoir attendre.
C'est pour ça que, le lendemain de la nuit où il avait eu le plaisir de goûter sa chair, il était parti dans une bijouterie et avait dégoté on ne sait comment un anneau serti de pierres brillantes, avec gravé à l'intérieur " Hizashi x Hana 4ever" . Il avait réservé dans un restaurant la table la mieux placée, prévu un cinéma et même une fin de soirée allongés dans l'herbe sous une pluie d'étoiles pour le faire sous le ciel de la nuit une fois qu'elle lui aurait dit le grand oui. Tout lui semblait parfait, et il n'y avait aucune raison que cela se passe mal.
Excepté le fait qu'il n'était avec Hana que depuis deux jours, qu'ils se connaissaient depuis cinq, et qu'aux yeux de l'amour de sa vie Hizashi n'était qu'un coup d'un soir bien sympathique à revoir de temps en temps quand le manque se faisait sentir. Alors quand il avait sorti la bague et qu'elle était partie presque immédiatement en le traitant de cinglé, il avait senti comme une douleur vive en lui. Elle était la première personne avec qui il était prêt à tout faire, prêt à sacrifier sa propre personnalité pour lui plaire. Et tout ce qu'il avait eu, c'était cette horrible sensation de voir son cœur se faire écraser sous une paire de talons hauts bien aiguisés pour l'occasion.
C'était la première fois qu'il ressentait un truc aussi affreux. Et c'était aussi la première fois qu'il se rendait avec l'air aussi désespéré dans son bar favori, le MacumbaNight, pour s'y bourrer la gueule en larmes, demandant à qui voulait bien l'entendre pourquoi l'amour de sa vie lui avait refusé la promesse sacrée. Son seul moyen de tenter de se sentir moins était normalement de faire la fête, mais dans le cas présent, l'espace karaoké suffirait largement.
Ainsi la qualité de sa voix, ainsi que celle des chansons qu'il choisissait, se dégradait de plus en plus. Et son taux d'alcool dans le sang grimpait en flèche. Il ne s'apercevait pas qu'il commençait à déranger même les clients les plus résistants. Un en particulier auquel il n'avait porté aucune attention jusque là, alors qu'il était nouveau. Un brun qui finit par lui lancer un verre, en plastique mais quand même, en plein visage en lui hurlant de la fermer.
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Non mais, c'est que ça commençait à bien faire. Ce type était ridicule et il chantait terriblement faux. Oui, Shouta était désespéré, mais pas au point de supporter un tel vacarme inhumain. Ça serait con, si en plus du reste il devenait sourd.
Le blond se stoppa presque immédiatement, et il se mit à le fixer. Ce mec avait un regard très particulier, accrocheur. Des yeux d'un vert hypnotique et qu'il pouvait voir malgré l'ambiance tamisée du bar. S'il n'avait pas été ivre, peut-être qu'il aurait continué de l'insulter, mais il se contenta de le fixer en silence. En y repensant, il était un mélange entre le stéréotype que ses parents lui avaient imaginé, et ses véritables envies. Il était blond, après tout. Il se leva de sa chaise un peu comme il put et s'approcha en même temps que le blond descendait de la scène du karaoké pour qu'ils se retrouvent tous deux nez à nez. Il aurait pu se plaindre de l'odeur immonde d'alcool qui avait imprégné autant son corps que le sien. Mais pour le moment, il se contenta de détailler l'iris de ce parfait inconnu, qui avait encore sur le visage des restes de larmes et de morve qu'il essayait d'essuyer.
Sur le reste, il n'était pas vraiment sûr de ce qu'il avait fait. Enfin, si, dans les grandes lignes. Il avait agrippé le col du blond et l'avait embrassé comme il n'avait jamais embrassé personne. Il avait foutu toutes ses frustrations, ses peurs, ses peines, ses désirs, ses sentiments dans ce baiser. Et il avait senti une réponse très vite, de la détresse, de l'angoisse, de l'envie, de la passion qui avait augmenté sa chaleur corporelle bien plus vite que l'alcool. Puis ils s'étaient tous deux pressés dans un hôtel au nom qui lui échappait totalement, les mains liées, les lèvres brusquées tout autant. Après ça, c'est surtout son corps qui se souvenait des sensations des baisers bouillants et des gestes presque paranoïaques à l'idée que le corps tenu ne disparaisse. Il avait pleuré, il pense que le blond aussi. Ils s'étaient tournés et retournés sans arrêt, à croire qu'aucun d'eux ne pouvait se résoudre à s'arrêter. Parfois c'était tendre, parfois c'était désespéré, parfois c'était sauvage. Tout lui convenait. Parce que bordel, c'était la première fois qu'il se sentait lui. Comme si le masque qu'il s'était vissé sur le visage se fissurait enfin à force d'orage et de pluie battante.
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Son ange d'amour avait disparu bien vite quand Hizashi avait commencé cette valse sulfureuse avec ce brun au regard si fatigué. D'habitude, il appréciait ses moments de drague, il aimait prendre son temps avant de passer à l'acte. Là, c'était presque primitif comme besoin quand il s'était mis à gémir, à hurler, dans le creux de ses cuisses. Il ne savait pas son nom, mais ce n'était pas important. Le plus important, c'était qu'ils ne se lâchent pas. Il avait l'impression qu'il allait mourir si ça arrivait, qu'il allait tout perdre si pendant une seconde il ne sentait plus sa peau sur la sienne. Il se sentait uni à cet homme, aimé comme jamais.
Ce n'était pourtant pas de l'amour, il le savait. On ne pouvait pas aimer quelqu'un aussi vite. Un coup de foudre peut-être. C'était un détail. Comme les griffures et les morsures qui recouvraient son corps et le sien, comme les baisers et les étreintes. Il sentit ses cheveux agrippés plus d'une fois, ses bras tirés aussi. Ils étaient devenus un même cœur qui battait durant une course folle, vers un point d'arrivée trop près. Il ne voulait pas que ça s'arrête. Il ne voulait pas perdre cette sensation que ce type qui lui paraissait renaître sous ses doigts lui donnait. Il ne voulait pas perdre ce type à qui il brisait ses chaines. Il voulait l'aimer. Il voulait qu'il l'aime. Il le voulait. Il voulait qu'il le veuille.
C'était un flow si intense de choses qui s'étaient échangées entre eux. Il avait l'impression de le connaitre depuis toujours, de l'avoir cherché depuis toujours sans le savoir jusqu'à le voir. Le final lui parut triste, mais la fatigue et l'alcool eurent vite fait de rattraper les deux hommes malgré leur course folle. Il avait le souvenir d'un dernier baiser tremblant, peut-être terrifié à l'idée qu'après cette nuit, tout s'efface, que rien ne se soit véritablement passé. Alors il attrapa sa main et la serra de toutes ses forces, quitte à se faire mal, mais il ne voulait pas, ne pouvait pas le relâcher.
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Le lendemain matin, l'alcool, quoique majoritairement évaporé, se faisait encore légèrement sentir. Les têtes tournaient, les esprits étaient brouillés, et ni l'un ni l'autre n'était trop sûr de ce qui s'était passé la veille, ou du moins quelques heures plus tôt. Pourtant, ils restèrent là, comme deux cons à se fixer sans rien dire. Après ce qu'ils avaient fait, parler n'était peut-être pas le plus important ou urgent à faire. Enfin, peut-être que si, mais cela leur semblait trop compliqué à exprimer tel quel.
Il fallait pourtant qu'ils se redressent. Et il leur fallut un effort quasi surhumain pour arriver à se relâcher la main. C'était surtout une difficulté psychologique qui s'imposait sur leurs doigts serrés. Il leur fallut ensuite remettre leurs vêtements douteux et odorants de la veille. Ils auraient bien pu prendre une douche, mais cela ne leur traversa simplement pas l'esprit. Peut-être parce que ça aurait inclus une séparation et que déjà l'ultime allait venir. C'était stupide, et les deux s'en rendaient parfaitement compte. Pourquoi cela leur semblait-il si difficile de se séparer ? Ils n'avaient même pas échangé leur nom, mais ils avaient partagé tellement plus que de simples appellations.
Finalement, à 14h38, leurs mains cédèrent lorsque chacun dut prendre une direction différente de l'autre. Jusqu'à ne plus se voir, ils se retournèrent régulièrement pour s'observer disparaître peu à peu, peut-être avec une hésitation à chaque pas à l'idée de faire demi-tour. Pourtant aucun d'eux ne le fit. Et ils eurent tous les deux un creux immense dans la poitrine, comme si l'autre était parti avec leur cœur respectif sans vraiment s'en être rendu compte.
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Hizashi passa sa journée à repenser à la soirée de la veille. Il n'arriva rien à faire d'autre, même écouter de la musique lui semblait vide de sens. Il n'aimait pas cette situation. Il voulait le revoir, peu importe le moyen. Bien sûr, il avait déjà désiré quelqu'un, mais jamais autant. Il n'avait jamais ressenti un tel manque à l'égard d'un autre être vivant. Il aurait voulu passer tellement plus de temps avec lui, pas forcément pour le sexe d'ailleurs. Il voulait juste apprendre à le connaître, savoir plein de petits détails inutiles qui le caractériseraient encore plus. Il avait des envies de souvenirs débiles et niais. Il avait envie d'une histoire avec cet homme.
Il devait faire quelque chose, il ne pouvait pas juste se dire que c'était un coup d'un soir, oubliable parmi d'autres. Non, c'était... C'était tellement plus. Il ne pouvait pas simplement y renoncer. Il voulait le retrouver. Il voulait le revoir. Encore, et espérer se réveiller chaque matin en voyant son visage en se disant que peut-être sa présence réduirait un peu ce désespoir qu'il avait lu dans ses yeux.
Le soir, il marcha jusqu'au MacumbaNight. Peut-être qu'il y serait ? Peut-être que lui aussi, il voulait le revoir ? Il l'espérait, bien plus qu'il ne pouvait se l'avouer. Lorsqu'il entra, il n'y avait pas encore grand-monde. Il n'y était pas... Peut-être pas maintenant, mais il y avait encore toute la nuit. Il s'assit au comptoir et commanda une boisson non alcoolisée. Il ne voulait pas être saoul quand il allait le revoir. Il voulait être parfaitement conscient, pour lui, pour être sûr que ce bourdonnement dans sa poitrine ne soit pas juste un fruit de l'alcool, mais plutôt un sentiment qu'il oserait surnommer amour. Il devait être patient, et pourtant il se montrait déjà nerveux.
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Shouta était terriblement nerveux. Il n'était pas sûr de savoir pourquoi, cela faisait une heure qu'il était planté devant la porte de chez lui sans esquisser le moindre mouvement. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui, c'était très clair. Il n'avait pas envie de voir sa -techniquement- fiancée non plus. S'il avait envie d'une chose, ce n'était clairement pas d'être ici à ce moment. Il devait prendre une décision maintenant.
Comment rester dans un fauteuil roulant, alors qu'on avait des jambes toutes neuves et parfaitement fonctionnelles ? Bon, la comparaison était peut-être un peu trop douteuse, mais c'était comme cela qu'il voyait les choses. Il ne voulait pas de cette vie bien rangée, créée uniquement dans le but de plaire à ses parents. Peut-être plus une vie avec ce blond... C'était précipité de penser un truc pareil, mais même si ça ne marchait pas, il voulait essayer. Parce que tout serait mieux que ce qu'il vivait actuellement. Parce qu'en une nuit, ce type au cœur lourd avait déchiré le costume mensonger qu'il portait depuis ses cinq ans. Il avait envie d'être heureux, d'être lui.
Soudain, la porte s'ouvrit. Vanessa était là et semblait surprise de le voir comme ça, comme un con planté devant la porte. Elle lui fit le reproche de ne pas être rentré de la nuit, de puer trop, de lui faire honte, qu'il devait se dépêcher parce qu'ils avaient rendez-vous, que les invitations au mariage devaient être envoyées, que-
"TA GUEULE ! Écoute bien, parce que je vais pas répéter. Je ne t'aime pas. Non, je te déteste. Tu es l'une des pires personnes qu'il m'ait été donné de rencontrer, et des enflures, j'en ai vu. Je préférerais mourir plutôt que me marier avec toi, surtout que c'est pas moi que tu veux épouser, c'est ma famille. Alors va bien baiser mon connard de père, okay ? Non, je vais pas me taire. Hier j'ai baisé avec quelqu'un d'autre. J'ai fait l'amour à un autre sans me bourrer de viagra comme avec toi. Parce que contrairement à toi, il était sexy et attirant. Donc tu peux garder l'appart, garde même mes affaires, je veux pas récupérer quoi que ce soit que tu aurais pu toucher. Je te laisse la joie d'annoncer ça à mes parents, et de leur dire d'aller bien se faire foutre de ma part."
Il aurait été du bon côté, il aurait claqué la porte. Mais faute d'effet dramatique spectaculaire, il tourna les talents et repartit, sur la mélodie des hurlements de son ex-femme. Mon dieu, il adorait déjà cette expression, "ex", car cela signifiait que c'était fini, pour toujours. Maintenant, il avait autre chose à faire. Il avait supprimé de sa vie tous ceux qui avaient cherché à la ruiner. Il aurait pu se poser plein de questions, sur ce qu'il allait faire, où il allait aller, comment ça allait se passer pour son boulot.
Mais il savait déjà où il allait aller. C'était une tentative peut-être insensée, stupide même, mais… S'il se rendait à ce bar de la veille à l'appellation douteuse, peut-être qu'il le croiserait ? Après tout, il avait un cœur à lui rendre. Il se sentait terriblement con d'avoir une telle pensée, et surtout d'en sourire. Merde, c'était encore un peu bizarre pour lui, il n'avait pas l'habitude de penser d'une manière plus à lui. Simplement parce qu'il n'avait pas été lui-même depuis, quoi, près de 27 ans ? Mais il avait envie de voir ce type, pour savoir qui c'était au moins. S'il pouvait espérer quelque chose, ou s'il avait juste servi de pansement.
Alors il se présenta devant le bâtiment, et il resta dix bonnes minutes à fixer l'enseigne du MacumbaNight qui clignotait dans le début de la nuit. Pour un dimanche, il y avait pas mal de monde, et cela s'expliqua rapidement par la présence d'une télévision et d'un match quelconque. Ça allait fait du bruit. Putain, c'était pas comme la veille, là il était parfaitement sobre, et il savait d'avance que ça allait le gaver. Encore heureux que le blond valait potentiellement le coup, sinon il serait immédiatement ressorti.
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Cela faisait maintenant plusieurs heures qu'il attendait dans le bar. Il avait déjà repoussé les avances de plusieurs personnes plus ou moins sobres. Même le barman finit par lui demander si tout allait bien, peu habitué à voir Hizashi aussi peu réceptif à des avances. À vrai dire, lui-même n'était pas sûr de son état. C'était quelque chose entre l'angoisse et l'excitation. Arg, il n'aimait pas se prendre la tête à ce point sur ce genre de choses, auquel il donnait habituellement libre cours selon son humeur. Le barman, Tensei de son nom, venait régulièrement le voir pour savoir ce qu'il avait. Mais il ne lâcha pas mot. Il n'osait pas, pas avant d'être certain que ce brun ne resterait pour lui qu'un souvenir.
C'est alors qu'il le vit entrer. Il le vit chercher dans la foule jusqu'à ce que leurs regards se captent. À cet instant, il eut l'impression que la pièce en entier avait disparu, qu'il n'y avait plus qu'eux deux. Merde. Qu'est-ce qu'il pouvait lui dire ? Il ne pouvait clairement pas commencer par une phrase d'accroche ringarde qui marchait bien sur les petits coups vite fait. Et il était sûr que ce n'était pas ce genre d'approche qui lui plairait, allez savoir comment. Il se demandait même s'il devait se lever, aller vers lui, ou attendre qu'il vienne jusqu'ici. Finalement, il se leva, abandonnant son verre sur le comptoir pour aller vers lui. Il était totalement perdu, sans savoir concrètement ce qu'il devait faire, mais son corps eut la première parole. D'un geste commun, ils se prirent la main, et se la serrèrent. Le lourd poids du manque le quitta presque instantanément.
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La chaleur de sa main dans la sienne lui sembla comme le plus grand réconfort qu'il pouvait avoir. Et en voyant le blond le fixer sans rien dire, sans avoir aucun autre geste que cette main, Shouta en déduisit que non, il n'était plus juste un pansement, et que ce sentiment étrange qu'il ressentait était partagé. Cela lui faisait un bien fou.
" - Shouta. "
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La voix du brun, libérée des sanglots de son désespoir, était tout bonnement magnifique. Il voulait l'entendre, encore et encore, que plus jamais cette voix ne se taise. Il se mit à sourire.
" - Hizashi. "
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C'était amusant, mais c'était parfaitement le genre de prénom qu'il lui avait imaginé. Il resta figé de longues secondes sur son sourire qui contrastait tellement avec son visage crispé de peine lorsqu'il l'avait rencontré. Ce sourire était la chose la plus belle qu'il lui avait été donné voir, et il ne voulait jamais plus en être privé. Il le tira alors par le bras. Il ne voulait pas non plus rester planté là, au milieu de tout le monde sans rien dire. Il avait besoin de l'avoir avec lui dans un endroit plus calme, intime. Mais ils n'allaient peut-être pas retourner dans l'hôtel d'à côté.
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Il sourit en le voyant chercher visiblement un endroit tranquille. Cela lui faisait plaisir, d'avoir le sentiment d'être tellement important pour quelqu'un qu'il fallait un lieu spécifique pour parler. Il prit l'initiative de le tirer jusqu'à une porte près du comptoir, faisant signe à Tensei qu'il allait dans l'arrière-boutique. Personne n'allait venir, ils ne seraient qu'eux. C'était une salle de repos, une machine à eau et une cafetière, typique. Mais ce qui l'intéressait, c'était plutôt le canapé, rangé contre un mur. Il s'y assit, et le corps auquel il était toujours accroché accompagna le geste. Il put prendre un peu plus le temps de le détailler. Et un détail lui sauta aux yeux, ce genre de détail qu'il n'avait pas du tout vu alors qu'il était pourtant si évident. Une cicatrice sous l'œil droit. Assez profonde et ancienne, visiblement.
" - Comment ?
- Mes parents. Longue histoire.
- Ca me va, tant que c'est toi qui la racontes. "
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Il fut un peu déconcerté par l'invitation à raconter sa vie. On lui avait toujours dit qu'il fallait garder sa peine pour lui, tout cacher. Et là, Hizashi lui disait de libérer ses pensées. Alors il osa. Il raconta ce jour, celui où il avait annoncé à ses parents qu'il n'aimait pas les filles, et que son père n'avait pas aimé, et qu'il était devenu violent. Il raconta aussi que sa mère l'avait laissé saigner sans lui venir en aide alors qu'il s'écroulait sous les coups de son père. C'était la femme de ménage qui lui avait mis un bandage, avant de se faire virer pour avoir fait preuve de compassion. Et alors il n'arriva plus à retenir rien, il parla, il parla comme il n'avait jamais autant parlé. Il lui expliqua chaque détail que sa mémoire lui permettait de retranscrire, les douleurs, les peurs, le dégoût, l'abandon. Et au bout de plusieurs heures, il se tut enfin, le souffle tremblant. Il ne savait pas s'il avait bien fait d'étaler ainsi sa vie, mais au fond cela lui faisait un bien fou. Hizashi l'avait écouté religieusement sans oser le couper à un seul instant, retenant chaque phrase qu'il entendait. Ensuite, ce fut son tour. Il raconta ses impressions, son comportement qu'il considérait comme douteux pour la première fois, le gamin perdu de 28 ans qu'il était. Et il raconta cette raison stupide qui l'avait poussé à venir au MacumbaNight ce soir-là. Et qu'il pensait sérieusement à remercier cette femme dont il avait déjà oublié le nom, car c'était parce qu'elle l'avait repoussé qu'il avait pu rencontrer Shouta.
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" - Et maintenant, on fait quoi ?
- Comment ça ?
- J'ai plus d'endroit pour vivre. Potentiellement plus de boulot. Et l'entièreté de ma famille me hait.
- C'est pas important, ça. C'est toi qui es important maintenant.
- Ahah, ouais... Mais ça me donne pas de route à prendre, ça.
- Tu peux essayer de prendre la mienne, de route. On verra bien où ça mène, non ?"
END
