Out Of Memory

Spoilers : Cette fiction se déroule vers la fin de la saison 2, donc a priori, pas de spoilers ! Malgré tout, j'ai prélevé des souvenirs de leur enfance (et adolescence) parmi ceux évoqués dans la saison 5.

Personnages : Sam et Dean Winchester et un p'tit peu Bobby aussi !

Résumé : Au cours d'une chasse, Dean est grièvement blessé à la tête. A l'hôpital, Sam apprend que son frère n'a plus aucun souvenir de sa vie. Pour lui faire recouvrer la mémoire, le médecin lui suggère de lui rappeler quelques éléments marquants de leur passé. Une mission qui va s'avérer d'autant plus difficile pour le cadet des Winchester, puisqu'il va devoir apprendre à vivre avec un frère qui le considère comme un étranger et un fou furieux, semer les agents du FBI qui sont à leurs trousses et exterminer une créature qu'ils vont rencontrer sur le chemin qui doit les mener chez Bobby. Cette expérience devrait également lui rappeler à quel point la présence de son aîné à ses côtés est importante, voire vitale pour lui.

Voilà un moment que j'avais envie d'écrire une fic qui se situerait dans une de mes deux saisons préférées. C'est une sorte de retour aux sources en quelque sorte. Comme d'habitude, mon côté sadique s'exprime pleinement, que ce soit au niveau des victimes ou de nos frères préférés. Donc âmes sensibles s'abstenir ! lol ! Le titre n'est pas tiré d'un film mais c'est un petit clin d'œil à mes gros soucis de plantage de PC et de « beugage » de connexion à Internet ! lol ! J'espère développer cette histoire de manière à ce qu'elle vous fasse penser à un vrai épisode de Supernatural. Si ce n'est pas le cas, n'ayez pas peur de me le dire.

D'autre part, si les lieux cités existent réellement, leur description et tout ce qui s'y passe n'est que pure fiction. Merci de votre indulgence !

Merci de me laisser écrire cette histoire seule. N'hésitez pas à m'envoyer des messages : toutes les critiques sont les bienvenues. Elles aident à s'améliorer.

Bonne lecture !

Chapitre 1

C'était pourtant une chasse des plus ordinaires ...

Ils avaient été alertés par une légende du coin qui avait fait son grand retour à la suite de la disparition de trois jeunes, amateurs de sensations fortes. Une vingtaine d'années auparavant, une demi-douzaine de touristes randonneurs, avaient pénétré ces bois et n'en étaient jamais ressortis. Mais cette histoire remontait bien plus loin encore. Alors que certains racontaient que l'immense forêt du comté de Whatcom, au nord ouest de Washington, était hantée, d'autres n'avait aucun doute quant à la présence d'un monstre. De nombreuses théories émanaient de l'esprit des habitants aux alentours. Bigfoot, loup-garou et autre chupacabra devenaient incontestablement les prédateurs tout trouvés de cette immensité boisée. Malheureusement, personne n'étant revenu de ces expéditions durant les vagues de disparitions, rien ne fut prouvé. Dans l'intervalle, de nombreux amateurs de nature s'y promenaient régulièrement sans embûche. Ceux-là estimaient que cette légende provenait de vieux fous qui n'avaient rien à faire de leur journée et que les disparus n'avaient pas pris les précautions nécessaires à une randonnée sans danger.

En lisant l'article sur Internet, Sam avait décidé de pousser plus avant ses recherches. Il avait alors découvert le cycle assez régulier des disparitions bien plus nombreuses qu'il n'y paraissait et en avait fait part à Dean. Son grand frère parut plutôt enthousiaste à l'idée d'aller chasser une créature qu'ils connaissaient bien. En effet, avec les éléments qu'ils avaient recueillis, ils avaient une bonne idée de ce qu'ils devraient affronter, ils étaient armés en conséquence et avaient la certitude qu'ils pourraient l'exterminer rapidement.

Ils arrivèrent à Newhalem vers dix-huit heures. Le paysage était magnifique : la petite ville était située au milieu d'une immense étendue verdoyante, dans les contreforts occidentaux des cascades du Nord, près de la rivière Skagit. Avant d'entrer dans l'épaisse forêt, Sam s'était délecté de ce splendide panorama à travers la vitre de l'Impala qui roulait un peu trop vite à son goût. Au volant, Dean lui avait expliqué qu'il souhaitait arriver avant la nuit car la route lui paraissait suffisamment hasardeuse le jour et il devinait aisément qu'elle serait totalement meurtrière en pleine obscurité.

Leur arrivée à Newhalem ne passa pas inaperçue et autant dire que l'accueil qu'il leur fut réservé était carrément à l'opposé de la chaleur du paysage. Seuls les employés de la centrale hydroélectrique peuplaient la petite ville située au milieu de nulle part. Bien qu'ils aient des allures d'honnêtes travailleurs, leur attitude était peu avenante et les traits de leurs visages montraient aussi bien leur méfiance que leur aversion pour les nouveaux venus.

Malgré tout, un homme d'une soixantaine d'années à la carrure ambitieuse et au visage rond s'avança vers eux. Il se présenta comme étant le contremaître et donc la personne de référence de la petite ville. Il les encouragea à le suivre dans une sorte de mobil home qui lui servait de bureau.

- J'espère que vous êtes bien armés et que vous savez ce que vous faîtes, lança-t-il de sa voix de ténor en les détaillant des pieds à la tête. Parce que si ce n'est pas le cas, vous feriez bien de repartir d'où vous venez ! On a assez de trois disparus pour la journée.

- Comment ça ? Demandèrent les deux frères en même temps.

- Ben ouais, quand on a signalé la disparition de Jimmy, ce matin, on nous a ri au nez en prétextant qu'on ne pouvait pas prévoir les réactions d'un p'tit jeune de dix-neuf ans. Mais c'est un bon gamin ce p'tit-là et travailleur en plus. Il se serait pas barré comme ça et il serait encore moins allé dans la forêt tout seul. Il sait que c'est dangereux. Alors Franck, son père, et un pote à lui, Ray, ils ont décidé d'aller le chercher eux-mêmes. Ray connaît bien le coin. Mais on n'a plus de nouvelles d'eux depuis quinze heures. Avant de partir, Ray a trouvé des marques bizarres par là.

L'homme accompagna ses paroles d'un signe de tête, indiquant la direction à suivre.

- Vous voulez bien nous montrer, lui demanda Sam pendant que son frère ouvrait déjà la porte pour sortir.

Ils marchèrent jusqu'à l'orée des bois. Ils s'enfoncèrent péniblement entre les ronces en suivant un étroit passage fraîchement révélé par les piétinements d'autres personnes avant eux. A cet endroit, la forêt était extrêmement dense. Le contremaître les mena jusqu'à un arbre immense où il leur désigna des marques sur le tronc. Quatre entailles verticales bien nettes s'étendaient sur une dizaine de centimètres et étaient espacées d'intervalles réguliers. La largeur de l'empreinte aurait pu faire penser aux griffes d'une patte d'ours si elle n'avait pas été accompagnée d'une cinquième entaille bien distincte, sur la gauche, orientée selon un angle d'environ quarante cinq degrés. Les Winchester échangèrent un regard. Leur piste se confirmait. Ils traquaient effectivement un wendigo.

L'homme les observa alors qu'ils poursuivaient leur examen du tronc puis il ne put s'empêcher de leur faire part de ses doutes :

- Ce n'est pas un ours, n'est-ce pas ? Ray a dit que cette empreinte aurait pu être celle d'un humain si elle n'avait pas eu cette taille et si les griffes n'avaient pas été si profondément enfoncées dans l'écorce. Alors qu'est-ce que c'est ? Vous avez une idée ? Vous savez comment exterminer cette chose ?

- On ne peut pas se prononcer pour le moment, répondit Sam de manière évasive, tant les questions de l'homme le gênaient.

- Oui, mais, vous allez quand même nous aider, n'est-ce pas ?

- Bien sûr qu'on va vous aider, le rassura le cadet des Winchester pendant que son frère scrutait les environs. Mais il nous est difficile de répondre à toutes vos questions pour le moment.

Ils retournèrent sur leurs pas et pénétrèrent dans le petit local qui servait de bureau au contremaître. Celui-ci leur désigna alors sur une carte, tous les espaces fouillés de fond en comble par ses deux collègues et amis. Il leur indiqua la zone où ils avaient l'intention de se rendre, la dernière fois qu'ils avaient été en contact.

- Ca fera bientôt quatre heures qu'on n'a plus de nouvelles d'eux. On a bien essayé de les joindre par la radio du 4x4 ou par le téléphone satellitaire mais rien ! Vous croyez que la chose les a eus eux aussi ? Vous pensez que vous allez réussir à les retrouver ?

- On fera notre possible, répondit Sam pendant que son frère examinait la carte.

- J'espère qu'ils vont bien. Combien y a-t-il de chances pour qu'ils soient toujours en vie ? Demanda l'homme avec des yeux qui reflétaient une angoisse bien réelle.

Ennuyé, le cadet des Winchester ne sut que répondre. Il refusait de mentir à cet homme mais il ne pouvait pas se résoudre à lui dire la vérité : les chances pour que ses amis aillent bien étaient minces. Malgré tout, ils devaient tous garder l'espoir. Lui-même se sentait très anxieux : il avait un besoin vital de sauver un maximum de personnes et il craignait un nouvel échec. Ce fut Dean qui trancha :

- Notre objectif est avant tout de leur porter secours. Plus tôt nous serons sur les lieux et mieux ce sera pour tout le monde. Vous auriez un véhicule à nous prêter ?

- Oui, j'ai ma vieille jeep mais elle n'a pas la radio.

Dean désigna d'un regard le téléphone satellitaire sur la petite table à côté d'eux et l'homme le lui tendit ainsi que la carte où il inscrivit rapidement quelques chiffres.

- Vous pourrez nous joindre à ce numéro. Avec Franck et Ray, on avait convenu de s'appeler toutes les heures.

- On ne peut rien vous promettre, lui répondit Dean, pragmatique. Dans une heure, on sera peut-être trop occupés pour vous passez un coup de fil.

- Mais on s'engage à faire tout notre possible, ajouta Sam pour tenter de réconforter l'homme.

Le contremaître valida leurs propos d'un signe de tête. Puis il les conduisit à la jeep. Les deux Winchester transférèrent l'équipement nécessaire à leur chasse, de l'Impala à leur véhicule de prêt. Dépité, Sam observa son aîné dire au revoir à son « bébé » avant de s'installer au volant de l'autre voiture. Il prit place à ses côtés avec la carte. L'homme leur souhaita bonne chance et ils s'éloignèrent rapidement.

Ils s'enfonçaient dans l'épaisse forêt, au rythme saccadé de l'étroit chemin accidenté. Le rugissement du moteur montrait à quel point la petite jeep avait du mal à gravir la côte sinueuse. La nuit commençait à tomber mais ça n'empêchait pas Dean de constater l'attitude soucieuse de son petit frère. Ses sourcils étaient froncés. Il regardait fixement devant lui, plongé dans ses pensées et, de en temps en temps, il expirait fortement comme s'il venait de prendre conscience d'une fatalité. De toute évidence, quelque chose le tourmentait et il avait besoin d'en parler.

Au troisième soupir, il accéda à la requête silencieuse de son cadet en ouvrant la conversation par un simple :

- Quoi ?

Sam tourna la tête vers lui et lui lança son habituel :

- Rien …

Tout en lui jetant des coups d'œil rapides, il attendit la véritable réponse. Comme il s'y attendait, celle-ci arriva rapidement sous la forme d'une question :

- C'est juste que … tu crois qu'on va les retrouver vivants ?

- Je l'espère Sammy.

- Moi aussi. Mais c'est peu probable, hein ?

- Le temps est notre allié. Ca ne fait que quelques heures qu'ils ont disparu. Le wendigo les a certainement stockés dans son garde-manger. Ils ne seront peut-être pas très en forme mais il est possible qu'ils soient toujours en vie.

Il vit son petit frère se détendre un peu avant de rouvrir la bouche afin de poursuivre son questionnement :

- Mais tu es sûr que c'est bien un wendigo ?

- Tu as vu les marques comme moi. Tous les signes montrent que c'en est un.

- Oui, tu as raison. Ce serait bien qu'on réussisse à les ramener. Le contremaître avait l'air très inquiet. S'il l'avait pu, il nous aurait accompagnés. J'ai l'impression que cette communauté constitue une sorte de famille. Qu'est-ce que tu en penses ?

- C'est vrai qu'ils ont l'air d'être proches et soudés. Mais c'est un peu normal, étant donné leur mode de vie.

- Ouais. On aurait peut-être dû lui dire la vérité, tu ne crois pas ?

Il regarda son petit frère d'une manière qui eut le mérite d'être suffisamment éloquente car il n'eut pas besoin de répondre à voix haute.

- Non, c'est sûr, admit finalement Sam. Ca ne l'aurait pas avancé plus que ça de toute façon. Mais il posait tellement de questions. A chaque fois que j'essayais de lui apporter une réponse, il m'en posait de nouvelles. Ca ne t'a pas frustré, toi ?

- J'ai de l'entraînement, Sammy, lui répondit-il simplement sans omettre de lui sourire avec malice.

Son petit frère comprit l'allusion et lui adressa sa moue faussement boudeuse, ce qui le fit sourire encore plus.

Le reste du trajet en voiture se fit en silence mais Sam avait l'air plus détendu. C'était étrange : souvent, lorsqu'il devait réconforter son cadet, il lui suffisait d'ouvrir la bouche pour que les mots sortent tous seuls. En revanche, s'il devait s'adresser à une autre personne, il en était totalement incapable et il était grandement préférable que Sam s'en charge. L'empathie de son petit frère était souvent bien utile dans certaines situations mais son extraordinaire sensibilité l'avait rendu malheureux plus d'une fois et son aîné était parfois démuni devant une telle détresse. Dans le passé, il lui était arrivé de ne pas le réconforter autant qu'il l'aurait souhaité. Il y avait tellement de moments qu'il aurait aimé vivre différemment. Première chose, il l'aurait empêché de lire le journal de leur père. Etre obligé de raconter à son petit frère de huit ans que les monstres existent, que le père Noël est un leurre et que c'est un démon qui a assassiné leur maman, avait été une épreuve extrêmement difficile pour eux deux. Voir Sammy aussi accablé l'avait totalement anéanti. Ce jour-là, il avait définitivement perdu l'innocence que son aîné avait pris tant de soin à lui préserver. Et pour ne rien arranger, à partir de ce moment, il avait été obligé de répondre à toutes ses questions. A chaque fois, il avait dû faire son possible pour tenter de lui remonter le moral car les chagrins du plus jeune provoquaient inévitablement une souffrance désastreuse au sein de son organisme de grand frère protecteur. Il jeta un œil discret à son passager. Sammy méritait d'être heureux et il était de son devoir d'aîné de s'en assurer mais l'année écoulée ne les y avait pas vraiment aidés!

Arrivés près de la zone indiquée par le contremaître, ils quittèrent le véhicule, s'équipèrent de leur sac à dos et de différentes armes qu'ils accrochèrent à divers endroits faciles d'accès. Ils poursuivirent leur périple à pieds, à travers l'épaisse végétation.

Régulièrement, Dean s'assurait que Sam était à ses côtés. Il était concentré, à l'affût du moindre signe de la présence éventuelle du wendigo mais il était également très attentif aux réactions de son cadet. Tout petit déjà, Sam faisait preuve d'altruisme. Sa plus grande volonté avait toujours été d'aider les autres comme sa plus grande crainte était de ne pas être normal. Alors depuis qu'il lui avait dévoilé les derniers mots de leur père avant de mourir, son petit frère le vivait très mal et se mettait dans des situations plus que dangereuses. Dean aurait préféré ne lui avoir jamais rien dit. C'était vraiment trop douloureux de le voir si mal. Mais d'un autre côté, il n'aurait pas pu lui cacher plus longtemps. Leur relation était basée sur la confiance qu'il se portait l'un l'autre. Les cachotteries et les mensonges n'auraient fait qu'altérer le lien si fort qui les unissait. Malheureusement la vérité n'était pas toujours bonne à dire même s'il savait qu'il ferait tout pour aider son petit frère à surmonter cette épreuve. L'aîné détestait son père pour lui avoir dit toutes ces horreurs : Il ne connaissait pas Sam comme lui le connaissait. Le grand John Winchester, chasseur émérite, brillait continuellement par son absence. Ce n'était pas lui qui rassurait Sammy après l'un de ses cauchemars. Ce n'était pas lui qui avait pris soin de son fils jour après jour. Ce n'était pas lui qui l'avait vu grandir et devenir l'homme qu'il était aujourd'hui. Alors de quel droit s'était-il permis de lui dire que Sam risquait de mal tourner ? Qu'il serait un danger pour l'humanité ? Comment avait-il pu lui demander de le … Quel con !

- Ca va Dean ? Lui demanda soudainement Sam.

Il s'arrêta de marcher et tourna la tête vers le regard inquiet de son petit frère qui jetait des coups d'œil furtifs à ses mains. Il s'aperçut alors qu'il avait tellement serré les poings que les articulations étaient devenues blanches. Aussitôt, il se détendit, desserra ses doigts et adressa un sourire rassurant à son petit frère. Ressasser tout ça ne servait à rien. Il valait mieux se concentrer sur le moment présent. Le problème, c'est qu'il avait un sale pressentiment et qu'il avait pris l'habitude de suivre son instinct. Autant cette chasse lui avait paru simple au départ, autant maintenant, il avait ce gouffre au niveau de son abdomen et ça l'alarmait réellement. Sam était un allié de confiance, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de la chasse. Mais avec les derniers événements, sa sensibilité et son altruisme lui faisaient faire des choses inconsidérées. Alors qu'ils avaient repris leur progression, il attrapa le bras de son cadet, le forçant à s'arrêter de nouveau. Il planta son regard dans le sien pour s'assurer d'avoir toute son attention et lui souffla :

- Sammy, il faut qu'on reste ensemble. Quoiqu'il arrive, on ne se sépare pas et on couvre nos arrières, c'est clair ?

Son petit frère fronça les sourcils et acquiesça d'un signe de tête rapide et ferme. En moins de cinq secondes, il avait compris les messages explicite et implicite que son aîné avait voulu lui faire passer et le lui avait fait savoir par une attitude toute simple. Les mots étaient superflus. Ils pouvaient lire en l'autre aussi clairement que s'ils parcouraient une bande dessinée pour enfants. D'aussi loin que Dean pouvait s'en souvenir, ça avait toujours été comme ça.

A peine rassuré, il reprit sa marche forcée, suivi de près par Sammy. Ils n'avançaient pas aussi vite qu'ils l'auraient voulu car leur parcours était semé d'embûches. La nuit était tombée et l'obscurité était totale. Seules leurs torches puissantes leur permettaient encore d'avancer. Ils arrivèrent néanmoins à un sentier transversal grâce auquel ils purent accélérer leur progression. A quelques centaines de mètres, ils découvrirent un passage plus large sur lequel des empreintes de pneus avaient creusé des sillons épais. Ils suivirent ces traces pendant une quarantaine de minutes jusqu'à ce qu'ils décèlent un monticule de tôle et de végétation à quelques mètres d'eux, en amont. Ils approchèrent prudemment, attentifs au moindre signe d'une quelconque présence. Ils comprirent qu'un arbre énorme s'était abattu sur le 4x4. Ils contournèrent les obstacles et essayèrent d'étudier l'intérieur du véhicule par les rares ouvertures réduites à l'état de simples fentes. Les vitres avaient explosé sous l'impact et le poids du tronc avait considérablement écrasé l'habitacle. Ils constatèrent avec soulagement que le 4x4 était vide. Dean passa difficilement son bras par l'une des embrasures et retira un tas informe de métal entremêlé de fils. Il le montra à Sam qui lui fit une grimace indiquant qu'il avait compris que la radio était morte. Au moment où il voulu balancer sa trouvaille, un hurlement déchirant se terminant par d'horribles gargouillis, se fit entendre à proximité. Un deuxième cri se répercuta entre l'épaisse végétation, aussitôt suivi par des coups de feu. Il eut à peine le temps de déterminer d'où provenaient ces bruits qu'il vit son petit frère courir dans leur direction.

- Sam ! Souffla-t-il pour tenter de le retenir.

Mais c'était peine perdue et il n'eut pas d'autre choix que de se précipiter à son tour pour lui prêter main forte.

Il courait à en perdre haleine. Ses vêtements s'accrochaient dans les ronces. Régulièrement ses chevilles se tordaient à cause de l'irrégularité du sol qu'il ne faisait que deviner dans l'obscurité ambiante. Mais il n'y prêtait pas attention, manquant de tomber, se raccrochant à tout ce qui pouvait lui permettre de progresser plus vite, forçant son corps à surpasser ses limites. S'il arrivait à temps, il pourrait peut-être encore les sauver.

- Sam ! Entendit-il derrière lui dans un souffle.

C'était au moins la troisième fois que Dean l'appelait. Ne pouvait-il pas comprendre qu'il n'avait pas le temps de l'attendre ? Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre encore des innocents. Ils devaient tout entreprendre pour les secourir. C'était leur job ! N'était-ce pas ce que son père et son frère lui avaient maintes fois répété ?

Soudain, d'autres paroles émergèrent de son esprit : « Sammy, il faut qu'on reste ensemble. Quoiqu'il arrive, on ne se sépare pas et on couvre nos arrières, c'est clair ? » Il s'y était engagé et il devait s'y tenir. Une promesse faîte à son frère était sacrée. Alors, même si ça le rongeait de l'intérieur, il ralentit considérablement sa vitesse, laissant une seconde à son aîné pour le rattraper. Il le sentit sur ses talons au moment où il discerna une faible luminosité devant lui. Il accéléra de nouveau sa course et arriva presque simultanément à la lisière d'une petite clairière au milieu de laquelle s'épanouissait un feu de camp. Il n'eut pas le temps d'observer les alentours car il fut propulsé violemment sur le côté gauche. Une détonation résonna à ses oreilles avant même qu'il atteigne le sol. Il resta à couvert quelques secondes le temps de reprendre ses esprits. A bout de souffle, il tenta tant bien que mal de se redresser discrètement. A travers les broussailles, il aperçut un homme à la carrure imposante braquer un fusil dans une direction proche de sa position. Il ne faisait aucun doute que cet individu était à l'origine du coup de feu.

- Jette ton arme ! Hurla une voix aussi familière qu'essoufflée, à côté de lui.

Dean, venait de se redresser et se tenait à présent debout sur sa droite. Il braquait son colt sur l'inconnu. Tout se mit soudainement en place dans la tête de Sam. Son aîné avait dû voir le danger et l'avait protégé en le poussant hors de la trajectoire de la balle, tout en se mettant lui-même à couvert. Puis il était sorti de sa cachette pour tenir le tireur en joug.

L'homme qui avait bien failli le tuer paraissait totalement désorienté et peu sûr de ses gestes. Les petites flammes qui dansaient près de lui, illuminaient son visage marqué par la terreur. Des gouttes de sueur dégoulinaient sur ses tempes déjà luisantes. Le bras qui maintenait la crosse du fusil contre son épaule tremblait violemment. Son index était crispé sur la gâchette. Quant à sa main gauche ensanglantée, elle ne lui permettait pas de maîtriser l'angle qu'il voulait donner au canon. Mais l'arme était dangereusement orientée vers Dean et les deux hommes étaient tellement à cran qu'il ne fallait pas plus d'un geste malheureux ou d'un bruit quelconque pour qu'une balle parte et n'atteigne sa cible.

Il devait intervenir mais cela devait se faire intelligemment et le plus rapidement possible. Tout en se levant doucement pour prêter main forte à son aîné, Sam se rapprocha de lui sans quitter l'homme des yeux, les bras levés, en signe de paix. Aussitôt, le canon du fusil se braqua sur lui. Il comprit alors que c'était le bon moment pour s'adresser au tireur afin de le rassurer et tenter de le calmer :

- Nous ne vous voulons aucun mal. On est là pour vous aider ! S'il vous plaît, baissez votre arme !

Indécis, l'homme l'observa un instant. Puis ses tremblements s'intensifièrent. Il abaissa son fusil et se laissa tomber lourdement à genoux. Dean rangea son arme et les deux frères s'approchèrent prudemment de lui.

- Ce n'était pas un ours … je le savais, articula-t-il difficilement toujours sous le choc.

- Où êtes-vous blessé ? Demanda Sam tout en sortant la trousse de secours de son sac.

- Ce … ce n'est pas mon sang ... C'est celui de Franck !

- Et où est Franck ? Murmura Dean toujours à l'affût.

- C'est la chose … la chose l'a emmené ! Souffla l'homme, se balançant légèrement d'avant en arrière, comme s'il essayait malgré lui de se calmer.

- Ca va aller Ray. C'est bien comme ça que vous vous appelez ? Il le vit acquiescer d'un simple mouvement de tête. Moi, c'est Sam et lui, c'est Dean, ajouta-t-il en désignant son frère qui faisait le gué en arpentant l'espace autour d'eux.

Accroupi à côté de l'homme, il l'examina rapidement et s'aperçut que le choc émotionnel était bien supérieur aux blessures physiques. En revanche, la quantité de sang qui était venue éclabousser son corps n'annonçait rien de bon pour son ami Franck. Sam sentit le regard interrogateur de son aîné braqué sur lui. Il lui répondit silencieusement par un signe de tête et, d'un simple coup d'œil, ils convinrent tous les deux qu'il était préférable d'emmener cet homme dans un endroit plus sûr.

- On va vous ramener à Newhal …

- Non ! S'écria soudainement Ray. Je dois retrouver Jimmy. Je l'ai promis à Franck … Il était … comme un frère pour moi … Son fils, c'est un peu le mien aussi … Il faut que le retrouve. Il est certainement là … quelque part. Il est vivant, je le sens. Je dois le retrouver !

Il avait du mal à parler. Sa voix s'étranglait mais Sam pouvait lire dans ses yeux toute la détermination dont il pouvait faire preuve. Le convaincre serait indubitablement une tâche laborieuse.

- C'est d'accord, intervint Dean qui se rapprocha d'eux par la même occasion. Mais à l'unique condition que vous nous racontiez tout ce qui s'est passé.

Sam regarda son aîné, à la fois étonné et contrarié. Non seulement Ray serait bien mieux dans un lieu sécurisé, à l'abri de tout danger, mais en plus, il constituait une entrave à leurs recherches pour sauver d'éventuelles autres victimes. Ne venaient-ils pas de prendre cette décision ensemble ? Comme si cela ne suffisait pas, cet homme, encore sous le choc, devait évoquer l'expérience traumatisante qu'il venait de vivre. Où son frangin avait-il la tête ? Etait-il aussi insensible pour ne pas voir l'état déplorable de Ray ? Il se leva donc et affronta Dean du regard pour lui montrer sa totale désapprobation. Mais, de toute évidence, l'attitude du cadet n'ébranla en rien la conviction de son grand frère qui se contenta de le fixer en lui signifiant clairement que sa décision était prise. Leur duel silencieux prit fin au moment où Ray accepta la condition de l'aîné et commença son récit.