Coucou, ça fait longtemps, pas vrai ?

Revoir Le Péril Jeune me donne de la nostalgie pour les années 70 que je n'ai pas connu, et pour un type de lycée que je n'ai pas vécu... haha.

Ce texte vise à être léger. Pas de développement psychologique fulgurant, pas d'envolées lyriques, de gros pavés, ou de remise en question profonde liée à Lyoko... Ça viendra peut-être en revanche. o/

J'espère que les personnages sont bien incarnés, et que ce texte vous plaira !

(ALERTE INCOHÉRENCE : CETTE FIC SE SITUE DANS UN UNIVERS PARALLÈLE OÙ ULRICH STERN EST GAUCHER)

Nouvelle précision : par soucis de réalisme, j'ai choisi de placer cette fic en 2016. Paradoxal ? Oui et non. Je sais que CL se déroule plutôt en 2006-2007, mais je ne sais pas si les lycéens se servaient d'internet/quels groupes étaient à la mode/actualités mondiales mois par mois alors que pour 2016... je suis au courant de tout cela. Donc bond de dix ans dans le futur. Je ne pense pas que cela affectera l'histoire outre mesure : CL est assez atemporel.

(Le lundi 5 Septembre)

Les illuminatis n'existent certainement pas. En revanche, la société a historiquement comploté pour convaincre les jeunes filles que les garçons les utilisent pour baiser—et les jettent comme des chaussettes après l'acte. Ledit complot sévit aussi chez les jeunes garçons, inséminant l'idée insensée que les filles ne veulent pas baiser—et les jeter comme des chaussettes après l'acte—mais souhaitent les piéger dans une relation à durée indéterminée. Ces préjugés font, selon les sondages, des ravages auprès des adolescents boutonneux et hormonaux, voire même chez les adultes souvent délivrés de l'acné mais non moins stupides.

Yumi était de celles qui, éduquées dans des familles farouchement conservatrices, croyaient à ces idées paranoïaques.

Aelita n'avait aucune souvenir de son enfance sur Terre. Cela lui causait bien des soucis d'intégration, mais pour ce problème précis, ses mœurs étranges lui épargnaient moult maux de tête.

En cette après-midi ensoleillée de septembre, c'est sans doute grâce à son innocence toute relative qu'Aelita put apprécier, sans arrière-pensée, le baiser langoureux qu'elle donnait à Jérémie Belpois. Leur échange était doux, marqué par leur passé commun et les liens sans pareil qu'ils avaient tissés. Certes, ils avaient passé l'été ensemble, s'étant séparés il y a seulement deux jours—les parents de Jérémie avaient accueilli Aelita en Provence. Mais lesdits deux jours s'étaient bien trop étirés au goût de la jeune fille, surtout qu'elle les avait passés à l'Ermitage, pavillon solitaire qui ne connaissait ni l'eau, ni l'électricité.

Revenons à Jérémie Belpois. C'était un garçon timide, assez maigre, qui avait dépassé sa petite amie en taille au cours de l'été—il touchait maintenant au mètre soixante-dix. Ses cheveux blonds étaient toujours mal peignés et ses habits débraillés, à cause de nuits passées écroulé devant son ordinateur, et de ne pas savoir plier son linge. Jérémie était timide et, selon tous les critères élaborés par les sages élèves du lycée Kadic, un véritable asocial. Il refusait de prêter cours et devoirs à ses camarades, alors même que la seule utilité d'un « intello »—toujours selon les critères élaborés par les sages élèves du lycée—était précisément de prêter cours et devoirs. Soit dit en passant, Jérémie était un génie, cette fois selon la société au sens large.

Aelita mit tendrement fin à leur baiser, mais ne s'éloigna que d'un pas, resserrant ses petits poings autour du sweatshirt du blond. Un flash les aveugla sauvagement. Ô surprise… La jeune fille serra les dents, se tournant vers deux gamines et un appareil photo.

— Ça va pas non ? Laissez-nous un peu d'intimité ! siffla-t-elle, lâchant l'habit de Jérémie à contrecœur.

Mais si l'on portait habituellement beaucoup de respect à Aelita, les deux jeunes filles qui leur faisaient face—une petite rousse, une grande à la peau noire, toutes deux en quatrième—ne se démontèrent pas. La rousse ne lui offrit qu'un grand sourire, découvrant une dentition qui ferait la fierté de Colgate.

— Désolée Aelita, dit la jeune rousse avec le sourire très peu repentant, mais c'est la rentrée, il faut bien remplir le journal !

— Justement Milly, puisque c'est la rentrée, vous pourriez remplir votre feuille de chou avec quelqu'un chose d'intéressant !

Cette dernière remarque venait de Jérémie, qu'Aelita caressa d'un regard reconnaissant, rosissant. Un nouveau flash les assaillit automatiquement.

— Tamiya ! rouspéta cette fois la victime, protégeant ses yeux sensibles d'une main.

— Bon, vous avez vos photos, partez maintenant… soupira ensuite son petit-ami. Il plaça sa main sur l'objectif. Allez harceler d'autres gens fatigués et énervés.

— Ouais, ouais bien sûr… rétorqua Milly avec un ton affairé. Avant de partir, une info qui devrait te plaire, Jérémie : pour 2016 on transpose notre journal sur le web, de manière totalement indépendante du lycée ! Vous pouvez nous retrouver à kadicpotin point fr !

En un instant, les gamines disparurent, emportant leur matériel plus loin. Aelita les observa d'un œil méfiant avant de se tourner vers Jérémie qui, une main crispée sur sa valise bleue, grommelait une réplique tardive.

— C'est pas parce qu'il est sur internet que votre nanar va m'intéresser, p'tites… il s'arrêta quand il réalise qu'Aelita l'écoutait, rougissant. Avant qu'il ne puisse reprendre, sa petite-amie lui tendit la main.

— Ça m'a surprise que tu… leur laisses les photos… on est donc « officiels » ?

Cette réplique eut le don d'étonner Jérémie, qui balbutia, puis se tut, observant le sourire heureux de la jeune fille.

— Oui, bien sûr… reprit-il avec incertitude. De toute manière, tu ne comptais pas le cacher aux autres, non ?

Par les « autres », Jérémie désignait leur groupe d'amis, complété par Odd, Ulrich et Yumi—les deux premiers en classe de seconde, la dernière en première. Les cinq ne formaient pas une bande de copains ordinaire : ils s'étaient rencontrés en affrontant quotidiennement, durant trois ans, un virus mortel et extrêmement intelligent ; un virus qui menaçait de détruire l'humanité. XANA.

— Pas du tout, poursuivit Aelita, jaugeant son petit-ami. Mais vu qu'on n'avait pas discuté de notre statut, je pensais que tu n'étais pas à l'aise…

— N-Non ! C'est tout simplement que pour moi, notre « officialité » allait de soi !

— Ah ouais ! Vous êtes officiels !

Les deux sursautèrent, se tournant vers le nouveau venu. Petit, habillé de vêtements sportifs mais surtout, roses et violets. Signes distinctifs, les cheveux blonds dressés en une pointe surnaturelle, et l'éclat malin des yeux noisette. Odd.

— Dire que je l'ai appris par Milly et Tamiya ! enchaîna le dernier arrivant avec un sourire. Franchement, j'suis déçu, vous auriez pu prévenir tonton Odd avant les Échos de Kadic !

— Mais c'est ce qu'on voulait faire ! intervint précipitamment Aelita. C'est juste que ces deux petites… pestes… nous ont photographié alors qu'on s'em—

— Hrm ! toussa soudainement Jérémie, rouge. Et sinon, Odd, comment se sont passées tes vacances ?

Un ange passa.

— Élégant, lâcha finalement Odd. Puis sa mine s'éclaircit : bah écoutez, mes parents m'ont emmené au Brésil en me prévenant au tout dernier moment possible, donc j'ai passé deux semaines sur les plages à mater des bonasses… sea, sex and sun !

— Et chez Sam, ça s'est passé comment ? voulu savoir Aelita, après avoir très clairement levé les yeux au ciel.

— Ha… répondit le petit blond, assortissant l'interjection d'un rire jaune. Voilà l'embrouille… les darons m'ont embarqué pile au moment où je devais lui rendre visite. 'L'avait déjà dû batailler pour qu'un garçon puisse venir chez eux une semaine, alors quand je lui ai dit que je pouvais pas, ça a foutu l'ambiance.

— Mince… grimaça Aelita, sincèrement désolée. Peut-être une prochaine fois…

— Là, j'en doute.

Leur discussion fut interrompue par une remarque judicieuse de Jérémie. Le blond renifla profondément l'air de fin d'été, œilla avec méfiance le sac-à-dos d'Odd, et prêta voix à ses inquiétudes.

— Où est Kiwi ?

— Ah oui tiens, on ne sent pas d'odeur dégoûtante ! s'étonna ensuite sa petite-amie.

— Normal, je l'ai déjà déposé dans notre chambre ! rétorqua Odd, s'indignant. Et puis mon chien ne pue pas !

— Discutable.

Cette fois, trois adolescents sursautèrent en cœur, et se tournèrent d'un seul mouvement vers la quatrième arrivante—une japonaise étonnement grande. Un sourire fleurit sur la frimousse d'Aelita, et elle s'élança vers leur amie, se tendant pour lui faire la bise. Élégante, musclée, aux traits fins et calmes, Yumi projetait une aura sagace et sérieuse.

— Qu'est-ce t'as contre Kiwi ?

— Ton chien est une pandémie ambulante, lui répondit Yumi, écartant le problème d'une main, et enchaînant sur un salut plus correct. Bonjour Jérémie, comment se sont passées les vacances ?

Ils discutèrent un moment de tout et de rien, s'informant des manières dont chacun avait passé les deux mois d'été. Le génie du lot était celui qui avait le plus besoin de nouvelles, car il refusait d'ouvrir un compte Facebook. Finalement, Aelita—qui aimait les réseaux sociaux mais n'avait eu que sporadiquement accès à internet—amena la conversation à un sujet qui avait préoccupé Yumi l'année précédente.

— Du coup, t'es passée en quelle première ?

Dans le mille. Le visage de la nippone se crispa.

— Mes parents ont trouvé moyen de se disputer à propos de ça, et c'est mon père qui a cédé. Donc je peux aller en L…

Mais son timbre indiquait, clairement, qu'elle aurait préféré un accord plus doux. Jérémie, Odd et Aelita hochèrent la tête sans commenter, car leur amie n'aimait pas élaborer sur sa situation familiale. Et s'il n'y avait qu'un consensus dans le groupe, c'est que personne n'aimait mécontenter Yumi.

— Bref, où en est Ulrich… ? souffla la brune. Méfiante, elle ajouta : au cas où vous n'auriez pas compris, ceci est une subtile tentative de changer de sujet.

Son regard profond se porta vers Odd, qui lui offrit un sourire charmeur en réponse.

— Élégant !

— Parle pas trop fort, les grandes oreilles nous écoutent… ironisa simultanément Jérémie, désignant Milly et Tamiya qui s'étaient subrepticement rapprochées.

Les deux quatrièmes se tenaient innocemment à côté de leur banc, sur lequel Odd avait gravé leurs prénoms après la remise des brevets. Il n'avait rien d'extraordinaire, mais était situé au plus proche du parc, pour le cas où ils auraient besoin de se rendre à l'usine.

— Yo, Solovief, Diop, vous voulez pas interviewer Sissi sur son régime minceur de l'été au lieu de nous emmerder ? lança Odd. J'suis sûr qu'elle kiffera !

Cependant, le monde extérieur s'effaçait pour Aelita, qui étudiait nostalgiquement le banc de fer forgé. Elle soupira : leur combat de Lyoko-Guerriers était bien fini à présent… Ils rentraient tous au lycée.

Ulrich arriva à cet instant, et d'une certaine manière, les problèmes arrivèrent avec lui.

— Guttentag, mein führer ! s'écria Odd dès son arrivée, se dressant en un salut nazi. Ce geste arracha un grognement à Jérémie.

— Tes blagues empirent avec l'âge, Odd.

Mais revenons un instant en arrière. Ulrich Stern était un garçon pas mal foutu, assez pour attirer l'attention d'une foule de collégiennes, et il était ami avec la bande depuis la quatrième. Il ne s'entendait pas avec son père, ce qui lui faisait un point commun avec sa mère… mais celle-ci n'aimait pas son fils—ce qui lui faisait un point commun avec le père. Cet ensemble de données lui filait régulièrement la migraine et entamait durement son estime de lui, déjà fragilisée par l'adolescence. Ulrich Stern subissait aussi le joug des hormones et il était obsédé par Yumi Ishiyama—mais nous y reviendrons plus tard.

Sinon, fait remarquable, Ulrich avait pris cinq bons centimètres durant l'été.

Jérémie, Aelita, Odd et Yumi observèrent leur ami balancer son élégante valise noire sur le banc, jeter un regard électrique aux deux « journalistes » intéressées, et les foudroyer d'une réplique cinglante. Il sembla au groupe que cette belle journée de septembre tournait à l'orage.

— Mince, quelqu'un s'est levé du pied droit… grimaça Aelita.

— C'est le pied gauche, l'informa Odd.

— Le gauche ?

— Le gauche.

— Mais… il est gaucher. Pour lui ça devrait être le pied droit.

Le débat sur l'injustice faite aux gauchers dut s'interrompre, malgré le potentiel indubitablement philosophique qui l'habitait.

— J'imagine que tu as une bonne raison pour ne pas avoir répondu à mes messages… lança Yumi à voix basse. Ulrich leva deux paumes d'un air lassé.

— Mon père a pris mon portable. Ensuite j'étais au camp.

— Charmant.

— Ça t'a aidé au moins ? s'enquit doucement Aelita, posant une main sur le bras de son ami.

— J'espère, lui répliqua-il avec agacement. Sinon…

Il ne poursuivit pas. Il n'en avait pas besoin. Ses quatre amis savaient très bien comment ses parents fonctionnaient.

Aelita retira sa main et se mordit la lèvre. Elle échangea un regard avec Jérémie, qui restait en retrait, et étudiait l'échange derrière ses lunettes. Il hocha de la tête : mieux valait changer de sujet.

— Et sinon ! sourit alors la fille aux cheveux roses, bravement. T'as grandi cet été… Yumi… est plus petite que toi, maintenant !

Sa remarque sembla troubler les deux intéressés. Odd ricana, malicieux.

— Élégant.

— Merci, soupira Aelita. La subtilité, c'est mon fort…

La subtilité était aussi le fort de Jim Moralès, surveillant principal—réputé pour son efficacité—et professeur d'éducation physique et sportive—en vertu d'un diplôme dont il ne vaut mieux pas mentionner l'origine. Jim Moralès était grand, gros, et fort. Signes distinctifs : sa barbe mal rasée et le pansement qu'il portait tous les jours sur sa joue gauche. Surtout, il avait la main lourde, dans tous les sens du terme, et en cette après-midi ensoleillée de septembre, il ne manqua pas de l'abattre—lourdement—sur l'épaule crispée d'Ulrich.

— Mais si c'n'est pas ma bande de cachottiers préférée ! tonna joyeusement le surveillant. J'vous préviens les cachottiers, si vous déviez du droit ch'min au lycée, j'me f'rai une joie d'vous redévier—euh d'vous y ramener—sur la droite ! Et lycée d'Versailles—vice et versa j'veux dire !

Il resserra son emprise sur l'épaule d'Ulrich, qui tourna la tête et grimaça méchamment. Ses amis plissèrent des yeux, réalisant pleinement que le brun n'allait vraiment pas bien ce matin.

— Mais, m'sieur… commença Odd avec un sourire, s'approchant du surveillant pour le distraire.

— Hop jeune canaille, j'ai pas fini d'commencer ni commencé d'finir ! Ishiyama et Stern ! J'veux vous voir au Pencak Silat ! Belpois ! Tu viens en cours de sport ! Stones ! Tu euh…

— Mais m'sieur… réessaya Odd.

— Et pour conclure : pas d'cachottiers dans mon lycée !

À cet instant, un énième flash aveugla le groupe. Milly lança un sourire sardonique aux cinq tandis que Jim demandait—beuglait—quelle canaille avait déclenché cette lumière infernale.

— C'est toi della Robbia, j'en suis sûr !

— Mais, m'sieur !

Tamiya étudia son cliché avec un œil satisfait : Jim qui tenait Ulrich, Odd figé en pleine réplique, Aelita, Yumi et Jérémie qui observaient le trio avec un air tendu… Malheureusement pour les deux jeunes filles, un des neurones de Jim fini par s'activer, et il les remarqua. Et les chargea.

— Pas d'fouineuses dans mon lycée non plus !

La bande—finalement au complet—se retrouva seule et tranquille, éparpillée autour de son banc. Les adolescents s'observèrent avec incertitude, puis l'instinct collectif opéra¬ et ils s'installèrent, ce qui fut l'affaire de quelques secondes. Yumi poussa la valise d'Ulrich sur le côté, rapidement aidé par le brun. Aelita et Jérémie s'assirent côte à côte, leurs doigts s'entremêlant. Odd s'écroula à leur droite, pliant les mains derrière sa nuque d'un air nonchalant.

— Sinon, vous êtes courant que Princesse et Einstein sont maintenant « officiels » ?

— Odd !

(Un mot sur Sissi)

Sissi Delmas était une fille mignonne, et elle le savait. La lycéenne avait eu l'intelligence de valoriser un ensemble de traits qui auraient été banals chez d'autres—aussi, ses cheveux noirs brillaient, l'intensité de son regard était soulignée par des ombres à paupière scintillantes, et elle gommait régulièrement sa peau pour lui donner éclat et douceur. Côté habit, elle privilégiait des hauts moulant, ou qui laissaient voir son nombril—mettant en valeur sa fine taille dans les deux cas.

Sissi Delmas était aussi la fille du proviseur. Ce que, de manière prévisible, elle savait aussi. Aussi la jeune fille avait eu l'intelligence d'utiliser son statut pour corrompre moult surveillants ou professeurs, et surtout, s'assurer une popularité durable parmi les élèves—terrifiés. À une exception prêt. Jérémie Belpois, Aelita Stones, Odd della Robbia, Yumi Ishiyama, et Ulrich Stern.

Cet état de fait rendait Sissi très malheureuse, car elle était amoureuse d'Ulrich depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvint—la grande section. Avec le temps, cette attraction s'était transformée en jeu, en défi. Puis le brun avait rencontrée le corbeau Ishiyama, et de par sa condition d'enfant pourrie-gâtée, Sissi avait transformé son passe-temps en règlement de comptes. Durant plus de deux ans, sa conduite avait été dominée par la célèbre maxime des jaloux : « puisque je ne t'ai pas, personne ne t'aura ! ».

Sa tactique de l'offensive à outrance dans la grande guerre contre le Japon avait, jusqu'à ce cinq septembre, très peu réussi.

Finalement, c'était sa némésis, Odd della Robbia, qui avait mis fin à son supplice—il était temps, car le vide s'était creusé autour de Sissi, entamant les assises de sa popularité. L'année dernière, peu avant les épreuves du brevet, le « club des cinq » avait accepté que Sissi devienne leur amie. Cette annonce choc avait eut pour effet concret d'annihiler toute pression exercée par la jeune fille sur Ulrich—et de rendre complètement obsolètes les deux acolytes de Sissi, Nicolas Poliakoff et Hervé Pichon.

Puisque Sissi était intelligente, elle comptait bien profiter du lycée pour lier parole aux actes.

— Sissi ! Sissi Delmas ! Peux-tu nous dire comment va ton père ? Est-il heureux d'entamer cette magnifique rentrée scolaire aux côtés des Échos de Kadic ?

L'interpellée fit volte-face, soupirant intérieurement—éviter Nicolas et Hervé devenait deux fois plus facile quand on criait son nom aussi fort ! Sa chevelure noire volant autour de sa moue superbe, et son sourcil arqué auraient eu de quoi impressionner tout interlocuteur, mais certainement pas celles qui lui faisaient face. C'était Milly Solovief, la fouine qui avait lancé le « journal du lycée » deux années auparavant—et malgré ses questions cordiales, son air facétieux indiquait qu'elle se souciait de tout, sauf de l'état de santé du proviseur.

— Puis-je savoir, débuta froidement Sissi, pourquoi mon père aurait connaissance de votre torchon ?

Aux côtés de la petite rousse, son acolyte—Tamiya, autant que Sissi se souvienne, car elle ne leur avait jamais prêté beaucoup d'intérêt—serra les poings et fit une grimace heurtée.

— Bien bien, poursuivit Milly sans se soucier de la réponse. En tant que fille du proviseur, as-tu des informations de dernière minute ? L'équipe professorale a-t-elle subi des modifications ? Qui sera professeur de quelle classe ?

Sissi haussa les épaules.

— Même si je savais tout ça, ou si ça m'importait, je ne verrais pas l'intérêt de vous le dire, soupira-t-elle avec agacement. De toute façon vous ne publiez qu'une fois par semaine, et je pense que même les élèves les plus médiocres auront reconnu la tête de leurs professeurs lundi prochain…

Sa réplique arracha un ricanement diabolique à la paire.

— Oh, mais maintenant nous possédons un site internet, alors nous publions tous les soirs… expliqua Milly avec un air d'importance.

Sissi leva les yeux au ciel, anticipant déjà l'accroissement des prises de tête. Cependant, elle n'eut pas à trouver de réplique cassante, car Jim, l'œil sans doute attiré par l'appareil photo rutilant de Tamiya, chargea les deux jeunes filles en beuglant. La fille du proviseur sourit d'un air narquois. Ça leur servirait de leçon.

Puis elle poursuivit son chemin, la tête haute. Il avait des gens à voir.

(Quelques mots sur l'ambiance)

— Mais en fait, il est où ton clebs ? demanda Ulrich son ton circonspect.

Le brun était toujours debout, toujours tendu. L'intégralité de la bande l'observait avec plus ou moins d'inquiétude, aussi, ils ne remarquaient pas Sissi, qui s'approchait d'eux à pas vifs.

— Tu vois que, quand l'air ne sent pas le vomi… se moqua Yumi, tournant son sourire vers Odd.

— Je refuse de t'écouter dénigrer mon bébé plus longtemps ! se plaignit Odd, plaquant deux paumes sur ses oreilles. Que quelqu'un contacte la SPA !

— Il est déjà dans votre chambre, répondit plus proprement Jérémie.

— Génial. J'aurais espéré qu'il n'amène pas sa merde…

Cette remarque sonna comme une fausse note, discordance dans leur discussion bon enfant. Odd sauta sur ses pieds, fronçant brusquement les sourcils.

— Hey, asséna-t-il, d'un ton réellement irrité. C'est pas parce que ton papounet t'a envoyé dans un club de boyscouts que t'as le droit de ruiner cette rentrée ! Ou d'insulter mon chien !

— Cool, en attendant ton chien il est dans ma chambre !

— C'est la nôtre, on la partage !

— Et le lit sur lequel il pisse tous les dimanches, c'est le tien peut-être ?

— Bonjour les amis !

Le salut dut faire disjoncter quelques cerveaux, ou distordit quelque peu l'espace-temps. Toujours est-il que les cinq amis fixèrent la nouvelle venue—Sissi—avec sidération, bouchée bée et prunelles écarquillées, avant de pleinement comprendre qui elle était : Sissi.

— B-Bonjour ! sourit mécaniquement Aelita.

Un blanc suivit cette réplique. La jeune fille, rougissant, légèrement paniquée, sentit que c'était à elle de jouer.

— Euh, hm—Comment se sont passées tes vacances ?

— Oh, elles étaient merveilleuses ! se fit un plaisir de répondre Sissi. Mon père m'a emmené à Venise…

— Hm… super ! (Le sourire d'Aelita se crispa.) Et… c'était comment ? Tu… tu as ramené des souvenirs ?

Lentement, les esprits de chacun dégelaient. Si l'expression incrédule et irritée d'Ulrich ne disparut pas, Jérémie relâcha sa posture, et les deux derniers de la bande parvinrent à sourire—les lèvres serrées. La situation leur paru si étrange qu'Odd et Yumi se perdirent en ricanements nerveux.

— Bien évidemment Aelita ! répliquait Sissi avec fierté. J'ai acheté plusieurs masques typiques d'Italie en prévision du bal du lycée, vu qu'on est en seconde !

— C'est vrai que les masques de Venise sont beaux, remarqua Jérémie. (Et sous le regard blasé d'Ulrich, il marmonna : Quoi ! C'est vrai…).

— Waouh… cool ! intervint ensuite Yumi. Je suis sûre que tu seras très belle…

La réplique de trop fut cette fois l'œuvre d'Odd della Robbia.

— Tu pourras même participer à l'élection de la plus belle quiche… sourit-il innocemment. (Heureusement, Jérémie lui donna un coup de coude. Il dû se rétracter.) En tant que cuisinière, bien entendu !

Cela ne parut pas heurter Sissi, qui passa une main dans ses cheveux et élargit même son sourire. Quant on y pensait, elle avait un certain air maniaque.

— Haha, très marrant Odd… tes blagues ont toujours été si drôles !

— Merci bien, répondit le petit blond, arquant un sourcil sec. Je me suis toujours dit que les gens en riaient pour une raison…

— Odd… grinça Aelita, et Jérémie lui donna un nouveau coup de coude. (Elle baissa la voix, poursuivant avec irritation.) On avait accepté d'être amis avec elle en juin dernier !

— T'y crois pas ! s'étonna-t-il. On est quand même drôlement excentriques…

Yumi se positionna entre Sissi et le banc pour éviter qu'elle n'entende les répliques—d'une discrétion professionnelle—de l'infernal della Robbia.

— Et donc ! commença-t-elle d'une voix forte. En tant que fille du proviseur, est-ce que tu as obtenu la permission de minuit ?

À partir de la seconde, et avec l'accord signé de leurs parents, les pensionnaires de Kadic pouvaient profiter de leurs weekends. Sortir de l'enceinte du lycée leur devenait possible le vendredi soir, le samedi et le dimanche, à condition de revenir avant minuit, et à dix-huit heures le dimanche.

— Oh oui ! sourit Sissi. Quand mon père a vu les résultats de mon brevet… (résultats qu'elle avait obtenu grâce à l'aide d'Hervé). Il m'a tout de suite accordé la permission.

C'est à cet instant que la situation dégénéra. Yumi avait beau chercher de quoi parler, elle n'était habituellement pas très volubile, et n'appréciait pas particulièrement son interlocutrice—impossible de trouver de quoi la distraire. Enfin libre, Sissi se tourna vers le seul qui ne lui avait pas adressé la parole…

— Et toi Ulrich, as-tu obtenu la permission de tes parents ? lança-t-elle, cachant mal son plaisir de lui parler.

La fille du proviseur ne pouvait pas savoir qu'il s'était fermement levé du pied gauche—ou droit, mystère et Code Lyoko—ce matin de septembre. Elle n'anticipait sans doute pas que le brun lui réponde avec un rictus méprisant.

— Devine.

Ou qu'il ne l'envoie promener d'un geste rude, s'en allant vers le hall du lycée, ne lançant qu'une réplique de pure forme.

— Je vais voir la composition des classes…

Il ignora superbement Sissi qui criait une réponse, sans comprendre, ou tout simplement têtue.

— Mais attends, il suffit de me demander ! Mon père m'a dit que nous sommes tous dans la même classe—Ulrich !

La jeune fille fronça ses sourcils parfaitement épilés, serrant les lèvres. Derrière elle, la discussion s'était interrompue, creusant un vide froid dans la belle après-midi de rentrée.

— Il a passé… un été difficile… soupira Yumi, à qui le comportement d'Ulrich déplaisait tout autant, mais qui refusait de l'admettre devant Sissi. Loyauté oblige.

— Laisse, c'est juste un vrai nazi ! jugea Odd, repoussant un nouveau coup de coude de Jérémie. Ça va, arrête de me frapper : il a traité Kiwi de merde, il l'a vraiment fait !

— Tais-toi ! l'implora Aelita.

— Ou sinon quoi ? voulu savoir le maigre blond.

— Ou sinon… Jérémie te donne un coup de coude…

La menace se révélant très peu efficace, les trois poursuivirent la dispute. Ballotée par ces répliques incompréhensibles, Sissi n'en tira qu'un seul élément.

— Qui est Kiwi ?

Et l'ensemble du groupe pâlit brutalement, Odd déglutissant d'une manière raffinée.

— Oh, euh… un rappeur berlinois…

(Mise au poing)

Non, Ulrich Stern ne s'était pas levé du bon pied ce matin—quant à savoir lequel des deux membres était coupable de son humeur orageuse, le mystère resterait à jamais entier. Gauche ou droit, le brun en voulait à l'univers entier, et probablement aux hypothétiques dimensions parallèles s'il y pensait.

(Son père l'avait conduit jusqu'à Kadic.)

Mâchoire crispée, Ulrich refoula dans les abysses l'ensemble de l'été, et la discussion plus récente. Après tout, c'était tout ce qu'il savait faire non ? Fermer sa gueule et encaisser !

Grommelant de vagues bonjours aux élèves courageux qui lui faisaient signe, Ulrich creusa un sillon méfiant dans la foule. Droit jusqu'au panneau d'affichage, actuellement entouré par un troupeau de sixièmes effrayés, et les deux fouines de Kadic News. Le brun écarta les premiers sans ménagement, les intimidant d'une grimace—il remarqua vaguement, dans une partie délaissée de sa conscience, qu'il avait assez grandi pour que les gamins ne dépassent pas sa taille.

Ulrich n'était pas là pour apprendre le numéro de sa classe. Il voulait voir qui avait accompagné Yumi en première. Après son été pourri, et la fin de Lyoko, il lui restait Yumi.

À l'instant où le brun remarqua le nom tant redouté aux côtés des mots « Yumi Ishiyama », une voix moqueuse l'interpella.

— Classe. Ulrich Stern s'attaque à des sixièmes, maintenant.

L'interpellé fit volteface, reconnaissant déjà la voix. Plus grand que lui—peut-être moins musclé—cheveux arrangés en un négligé artistique, prunelles irisées de métal, l'air de savoir qu'il était beau-gosse et d'en profiter. Un sourire malin marquait son visage confiant.

— Lâche-moi, William, répliqua-t-il froidement, se tendant visiblement. Ledit William eut de trouver ça amusant.

— Hm, c'est pas que tu m'intimides pas, parce que franchement je tremble… sourit le première d'un air supérieur. Mais j'ai besoin de voir qui est dans ma classe, et tu fais légèrement obstruction.

Le sang d'Ulrich ne fit qu'un tour. Ce connard était dans la classe de Yumi, et il allait crâner dès qu'il le saurait ! En même temps, si Ulrich partait avant que l'autre ne le sache, ce serait considéré comme une fuite.

— Vas-y, si tu sais lire… tenta-t-il en s'écartant, mais il coupa brusquement court à sa phrase.

L'attaque était faible. Ulrich s'en était rendu compte. Toutes les fois où cela comptaient, ses mots lui échappaient. Depuis petit.

Et William siffla de manière admirative, prenant la place du brun devant les affiches.

— Quelle sollicitude. Je ne savais pas que tu étais si bien élevé !

La réplique fit brutalement revenir l'image de son père et il sentit que l'échange avait atteint un point de non-retour. Jetant un œil aux listes, William posa une main désinvolte sur l'épaule du brun.

— Ohoh, je comprends pourquoi tu scrutais les listes avant autant d'attention… souffla-t-il avec amusement. C'est vrai qu'il y a « Anaïs Fiquet » dans ma classe, vu que vous êtes si proches ça doit t'intéresser…

— Hein ? s'étrangla Ulrich, serrant les poings par réflexe.

— Ça s'appelle du second degré, sourit William avec légèreté, resserrant une prise rassurante sur son épaule. Il paraît que c'est encore plus utile dans la vie qu'un assez-bien au brevet !

De la globalité de cette échange, Ulrich tira l'essentiel—on se moquait de lui. Il se dégagea brusquement de la prise du plus grand, yeux sombres plissés en deux fentes furieuses.

— Dégage ou tu vas le regretter d'une manière très littérale, grinça-t-il.

C'est à cet instant qu'un facteur problématique vint compliquer l'équation.

— Ulrich, William ! les interpella vivement une voix féminine.

Ils firent instantanément volte-face, et… un flash les aveugla. Les garçons clignèrent quelques secondes des yeux, étonnés puis irrités, leurs expressions se froissant de manière comique.

— Vous alliez vous battre n'est-ce pas ? poursuivit la voix—Milly Solovief. Puis elle enchaîna sur le pire des sujets qu'elle aurait pu aborder, dans cet univers ou ailleurs. Est-ce vrai que vous êtes tous les deux encore amoureux de Yumi Ishiyama ?

À cette réplique, Ulrich oublia précisément dans quel lieu il se trouvait, et à quelle heure de la journée. La foule et les vociférations lointaines de Jim Moralès disparurent. Ne restait que la colère et l'image de son amie, condensées en une seule réplique.

— Tu sais où je vais la foutre, ta caméra ?

Tamiya était certes intimidée par les lycéens, mais sa partenaire ne se laissa pas démonter.

— Calme-toi Ulrich, on ne voudrait pas que amour pour Yumi te cause des ennuis... trancha-t-elle froidement.

Cette réplique ravit William, dont le sourire narquois s'élargit davantage. Ulrich serra les poings.

— Celle qui va avoir rapidement avoir des ennuis si elle ne dégage pas, c'est toi, Solovief, jeta-t-il avec menace. Cependant la situation ne tourna pas en sa faveur.

— Hey ! William ?

Les quatre adolescents impliqués se tournèrent. Deux premières se frayaient un chemin vers eux, coupant à travers la foule de collégiens enthousiastes. Ulrich se grimaça—c'était maintenant trois mecs contre un.

— Qu'est-ce qui se passe, vieux ? lança le premier—un blond trapu—jetant un regard terne au brun. Le petit seconde s'enjaille ?

— C'est qu'il doit être fier d'être au lycée… commenta mielleusement l'autre, arquant un sourcil condescendant. Il sembla reconnaître Ulrich après quelques secondes. Bienvenue au lycée, Stern…

Les derniers arrivants s'appelaient Matthias Burel—plutôt mince, calculateur, les cheveux gras—et Ernest Tié—un sportif qui savait un minimum taper. Les deux étaient en première ES. Concernant leur relation avec William, on pouvait dire qu'elle était typique des garçons de cet âge—Burel jouait aux jeux vidéos et Tié jouait au foot. S'ils marchaient ensemble ce cinq septembre, c'est tout simplement car leurs amis habituels n'étaient pas encore arrivés—et ils étaient soulagés de tomber sur William pour leur faire conversation.

— Salut les mecs, sourit le première L. Stern ci-présent me racontait pourquoi il voulait me casser la gueule…

Milly confirma cette information d'un air important.

— C'est vrai. Ulrich et William allaient se battre, clama la petite rousse, souriant sardoniquement.

Ernest Tié, qui passait plus de temps en salle de sport qu'en cours, fit un pas menaçant vers Ulrich avec un ricanement suffisant.

— Ah ouais, il veut se battre ? Viens là, petit petit…

Le brun lui décocha un regard noir en retour, et la tension enfla…

— Heyyy Willy ! les interrompit une voix joyeuse. T'y crois pas, mais chuis tout plein d'émotions : ça doit être de revoir ta sale gueule !

Une main se posa fermement sur le poing d'Ulrich—petite, mais vive, et surtout très prompte à enfoncer ses ongles sales dans la chair disponible. Le brun jeta un regard reconnaissant à… Odd. Il était à-demi étonné que le blond soit venu en renfort.

— Odd, énonça William avec déplaisir. T'es venu récupérer ton petit chien ?

— Bien deviné, tu t'améliores… répondit le seconde avec aisance. Je sais qu'Ulrich est beau-gosse, mais pas la peine de le suivre partout, Willy.

— Te mêle pas de ce qui ne te concerne pas, della Robbia… intervint à son tour Matthias, appréciant la carrure de Tié du regard. Conseil d'ami.

Ulrich se fendit d'un rictus.

— Applique ton propre conseil, Burel, et retire la caméra que t'as foutu dans les chiottes des filles.

Sa réplique arracha plus d'un cri féminin à la foule, et Ernest Tié rougit brutalement, tournant ses quatre-vingt-dix kilos de muscles vers son ami avec un air de menace.

— Comment il est au courant d'ça ? Tu m'avais dit que jamais personne serait au courant !

— Ferme ta trappe ! éructa méchamment le plus maigre. Il n'a aucune preuve et tu viens de tout confirmer, bouffon !

— Mais tu m'avais dit qu'jamais personne serait au courant ! beugla-t-il encore plus fort.

Odd ricana.

— Élégant.

— C'est vrai cette information ? C'est vrai ? demandait Milly Solovief, électrisée. Prends une photo Tamiya, vite, vite !

— Ta gueule Solovief !

— Vous allez vraiment vous battre ? demanda une naïve petite sixième.

— Mais non, mais non ! sourit Odd en levant deux mains pacificatrices. Willy ci-présent préfère mater des meufs au trône que se fracturer un p'tit doigt !

— Quoi, vous avez peur de nous ? s'amusa William. Burel ne compte pas, on est à deux contre deux…

— Même si Ulrich n'en valait qu'un demi, je parierai quand même sur lui, l'assura Odd.

— N'empêche, c'est plutôt triste d'avoir révélé la caméra branchée chez les filles, sourit William. Elle représentait probablement la seule chance d'Ulrich de voir une chatte avant sa retraite… Il fit un clin d'œil au brun.

— Mais je t'emmerde ! hurla le concerné.

Le temps s'accéléra, et un grand nombre d'actions furent exécutées au même instant. D'abord, Tié repoussa brutalement Burel et le première s'écroula contre un passant, Christophe M'Bala. Ensuite Odd essaya d'attraper le coude d'Ulrich, mais se fit brusquement dégager et s'écroula contre un passant, Théo Gauthier. Parallèlement, captant les regards inquiets d'Aelita Stones, Yumi Ishiyama se retourna et remarqua immédiatement les cinq garçons. Enfin, Tamiya Diop appuya sur le bouton de son appareil photo.

Un geste l'emporta cependant sur tous les autres par son importance, et ses répercutions futures dans l'histoire. Ulrich Stern fit un pas en avant—d'un geste simple, élégant et fracassant, le seconde colla une droite monumentale à William Dunbar.

Ou peut-être fut-ce une gauche. Après tout, Ulrich Stern était gaucher.

(Un mot sur William)

William Dunbar pouvait effectivement être qualifié de beau-gosse. Ce n'était pas seulement grâce aux traits de son visage, quoiqu'ils contribuaient certainement. Non, son aura, son charisme, venait plutôt de sa tenue nonchalante et de son sourire effronté, qui suggéraient qu'il était à l'aise peu importe où il se trouvait, et que quiconque le défiait le regretterait sûrement.

William Dunbar possédait une inaltérable confiance en lui, et cette suffisance était à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse. Simultanément aidé et lesté par son hubris, il s'était imposé comme élément incontournable de la société kadicienne. William Dunbar s'était fait une réputation de bad-boy qui se fichait des règles et des punitions, qui connaissait tous les bons plans du lycée—et savait en tirer partie.

Fait plus important pour l'intrigue, sa détermination lui avait permis de découvrir le secret de Yumi—lui permettant d'accéder à Lyoko—et l'avait aveuglé aux dangers de la virtualisation—précipitant son emprisonnement sur Lyoko.

Quoiqu'il en soit, William Dunbar s'était pris une droite¬—ou une gauche—sévère dans la mâchoire, et la douleur n'aidait pas son sourire arrogant. Autre atteinte à sa dignité : Yolande Perraudin, l'infirmière de l'école, qui passait actuellement une pommade apaisante sur sa blessure et lui jetait des regards froids.

— Avale ça, William, demanda-t-elle en lui tendant un comprimé blanc.

Il obéit, renfrogné mais silencieux, tandis que l'adulte se tournait vers l'occupant du lit d'en face—Stern.

— Et toi Ulrich, remets la compresse sur ton œil, ce n'est pas en fixant la porte que tu vas soigner la lésion !

L'infirmière irradiait le mécontentement, son visage habituellement joli et souriant froissé de déception. Les deux garçons n'étaient pas en reste, s'échangeant des regards noirs—avec quelque peu de difficultés pour Ulrich—et des gestes agressifs quand Perraudin avait le dos tourné.

— Ernest, le désinfectant sert pour ton nez, et pas pour tes oreilles, lançait la professionnelle en direction du troisième grand blessé.

— Ah ouais… ok…

Ulrich jeta un dernier doigt d'honneur à William avant de se tourner vers l'entrée, où attendaient quelques autres adolescents impliqués d'une manière ou d'une autre dans la bataille.

Burrel s'était pris un coup sur la tête, Odd portait des éraflures sur ses deux avant-bras et le front¬, et Christophe M'Bala souffrait d'une contusion au genou. Théo Gauthier, accompagné d'autres footballeurs qui avaient profité de la mêlée pour régler leurs comptes, s'était pris des coups superficiels. Fait plus curieux, Anaïs Fiquet, une première très populaire, s'était faite griffer les joues et la gorge. Elle avait cru mettre hors service l'appareil photo de Tamiya à la faveur de la confusion, car la journaliste l'avait photographiée en plein roulage de pelle avec un troisième.

— Matthias, Christophe, Odd, Théo, Bastien, Thomas, Jean-Baptiste, Matthieu… et Anaïs… (ce dernier nom fut prononcé avec une déception évidente) …vous pouvez partir, ordonna l'infirmière. Oust !

Sous les regards polaires de l'infirmière, la foule se délita rapidement, les élèves ruisselant vers le couloir en file indienne. Seule Odd resta, lançant un regard malicieux avec Ulrich... ils étaient bien trop habitués à être complices. Le maigre blond hocha de la tête.

— Mais m'dame… tenta-t-il avec un sourire enjôleur. J'me sens faible, je sais pas si j'peux aller en cours…

— Il ne me semble pas que ta collision accidentelle avec monsieur M'Bala t'empêche d'aller saluer madame Hertz, répliqua l'adulte en arquant un sourcil.

— Mais m'dame… J'attends mes amis Ernest, Ulrich et Willy !

— Certainement pas. Sors. Je ne plaisante pas. Sors !

Odd perdit son sourire, et échangea un dernier regard avec Ulrich. Il obéit d'un pas traînant. Une fois le blond parti, l'atmosphère lumineuse de l'infirmerie s'alourdit de façon significative.

— Que dire, messieurs… soupira Yolande Perraudin. Je vous avais déjà vus tout trois séparément, mais je ne pensais pas vous traiter ensemble. Pour des actes aussi puérils.

Aucun des trois garçons ne lui répondirent, et dix minutes s'écoulèrent en silence. Finalement, un événement mit fin à leur supplice…

— Yolande, le proviseur est prévenu ! coupa une voix grave. La carrure épaisse Jim se dessina dans l'encadrement de la porte et il lança un regard rude aux trois garçons. Stern ! Dunbar ! Tié ! J'vous préviens qu'vous êtes provisoirement considérés comme d'vrais criminels, jusqu'à ce que le proviseur vous considère un vrai bon coup ! Z'allez voir !

Yolande Perraudin indiqua auxdits criminels de suivre le surveillant, et le groupe fila à travers les couloirs clairs de Kadic. Tandis que les plus jeunes restaient plongés dans un silence renfrogné et se jetaient des regards peu courtois, Jim poursuivait sa tirade.

— Et z'allez voir qu'le proviseur va démêler le vrai du faux, et le faux du vrai, et puis le faux du faux et le—bon sang d'vrai… euh bon sang d'bois… Z'allez voir !

Bientôt ils se tenaient muettement dans vaste bureau de Jean-Pierre Delmas, proviseur de son état. L'homme sursauta, semblant précipitamment fermer une fenêtre sur son ordinateur, et se tourna vers le gardien des fautifs, figé dans un fier salut militaire. Il tira légèrement sur sa barbe.

— Eurm, oui, Jim… vous pouvez, eurm… partir. Je suis sûr que ces trois garçons… enfin ces jeunes délinquants… ne me feront pas de mal.

— Mais Jean-Pierre… balbutia Jim. Les sourcils du proviseur se froncèrent.

— Pas de ça devant les élèves, Jim… Sortez.

Quand le surveillant s'en fut allé avec un regard noir envers les lycéens, Jean-Pierre Delmas—proviseur de son état—poussa un profond soupir.

— Les garçons, vous ne me laissez pas d'autre choix. Ce sera une heure de colle tous les vendredis de quatre à cinq, surveillée par Jim… et ce jusqu'à la fin du mois.

(La Première L)

Quand Yumi entra en salle D6 et vit ses camarades de classe, elle comprit tout de suite ce dont son père avait voulu l'avertir. Tout étranger à l'école aurait pu remarquer que les bureaux étaient uniquement occupés par des filles. Ce que Yumi savait de plus se rapportait au niveau scolaire desdites filles. Anaïs Fiquet était nulle—sa meilleure amie, Priscilla Blaise, réussissait parfois un peu mieux… car elle était orgueilleuse. Carolina Savorani et Maïtena L'Écuyer étaient médiocres.

À l'arrière était assise Émilie Leduc. Le dos droit, un cahier ouvert entre ses mains parfaitement alignée avec le bord de la table, la jeune femme semblait le portrait même de la bonne élève. Bonne élève qui avait flirté avec Ulrich un jour... mais bonne élève quand même. Forte de ces sentiments mitigés, Yumi s'approcha d'Émilie et la salua d'un geste bref.

— Bonjour, est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi ?

Peut-être Yumi était-elle un peu trop brusque. Émilie rougit.

— Euh... oui je suppose...

La conversations s'arrêta sur cette réponse embarrassée. Plus ou moins rassurée, Yumi put se concentrer sur leur professeur principal, M. Fumet—grand, l'air ennuyé et ennuyeux, voix traînante, visage vieilli et écharpe en permanence enroulée autour d'un cou raide et épais. Odd l'appelait monsieur tortue. Il semblait soulagé de compter Yumi parmi ses élèves.

— Je suis ravi que tes parents aient accepté ton passage en première L… oui, vraiment… excellent.

(Ils n'avaient pas accepté, ils s'étaient battus avec méchanceté, ils avaient transformé l'orientation de leur fille en prétexte pour se détester.)

Yumi ne trouvait pas cela « excellent » d'être arrivée en L avec Anaïs Fiquet et Maïtena L'Écuyer, elle aurait préféré suivre une décision approuvée par sa famille… La jeune fille ne laissa filtrer aucune de ses émotions dans sa réponse.

— Je vous remercie.

Le professeur lui sourit et continua l'appel, souriant aussi à Émilie. Les pensées de Yumi dérivaient déjà—Ulrich s'était battu avec William… il n'en ratait décidément jamais une. S'il y avait une chose qui irritait la jeune femme, c'était les comportements puérils—en venir aux mains, [i]par exemple[/i].

M. Fumet embraya sur le travail intense requis en première L, sachant qu'il y avait le bac à la fin de l'année, sachant que cette année leur offrait une possibilité inédite de se cultiver, de lire, etc…

— Tes vacances se sont bien passées ?

Yumi sursauta. Émilie la fixait avec incertitude et son sourire était un peu crispé.

— Euh, oui… marmonna Yumi en réponse. Et... toi ?

— Ça dépend. Ma mère ne voulait pas que je passe en L donc... on a eu quelques accrochages.

— Ah.

Cette réponse éloquente masquait le fait que Yumi venait de faire une découverte importante : Émilie Leduc était une personne fondamentalement [i]gentille[/i].

— Moi, c'était mon père qui refusait, ajouta-t-elle après réflexion. En fait mes parents ne s'entendent pas trop...

— Moi... mon père laisse ma mère faire ce qu'elle veut !

— Et tu es la seule à te rebeller ? sourit Yumi.

— Non, ma grande-soeur m'a montré le chemin... c'est une vraie punk qui a décidé de faire carrière avec son groupe... ma mère travaille dans une banque.

À réflexion, Yumi voyait très bien pourquoi Ulrich avec sympathisé avec Émilie. Ils avaient tous les deux le même genre de parents.

— Tu ne lui ressembles pas trop, observa-t-elle à voix haute.

— Ah non, s'amusa la jeune femme en réponse. Ma résistance à moi est plus... discrète.

— Moi je n'aime pas faire de la résistance... soupira Yumi. Émilie s'étonna à ces mots, fronçant les sourcils, glissant une main vers son cahier ouvert.

— Mais... Tu es venue en L pourtant...?

Pendant une minute Yumi ne répondit pas. Elle repensa à son été en famille et à quel point leur vie commune s'était dégradée. Elle hésita à parler. Quand elle se décida, la deuxième sonnerie retentit et elle comprit que c'était un peu trop tard pour parler.

— William est dans notre classe ? murmura soudain Émilie, avec un rougissement. Oh, il s'est pris un coup dans le menton...

La porte de la salle D6 s'ouvrit à cet instant, et Yumi se tendit, gardant son regard vissé sur son bureau et priant pour que cela suffise. On s'excusa vaguement pour un retard. Puis…

— Salut Yumi, fit une voix ironique. J'espère que tu ne vas pas aussi me frapper parce qu'on est dans la même classe.

— Les accidents arrivent, l'informa-t-elle avec une certaine froideur.

Yumi lui jeta un regard—comme l'avait remarqué Émilie, une de ses joues était enflée, son menton devenait violet. À gauche de la paire, sa voisine studieuse ne perdait pas une miette de l'échange, les yeux écarquillés.

— Pourquoi t'es venu t'asseoir à côté de moi, de toute façon ? souffla Yumi. Il y a plein d'autres tables vides ici et je suis sûre qu'elles seront mieux capables de te supporter.

— Oh tu sais… (Yumi faillit rétorquer que non, mais elle tint sa langue et William finit sans encombre.) Après tous ces mois, j'apprécie de voir des têtes connues.

Les premières savaient tous les deux de quels mois William voulait parler—et la mention de cette période fut assez pour éteindre l'échange. La place du beau-gosse amoché était assurée pour l'année. Silencieusement, Yumi commença à prendre le cours en note.

(La Seconde A)

La seconde A avait reçu Suzanne Hertz comme professeure principale. Mme Hertz enseignait la physique-chimie, portait en permanence une blouse d'un blanc éclatant, et fronçait souvent les sourcils—d'un blanc également éclatant. L'adulte était petite. Mais elle avait une aura.

Oui, Mme Hertz le savait : elle était née pour être professeure. Elle maîtrisait l'art d'être sèche sans insulter, d'insinuer sans avoir de quoi craindre les parents d'élèves. Surtout, elle savait lancer des regards d'une froideur sans égal.

C'était un de ceux-là qui fixait actuellement Ulrich Stern, muet derrière la glace qu'il portait à son œil.

— Ulrich. Je tiens à dire publiquement que ta conduite est honteuse, d'autant plus le premier jour de l'année scolaire.

La professeure paraissait atteindre des sommets de mépris.

— Ton manque de retenue est des plus sidérants. J'attends que tu changes immédiatement de comportement, énonça-t-elle glacialement. Ce n'était franchement pas la peine de faire autant d'efforts pour rentrer au lycée si ton esprit est resté en sixième.

Le brun resta entièrement silencieux, et Mme Hertz se désintéressa, le congédiant d'un geste rapide.

— À ta place. Bien. Jeunes gens, ce n'est pas parce que le lycée vous autorise plus de libertés—notamment le weekend—qu'il faut se laisser aller d'aucune manière…

« Sa place » était au milieu de la rangée du fond, à la gauche d'Odd. Aelita et Jérémie s'installaient typiquement au premier rang, sauf dans les rares cours ou les arrangements changeaient. De fait, la place attitrée d'Odd et d'Ulrich était au fond, et depuis la troisième, les camarades de classe avaient appris à leur laisser.

— Mec, t'es cheum, l'informa sagement Odd tandis qu'il s'asseyait. Et tu me rappelles vaguement quelque chose… j'hésite entre un pruneau gâté et Tokyo Hotel…

— C'est mon glaçon qui reflète ton visage… sourit Ulrich avec une fausse gentillesse.

L'échange se fit plus sérieux.

— Alors vieux, t'en as pris pour combien d'années de bagne ?

— Une heure le vendredi soir jusqu'à la fin du mois… surveillées par G.I Jim.

— Trop cool, tu vas pouvoir recommencer les stages commandos.

— Et un mail à mon père…

— Einstein l'interceptera.

Ulrich s'affala sur sa chaise et soupira.

— Putain, j'ai vraiment merdé.

Odd grimaça de manière théâtrale.

— Si ça te rassure, William me fait penser à une sorte d'aubergine. Peut-être en caviar.

(Le lundi 5 Septembre)

Les illuminatis n'existent certainement pas, mais Aelita Stones—ou était-ce Aelita Hopper, ou Aelita Schaeffer ?—s'en fichait totalement. Penchée contre la rambarde de l'escalier sud du deuxième étage du bâtiment des dortoirs—si besoin est de préciser, Aelita Stones, ou était-ce Aelita Hopper, ou Aelita Schaeffer, était perchée sur la troisième marche—la jeune fille se laissait aller à un baiser langoureux.

Jérémie Belpois, qui avait posé deux mains prudentes sur les hanches de sa petite-amie, se retrouva confus quand elle interrompit leur échange.

— Tu vas pouvoir intercepter le mail du proviseur, n'est-ce pas ? le sonda-t-elle doucement. Pour Ulrich ?

— Euh oui, bien sûr, répondit le blond, sans doute surpris par la soudaineté de la question.

— Tant mieux, sourit Aelita.

Elle se désengagea de Jérémie, mais le retint d'une main serrée, et ils observèrent le jour mourir par la fenêtre.

— Je ferais mieux de rentrer avant que G.I Jim ne s'active, observa paresseusement Aelita. Son petit-ami grimaça avec déception.

— T'as raison, admit-il cependant. Ne prends pas exemple sur Ulrich en te faisant chopper le jour de la rentrée…

— Odd m'a dit que William avait bien cherché son coup de poing.

— Sans doute, mais c'est toujours celui qui frappe en premier qui a tort.

Aelita ne savait pas si elle était d'accord avec cette remarque, et elle laissa un court silence s'installer entre eux. Les pensées de Jérémie dérivèrent—car penser à William lui faisait toujours penser au clone si hâtivement fabriqué, et penser au clone le ramenait sans faille à Lyoko…

— Mais, le gauche ou le droit ? lui demanda brusquement Aelita. Il sursauta et la fixa avec des yeux ronds.

— Pardon ?

Sa petite-amie cligna des yeux—réalisant que Jérémie n'avait, en toute logique, pas pu entendre les pensées qui l'avaient animée ces cinq dernières minutes. Elle sourit.

— Puisqu'Ulrich est gaucher, il a dû mettre une gauche, pas une droite, non ?

— Oui… certainement.

— Et quand il se lève du mauvais pied, il se lève du droit. (Mais Jérémie secouait déjà de la tête.)

— Non, quand on se lève du mauvais pied, c'est toujours le gauche.

— Ah bon.

Aelita paru brièvement mécontente, puis hocha de la tête, et retrouva une expression apaisée.

— Ok. Je ferai mieux d'y aller…

Elle lui fit un bisou sur chaque jour, puis ils s'embrassèrent une nouvelle fois—durant quelques minutes, et le soleil poursuivit sa descente. Puis Jérémie descendit les escaliers jusqu'au deuxième, et Aelita les monta jusqu'au troisième.

— À demain !

La seconde s'enfonça dans les couloirs des filles, rencontrant quelques nouvelles, certaines un peu perdues, d'autres guidées par d'anciennes élèves. Toutes sans exception haussèrent les sourcils en croisant Aelita, qui retint un soupir, maudissant vaguement ses cheveux roses.

Les lettres dorées du numéro « 405 » apparaissaient tout juste au bout de sa vision quand on l'interpella.

— Aelita !

Gah. Ne pouvait-on jamais être tranquille ?

— Oui… ? s'enquit-elle poliment, se retournant. C'était Sissi. Qui avait l'air… timide, quelle horreur ça ne lui allait pas.

— Je voulais te souhaiter la bonne nuit, en tant qu'amie… sourit la fille du proviseur, d'un air gêné.

— Oh, pas de souci… fit Aelita, surprise.

Un court silence.

— Eh bien… bonne nuit ! dit-elle finalement à Sissi.

— Oui, bonne nuit !

Rayonnante, la fille du proviseur s'en alla, et Aelita se tourna vers sa chambre, remuée. Le dialogue lui avait procuré un sentiment d'étrangeté, de dépaysement, qui ne se dissipa pas malgré le sommeil.