Captation d'innocence

Genre: UA Drame/romance

Pairing: HPSS

Rating: M

Disclaimer: Les principaux persos sont à JKR, les autres sont à nous.

Note des auteures : Bienvenue dans cette nouvelle fic écrite à quatre mains, celles de Mastericeeyes et de Pilgrim67.

Comme vous le verrez, il s'agit d'un UA ayant pour personnages principaux Severus Snape, devenu prêtre pour l'occasion, et Harry, jeune orphelin de 17 ans.

Les parties concernant Snape sont écrites par Mastericeeyees, celles concernant Harry par Pilgrim.

Les styles sont volontairement très différents, car chaque partie est un POV. La périodicité sera, a priori, de un à deux chapitres par mois.

Merci de nous laisser vos commentaires !!

POV SNAPE

Une pluie lourde et brumeuse s'abat depuis des jours sur le village comme une douce répression divine.

Punissez-moi mon père parce que j'ai péché.

Les chemins sont boueux, les charrettes s'enlisent et les sabots des chevaux s'embourbent.

Les écluses des cieux déversent leur courroux sur les villageois fallacieux.

Absolvez-les mon Dieu, ils ne sont que d'humbles pécheurs.

Je croise quelques fermiers sur ma route, les cordes tombant du ciel ne suffiraient pas à les pendre tous !

Ma noire soutane pèse sur mes épaules comme la couronne d'un roi pèse sur son crâne caverneux, et ce col immaculé, symbole de mon pouvoir, enserre ma gorge et capture mon souffle.

Mais ce vêtement de Dieu est mon sceptre et les villageois courbent le front sur mon passage, je ne suis pas seulement son disciple, je ne suis pas uniquement son instrument, dans ce village, je fusionne, je suis Lui.

Représentant du Divin, je suis omniscient, régisseur du village, je suis omnipotent, et dans la Maison de mon Dieu, je suis anthropophage : je dévore ces âmes damnées, leur accordant l'absolution usurpée selon mon bon vouloir. Dieu a sa loi, mais j'ai la mienne, ma conscience hurle au blasphème que mon corps bénit en silence, caché dans le noir placard de Dieu, il se nourrit du péché de ces démons envieux.

Ne nous fais pas entrer en tentation.

Dans ce placard infernal, je découvre le vice, je corromps le mal et déflore la morale. Les secrets interdits pénètrent mon esprit, l'enlace et le consume, ces clandestins prohibés m'assaillent par vague alors que la mince grille du pardon filtre inexorablement les pensées coupables. Je sens leur odeur fauve, animale, ils respirent bruyamment comme ils confessent leur obscénité.

Délivrez-nous du mal.

La pluie cesse enfin, douce accalmie mais toujours éphémère dans ce petit village côtier d'Angleterre.

C'est cette eau abondante qui rythme la vie de ce village, dès que les dernières gouttes sont tombées, les rues s'animent soudainement.

« - Oh, bien le bonjour mon père ! » lance Hagrid, une hache imposante à la main.

Bûcheron du village, il travaille à la scierie. Il parcoure les environs traînant ses chevaux malingres à travers les maisonnées pour vendre son bois vert et humide. C'est un homme robuste, de belle taille, sa barbe large et fournie dissimule la moitié de son visage, mais moi, je sais ce qu'il cache derrière son épais fourrage… Il cache son vice derrière les arbres, il cache son péché derrière sa fourrure animale, il cache les bêtes qu'il aime tant, qu'il aime trop…

J'incline la tête en signe de salut. Il se gratte le dos du crâne sous son épaisse crinière.

« - A dimanche à l'office ! »

Je ne réponds rien. Je me dirige vers l'épicerie du village, le jeune Nott, carillonneur, a une fois de plus abusé du vin de messe.

Je suis donc contraint de m'y rendre. L'échoppe est, ma foi, bien agréable, pourtant les persifflages de Mme Parkinson ne font que rendre l'escale périlleuse. Que dirait-elle si elle apprenait que la prunelle de ses yeux, sa Parfaite Pansy, soupire après le fils du directeur de la gazette, que dirait la pieuse Mme Parkinson si elle savait que son précieux bijou écarte les cuisses et se donne du plaisir en pensant à l'héritier Malfoy ? Bien sûr, elle fait pénitence, acte de contrition, mais regrette-t-elle assurément chaque fois que sa main fine se faufile entre ses jambes avides ? Invoque-t-elle son Dieu de luxure lorsque ses pommettes s'échauffent et que son corps se raidit ou supplie-t-elle le mien de la délivrer du pêché de la chair ?

Que ton nom soit sanctifié.

Mon église est majestueuse au centre du village, son clocher dressé fièrement à la gloire de notre Seigneur. Elle surplombe et domine du haut de sa Sainte colline.

A la droite du Seigneur, un large bâtiment accueille les fermiers et bien que les villageois aient toujours recours au troc, la banque a permis à ce qui n'était qu'un agrégat stérile de maisons éparses de prospérer.

Arthur Weasley dirige la banque d'une main bienveillante avec l'aide de son fils aîné et les interventions ponctuelles de sa femme. La banque ne leur appartient pas, mais ils se sont associés à Lucius Malfoy et l'égalité des parts leur donne droit à l'annulation de toute décision prise sans le consentement mutuel des deux parties, lutte acharnée des clans aspirant de part et d'autre les maigres ressources des agriculteurs aux abois.

Quant à leur second fils, il s'est associé à ce singulier et ténébreux personnage, arrivé quelques mois auparavant du Nouveau Continent, ils s'imposent à eux deux comme une référence incontournable de la ferronnerie. Charly Weasley débourre les chevaux et s'en occupe avec soin tandis que Blaize Zabini manie les outils d'une poigne habile. Ils ont décidé d'installer leur atelier dans une vieille grange abandonnée derrière l'église et proposent spontanément de menus services à Dieu.

Que votre volonté soit faite.

Le torrent de boue me menant à l'échoppe a souillé le saint vêtement. Quelle ironie !

Je franchis finalement la porte faisant teinter l'exaspérante clochette qui avertit Mme Parkinson de ma présence. Un autre client attend déjà ses provisions.

L'homme de taille moyenne a une peau couleur soleil, Dieu seul sait d'où il peut tenir de telles couleurs et je ne fais en rien partie de la confidence. Ses yeux bruns rieurs en disent beaucoup plus que son aspect timide et bienveillant.

« - Bonjour mon Père.

- Docteur Lupin, salué-je en retour. »

Le fourbe, il ne peut que baisser les yeux alors que mon regard noir transperce son inconduite, ses mains, les traîtresses, confessent pour lui son forfait. Sa bouche tète le pis éthylique, ses lèvres goûtent la purée septembrale, sa langue exsude le malt fermenté.

Il ne peut que baisser les yeux lorsque les miens le percutent de ses chansons païennes qu'il hurlait ivre à la lune montante.

Mon rictus menace de s'étendre tandis que des images de son corps meurtri par le fouet purificateur me reviennent à l'esprit, les lanières bénites épaisses et irrégulières cinglant la chair hérétique.

« - Deux livres de beurres, une livre de sucre, une dizaine d'œufs frais et deux bâtons de réglisse, Docteur, c'est bien cela ?" demande Mme Parkinson les bras chargés de paquets soigneusement emballés.

Le sourire de l'homme de science pourfend la lourde atmosphère.

« - C'est parfait, Madame Parkinson. » acquiesce-t-il.

Son sourire serein et bienveillant m'indispose et je me demande à qui Dieu pardonne vraiment. Pardonne-t-il au coupable repentant, soupirant chaque jour après sa conscience condamnable ? Ou pardonne-t-il à Bélial, Belzebuth ou Léviathan1 ? Pardonne-t-il aux faibles d'avoir péché ou pardonne-t-il aux fourbes de l'avoir trompé ?

Tu ne mentiras point.

Je réprime le désir de brandir ma croix fermement ajustée à mon torse nu, nul ne peut la voir, cachée sous mes robes comme un obscur talisman païen, nul ne peut savoir, je l'ai fixée dans ma chair, attachée soigneusement à ces cordelettes qui me brûlent la peau jusqu'au derme, à la droite de mon cœur, elle pulse au rythme du Seigneur.

Deux fines cordelettes crucifiées aux branches, nouées dans mon dos, pour me rappeler à qui j'appartiens, me rappeler qui je suis. Dieu.

Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur.

Pardonne-moi Seigneur d'absoudre les fourbes parce qu'ils se tiennent droit devant ta Sainte icône, pleurant les stigmates et priant une vierge innocente, candide Cunégonde. Ils mentent jour après jour, ils te dévisagent Seigneur et retournent à leurs vices. Pardonne à ton serviteur d'admirer ces judas marcher sur la route des enfers, pardonne-lui de suivre leurs pas jusqu'à ton shéol, pardonne-moi de plonger dans la géhenne avec délice et de goûter le tartare.

I'm on the highway to hell

J'observe les contours de la flasque marquer le vêtement, le médecin la frôle, la tâte, y dépose une main caressante, rassurante, comme si le pouvoir de la connaissance divine pouvait la lui dérober. Je ne lui subtiliserai pas son salut éphémère, il n'est qu'un homme.

Il me jette un regard oblique et ses jointures blanchissent, sa main se crispe un peu plus sur la bouteille que j'imagine pleine de saveur corruptrice, peut-être la pieuse Mme Parkinson ferme-t-elle les yeux sur le péché mignon du précieux Docteur tant qu'il nourrit de sa main sa profuse hypocondrie.

« - Je le mets sur votre compte Docteur comme d'habitude ? minaude la commerçante.

- Ce serait bien aimable, répond-il un doux sourire sur les lèvres. »

Et je reconnais l'ivresse du sourire qu'il absorbera à même le goulot d'ici quelques minutes.

« - Bonjour mon Père ! »

J'incline la tête poliment.

« - Dîtes-moi Docteur, comment se porte Miss Granger ? Madame Pomfresh m'a dit qu'elle s'était blessée le jour même de l'inauguration de la nouvelle bibliothèque ! »

Elle pousse un son étouffé, outré peut-être, ou un reniflement dédaigneux.

« - Si vous voulez mon avis, elle ne s'est pas blessée en portant les cartons… et quelle générosité de la part de Monsieur Malfoy de faire don de tous ces livres ! continue-t-elle.

- Eh bien, elle devra ménager sa cheville pendant quelques jours mais ce n'était rien de bien sérieux. Les aspérités de la route peuvent s'avérer dangereuses, il faudrait appeler à plus de prudence surtout avec cette boue qui envahit la route principale à chaque averse. Nous devrions peut-être réunir les habitants pour… »

Le docteur est coupé dans son soliloque par l'invasion criarde d'un Weasley.

« - Docteur Lupin, Père Snape ! C'est la diligence ! Elle s'est renversée, je revenais de la ville et…

- Calmez-vous Ronald, que s'est-il passé ? S'enquiert-il.

- Je revenais de la ville, j'étais allé chercher une commande pour mon frère Charly et j'ai vu la diligence sur le bord de la route, il y avait du sang partout ! »

Le garçon se prit la tête entre ses mains. Il était rouge et commençait clairement à hyper ventiler.

« - Pourriez-vous me donner un sac en papier, Mme Parkinson, je vous en saurais gré.

- Un sac en papier mon Père ? »

Elle s'exécute en même temps qu'elle pose distraitement la question comme pour ne pas déroger à sa réputation.

Je ne réponds rien – que répondre à cela de toute évidence mes justifications dénuées de tout commérage l'indiffèrent. Je plaque le sac en papier sur le nez et la bouche du garçon bloquant le flot inutile et ininterrompu de paroles.

Puis nous nous précipitons aussi vite que possible sur le bord de la route où nous trouvons effectivement la diligence couchée sur le côté droit. Les malles des passagers sont ouvertes et il ne nous faut pas bien longtemps avant comprendre que des brigands ont pillé les malheureux. L'air sent la poudre et le sang achève de nous convaincre que des coups de feu ont été tirés.

Nous tentons d'ouvrir la porte mais elle résiste. Le Docteur m'enjoint de réciter une prière et je retiens une réplique cinglante. Je concentre mon Bélial personnel sur la porte, mon poing saigne mais la porte cède enfin.

« - Doux Jésus ! » laisse échapper le docteur.

Je le couvre d'un regard désapprobateur qu'il ne semble même pas noter.

Tu n'invoqueras pas le nom de ton Dieu en vain.

C'est un carnage. L'odeur âcre et métallique du sang nous fouette le visage. Les passagers sont entassés comme les carcasses de bestiaux malades, nul doute que la carriole avait dû être bien secouée. Les corps gisent dans une marre de sang et des éclaboussures ornent artistiquement les parois de la voiture.

Les corps sont blêmes et rigides mais Lupin et sa conscience professionnelle inaltérable examinent les passagers un par un. Un faible gémissement s'échappe des lèvres du cochet qui s'est trouvé on ne sait comment dans la carriole – probablement une excentricité des bandits.

Je reconnais les corps de Lily et James Potter, d'excellents paroissiens, ils n'étaient que des fermiers, ils avaient pourtant au fil des ans su se constituer un petit pécule et faisaient partis des familles les plus influentes du village. James Potter était venu me trouver quelques jours auparavant, il songeait à reprendre des études qu'il avait à peine commencées avant de se marier, des études de droit. Ce voyage était probablement un itinéraire prospectif en vue de déterminer l'université à laquelle il souhaitait s'affilier. Ils avaient un fils, il me semble.

Les cinq passagers sont morts. Seul le cocher a survécu, il est sévèrement blessé à la poitrine mais à jeun, Lupin saura le soigner.

Lily et James Potter étaient de ceux qui vont droit au paradis, deux âmes charitables au cœur d'or, le genre de personne qu'on ne peut que haïr d'être si bonnes, pas une once de fourberie, pas un doigt de perfidie. On ne peut que les soupçonner de mieux cacher leurs vices mais la vérité est probablement qu'on les envie de ne pas en avoir. Personnellement, ils m'attristent, ils ne sauront jamais à quel point il est bon de pécher, de s'abandonner au vice, de le laisser nous envelopper d'un épais manteau libertin, envahir, pénétrer d'une ardeur dissolue, puis être absous, libéré d'un poids immense pour recommencer encore et encore et encore.

Sont-ce là les paroles d'un serviteur de Dieu ? Je le crains.

ooOOoo

L'enterrement était émouvant il me semble. Mais ne le sont-ils pas tous ? Lorsque de pauvres inconnus déblatèrent une foultitude de louanges sur deux corps qu'ils ne connaissent pas.

Des torrents de larmes ont baigné la ville ce jour-là, mais qui grugent-elles exactement ? Dans le cœur des villageois, le prêtre sait. Ces larmes accompagnant le déchirement feint ne sont que des larmes de soulagement, un soulagement certain de ne pas avoir été sur le chemin des brigands, de ne pas avoir pris la diligence ce jour-là.

Pourtant je feins de croire à leur peine, je feins de croire à la compassion, je feins de croire que les hommes sont fondamentalement bons.

Tu es poussière et tu retourneras à la poussière

Alors que je récite les quelques prières traditionnelles sur les cercueils de mes deux paroissiens, je lève les yeux sur les contrefacteurs d'une peine qui n'est assurément pas la leur et curieusement, il me semble que le médecin a l'air sincèrement affecté, nul doute qu'il le confessera plus tard à sa flasque, sa bouche étroitement collée contre le goulot tentateur, s'abreuvant à lui comme aux lèvres coquines d'une femme.

De retour à la maison de mon Dieu, je laisse échapper un soupir. Je hais ces formalités autant que mon Seigneur abhorre le mensonge. Je me dirige vers mon office songeant qu'il me faudra passer à la banque, c'est là-bas que nous conservons les testaments des villageois, bien enfouis au cœur même du vice parmi ses congénères à l'effigie de la reine, enfin je décide de rebrousser chemin et d'y aller de suite mais je suis arrêté dans ma course par le Docteur d'enfer, et je me fais la réflexion que ce surnom ridicule n'a jamais été plus vrai. Il est misérable, ses yeux sont rouges et gonflés, ses mains tremblent comme s'il n'avait pas bu depuis quelques jours, ses joues sont creusées et ses épaules voûtées. Il semble qu'il ait pris vingt ans en à peine une semaine. J'ai toujours su qu'un jour, il se briserait mais pour la mort d'un couple qu'il connaissait à peine ?

« - Mon Père ? Puis-je vous entretenir quelques instants ? »

Sa voix n'est qu'un murmure et je me dis que peut-être, il connaissait Lily et James Potter bien plus que je ne le pensais, peut-être que finalement un prêtre ne sait pas tout… mais pourtant…

« - Je vous écoute Lupin. »

Il secoue la tête et déglutit péniblement. Est-ce qu'il ravale un sanglot ?

« - Pas ici. » souffle-t-il enfin.

Je désigne mon bureau d'un signe de tête et il me suit sans mot dire. Je m'assieds derrière mon bureau, l'invite à en faire de même et joins les mains sur le bois d'une manière que j'espère incitative.

« - Est-ce que James et Lily avaient laissé un testament ? »

L'argent pourrit le cœur des hommes, mais je ne pensais pas que Lupin était de la trempe des chasseurs d'héritage. Il a bien d'autres vices, le précieux Docteur.

Car l'amour de l'argent est la racine de tous les maux

« - Je ne sais pas encore. J'allais justement me rendre à la banque. S'ils en ont fait un, ce n'était pas avec moi. »

En ce qui concerne les héritages, notre village est probablement à l'avant-garde. Nous avons une méthode de fonctionnement bien spécifique. Les villageois ont deux options : s'ils me choisissent en tant que notaire, ils s'engagent à léguer une partie de leurs biens à l'église. Dans le cas où aucune famille ni héritier n'est mentionné, l'église est désignée comme héritière par défaut. Ils peuvent également se tourner vers Arthur Weasley, le directeur de la banque, il fonctionne de même à la différence que si aucun héritier n'est désigné par le testateur, les biens sont divisés en parts égales entre l'église et la banque. Il me semble avoir vaguement mentionné une excommunication le cas échéant…

« - Il faut prévenir Harry.

- Harry ? questionné-je.

- Le fils de Lily et James mon Père. Vous ne vous souvenez pas ? »

J'ai le souvenir flou d'un petit garçon aux yeux clairs et aux cheveux hirsutes mais je ne peux me vanter d'en garder un souvenir impérissable. Avant même que j'ai pu poser la question le médecin poursuit.

« - Harry James Potter est leur fils… »

Il a un étrange sourire sur le visage et je réalise avec consternation que je ne connais pas tout de cet homme.

« - J'ai aidé Lily à le mettre au monde, continue-t-il avec ce même sourire rêveur, c'était pendant mes premières années de médecine, j'étais encore un peu maladroit et pas encore… »

Il secoue la tête pour chasser de mauvais souvenirs semble-t-il.

« - Il est parti à la grande ville, il y a quelques temps, personne ne sait pourquoi exactement… mais il faudrait le prévenir, il a le droit de savoir.

- Est-ce que quelqu'un possède son adresse ?

- Il était ami avec le jeune Ronald Weasley, il me semble. Je ne sais pas s'ils ont gardé contact mais peut-être qu'il pourrait nous donner une adresse.

- Très bien. Pendant que j'irai à la banque m'enquérir d'un éventuel testament, vous irez demander au jeune Weasley s'il sait quelque chose. Revenez me voir dès que vous saurez. »

Quelques instants plus tard, je franchis enfin la porte de la banque et suis accueilli par la femme du directeur, son sourire dégoulinant de bienveillance me vrille les entrailles.

« - Madame Weasley. salué-je poliment. Je souhaite m'entretenir avec votre époux.

- Bien sûr mon Père. Quelle tragédie n'est-ce pas ? Lily était une femme admirable et James était un homme bon. »

J'acquiesce mais n'en dis pas plus lorsqu'Arthur arrive.

« - Monsieur Weasley…

- Je vous en prie, mon Père, appelez-moi Arthur.

- Arthur. Ma visite concerne Lily et James Potter. Je n'ai pas souvenir d'avoir rédigé un quelconque testament mais peut-être que vous…

- Oui. Bien sûr, je me doutais que vous viendriez le chercher, je vous l'avais préparé. Ils lèguent la totalité de leur bien à leur fils, Harry, et cinq pourcent de cet héritage ont été légués à la banque comme le veut le contrat.

- Rien à l'église ? ne puis-je m'empêcher de demander. »

Je sais que certains paroissiens se tournant vers la banque plutôt que vers l'église pour leur testament craignent ensuite les représailles du Seigneur et assurent leur Salut en léguant tout de même une part à l'église, les fourbes !

Celui qui n'est pas avec moi est contre moi

« - Non, pas cette fois mon Père. Mais il y aura division à parts égales dans le cas où l'héritier reste introuvable ou s'il ne remplit pas les conditions lui permettant l'accession. »

Mes lèvres menacent de s'étirer en un perfide et sournois rictus mais je leur tiens la bride. Le prêtre sait, il sait toujours.

« - Lupin est parti chercher l'adresse grâce à laquelle nous pourrons avertir le garçon du drame. annoncé-je froidement.

- Très bien, dans ce cas, convoquez-moi pour la lecture du testament. »

Je hoche la tête, point n'est besoin d'en dire plus.

Je sors de la banque, marchant d'un bon pas jusqu'à mon refuge lorsque je suis arrêté par Jimmy, un jeune garçon du village. Il a des yeux très clairs qu'il ne lève plus jamais vers moi et je dois avouer que j'aime particulièrement planter mes yeux sombres sur son visage et son corps pour l'intimider mais jamais il ne me regarde. Je l'ai reçu dans mon confessionnal une fois, ce jour où il m'a avoué observer Meredith, sa sœur, il m'a avoué toutes ces choses auxquelles il pensait sans cesse, ces choses qu'un jeune homme de dix huit ans ne devrait jamais faire en dehors du mariage, ne devrait jamais faire à sa propre sœur. Il en a pleuré et j'ai récolté ses larmes.

« - Mon Père, m'interpelle-t-il en fixant le sol terreux, le Docteur Lupin vous cherche, il m'a dit qu'il vous attendait à l'église. »

Je pose une main sur son épaule et je le sens tressaillir. Je ne sais pourquoi sa détresse m'émeut alors qu'il n'est pas différent des autres villageois, les mêmes désirs pervers, les mêmes pensées putrides, peut-être parce qu'il résiste, de toutes ses forces, il ne se laisse pas corrompre mais plus la résistance est forte et plus le plaisir est grand, cette pureté naïve qu'il affiche me bouleverse, cette lutte acharnée contre l'emprise des corps et le besoin de chair.

Il est celui qui a réveillé la chair morte d'un prêtre zélé dans un confessionnal poussiéreux un matin à l'aube par le simple pouvoir de sa voix.

L'esprit est prompt mais la chair est faible

« - Merci Jimmy. »

Il incline la tête, je le regarde toujours. Il n'a aucune idée de pourquoi je le remercie, le bienheureux. M'a-t-il éveillé au péché ? Finalement il s'en va et mes yeux le suivent jusqu'à la sortie du village.

Je pénètre enfin les lieux sacrés, parcourant la nef des yeux, je vois Lupin agenouillé, en prière, ses lèvres précipitant des mots silencieux que je devine. Je parcoure les quelques pas qui nous séparent et m'assieds à côté de lui, effectuant le signe rituel et j'attends. Sa respiration est saccadée, je ne sais pas s'il pleure ou s'il prie intensément mon Seigneur mais ses joues sont rougies.

Lorsqu'il a terminé il se tourne à demi vers moi et j'observe effaré son visage redevenu paisible en l'espace de quelques secondes. Mais quel trouble agite donc cet homme ?

« - Est-ce que vous avez pu avoir une adresse ? »

Il hoche positivement la tête.

« - J'ai déjà envoyé un télégramme. Le jeune Weasley ne l'a pas contacté depuis longtemps mais il m'a assuré qu'il lui aurait communiqué sa nouvelle adresse s'il en avait changée. Nous devrions avoir une réponse d'ici quelques jours.

- Que lui avez-vous dit exactement ?

- Et bien, qu'un drame était arrivé et que sa présence était requise le plus tôt possible.

- Vous ne l'avez pas informé de la mort de ses parents ? »

Si je ne connaissais pas l'homme, je dirais qu'à cet instant précis, il ne me veut pas que du bien.

« - Un télégramme ne me semblait pas approprié. »

Son ton est glacial, presque hargneux.

« - Très bien. »

Il nota l'enveloppe que je tenais dans la main, une vieille enveloppe jaunie qui devait avoir pas mal d'années derrière elle.

« - Vous avez trouvé le testament ?

- Oui. Lily et James ont tout légué à leur fils. »

J'omets volontairement de préciser qu'une partie du pécule reviendra à la banque.

« - C'est bien. » approuve-t-il.

Personne ne sait s'il viendra. Après tout, pourquoi un jeune garçon aurait-il déserté si tôt la maison familiale ? Pourquoi n'être jamais revenu ? Et que pouvait-il bien faire à la ville ? Je m'y suis rendu en quelques occasions, certains quartiers n'ont rien à envier à Sodome et Gomorrhe.

« - Pensez-vous qu'il répondra ? ne puis-je m'empêcher de questionner.

- Il viendra mon Père.

- Qu'en savez-vous ? »

Et je regarde cet homme doux au regard aiguisé me lacérer.

« - Ses parents sont morts ! »

Son ton est plus glacial que n'importe quel blizzard et je me demande quelle sorte d'homme je suis pour penser qu'un fils ne viendra pas enterrer sa mère, lui rendre cet ultime hommage, cette profonde gratitude pour lui avoir permis de déchirer ses entrailles, pour avoir soigné ses plaies d'enfants et emplis ses biberons pour qu'il ne meure pas de faim, pour avoir vécu ces nuits sans sommeil à veiller le repos du fruit de la chair. Quelle sorte d'homme suis-je donc pour déprécier l'œuvre du Seigneur ? Quelle sorte d'homme suis-je donc pour mépriser la matrice et dédaigner le sein ?

Quelle sorte d'homme pour renier la mamelle qui l'a nourri ?

Qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi.

Lupin semblait afficher une confiance sans borne pourtant un mois a passé depuis l'envoi du télégramme et toujours aucune réponse. La nef aurait bien besoin de nouveaux sièges et le saint lutrin menace de s'effondrer.

Je me dirige vers la banque pour m'entretenir avec Arthur Weasley. La brume matinale entoure le village comme pour le protéger, le cacher, je sens une pluie fine et froide me traverser les os, comme si Dieu nous crachait au visage pour nous punir de nos transgressions quotidiennes.

Il est là.

Sa silhouette découpée dans la brume. Je ne vois pas son visage mais je sais que c'est lui qui s'avance comme si le serpent me l'avait susurré à l'oreille. Mes tripes se vrillent, elles menacent de se répandre. Cette apparition est violente, inattendue, elle claque dans l'air comme un fouet sur mes reins et je réprime l'envie d'enfoncer ma croix plus loin dans ma chair.

Le Seigneur est mon Berger, je ne craindrais aucun mal. Ton bâton et ta houlette me consolent.

Je le scrute. Il ne bouge pas, il contemple immobile la brume tomber sur le berceau de son enfance. Son sac en toile de jute est négligemment posé sur son épaule, je ne devine pas son âge mais mon corps ne résout pas l'énigme.

Il vient réclamer son dû.

Son visage se tourne vers moi, je sens qu'il m'observe sans me voir vraiment comme si nous étions seuls sur une scène de théâtre improvisée, ce théâtre de village. Le vent balaye la terre battue et les enseignes des échoppes grincent mais le temps semble s'être figé, et c'est mon corps noir et brumeux qu'il aperçoit au beau milieu de la petite place, ma soutane d'ébène règne, maîtresse impudique, sur les ombres fades de ce hameau retiré. Je me fais l'effet d'un oiseau de nuit insaisissable scrutant la pénombre flairant les effluves gourmands. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés à nous observer à bonne distance sans vraiment se voir. Soudain il s'avance, lentement, chaque pas nous rapproche, chaque pied percute directement mes entrailles. Il approche. Bien.

Laissez venir à moi les petits enfants.

2ème partie

POV Harry.

La pluie me glace les os mais je ne bouge pas. C'est tellement étrange de revenir dans ce village, après toutes ces années. Je n'ai pas vraiment le courage d'avancer vers la maison de mes parents, car je me doute que ce télégramme les concerne.

La peur m'a taraudé pendant tout le voyage depuis Londres, sans que j'arrive à me concentrer sur autre chose. Les paysages qui défilent m'indiffèrent. Je regarde mes livres mais je n'ai pas le courage de les ouvrir.

L'angoisse est tapie au fond de moi, elle m'accompagne dans ce retour vers le village de mon enfance, tout au long de ces vallées verdoyantes. Je pense au doux visage de ma mère. J'espère qu'elle m'attendra, à la gare. J'espère qu'elle me fera des tartines, à la maison.

Le wagon n'est pas rempli, car on est en pleine semaine. Mes mains sont blanches par rapport à celle de l'homme en face de moi, probablement un paysan. Mon Dieu, faites que je puisse revoir ma mère. Je vous en supplie.

Je fréquenterai votre Eglise, à nouveau, je ne pécherai plus, mais faites qu'elle m'attende et qu'elle passe sa main dans mes cheveux, à l'arrivée.

Il pleut. Mes parents ne sont pas là. J'ai peur.

Il n'y a qu'une silhouette, au loin. Une silhouette sous la pluie, sombre et inquiétante, comme un oiseau de mauvais augure.

C'est lui, j'en suis sûr. Le curé.

Grand, maigre, en soutane noire. Comme un corbeau. Je ne distingue pas ses traits mais je devine sa bouche amère et ses yeux inquisiteurs. On se jauge de loin, pendant quelques instants, et je m'approche de lui. Où aller, de toute façon ?

Je me souviens de lui. De la peur qu'il m'inspirait, quand j'étais petit. De ses yeux cruels qui me transperçaient, à l'office, quand je bavardais avec mon ami Ron. Depuis j'ai déserté les Eglises et la crainte de Dieu et de ses sbires s'est éloignée, mais là, elle revient, au rythme de mes pas qui me mènent à lui.

Je sais que la pluie dégouline sur mes cheveux et mes joues, et que je ne ressemble pas à grand-chose.

- Mon Père ? Je suis Harry James Potter…

- Je sais, mon enfant, je sais. Sache que le Seigneur t'accompagne, et qu'il va te falloir beaucoup de courage dans ce chemin douloureux…dit-il d'un air inspiré.

- Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est ce qui s'est passé ? Il est arrivé quelque chose à mes parents ?

Il ne répond pas et pose sa main sur mon épaule, avec gravité.

- Viens avec moi, mon enfant. Je t'expliquerai tout.

J'aperçois au loin la petite demeure de mes parents et malgré moi, les larmes se mêlent à la pluie. Ils sont mourants, ou morts, j'en suis sûr. Ma mère, qui était si douce…Non, non. C'est impossible. Pas ma mère. Je sanglote malgré moi sous la pluie, mais il feint de ne rien voir.

Il marche à grands pas, altier, compassé, et je le suis difficilement, rongé par la peur, épuisé par mon baluchon, sur mon épaule.

Je le suis, les épaules basses, le cœur déchiré, et il me dit, d'une voix sourde :

- N'oublie pas que les voies du Seigneur sont impénétrables, Harry.

Je ferme les yeux, douloureusement.

Qu'il parle, et vite. Qu'on en finisse.

J'avance comme dans un rêve, ou plutôt un cauchemar, vers l'Eglise. Je n'ai pas envie d'entrer dans cette Eglise, et encore moins d'écouter ses sermons.

J'ai peur de lui, peur qu'il lise mes péchés dans mes yeux.

La sacristie accolée à l'Eglise est une pièce froide, aux odeurs d'encens. Je regarde la vieille armoire aux couleurs passées, la petite table en bois recouverte d'un nappe en dentelle usée, les chaises en bois et je n'ai qu'une envie, fuir.

La bonne du curé, dont j'ai oublié le nom, me regarde d'un air désolé :

- Mon pauvre garçon !! Viens, assieds-toi…pauvre, pauvre garçon…

- Merci de nous préparer une tasse de thé, Mrs Smith, répond le curé, agacé. Assieds-toi, mon fils. Et enlève ce manteau trempé, dit-il en grimaçant.

Je m'exécute, essuyant discrètement mon nez du revers de ma chemise. Il me fusille du regard et me tend une serviette :

- Essuie au moins tes cheveux. Tu dégoulines de partout.

Je frotte ma crinière avec la serviette. Je le regarde, un peu honteux. Il va m'annoncer une mauvaise nouvelle et ce sera de ma faute, forcément. S'il est arrivé quelque chose à mes parents c'est parce que je n'ai pas été suffisamment bon chrétien.

Je sens mes lèvres frémir. Tout est de ma faute. Il va me gronder, après. Il va lire le mal dans mes yeux et le sol s'ouvrira sous mes pieds. Je donnerais tout pour ne pas être là, avec lui.

Il ne me quitte pas du regard. Il soupire et commence :

- Il y a eu un accident. Un accident de carriole. Tes parents sont morts, Harry. Ils reposent auprès du Seigneur, dit-il en me fixant intensément. Prie pour eux, mon enfant…

- Non ! Non ! C'est pas vrai ! Je ne vous crois pas… Pas mes parents, non…

Je secoue la tête vigoureusement, comme pour chasser cette idée. Les sanglots me secouent mes épaules. Non, non, je n'y crois pas. Pas ma mère. Je cache mon visage dans mes mains.

Je ne veux pas qu'il me regarde. Je ne veux pas de sa compassion. Je ne veux pas savoir que mes parents sont avec Dieu. J'ai besoin d'eux, maintenant. Je veux voir ma mère, maintenant.

- Dieu guérit toutes les douleurs, mon enfant…souffle-t-il.

Je secoue la tête négativement. Non. Non, Dieu ne guérit rien. Dieu m'a pris mes parents. Dieu est méchant, cruel. Qu'avaient-ils fait pour mériter ça, eux qui sont toujours restés dans le droit chemin ?

Mrs Smith écrase une larme discrète et fait mine de se pencher vers moi. Je me recule. Ils me fixent tous les deux et j'ai honte.

Honte de donner en spectacle. A mon âge, je devrais être un homme et ne pas pleurer. Honte que ça me soit arrivé, à moi. Preuve de ma culpabilité. Je voudrais être seul pour m'abandonner à ma peine. Je veux rentrer chez moi.

Mais je suis coincé dans cette sacristie, comme au tribunal.

Il est raide, droit, sur sa chaise. Il est du côté de Dieu, lui. Du bon côté de la barrière. Son visage est impénétrable, comme les voies du Seigneur. Je suppose qu'il a l'habitude de ce genre de scène, et qu'il me méprise. Pourquoi est-ce je n'arrive pas à comprendre que Dieu est Bon, qu'il a accueilli mes parents auprès de lui, qu'ils reposent en paix ??

Peut-être parce que je suis seul, moi, maintenant.

Ses paroles de consolation ne m'effleurent pas. C'est juste un bourdonnement, au loin. Je suis enfermé dans ma peine, en état de choc. Je regarde ses mains croisées, immobiles.

Des mains fines, soignées, comme les miennes. Combien d'yeux ont-elles fermé ? combien de paroles de réconfort ? combien d'exhortations ?

Longtemps après, la bonne revient avec une bouilloire et deux tasses :

- Bois, mon enfant, ça ira mieux. Mais ton pantalon est trempé aussi !! tu vas attraper la mort ! Tu as des vêtements de rechange secs ? dit-elle en coulant un regard vers mon baluchon ruisselant.

- Non…je crois bien qu'ils sont tous trempés, je réponds, accablé.

- Viens mon garçon, il y a des vêtements de rechange ici, pour les enfants de choeur. Accompagne-moi.

Le curé n'a pas l'air ravi d'être interrompu au milieu de son discours de rédemption et il nous regarde nous éloigner, méfiant. Ca me fait du bien de marcher un peu, de suivre cette femme maternelle.

J'entre dans sa chambre dont le dépouillement est extrême. Un grand lit recouvert d'une couverture sombre, une immense armoire, une chaise basse, une table de chevet sur laquelle est posée une vieille bible usagée…et des lettres, ça et là. Un instrument bizarre, noir, sur la chaise. Un christ sur sa croix au-dessus du lit, bien sûr.

Quels sont ses rêves, sous ce crucifix ? Parle-t-il à Dieu, la nuit ?

Elle ouvre l'armoire et l'odeur qui s'en dégage est caractéristique : un mélange de poussière et de naphtaline. Je retiens une grimace.

- Tes parents étaient des gens bien, tu sais, Harry. C'est bien triste…

J'opine sans répondre et je réprime un sanglot. Mes larmes se tarissent pendant que je me déshabille dans cette chambre, sous le regard morne du Christ.

Heureusement les habits qu'elle me propose sont secs et propres, ce qui me rassérène un peu, et me voilà transitoirement changé en enfant de choeur. Je dompte d'une main malhabile mes épis sur ma tête et je retourne dans la pièce principale, à contrecœur.

Les yeux de Snape s'agrandissent sous le coup de la surprise, en me voyant ainsi. Un rapide éclair passe dans ses iris ébène et il retient son souffle.

Je me rassois sur la chaise incommode, en bois, et je me sens différent, dans ces habits.

Pur.

Angélique.

La tête me tourne légèrement quand je fixe mes mains qui dépassent de l'aube. Je les pose à plat sur la table, m'imaginant servir la messe. Une autre vie…

Le prêtre me parle à nouveau de la mort de mes parents, de la rédemption éternelle, du pardon de Dieu, d'une voix grave, lente, un peu rauque. Le rythme est le même que s'il faisait une homélie et je me laisse bercer par ce son, sans en chercher le sens. La colère de tout à l'heure fait place à une immense fatigue.

Je bois mon thé à petites gorgées, et parfois j'acquiesce, au hasard.

Le doux ronronnement de ses paroles me berce, après ce voyage, cette pluie, cette douleur. Mon esprit cherche à s'échapper, vers des rêves consolateurs. Mes paupières sont lourdes, et la chaleur toute relative du vieux poêle m'incite à somnoler.

Je pose ma tête sur mes bras, sur la table, luttant contre le sommeil.

J'oublie que je suis dans une sacristie, j'oublie que je suis devant un prêtre, et devant mes yeux fatigués, au ras de la table, ne se trouvent que ces mains croisées, immobiles.

Rédemptrices ?

oOo oOo

Une sensation dans mes cheveux interrompt mon sommeil. J'ouvre les yeux, surpris. Où suis-je ? La réalité me tombe dessus et je me redresse, un peu hagard.

En face de moi Snape me fixe avec sévérité :

- Ce n'est pas un endroit pour dormir, Potter. Mrs Smith vous a préparé un lit.

Je me redresse rapidement. Comment ai-je pu me laisser aller ainsi ?

- Inutile. Je vais rentrer chez moi, maintenant.

- Impossible.

- Pourquoi ?

- Il y a des…choses à régler. Vous ne pouvez pas prendre possession de la maison de vos parents. De toute façon, vous n'êtes même pas majeur. Il faudra nommer un tuteur, si vous n'avez pas de famille…

- Un tuteur ? Mais j'ai 17 ans…

- Justement. Ne discutez pas. Vous ne pouvez pas entrer en possession de vos biens, pour l'instant.

- Mais je vais dormir où ?

- Ici.

Je referme les yeux, accablé. Qu'ai-je donc fait pour mériter ça ? Je tente :

- Mais…et si trouve quelqu'un pour m'héberger ? Le docteur Lupin, par exemple ?

Son regard inquisiteur me fait rougir :

- Pourquoi voulez-vous aller chez lui ? Vous n'êtes pas bien dans la maison du Seigneur, Potter ?

Je le dévisage, longuement, pour la première fois.

La maison du Seigneur. Et son Serviteur ressemble à Lucifer.

Mon Dieu, protégez-moi.

A suivre...

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1 Dans la religion catholique les sept péchés capitaux sont associés à 7 démons : la paresse est associée à Belphégor, l'orgueil est associé à Lucifer, la gourmandise est associée à Belzébuth, la luxure est associée à Asmodée, l'avarice est associée à Mammon, la colère est associée à Bélial et l'envie est associée à Léviathan.