Cela faisait des heures qu'il était immobile, sous la pluie, à fixer la porte par laquelle venait de disparaître son meilleur ami. Du moins c'est l'impression qu'il avait. Il avait osé espérer les premières secondes, que la porte s'ouvre et que Scott lui dise un truc du genre « Je te crois, viens ». Mais rien. Le bruit calme et apaisant que faisait la pluie en tombant de manière régulière tout autour de lui ne l'atteignait pas. Il ne sentait même plus ses mains, ses pieds, son corps tellement il avait froid à ce moment-là, et ce n'était pas uniquement la faute de la pluie. C'était comme si on avait scindé son corps et son esprit en deux parties distinctes. Son corps était là, figé dans une posture de douleur impossible à surmonter, alors que son esprit était loin, très loin de cette scène. Mille et une questions, interrogations et hypothèses le submergèrent. Il était perdu, seul et se sentait plus abandonné que jamais.

Venait-il vraiment de se disputer avec son meilleur ami ? Ces mots qui avaient été prononcés, l'étaient-ils vraiment ? Son frère venait vraiment de lui tourner le dos et de disparaître sans plus de cérémonie? Il venait d'être mis de côté, chassé de la meute. Cette impression qu'il avait depuis quelque temps, venait de se confirmer. Il était abandonné, sans but dans la vie dorénavant. Car sa vie, ces dernières années, avait été de trouver les monstres qui menaçaient sa ville et ses amis, d'aider ces derniers quand quelque chose n'allait pas. Tout d'un coup toute la culpabilité qu'il avait enfoui au plus profond de lui refit surface. Sa mère dont les cris étaient revenus le hanter depuis quelques temps, son père à qui il mentait sans cesse surtout depuis ces dernières années, Donovan, Scott son meilleur ami, Malia qu'il avait mis de côté, Lydia à qu'il avait menti…

Leurs derniers mots ne cessaient de lui revenir en tête, comme une lithanie douloureuse. Comment Scott pouvait le condamner ainsi sans procès ? N'avait-il pas montré sa fidélité à leur amitié depuis toutes ces années ?

Il aurait dû lui parler, dès le soir de l'accident avec Donovan. Pourquoi ne l'avait-il pas fait ? Il avait pensé alors que Scott ne comprendrait pas et le condamnerait. Au final c'est ce qui venait de se passer.

Etaient-ce des larmes qui coulaient le long de ses joues, ou la pluie qui essayait de laver son corps et son esprit meurtris ? Il n'avait pas lâché ce que lui avait donné Scott. Pourquoi lui avait-il donné ça ? Qu'essayait-il de lui prouver ? Sa respiration commença à se faire de plus en plus erratique, et il n'eut bientôt plus d'air pour respirer. Ses mains commencèrent à trembler. Il se plia en deux, priant pour que la crise passe.

« Alors crois-moi ! »

« Scott, dis-moi que tu me crois ! »

« Dis-le »

« Dis que tu me crois ».

« Dis- le ! »

Non personne ne le croyait. On lui avait tourné le dos, et plus personne ne pourrait l'aider. La crise s'amplifia. Ses jambes le lâchèrent et il tomba au sol, mais ne ressentit aucune douleur lors du choc.

Si personne ne lui faisait plus confiance, alors que son univers était entrain de lentement s'écrouler, que lui restait-il ? Rien. Il n'était plus rien. Il ferma les yeux, laissant sa crise prendre entièrement le contrôle de son corps et de son esprit.