Bonjour tout le monde
Je sais. Encore un nouveau projet ! J'en ouvre peut-être plus que ce que je peux écrire, mais je vous promet que j'avance tous les jours sur les fics en cours. Je vais réussir à tenir (enfin j'en suis presque sûre).
J'ai eu l'idée de ce texte en écoutant la magnifique chanson du spectacle de Cap dans le premier film. Vous savez celui où il porte ce costume horrible et chante au milieu de pin-up ? Et bien il y a une phrase dans le premier couplet, où il dit traverser le pays d'une rive à l'autre pour l'Amérique. Et je me suis dit qu'il pourrait traverser le pays pour une autre cause et cette fic est née.
Et comme ce mois-ci on fête les fiertés, le Collectif NoName a décidé d'y apporter sa petite touche en mettant à l'honneur les fics qui parlent du sujet. C'est donc le thème du challenge du mois. J'espère que ma participation vous plaira.
Un petit warning quand même : certains propos (et il est évident qu'ils ne reflètent absolument pas mon propre avis) sont ouvertement homophobes.
Bonne lecture (et soyez fiers !)
De toutes les sortes d'événements auxquels les Avengers étaient poussés à participer régulièrement, répondre à des étudiants était le préféré de Steve. Il n'avait jamais été à l'aise avec les journalistes, mais être interviewé par des enfants, adolescents ou jeunes adultes, avec leur candeur et absence de filtre rendait cet exercice agréable.
Et puis, il ne se tournait pas en ridicule. Il se souvenait avec horreur des petits films qu'il avait enregistré pour les lycéens. Il ne se passait pas une semaine sans que Bucky, Clint ou Sam, souvent les trois en même temps d'ailleurs, ne lui rappellent leur existence en se moquant au choix : de sa tenue, de ses immenses qualités d'acteur ou de l'absurdité des textes qu'il avait eu à déclamer.
Désormais, il fuyait comme la peste ce genre de piège et il faisait de même pour les interminables soirées organisées par Stark. Il ne supportait plus les costumes inconfortables, les discussions sans intérêt d'inconnus qui ne cherchaient qu'à être vu avec lui et plus que tout, l'absence de Bucky, resté chez eux.
La présence de son petit ami dans l'équipe des Avengers avait fait - et faisait toujours - le sujet d'un débat passionné entre ceux qui le soutenaient et ceux qui voulaient le voir condamné pour ce qu'il avait accompli au nom d'HYDRA.
Pour Steve, la réponse était simple : Bucky n'avait jamais eu le choix et il était tout autant une victime que toutes les personnes que HYDRA avait fait tuer. Il avait plusieurs fois proposé à son petit ami de disparaître avec lui et il l'aurait fait sans hésiter en cas de nécessité. Heureusement, personne n'avait tenté de l'arrêter ou de l'emprisonner, mais ça ne l'empêchait pas de rester discret et de pas participer à la majorité des apparitions publiques des Avengers.
Et cette fois ne dérogeait pas à la règle. Il avait abandonné Bucky, encore endormi dans leur lit, pour rejoindre un amphithéâtre de l'université de New York aux premières lueurs de l'aube. Il devait passer la matinée avec un groupe d'étudiants en droit et journalisme et répondre à leurs questions. Elles étaient la plupart du temps sérieuses et pleines d'intelligence mais il arrivait toujours un moment où elles devenaient plus personnelles, voire franchement indiscrètes, comme celle que venait de poser un jeune homme d'une vingtaine d'année, incroyablement maigre et pâle. Il avait réussi, après plusieurs secondes de bafouillements, à demander à Natasha si elle avait un petit ami.
La question était habituelle et amusait beaucoup la jeune femme. Elle changeait de réponse à chaque fois : un jour, elle était célibataire. Un autre, elle sortait avec un musicien célèbre, Brad Pitt ou cet acteur qui jouait un ange dans une série que Pepper, Maria et Jane insistaient à regarder chaque week-end. Bien entendu, aucune de ces réponses n'était sérieuse. Seuls les Avengers savaient que la vérité était assise sur une chaise à un mètre et qu'il s'appelait Clint Barton.
Avec un sourire en coin, Natasha répondit :
"Pas vraiment un petit ami, mais plutôt une. Ellen DeGeneres."
Elle fit rougir de plus belle le jeune homme qui s'assit en fixant ses chaussures. Une étudiante blonde, ses lunettes posées sur ses cheveux, se leva immédiatement et prit la parole sans attendre qu'on lui tende le micro :
"Et vous Captain America ? Une petite amie ? Je postule pour la position si vous n'avez personne."
Ce genre de comportement le faisait toujours rougir. Il ne comprenait pas comment on pouvait être aussi direct avec ce genre de chose, surtout les jeunes femmes. Tous ses proches lui disait qu'il était vieux jeu, que le temps où l'on se tournait autour pendant des mois était révolu et que les femmes ne devaient plus avoir honte de ce dont elles avaient envie. Mais ça ne changeait rien à sa réaction. Il sentit le rouge lui monter aux joues et il bredouilla tellement que Clint vint à son secours. Il répondit avec un clin d'oeil :
"Et qu'est-ce qui vous fait croire que notre cher Cap ne préférerait pas un petit ami ?"
Cela fit rire plusieurs personnes et quelques Impossible que Captain America soit gay et ce type est né dans les années 20 se firent entendre. Il voulut, comme toujours, dénier ces allégations, mais il avait appris dès l'adolescence à cacher ses préférences. Cette habitude était difficile à perdre et il finissait toujours par ne rien dire. Et puis, ces remarques n'étaient pas fausses ou sans fondement. Ce qu'il vivait avec Bucky, la relation qu'ils entretenaient avant même de partir en Europe et pendant la guerre, les aurait mené en prison ou à la mort si quelqu'un les avait découvert. Ce risque avait disparu maintenant, et il n'avait pas honte de ce qu'il était, de l'homme qu'il aimait, mais ils préféraient l'un et l'autre vivre leur histoire loin des regards.
Un des étudiants qui ricanait se leva et tendit la main vers le micro. Il riait toujours à moitié lorsqu'il posa sa question :
"Pour vous qui venez d'une époque où les hommes étaient le chef de famille, de vrais hommes solides et forts, dont l'autorité n'était pas remise en cause, vous pensez quoi de toutes ces lopettes qui s'affichent un peu partout et réclament les mêmes droits ?"
Comme pour les suppositions sur sa sexualité, il avait l'habitude d'entendre ce genre de remarques. Pourtant c'était la première fois qu'on lui posait la question directement. C'est en regardant le jeune idiot droit dans les yeux qu'il lui répondit :
"J'ai traversé ce pays d'une rive à l'autre pendant des mois dans l'optique de soulever des fonds afin d'armer nos soldats. Je suis moi-même allé sur le front, j'ai combattu pour la liberté, pour quelque chose que je croyais, et crois toujours, être juste : chacun doit pouvoir vivre comme il l'entend et en sécurité, quelque soit sa nationalité, sa religion ou sa sexualité. Au cas où mes propos ne seraient pas assez clairs, je vais l'énoncer plus simplement : j'apporte tout mon soutien à ceux qui se battent pour faire reconnaître leurs droits, quels qu'ils soient."
Quelques applaudissements se firent entendre et le jeune homme se rassit, une moue sur les lèvres. Le micro passa à un autre étudiant et le sujet fut abandonné.
A la fin de la rencontre, une fois de retour à la tour Stark, Natasha lui déposa un baiser sur la joue et Clint lui donna une claque dans le dos :
"Bien joué Rogers !"
ooOoo
L'incident était complètement sortit de la tête de Steve quand Natasha l'approcha quatre semaines plus tard. Il attendait Bucky, avec un café, au milieu de la cuisine construite dans les derniers étages de la tour Stark.
La jeune espionne s'assit sur un des tabourets hauts et posa le journal qu'elle tenait dans la main devant lui, à la page des faits divers, un ongle parfaitement manucuré au dessus d'un titre qui annonçait "Le jeune New Yorkais parti pour traverser le pays avec le drapeau LGBT agressé."
Il leva un regard interrogateur vers elle. Elle tapota sur le journal et lui dit :
"Lis l'article en entier."
Le dit article était court, juste trois paragraphes :
S. Linder, étudiant à l'université de New York a été agressé avant-hier dans une petite ville au sud de Pittsburgh. L'attaque, prétendument à caractère homophobe, a eu lieu lorsque le jeune homme traversait la rue principale du hameau avec le drapeau LGBT sur le dos.
Nous vous avions raconté le projet de S. dans une de nos précédentes éditions. Cet étudiant en droit nous expliquait qu'il avait eu l'idée de traverser le pays d'une rive à l'autre en portant les couleurs arc-en-ciel après une intervention de notre célèbre héro, Captain America, dans son université. Ce dernier ayant annoncé qu'il avait lui-même, à l'époque, sillonné le pays pour une cause qui lui paraissait juste.
L'aventure de notre jeune étudiant ne sera pas couronné d'autant de succès, ses blessures l'empêchant de continuer son voyage. Il devrait rentrer chez lui d'ici la fin de la semaine. Ses agresseurs n'ont toujours pas été retrouvés et la police semble vouloir classer l'affaire sans suite.
Cette fois quand il leva les yeux, ce n'était plus une interrogation qui s'y trouvait mais de la colère.
"Si tu me montres ça, c'est que tu sais où il est."
Natasha lui lança un sourire en coin :
"Bien entendu. Et le Quinjet nous attend. On part quand tu veux."
"Je vais chercher Bucky, on se rejoint là-haut."
Elle descendit de son tabouret, replia le journal et lui annonça avant de s'éloigner :
"Tu me confortes un peu chaque jour dans mon opinion sur toi, Steve."
ooOoo
Ils atterrirent moins d'une heure après avoir décollé et il n'eurent aucun mal à savoir où se trouvait la chambre du jeune homme. Etre Captain America avait certains avantages et réussir à obtenir des informations censées restées privées en faisait partie. Il lui avait suffit de sourire à la réceptionniste et de lui promettre de ne pas fatiguer le patient pour qu'elle les envoie au troisième étage avec son numéro de téléphone griffonné à la hâte sur un post-it.
Bucky était resté dans le hall pendant qu'ils prenaient les renseignements. Il les rejoignit devant les ascenseurs à la seconde où ils eurent fini et ils montèrent ensemble à l'étage que leur avait indiqué la femme à l'accueil.
Le jeune Monsieur Linder était réveillé quand ils entrèrent dans sa chambre. Il les regarda avec étonnement pendant que Natasha refermait la porte. Steve observa le pauvre étudiant dans son lit. Il avait une jambe surélevée, plâtrée de la cheville jusqu'au dessus du genou. Son bras était dans une atèle et son oeil gauche était totalement fermé et d'un violet inquiétant.
Il serra les poings. Que l'on puisse attaquer quelqu'un, le battre ainsi, juste à cause de ses préférences sexuelles, le mettait hors de lui. Sa décision était prise avant même que le jeune homme ouvre la bouche. Il allait l'aider. Il ne savait pas encore comment, mais il ne le laisserait pas tomber.
Natasha resta contre la porte et Bucky s'installa dans le coin le plus éloigné du lit. Steve choisit de s'asseoir sur la seule chaise posée devant l'unique table de chevet. Le jeune homme essaya de se redresser mais il grimaça de douleur et Steve l'arrêta d'une main sur l'épaule :
"Ne force pas. Nous n'allons pas rester longtemps. Nous avons appris ce qui t'es arrivé."
"Je suis désolé, monsieur."
Steve regarda son interlocuteur avec incompréhension :
"Désolé de quoi ?"
Les yeux du jeune patient passaient d'un coin à l'autre de la chambre, sans jamais oser aller dans sa direction. Ils finirent par se poser sur les draps qui recouvraient sa jambe valide.
"De vous avoir nommé pour justifier ce fiasco. Je n'aurai pas dû. Comme si vous laisseriez une bande d'idiots vous arrêter ou vous faire peur. Vous êtes un héro et j'ai associé votre nom à un événement dont vous ne voulez certainement pas entendre parler et qui a de toute façon échoué."
Ce petit discours était sorti très vite, à peine plus fort qu'un murmure et le jeune homme tremblait. Il souffrait, il avait peur et il s'excusait de quelque chose qui n'était pas de sa faute. Pire ! Il s'excusait parce qu'il pensait que Steve était venu lui reprocher de l'avoir entrainé malgré lui dans son projet.
Il sentit la colère monter, mais fit de son mieux pour la cacher.
"Comment est ce que tu t'appelles ?"
"Simon, monsieur."
"Bien, Simon. Ne t'excuse pas pour avoir fait ce que tu penses être juste. Et ne t'excuse jamais de ne pas avoir réussi. Si tu veux, tu peux demander à Bucky le nombre de fois où je me suis retrouvé au sol dans des ruelles."
Il entendit son petit ami grogner derrière lui :
"Beaucoup trop."
"Et le nombre de fois où c'est toi qui est venu me sauver la mise ?"
"Encore plus."
"Et j'ai abandonné combien de fois ?"
"Pas une seule."
Le regard de Simon passait d'un homme à l'autre, avant de se fixer sur celui de Steve pour la première fois depuis qu'ils étaient entrés.
"Comment avez vous fait ?"
"Parce qu'il fallait le faire."
"Et c'est tout ?"
La voix de Bucky s'éleva avant même que Steve n'ouvre la bouche.
"Ne laisse pas cet idiot te faire croire que c'est normal. C'est juste qu'il a la tête plus dure qu'une pioche."
Le blond se tourna vers son ami d'enfance, l'air faussement outré :
"Tu peux parler. Tu es plus têtu que moi."
Bucky sourit et Steve sentit le coin de ses lèvres se lever eux aussi. Il avait cru ne jamais revoir la manière dont les fossettes de son petit ami apparaissaient quand il souriait et pouvoir en profiter le remplissait de joie.
Lorsqu'il se tourna à nouveau vers le jeune homme, il y avait de la détermination dans son regard. Sa voix était plus forte, plus ferme également, et ce n'était pas à lui qu'il s'adressait, mais à Bucky :
"Vous avez dû avoir envie de l'attacher à son lit avec un comportement pareil."
Steve rougit jusqu'à la racine des cheveux et balbutia quelques mots. Natasha étouffa un rire contre sa manche et le regard de Bucky se planta dans le sien. Tous trois pensaient à cette fois où la jeune femme avait trouvé Steve menotté à leur lit alors qu'elle venait les prévenir qu'ils étaient attendu à un briefing.
Simon regarda les trois autres occupants de sa chambre avec étonnement. Il plissa les yeux et tous remarquèrent le moment où il comprit. Il rougit à son tour et un seul son franchit ses lèvres :
"Ho."
Steve glissa sa main sur sa nuque, gêné. Il pourrait peut-être faire croire au jeune étudiant que ce n'était pas ce qu'il pensait, mais il n'avait jamais su mentir et il ne souhaitait pas commencer maintenant. Il décida d'être honnête et de faire confiance à Simon :
"Ce n'est pas quelque chose que je souhaite voir afficher partout. Je peux compter sur ta discrétion ?"
"Bien sur. Ce n'est pas à moi de faire sortir les gens du placard. Mais si je peux me permettre, monsieur, beaucoup de personnes aimeraient avoir un figure telle que vous comme modèle. Et pas seulement pour vos hauts faits héroïques."
Steve hocha de la tête et le sujet en resta là. Ils restèrent une demie-heure supplémentaire et quand ils prirent congé, le jeune homme fourmillait d'idées pour continuer son projet d'une manière différente.
ooOoo
A peine avaient-ils décollé que Bucky s'adressa à Steve :
"Fais le."
"Mais je ne t'ai même pas dit ce que j'ai l'intention de faire."
"Ce n'est pas important. J'ai su à la seconde où tu as posé les yeux sur lui que tu allais l'aider. Le fait qu'il s'excuse n'a fait qu'enfoncer le clou."
"Mais ma décision n'impactera pas que moi. Ca va faire naître tout un tas d'interrogations auxquelles personne ne pense pour le moment. Les raisons qui nous ont poussés à rester discret sont toujours valides."
"Till the end, Stevie. Je t'ai suivi contre des nazis, contre Hydra, je peux bien te suivre dans ton combat contre des homophobes."
"Ils vont poser des questions. Sur nous. Sur notre passé. Sur ton passé. Certains journalistes sont déjà assez vicieux comme ça."
Bucky poussa un profond soupir et se pencha vers lui, les mains entre les genoux :
"Et ils ont raison. Ce que j'ai fait -"
"Ce qu'ils t'ont obligé à faire."
Bucky s'était tu et le regardait droit dans les yeux. C'était un vieil argument, un des rares qu'aucun d'entre eux ne semblait pouvoir gagner. Son petit ami reprit pourtant :
"Les gens qui sont morts parce que je leur ai collé une balle dans la tête ou tranché la gorge méritent qu'on leur rende justice."
"Mais te punir toi, ce n'est pas la justice. Tu es autant une victime qu'eux."
Bucky se renfonça dans son siège et pencha la tête en arrière jusqu'à regarder le plafond du Quinjet. Il ferma les yeux avant de continuer :
"Ne t'inquiète pas pour moi. Ou sur ce qu'on pourrait dire. Je n'ai pas honte de moi, pas de la partie qui t'aime du moins. Fais ce qui est juste."
La position de Bucky indiquait clairement que la conversation était terminée et Steve n'insista pas. Il savait que son petit ami n'arrivait pas à se pardonner et qu'il n'y parviendrait probablement jamais.
Il avait, difficilement - très difficilement - accepté qu'il n'aurait jamais pu briser de lui-même son conditionnement et donc arrêter ses actions lorsqu'il était le Soldat de l'hiver.
Mais il vivait avec l'écrasante culpabilité d'avoir craqué. D'avoir baissé les bras et laissé ses geôliers le briser avant de le remodeler selon leur besoin. Il refusait d'entendre, malgré que tous ses amis lui avaient dit et répété, que personne n'aurait pu résister aux méthodes d'Hydra.
Ce qu'ils ignoraient tous, et que Steve savait, c'était que ni la torture, ni les sévices qu'ils lui avaient été infligés n'avaient réussi à le briser. Bucky lui avait raconté une nuit, après un cauchemar particulièrement violent, que ce n'était que lorsque ses tortionnaires lui avaient montré les journaux au sujet du décès de Captain America et de l'arrêt des recherches, les vidéos de son enterrement, qu'il avait laissé tomber. Il avait fini son histoire, la voix rauque et misérable, par un A quoi bon résister si je n'avais aucune chance de te retrouver qui avait rempli les yeux de Steve de larmes.
Ce souvenir le fit se pencher en avant et il posa une main sur le genou de son amant. Ce dernier la recouvrit de la sienne et ils passèrent le reste du trajet en silence.
ooOoo
Une fois sa décision prise, et Bucky avait raison, il l'avait prise à l'instant où il avait posé les yeux sur le pauvre Simon dans son lit d'hôpital, il n'eut aucun mal à rassembler un parterre de journalistes en moins de vingt-quatre heures.
Depuis la pièce adjacente à la salle de conférence, il entendait le brouhaha de leurs discussions. Il allait bientôt les rejoindre, mais il profitait encore des quelques secondes de calme avec Bucky.
Il savait que ce qu'il s'apprêtait à dire allait changer beaucoup de choses. Il n'était pas assez naïf pour croire que tout le monde accepterait sans broncher que le symbole de l'Amérique soit gay. Et encore moins qu'il soit en couple avec ce que beaucoup jugeaient être un criminel de guerre. Mais il n'avait jamais reculé devant le danger, il n'avait pas le faire maintenant, alors que la seule chose qu'il risquait était de mécontenter quelques bigots.
Après un dernier baiser à son petit ami, il passa la porte et monta sur l'estrade. Il savait que Bucky allait faire le tour et qu'il s'installerait au fond de la salle, surveillant tout le monde et prêt à intervenir au moindre geste d'agression.
Dès qu'il apparut, le bruit diminua et quand il s'assit sur la chaise installée devant une table et un micro, tout le monde était tourné vers lui et silencieux. Seuls le son des caméras et des appareils photos se faisaient entendre.
Il ne commença à parler que lorsqu'il vit la silhouette familière de son amant entrer par la porte du fond et s'appuyer sur le mur, les bras croisés sur sa poitrine.
Steve avait participé à assez de conférences de presse pour savoir comment agir : après les remerciements d'usages aux reporters pour leur présence, il expliqua du mieux qu'il put ce qui l'avait amené à décider de prendre la place du jeune Simon.
Ce n'était pas la première fois qu'il prenait parti pour une cause, il s'était engagé auprès de Sam et l'aidait à lever des fonds au profit des vétérans. Il accompagnait également Pepper à des galas afin de financer la recherche sur plusieurs maladie infantiles. Par contre, c'était la première fois qu'il y consacrait plusieurs semaines d'affilé. Il avait calculé que, même avec sa vitesse de marche et son endurance, il lui faudrait un peu moins de cinq cent cinquante heures pour traverser les quatre mille quatre cent kilomètres qui séparaient New York de Los Angeles. En marchant huit heures par jour, il devrait avoir fini en un peu plus de deux mois.
Alors qu'il parlait et répondait aux quelques interrogations sur les détails de sa traversée, les journalistes l'écoutaient avec politesse et attention. Mais il savait que ce n'était que le calme avant la tempête. Dès qu'il leur donnerait le signal, leurs questions deviendraient plus dures et incisives.
Après avoir levé les yeux vers Bucky, il lâcha la phrase fatidique :
"Si vous avez des questions, je ferai de mon mieux pour y répondre."
Plusieurs mains se levèrent en même temps et il fit un signe de tête à une des journalistes au premier rang :
"Vous êtes en train de nous dire que Captain America soutient l'homosexualité ?"
"Captain America, je ne sais pas. Mais Steve Rogers le fait sans aucune réserve. "
"Mais vous êtes Captain America. Vous ne pouvez pas vous débarrasser de ce symbole quand ça vous arrange. Ca ne fonctionne pas comme ça dans la tête des gens. "
"Bien. Si c'est ce que vous voulez : Captain America soutient l'homosexualité."
Le sourire sincère qui orna les lèvres de la jeune journaliste lui réchauffa le coeur. Au moins, son annonce ne serait pas mal prise par tout le monde dans la salle.
Un homme d'une cinquantaine d'année se leva et posa sa question sans attendre l'autorisation :
"Ce n'est pas la peine d'être politiquement correct avec nous. Nous vous avons connu plus franc lorsque vous défendez vos convictions. Vous ne me ferez pas croire que vous acceptez sans broncher le fait que deux hommes s'envoient en l'air ensemble."
"Je ne vois pas en quoi j'ai mon mot à dire dans ce que font les gens de leur temps libre."
Il espérait que le journaliste laisserait tomber. Il s'était trompé.
"Avec votre année de naissance et votre éducation, voir ces gens là s'embrasser dans la rue doit forcément vous déranger. A votre époque, ils avaient la décence de rester cachés."
Steve sentit la colère monter en lui. Ce n'était pas la décence qui les avait poussé à se cacher, mais la peur. La peur de ce qu'il leur arriverait s'ils se faisaient prendre. Il ne se souvenait que trop bien de l'inquiétude constante de se faire découvrir, juste parce qu'il aimait un autre homme.
Son ton était glacial quand il répondit :
"Vous savez ce que l'on faisait aux homosexuels avant la guerre ? Au mieux, c'était l'enfermement en prison ou en pseudo maison de santé, au pire, vous mourriez sous les coups de ceux qui vous avaient découvert. Ce n'était pas la décence qui les poussait à se cacher, mais la terreur. Je me suis toujours battu pour la liberté et j'étais prêt à lui donner ma vie, j'ai même cru le faire. Quand je me suis réveillé, je me suis souvent demandé si ce que ce pays avait fait de cette liberté valait ce sacrifice. Et puis j'ai appris, entre autres choses, que si on le voulait on pouvait maintenant épouser la personne que l'on aimait, quelque soit son sexe."
Il se leva et son regard s'ancra dans celui de Bucky.
Il continua à parler :
"Dans ce pays, à cette époque, je peux épouser la personne la plus merveilleuse qui soit. Celle qui a toujours été à mes côtés, celle que je croyais avoir perdu. Il me suffit de demander."
Il ajouta en voyant le sourire de Bucky :
"Et qu'il dise oui, bien sûr."
La voix de son petit ami traversa l'espace qui les séparait sans aucune difficulté :
"Quand tu veux, Stevie."
Les regards de toute l'assemblée se tournèrent vers le fond de la salle. Les murmures commencèrent quelques secondes plus tard :
C'est James Barnes.
Ce type est un criminel.
J'ai bien entendu, il a dit qu'il dise oui ?
Assassin.
Steve ne lâcha pas son petit ami des yeux pendant que les murmures enflaient.
Il a dit il.
Il devrait être en prison, voir exécuté.
Mais il a dit il.
Et Barnes a répondu.
Attendez, ça veut dire ce que je crois que ca veut dire ?
La jeune journaliste qui avait posé la première question se leva et cria au dessus de la cacophonie ambiante, visiblement ravie :
"Vous voulez dire que Captain America est gay ?"
Un grand sourire ornait son visage pendant qu'elle attendait sa réponse. Il sourit à son tour avant de lui dire :
"On n'avait pas toutes ces étiquettes de mon temps. Je ne sais pas trop ce que je suis, mais si par là vous entendez que j'aime cet homme là-bas, la réponse est oui. Ca a toujours été le cas et je suis bien trop têtu pour que ça change un jour."
Il avait fini de dire ce qu'il était venu annoncer et il quitta la salle sous une avalanche de cris de surprises et de questions.
