Disclamer: Les personnages sont à J.K Rowling, le titre lui appartient aussi (chapitre 11 tome 6)
Ceci est ma première fanfiction (si un one shot peut se targuer d'en être une)
La main secourable d'Hermione
La marque était là, il la camouflait sous ses vêtements. Quand il avait chaud, il ne remontait qu'une seule manche de sa chemise et prenait bien soin de boutonner l'autre. Il la détestait, il haïssait l'encre noire incrustée dans sa peau. C'était le mal, la perversité, le malheur à même son corps. Quand il se déshabillait, elle était là et lui rappelait un passé qu'il aurait voulu fuir. Des souvenirs de sang, de colère et d'os qu'il aurait voulu se sortir du crâne. Elle le brûlait souvent, comme si un puissant acide lui rongeait l'avant-bras. Il ne criait pas, supportait la douleur en silence car, après tout, c'était sa faute. La souffrance n'était que la monnaie de sa pièce. Il avait choisi. Il s'était trompé. Oh oui, il s'était trompé…. Il était coupable, il le savait. Coupable jusqu'au bout des ongles. En souffrant, il expiait ses fautes. En souffrant, il rachetait son âme. En souffrant, il sauvait sa peau.
Coupable de familles déchirées, d'hommes, de femmes anéantis. Il avait tué, il avait perdu un morceau de lui. Il s'était perdu lui-même. Le jour s'était mué en nuit. Le bonheur en malheur. L'amour en haine. La vie était devenue un combat de tous les instants et qu'il croyait perdu d'avance. Il attendait que le temps s'allonge sans bouger. Que les heures, les jours, les semaines passent et le rapproche de ce rien ultime qui était devenu son but.
Il ne souriait plus, s'il avait essayé, ses lèvres se seraient fissurées. Il souffrait en silence, se brisait sans un son. Des pans entiers de sa vie s'effritaient devant ses yeux sans qu'il cille. Son visage prit dans le marbre ne laissait transparaître qu'une profonde lassitude d'exister. Il avait tout vu, tout fait. Surtout le pire et, parfois, le meilleur.
Il se réveillait, tremblant et le visage baigné de larmes, au milieu de la nuit. Il contemplait le plafond de sa chambre et gardait les yeux ouverts jusqu'à ce que son soleil baigné de cendre se lève. Ensuite, il se trainait hors de son lit. Il s'habillait, il mangeait, il reprenait sa vie d'avant. Cette vie d'avant la guerre. Cette vie perdue que tous essayaient vainement de retrouver. Cette vie où l'on riait, où l'on vivait. Drago s'habillait. Drago mangeait. Drago reprenait sa vie d'avant. Drago mourrait. Il sentait presque ses cellules redevenir poussière. Car, derrière cet horrible masque qu'il se plaquait sur le visage jusqu'à en étouffer, il dépérissait. Son âme pourrie jusqu'à la moelle le bouffait de l'intérieur.
Rien ne s'arrangeait, il s'était engagé sur une pente glissante qui le tirait inexorablement vers le bas. Il perdait le peu d'espoir qu'il avait gardé lors de sa décente en enfer. Rien ne le sauverait. Il était seul, vraiment seul. Personne ne voyait au fond de ses yeux à quel point il souffrait, à quel point cette guerre l'avait amoché, laminé, déchiré. Plus de père, plus de mère, plus d'amis. Juste cette étouffante solitude qui lui collait à la peau.
Parfois, des sanglots muets lui sciaient la poitrine en deux. Il courbait l'échine et laissait ses larmes ruisseler le long de son visage. Il restait prostré, les épaules voutées, sans bouger. Comme si la tristesse, la douleur, allait atteindre un stade à partir duquel il serait privé de toutes sensations. Il se savait brisé, impuissant et misérable. Il ne pouvait pas se sauver de lui-même, il attendait une main secourable qui ne venait pas. Une lumière à l'orée de l'abime. Une flamme qui éclaircirait sa nuit profonde. Mais rien. Personne. Il allait bientôt atteindre un point de non-retour. À partir de ce moment-là, il ne serait plus qu'une infinité de vide piégée derrière deux yeux morts. Une âme en lambeau. Un amas de cendres.
Il avait peur, peur de quitter cette vie qu'il avait pourtant chérie et aimée. Mais il était trop faible, trop faible pour lutter contre l'oubli.
La période de Noël était arrivée, c'était de plus en plus dur pour Drago. Il se sentait disparaître un peu plus chaque jour, il se sentait approcher de ce point où il se briserait en mille morceaux.
Il ne restait plus que quelques Serpentard et deux Griffondor dans le château pour les vacances.
La veille de noël, il n'eut pas la force d'aller diner avec les autres. Il ne voulait voir personne, il ne voulait pas se forcer à parler. Il sortit de sa salle commune et erra sans but dans le château. La froideur de l'hiver s'était immiscée dans le château. L'aile ouest était glaciale. Drago espérait que les aiguilles qui lui transperçaient la peau le détourneraient de ses funestes pensées. Son cœur lui brulait la poitrine. Il lui faisait si mal… de l'acier en fusion dans la cage thoracique.
Il se laissa tomber sur le sol. Au milieu du couloir. Les dalles engourdissaient ses membres. Il ne bougeait pas. Il ne bougerait pas. Roc de grès. Visage pâle et fermé. L'ombre de lui-même. Le souvenir errant d'un défunt.
Ses mains tremblaient, il remonta d'un geste fébrile sa manche. Celle qui recouvrait sa marque. L'hideuse marque noire. Elle lui faisait encore plus mal que d'habitude. Le tatouage palpitait, se distendait sur son avant-bras, ondulait sur sa chair. Il eut un hoquet de frayeur puis laissa retomber le tissu. Il porta ensuite une main à son visage. Des larmes. Des perles brûlantes et silencieuses qui glissaient sur ses joues. De la tristesse et de la terreur mêlée.
Sourire lui déchirait le visage, pleurer lui carbonisait la peau.
Il y avait un garçon agenouillé au milieu du couloir. Je ne me souviens plus pourquoi je passais par là. Je me plais parfois à dire que c'était le destin. Il était seul, tout était vide, froid. Je me suis approchée doucement tandis que des sanglots secouaient sa poitrine. Il n'a pas bougé quand j'ai posé ma main sur son épaule. J'aurais voulu qu'il réagisse, qu'il me rejette, qu'il relève la tête. Il n'a rien fait, pas un mouvement. Juste cette inquiétante immobilité, cette absence de vie. Un homme brisé transformé en pierre ai-je songé. Je me suis penchée vers lui, je l'ai secoué. J'ai passé ma main entre ses larges épaules comme pour le réchauffer. Il a fini par cligner des paupières, comme si il venait de prendre conscience de ma présence. Il a tourné son visage vers moi. Mon souffle s'est bloqué dans mes poumons. Deux trous gris et tristes. Juste une immense étendue de vide derrière ses prunelles d'un noir délavé. Toute la détresse que notre pauvre monde ait porté rassemblé dans ces deux yeux. Il a recommencé à pleurer, des larmes de bête blessée, d'enfant abandonné. Je l'ai attiré contre moi. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Je l'ai bercé. J'ai murmuré des promesses, tant de promesse… des mots vides de sens, des supplications, des phrases que l'on adresse à un enfant après un long cauchemar. Il m'a agrippée, a refermé ses bras sur moi, il a niché son visage dans mon cou. Je ne sais pas combien de temps on est restés là. Assis. Seuls. Le monde avait cessé de tourner. Les étoiles, la nuit et la Lune s'étaient tués. Il y avait juste nous, au milieu de cet Océan. De cette immensité qui nous ballotait. Accrochés l'un à l'autre. Seul point d'encrage, seul chose tangible dans ce monde peuplé de spectres.
Nous nous sommes relevés. Ses jambes étaient tremblantes, il a chancelé un instant puis s'est repris. J'ai saisi sa main gauche. Mes doigts se sont, sans que je sache comment, enroulés aux siens. Sa manche était retroussée. Sa marque pulsait contre mon bras nu. Je me suis collée un peu plus à lui. Il m'a regardée. Il a tenté un sourire. Son masque s'est fissuré, ses faux semblants ont explosé, ses yeux ont retrouvé leur éclat si singulier. Je n'ai pu m'empêcher de lui rendre tristement son sourire.
Le monde s'est remis en branle. Nous marchions doucement, comme pour défier le temps de nous brusquer. Les étoiles, la Lune ont repris leur course dans le ciel. La nuit a battu au rythme de mon cœur.
J'ai fermé les yeux, il y avait sa chaleur à lui, ma froideur, ma tristesse, mon mal-être à moi. Cette noirceur que je portais en moi, cette chose que la guerre avait fait naître en mon sein. Ces blessures que je n'avais jamais pansées. Mais tout cela fondait comme neige au soleil. Ne subsistait que l'espoir. J'ai testé le mot dans ma bouche.
-Espoir, ai-je murmuré.
Il sonnait si bien.
J'espère que vous avez apprécié.
