Pourquoi je l'aime ? Pourquoi lui ? Pourquoi pas elle ?
« Fils, quand tu seras plus grand, tu épouseras une fille bien, tu lui feras un enfant. Et tu seras un mari aimant et un père à la fois stricte et attentionné."
J'ai toujours trouvé les paroles de mon père quasi divine, et, me suis fait un devoir de les respecter.
Pourtant…
Pourtant je l'aime lui. Lui que j'ai poussé à me détester. Ne dit-on pas loin des yeux, loin du cœur ? Foutaise ! Je l'aime toujours autant… Et maintenant, il me déteste encore plus qu'avant.
Je rêve qu'un jour je puisse l'approcher comme après la guerre, faire la paix avec lui et le découvrir.
Le découvrir intimement et non par amitié. Mais il est trop têtu pour me pardonner et moi trop lâche pour lui parler, lui avouer, m'excuser.
Et pourtant je l'aime lui et pas elle.
Elle, c'est la femme parfaite, dixit mon père, la femme belle, intelligente, prête à se dévouer pour son mari, sérieuse, rêvant de famille, gracieuse, élégante, superbe… Mais ce n'est qu'elle et non lui.
Lui et ses yeux vert chaleureux. Je pourrai mourir pour voir ce retard tendre posé sur moi. Mais je n'ai que ceux de haine pour être si lâche.
La lâcheté. Un mot à l'opposé de son caractère, mais me définissant si bien.
Par lâcheté je l'ai insulté.
Par lâcheté je l'ai frappé, cherchant à compenser le besoin de le toucher.
Par lâcheté je l'ai humilié, souhaitant qu'il parte loin de moi.
Par lâcheté j'ai… Par lâcheté j'ai souris à mon père quand il m'a demandé mon avis sur mes fiançailles avec elle…
Par lâcheté j'ai envie de mourir pour mettre fin à mes tourments, mais même ça je suis trop lâche pour le faire.
Mais lui il n'est pas lâche.
Je le revoie dans la rue, se précipiter vers un homme battu par trois autres. Je le revoie crier.
« Je suis gay, tu comptes me frapper moi aussi ? »
Lui il s'assume… Moi je me cache pour ne pas voir le dégoût de mon père. Mon père qui a ricané en le voyant clamé haut et fort son orientation, mon père qui s'est moqué.
Et pourtant… Je t'aime, mais je suis trop lâche pour te le dire. Serais-je suffisamment courageux pour te laisser cette lettre ?
Je ne sais pas mon amour. Mais je suis assez lâche pour te dire que je me mari samedi avec l'espoir que tu tiennes assez à moi pour venir l'arrêter. Serais-je toujours trop lâche pour affronter mon père ? Je ne sais pas.
Je sais juste que je t'aime.