N.A.: Première fanfic sur Salut les Geeks concernant le Patron et le Geek. Très courte mais ça a juste jailli de mon esprit, il fallait que je l'écrive. Peut-être qu'elle pourra me servir de point de démarrage pour une fiction plus longue plus tard. En tout cas, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez :)

Disclamer: Mathieu Sommet, son émission et ses personnalités multiples ne m'appartiennent pas, ce qui est bien dommage.

Allongé sur son lit, une main derrière sa tête et l'autre dans son fût, le Patron soupira de contentement. Que la vie était belle, tout de même, lorsqu'on était libre et qu'on s'appelait le Patron !

Derrière la porte, il n'entendait presque rien, si ce n'était les borborygmes de l'autre drogué et les marmonnements de son Créateur qui semblait –pour ne pas changer – se parler à lui-même. Son Créateur. Il grimaça. Il n'avait rien contre lui personnellement. Mathieu était un mec relativement laxiste, et lui passait énormément de choses. De toutes façons, après un passage douloureusement mémorable dans la quasi-totalité des prisons d'Europe de l'Est, une maison où il était nourri, logé, blanchi et copieusement fourni en prostituées de tous horizons était une bénédiction.

Mais, le prix à payer… Ses doigts se resserrèrent inconsciemment autour de ses cheveux. Il n'existait pas réellement ici. Peut-être n'avait-il même jamais réellement existé, nulle part. Peut-être tout ce qu'il prenait pour des souvenirs n'était que des produits de l'imagination malade de ce youtubeur à deux balles. Peut-être.

Lorsque le Prof vivait encore, il avait l'habitude de sortir des masses de théories loufoques pour expliquer leurs existences, certaines comportant des dimensions parallèles et des dinosaures chrétiens. Ce qui collait une migraine d'enfer au Patron qui finissait toujours par le menacer de le faire taire définitivement. Il éprouvait par ailleurs un profond malaise à l'écoute de ces théories même s'il essayait de s'en cacher. De la même manière, il évitait d'y penser la plupart du temps. L'idée d'être entièrement dépendant du bon vouloir d'une seule personne, surtout aussi pathétique et pudibonde –selon ses standards – que ce gamin faisant des vidéos sur Internet, était terrifiante. Par chance, être à la tête d'une bonne centaine de bordels un peu partout dans le monde offrait un grand nombre de distractions.

Pourquoi y pensait-il donc ce soir-là, seul dans ce réduit que cet odieux gamin osait appeler « chambre » ? Il grogna de frustration en se rappelant la cause de son apathie. Encore ce fichu gamin bien sûr et ses règles à la con. Pas de putes le vendredi soir. Et puis quoi encore ? Bientôt il demanderait qu'il arrête de fumer dans l'appartement.

Un léger bruit interrompit ses pensées. Cela ressemblait suspicieusement à des gémissements de chiot blessé, le genre d'appel irrésistible qui donnait l'envie au Patron de coller un Beretta sous le nez de la bestiole mourante pour voir jusqu'où pouvait gicler son sang de baudruche poilue. Peut-être que c'était le sac à puces du Hippie. Ceci était peut-être enfin l'occasion de buter cette vermine.

Le Patron se leva, et sortit à pas de loup. S'il avait l'opportunité d'exécuter son crime, il ne la gâcherait pas en faisant un boucan d'enfer. Les bruits provenaient de la salle de bain et se précisaient. Le Patron ressentit une légère déception en constatant qu'ils n'étaient pas d'origine animale, mais bien humaine, mais se ressaisit rapidement. Il restait toujours la possibilité de profiter de la vulnérabilité d'une personne en détresse. Dans cet état, la plupart des gens se montrait plus… réceptifs en général à ses démonstrations d'affections assez… particulières.

Il se rapprocha avec un sourire prédateur de sa prochaine victime, se glissa dans son dos et prononça par-dessus son épaule de sa plus belle basse : « Bouh. »

Le Geek – car c'était lui – sursauta et tourna vers le criminel notoire un regard embué par les larmes. Le Patron lui retourna son regard, décontenancé. Ce n'était tout de même pas lui qui l'avait fait pleurer pour si peu ?

Au fond, ça le faisait un peu chier de le voir comme ça. Il aimait martyriser les autres, évidemment. Surtout le Geek. Parce que c'était facile et presque jouissif de voir ses paroles ou ses gestes affecter directement son interlocuteur. Mais il n'aimait pas voir sa famille blessée par quelqu'un ou quelque chose d'autre que lui. Car, lui, il savait toujours où se situaient les limites. Pas les autres. Donc voir le Geek pleurnicher pour une raison inconnue lui donnait furieusement l'envie de boxer un mur.

C'est sans doute cela qui l'incita à poser la question : « Qu'est-ce qui t'arrive, gamin ? »

Le Geek ne répondit pas tout de suite mais se contenta de continuer à renifler de manière pathétique avant de plonger ses yeux de cocker triste dans les orbes sombres du Patron : « Mathieu a dit à ses fans qu'on n'existait pas vraiment. Pourquoi il dit toujours ça ? »

La bouche du Patron s'assécha. Il n'y avait pas vraiment de réponse et il le savait. Mais le Geek ne s'arrêta pas.

« Pourquoi il ne nous considère jamais comme des êtres humains ? Les êtres humains ça a des émotions, non ? Et moi j'aime pas qu'on me tape, et toi tu aimes bien taper et c'est des émotions, ça, non ? C'est réel, on est réel, pourquoi il dit qu'on ne l'est pas ? Pourquoi il veut pas nous laisser sortir ? Pourquoi il dit aux fans que c'est mal de compatir avec nous ? Pourquoi il nous cache ? On est honteux, on lui fait honte ? »

Les larmes ruisselaient maintenant sur le visage du garçon qui venait visiblement de cracher ce qu'il avait sur le cœur depuis longtemps. Il inspira à fond avant de chuchoter.

« Est-ce qu'on va tous finir comme le Prof et la Fille ? »

La mâchoire du Patron se crispa. Ils se rappelaient tous de la disparition de leurs… « collègues ». Pour le Prof, ça avait été rapide, confidentiel. Il avait accepté son sort et était rentré dans sa chambre avec un sourire forcé. Il n'était jamais ressorti. Une semaine plus tard, Mathieu transformait cette chambre en chambre d'ami et son laboratoire en fausse grotte de carton plâtre pour Maître Panda.

Pour la Fille, ça avait été plus compliqué. Elle avait hurlé, giflé leur Créateur, renversé tous ses vêtements et ses cosmétiques sur le sol, provoqué un bazar pas possible. Le Patron devait avouer qu'il avait été impressionné par son cran. Mais ça n'avait pas suffi. Mathieu était devenu très pâle et avait sifflé entre ses dents : « Dégage. » Et en un battement de cils, elle avait disparu, ne laissant derrière elle que sa perruque bon marché. Mathieu avait tourné les talons et avait quitté la maison sans un mot. Pour se consoler avec de la mauvaise bière, sûrement.

Mais que ça soit pour l'un ou pour l'autre, le présentateur de l'émission n'avait plus jamais mentionné leurs noms, ou même leurs existences, masquant leurs morts – car c'est ainsi que les autres le ressentaient – sous un voile d'indifférence, semblant défier quiconque de les évoquer à nouveau.

Et voilà que le Geek, le gamin, venait de briser le tabou.

« Il va nous tuer à la fin, pas vrai ? »

Le Patron se mordit les lèvres. Et ce fut à ce moment précis qu'il prit sa décision.

« Bien sûr que non, il te tuera pas. Tu crois que je le laisserais faire ? »

Le Geek sourit, soulagé, naïvement rassuré par son aîné et l'enlaça. Ce dernier, de manière surprenante, se laissa faire sans ajouter une seule remarque perverse et sourit.

Peu importait qu'ils n'existent pas vraiment. Peu importait qu'ils soient destinés à disparaître un jour, selon les humeurs de leur Créateur. Peu importait que Mathieu ne les considère jamais vraiment comme réels. Pour l'instant, ils étaient vivants et le Geek le serrait dans ses bras.

C'était assez réel pour lui.