Et ouaip, je suis de retour ! C'est que j'en ai écrit des choses pendant cette semaine… Enfin, voici un nouveau petit OS, tout simple, que j'avais vraiment envie d'écrire à force d'entendre ces petits airs d'accordéon dans le métro… C'est un UA au cas où vous auriez pas encore compris ;) Avec un nouveau style d'écriture, au présent. Bon, c'est la première fois que je le tente, alors j'attends vos impressions…

Pour l'écrire, je me suis repassée en boucle Bittersweet et The Swan Songde Within Temptation. Je trouve que ça colle bien au texte, après libre à vous de les écouter ou non :)

Bien sûr rien n'est à moi. Ouin. (mais bon, c'est pas ça qui m'empêche de torturer un peu ces pauvres personnages… :D)

Eh bien… Enjoy ? :)


Aujourd'hui c'est le jour de la rentrée pour Mukuro. Il sera nouveau, dans ce lycée comme dans cette ville.

Il n'était arrivé que depuis un mois. Au début Paris lui avait fait peur, grande, bruyante, avec tous ces gens qui passaient, pressés, sans prêter d'attention aux autres. Toutes les voitures, flot coloré et continu, les rues multiples qui se coupaient, s'entrecroisaient, s'arrêtaient pour reprendre.

Et puis il y avait le métro. Ce monstre de ferraille, avec ses lignes d'une couleur différente à chaque fois, ses stations innombrables, et toujours ces gens, jamais les mêmes et qui pourtant se ressemblaient tous.

Il s'est habillé, lavé, il a mangé. Et il attend à sa station que le métro arrive. Il est bien obligé de le prendre, sinon il serait en retard à ses cours.

Il est encore tôt. Il n'y a presque personne sur cette ligne pour le moment. Juste quelques employés qui commencent aussi tôt que lui et deux ou trois SDF qui sont venus chercher un abri chaud pour la nuit.

Mukuro se promet d'essayer de leur apporter des pièces les prochaines fois. Il a encore un cœur tout de même.

Mais déjà le métro arrive. Il passe devant eux à toute vitesse, dans un crissement de ferraille. Mukuro est devant le dernier wagon. Il entre tranquillement.

Il n'y a qu'une personne. En même temps, c'est seulement la deuxième station depuis le début de la ligne. C'est un vieil homme, qui doit avoir dans les 80 ans, assit sur un des sièges pliables à une place devant la porte. Il a un grand sac à côté de lui. Il lui sourit gentiment. Ses habitudes revenant, Mukuro fait de même. Puis il va s'asseoir à l'autre bout du wagon, sur un autre siège pliable, dos à l'homme. Il se met près de la fenêtre, parce qu'il aime bien voir les parois du tunnel défiler à toute vitesse, les lumières accrochées au mur apparaître et disparaître continuellement.

Il n'est pas stressé. Il n'est jamais stressé. Il est juste un peu anxieux. Mais il sait que ça ne sert à rien alors il essaye d'oublier ce sentiment.

La chenille de fer ralentit puis s'arrête. Autre station, autres gens. La porte s'ouvre et rentre un garçon, qui doit avoir quelques années de moins que lui, aux cheveux noirs bouclés et aux yeux verts. Puis une femme, aux cheveux noirs aussi et avec un tatouage en forme de fleur sous l'œil. Tous deux le regardent avec surprise, puis vont s'asseoir, la dame dans un des carrés et le garçon en face du vieil homme qui les salue tous deux d'un sourire auxquels ils répondent.

Mukuro s'en désintéresse en les voyant sortir un livre pour l'une, des notes de cours pour l'autre et retourne à sa contemplation de la fenêtre.

Vite, vite, plus vite, les parois défilent, les lumières sont englouties dans le noir, et le métro va vite, avant de ralentir et de s'arrêter, encore. Et encore des gens montent, trois cette fois, et qui le regardent avec cette pointe de surprise, mêlée d'animosité pour le garçon blond aux barrettes.

Tous vont à une place, sans se heurter, sans trop se regarder, comme si c'était déjà convenu. Et tous saluent et sont salués par l'homme qui les regarde avec bienveillance.

Encore une station. Cette fois une seule nouvelle, une jeune fille aux cheveux violets avec un cache-œil. Elle le regarde aussi et Mukuro commence à en avoir marre d'être dévisagé ainsi. Mais elle se détourne bien vite et va s'installer, en face de la dame au motif floral.

Mukuro se replonge dans la contemplation du tunnel lorsque le bruit d'une fermeture éclair se fait entendre. Aussitôt tous les bruits de feuilles, de pages tournées qu'on pouvait entendre se stoppent et malgré lui le bleuté tourne la tête.

Le vieil homme tient un accordéon dans ses mains. Un vieil accordéon, qui doit avoir l'âge de son propriétaire, d'un rouge délavé, avec des liserés d'or et aux touches jaunies par le temps. Mukuro pense que cet homme doit être une de ces personnes qui jouent dans le métro pour gagner de l'argent, mais il rejette cette hypothèse. Il n'a pas de raison, c'est juste que ça ne paraît pas convenir.

Puis l'homme commence à jouer. Et le bleuté oublie tout. Il est envoûté par la musique, par ces notes qui s'envolent et qui viennent danser au milieu de wagon, par ce rythme qui s'accorde à celui du métro. Il ferme les yeux pour mieux écouter, il se laisse bercer par la mélodie. L'air vient chuchoter à son oreille, vient lui demander de l'accompagner, de l'aimer, de l'apprécier. Le bruit constant du train souterrain, ce sifflement, vient accompagner l'accordéon, lui servir de voix, de chanson. La musique ralentit en même temps que la rame, puis reprend, plus vive, plus entrainante. La valse est finie et c'est une musique plus vivante mais tout aussi belle qui prend sa place.

Les autres voyageurs sont comme Mukuro et ont un petit sourire aux lèvres en écoutant l'accordéon. Le petit sourire de ceux qui ont leurs petites habitudes, et leurs petits secrets.

Le sourire de ceux qui n'écoutent pas cela pour la première fois mais qui l'aiment toujours autant.

Seulement c'est la station de Mukuro qui doit se lever et descendre, abandonnant à regret l'accordéon. En passant il accroche le regard du vieillard qui lui envoie un clin d'œil. Troublé, il regarde la rame repartir, emportant à son bord la musique et ces personnes silencieuses.

Il s'en détourne et regarde sa montre. Il a dix minutes d'avance.


Ca fait déjà un mois et deux semaines qu'il est rentré. Il a rencontré de nouvelles personnes, a noué quelques liens avec elles, a vécu la vie habituelle des étudiants.

La rencontre du premier jour lui est sortie de la tête, mais parfois un air se joue dans son esprit, un petit air incomplet, agaçant à force de ne pas vouloir se finir. Un petit air qu'il aime bien mais qu'il ne retrouve pas, qu'il ne connaît pas.

Ce jeudi matin son réveil ne sonne pas. Il se lève, affolé. Il va être en retard.

Il fait ses gestes habituels en quatrième vitesse, attrape une tartine beurrée en chemin et se précipite vers le métro. Arrivé à la station il regarde sa montre et soupire.

Il est en avance.

Tranquillement il commence à déguster son petit-déjeuner, attendant le passage du train. Le quai est toujours aussi vide et le bleuté va déposer quelques petites pièces vers les SDF. Il n'oublie jamais sa promesse, qu'il répète régulièrement.

Le métro arrive, et il est encore devant le dernier wagon. Il commence à se souvenir de ce jour, il y a plus d'un mois. Il entre.

Le vieil homme est toujours à sa place et le regarde, ses yeux pétillants et des petites rides se formant au coin de ses paupières lorsqu'il lui sourit. Cette fois il n'a pas de sac.

Hésitant, Mukuro va s'asseoir au même endroit que le premier jour. Et le manège se répète.

D'abord le jeune aux yeux verts et la femme au tatouage, qui vont à la même place. Puis le blond aux barrettes, l'adulte aux cheveux longs et blancs et celui avec du maquillage, des piercings et des cheveux violet clair. Et la jeune fille aux longs cheveux, d'un violet plus foncé que l'homme, et au cache-oeil. Tous se placent comme avant. Non sans l'avoir dévisagé.

Et cette fois-ci, il n'y a pas d'accordéon.

Vendredi, il décide d'arriver encore en avance. Mais cette fois, la rame part alors qu'il arrive sur le quai et il a juste le temps de voir le vieil homme lui sourire avant qu'il disparaisse. Puis c'est le week-end et Mukuro ne prend pas le métro.

Mais lundi il vient vingt minutes trop tôt. Il regarde les métros passer les uns après les autres, guettant celui avec l'homme. Lorsqu'il arrive enfin, il monte sous le regard amusé du vieillard. Qui n'a toujours pas de sac.

Il va s'asseoir, toujours au même endroit, non sans avoir vérifié l'heure sur sa montre.

Les autres montent, petit à petit, remplissant un peu plus le wagon. Et déjà ils ont l'air moins surpris en le voyant.

Désormais il viendra tous les jours avec dix minutes d'avance.


Les mois s'enchaînent sur un air d'accordéon. Chaque matin, Mukuro attend la bonne rame et s'y engouffre, s'asseyant au même endroit. Il a été accepté par les autres. Maintenant, comme eux, il connaît sa place et il arrête tout lorsque le son de l'instrument résonne.

Parfois, d'autres personnes montent dans le wagon. C'est bien obligé. Mais elles ne reviennent jamais après. Et Mukuro comprend mieux la légère animosité présente dans les regards au début.

Ce wagon et ce vieil homme, c'est leur monde et leur trésor à eux.

De là où il est, le bleuté ne peut pas bien voir ses compagnons. Mais il s'amuse à les observer, quand il le peut.

Le jeune garçon brun a une lueur enfantine au fond de ses yeux verts et semble toujours plutôt joyeux. Il doit être au collège ou au lycée. Il change à cette station, Mukuro l'a déjà vu arriver en courant d'un des tunnels menant à d'autres lignes. Son sac sur lequel est dessiné une petit vache qui dit "I'm so cool" est souvent tâché. Malgré cela, il doit être populaire. Mukuro a souvent aperçu des lettres ressemblant à des déclarations dans son sac. Mais il est déjà monté dans le wagon les larmes aux yeux. Ces fois-là, il va s'asseoir juste à côté du vieil homme qui lui pose sa main sur l'épaule et le regarde. Et le lendemain il a de nouveau cette lueur enfantine dans les yeux. Il ne révise presque jamais dans le wagon, il préfère rêvasser en écoutant de la musique.

La femme au tatouage lit presque toujours. Lorsqu'elle relève les yeux, ils sont empreints de bonté et de sagesse. De même, lorsqu'elle semble triste, elle va s'asseoir près du vieillard. Mukuro pense qu'elle doit être médecin, sûrement à cause de la blouse qu'il a aperçue quelques fois dans son sac à main.

Le violet est arrogant en dehors du wagon, Mukuro a pu le voir sur le quai. Mais dès qu'il y entre et qu'il sourit au vieil homme, il devient plus timide, plus humble. Il écoute presque toujours de la musique et lit souvent des magazines sur tout ce qui touche aux motos. Hobby auquel il doit s'adonner régulièrement vu le casque qu'il transporte dans son sac de sport.

Comme tous les autres, le musicien le réconforte quand il va mal.

Il n'a pas pu deviner grand-chose sur l'argenté. Aussitôt entré et assit il ferme les yeux. Il ne les rouvre que lorsque l'homme sort son accordéon, pour les clore quand la musique commence à s'élever. Il porte toujours des gants. Une fois, l'un des deux est tombé et le bleuté a pu apercevoir une main en métal. Ses cheveux sont généralement attachés en une longue queue de cheval serrée, mais il arrive qu'il les détache. Mukuro pense qu'il est policier.

Pour le moment il n'est allé qu'une seule fois près du vieillard.

Le blond doit avoir à peu près le même âge que lui. Il s'assoit en face de l'argenté, juste derrière Mukuro. Il passe tous ses trajets à regarder la violette. Ces deux-là sont amoureux, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Ils sont ceux qui se regardent le plus souvent, qui rougissent en apercevant l'autre, ceux qui vivent le plus dans ce wagon. Mukuro se demande depuis quand cela dure, et espère être là lorsqu'ils se décideront enfin.

La jeune fille est très timide et rougit dès qu'elle croise le regard de quelqu'un, sauf celui de la dame. Généralement elle révise ses cours et lit parfois des livres que lui a passé la femme. Le bleuté aimerait savoir ce qui s'est passé pour son œil. Mais comme pour les autres, il se contente de faire des suppositions. Ici, chacun a ses secrets et se tait. Se contente de les partager silencieusement avec le vieil homme et de nouer des liens muets avec les autres voyageurs.

Se contente de fermer les yeux et d'écouter la musique lorsqu'elle résonne.


Ce matin, Mukuro n'a pas sa lueur habituelle de moquerie dans les yeux. Il ne va pas donner une petite pièce aux SDF. Il se contente de rester sur le quai, tête baissée, les mains crispées sur les lanières de son sac.

Aujourd'hui cela va faire cinq ans que sa mère est morte dans l'incendie de leur maison en Italie. Et la douleur est toujours aussi vive.

La veille, il avait eu l'impression que les étudiants faisaient tout pour lui rappeler à quel point avoir une mère était bien. A quel point ça lui manquait de ne plus pouvoir la voir. Alors il était parti plus tôt, il les avait tous laissés en plan.

Et maintenant il est là, sur le bord du quai, faisant son possible pour essayer d'oublier ce sentiment oppressant, qui lui serre le cœur, l'empêche de respirer et noue sa gorge. Il essaye d'oublier qu'il y a encore cinq ans, il pouvait sourire et parler avec sa mère. Qu'il pouvait la voir.

Dans le bruit habituel, le métro s'arrête en face de lui. Cette fois, Mukuro ne sait pas s'il va prendre ce wagon. Il ne sait pas s'il a envie de faire avec les autres ce qu'il fait avec tout le monde. Cacher cette douleur, cette peine, qui le ronge.

Mais lorsqu'il relève les yeux, il se décide à monter. Le vieil homme est là, il le regarde, il lui sourit, comme toujours.

Sauf qu'aujourd'hui il tapote la place à côté de lui.

Mukuro s'assoit. Il garde les yeux baissés. Une main sur son épaule les lui fait relever.

Le sourire doux est toujours là. Et les orbes marrons le transpercent, lisent en lui. Mais ça ne l'effraie pas. Ca ne le dérange pas.

Parce que le musicien le comprend. Et ne le juge pas.

Quand les autres passagers montent à leur tour, ils se contentent de sourire doucement en voyant des larmes silencieuses sur les joues du bleuté.


Les grandes vacances approchent à grands pas. Mukuro a vu une fois le blond sur le même quai que la violette essayer de lui parler.

Lorsqu'ils sont montés le vieil homme leur a fait un clin d'œil. Ils ont rougis. Les passagers ont bon espoir de les trouver ensemble à la rentrée.

Mukuro n'a plus le temps de regarder par la vitre. Il passe ses trajets le nez sur ses notes de cours. Le Bac approche, et il faut qu'il réussisse à l'avoir s'il veut intégrer la fac qu'il vise.

Le brun révise lui aussi. Ce qui conforte le bleuté dans l'hypothèse qu'il est au collège, sûrement en 3ème.

Pendant la semaine du Bac il n'est pas allé dans le wagon. Il ne sait pas pourquoi.

Ou peut-être que si. Peut-être qu'il ne veut pas être à l'intérieur quand il pense à ce qui l'attend quand il en sort. Sa vie, ses amis, les cours et le wagon avec ses passagers et le vieil homme sont deux univers différents qui ne doivent pas se mélanger.

Alors quand il a fini les épreuves il reprend le bon métro. Et sa place est toujours libre, l'attendant.


Il ne prend jamais cette ligne pendant les vacances. Et ça fait deux mois. Deux mois sans monter dans le wagon, sans regarder les passagers, sans sourire au vieil homme, sans écouter l'accordéon jouer.

Ca lui manque, il faut l'avouer. Et lorsqu'il reprend enfin les cours, il est heureux. Il va pouvoir les revoir, tous, et réentendre la mélodie.

Il attend comme toujours sur le quai. Maintenant il descendra sept stations plus loin, c'est plus proche de sa fac. Et lorsqu'il revoit le vieil homme, il sourit. Dire que cela fait déjà un an qu'il est dans cette ville… Le temps a filé si vite.

Les autres montent à leur tour, et Mukuro voit bien que les plus jeunes sont eux aussi heureux de retrouver ce monde. Les trois adultes ont du continuer à prendre ce wagon, mais c'est différent quand il manque quelqu'un.

Bien sûr, ça arrive. Que l'un d'entre eux soit malade, qu'il arrive trop tard, ou n'importe quoi d'autre. Mais toujours on le revoit le lendemain, ou lundi si on est vendredi.

Le vieil homme, lui, est toujours là. Chaque jour. Mukuro se promet d'essayer de venir un dimanche. Pour voir si il est encore là.

La station à laquelle il descendait avant passe, et il ne sort pas. Il voit bien la surprise dans le regard des autres, et se contente de sourire. Tout comme le musicien.

Deux stations plus tard, il est toujours là et il voit bien que quelque chose amuse les autres. Il ne sait pas quoi.

Jusqu'à ce qu'un autre garçon monte. Et le regarde un peu trop longtemps pour que ce soit normal.

Finalement il va s'asseoir à côté de Mukuro. Qui se pose des questions.

Jusque là il n'avait jamais songé à cette éventualité. Qu'il puisse y avoir d'autres passagers dans ce wagon, après lui. Pourtant il aurait dû s'en douter. La ligne est grande, les stations nombreuses.

A cette pensée, une étrange jalousie s'empare de lui. Alors comme ça ils ne sont pas les seuls ? Il y en a d'autres qu'il ne connaît pas, mais que les autres ont déjà rencontré ?

Il regarde à son tour le garçon. Cheveux noirs tombant sur la nuque avec une mèche sur le devant, yeux bleu-acier, peau pâle et traits fins, probablement d'origine japonaise, il est déjà plongé dans un livre.

Sentant probablement son regard peser sur lui, le garçon relève la tête. Malgré lui, Mukuro rougit et se replonge dans la contemplation de la fenêtre. C'était à cette place là que devait être son voisin.

A partir de ce jour, Mukuro change de place une fois sur deux. Pour que l'autre puisse aussi profiter de la fenêtre.


Ce matin, le blond et la violette sont sur le même quai. Ils semblent tous deux très heureux. Lorsqu'ils entrent, le vieil homme les arrête, sans prononcer un mot, souriant avec malice. Il sort son accordéon. Et commence une valse.

Les deux rougissent. Tous les voyageurs les regardent, souriant pour la plupart.

Et ils commencent à danser.

Le métro roule, roule, roule dans les tunnels. Le temps semble s'étirer, les empêchant d'atteindre la station suivante. Ils dansent, en harmonie avec la musique et le roulis du plancher. Ils dansent et passent près de chacun. Des battements de main commencent à retentir, frappant le tempo. Mukuro se joint à cette danse lui aussi. Et finalement son voisin lâche son livre pour les imiter.

La valse est lente et douce. Comme toujours la musique les transporte. Mais cette fois, elle s'adresse surtout au nouveau couple.

C'est leur manière à eux de les féliciter.

Sans parler.


Maintenant le couple s'assoit côte à côte. L'adulte en violet à laissé sa place au blond et est allé se placer en face de l'argenté.

Ils ne parlent pas pour autant.

Mukuro observe plus souvent son voisin. Le garçon ne laisse jamais aucune émotion passer sur ses traits et en quatre mois il n'est pas encore allé voir le vieil homme. Lorsque l'accordéon se met à jouer, il ne lève pas les yeux.

Mais Mukuro a bien vu qu'il arrêtait de tourner les pages de son livre.


Ce dimanche, Mukuro se souvient de ce qu'il s'était promis. Alors il se lève tôt et va attendre le métro.

Ils passent, les uns après les autres. Dix minutes après l'heure habituelle, le vieil homme n'est toujours pas apparu à la fenêtre du dernier wagon.

Mukuro s'en va.


Ce matin, quand le brun rentre dans le wagon, il ne semble pas changé. Ses yeux sont toujours aussi glacés et ses traits aussi impassibles.

Mais le vieil homme l'attrape par le poignet. Et l'oblige à s'asseoir près de lui.

Lorsqu'une unique larme passe la barrière des yeux bleus, Mukuro ne comprend pas comment il fait pour ne pas voir les émotions de son voisin.

Et il se promet de tout faire pour mieux le comprendre.


Aujourd'hui, exceptionnellement, Mukuro n'a pas cours. Alors il décide de rester toute la ligne. Pour voir si il y a encore d'autre passagers.

C'est un jour d'accordéon. Et le bleuté est bien content de pouvoir en profiter tout le long.

Cette fois encore sa station passe sans qu'il ne descende. Le garçon le regarde quelques minutes et Mukuro croit voir une pointe de méfiance au fond du bleu glacé de ses yeux. Mais finalement il soupire. Ferme son livre. Et s'endort.

Sa tête est posée contre la vitre, ses lèvres fines sont légèrement entrouvertes et son souffle régulier forme une petite couche de buée. Ses cheveux noirs encadrent son visage dont les traits sont plus détendus, moins méfiants.

Mukuro se surprend à penser qu'ainsi il a l'air d'un ange.


Deux autres personnes sont entrées pendant le trajet. D'abord un grand homme aux cheveux corbeau, aux yeux dorés et aux sourcils… étranges, puis un blond qui s'est pris les pieds dans la marche et est tombé en entrant. Vu le manque de réaction des autres ça devait être habituel.

Mukuro a aussi pu savoir la station à laquelle tous descendaient. Son voisin part à l'avant-dernière. Comme le vieil homme n'y est pas descendu, le bleuté décide de sortir aussi. Mais une fois arrivé sur le quai, il n'y a plus de trace de cheveux noirs.

Le garçon est déjà parti.


Mukuro est en train de relire un livre quand il sent le regard de son voisin posé sur lui. Surpris il relève la tête et l'interroge silencieusement. Un très léger voile rouge se pose sur les pommettes du brun et il désigne le livre du bleuté du doigt.

L'étudiant comprend vite et sourit. Il lui tend l'ouvrage, ne manquant pas de capter la lueur de surprise qui apparaît dans les yeux bleus. Il hausse les épaules et lui montre sa page, presque à la fin. Son voisin s'empare du livre et fouille dans son sac. Il en sort une autre lecture et la lui donne. Une manière de le remercier.

Le livre a l'air intéressant et Mukuro s'y plonge rapidement. Néanmoins, il vérifie les premières pages.

Il n'y a pas de nom dessus.

C'est peut-être mieux comme ça.

Le vieil homme ne manque rien de l'échange, ses yeux pétillants de malice.


Un matin, le vieil homme n'est dans aucun wagon qui passe. Comme il va finir par être en retard, Mukuro finit par se décider à monter. Mais il reste debout, près de la porte.

A la station suivante, le petit brun et la dame sont aussi sur le quai. Quand ils le voient, ils ont l'air soulagés.

Avant de redevenir inquiets à la vue de la place vide.

De même pour les autres passagers.

Et cette fois, aucun ne s'assoit.


Le lendemain il est de nouveau là. Mukuro a l'impression qu'un grand poids s'enlève de ses épaules. Il lui sourit, peut-être plus sincèrement que jamais.

Lorsqu'il va s'asseoir il a l'impression que le vieil homme a l'air plus fragile, plus fatigué. Mais ce n'est qu'une impression et il ne veut pas penser à ça.

Alors il ouvre son livre, sans rien dire.

Mukuro a presque réussi à oublier ce jour sans le musicien. Désormais, il est toujours là et l'accordéon continue de résonner dans le wagon alors que le bleuté rend son livre à son voisin.

Mais soudain, la musique s'arrête. Un grand bruit se fait entendre, en même temps qu'une quinte de toux violente. Très violente.

D'un même mouvement, tous se lèvent. Le petit brun est déjà près du vieillard, le soutenant. Les sacs, livres, notes, tout est laissé là alors que les passagers se précipitent vers lui et que le blond maladroit monte, plus qu'inquiet.

Son vieux corps est secoué par la toux pendant qu'il tente tant bien que mal de rassurer les autres par un sourire. Dès que la toux s'arrête, c'est pour reprendre, encore plus violente.

La station de Mukuro est déjà passée, mais il s'en fiche complètement. Tout ce qui compte pour lui en ce moment est le vieil homme, plus vieux que jamais.

Une voix se fait soudain entendre. Une petite voix douce et timide. Celle de la violette.

Elle dit qu'on est presque à sa station, et que juste à côté il y a un hôpital où elle pourrait l'emmener. Ils acquiescent tous silencieusement.

Et quand les portes du métro s'ouvrent, l'argenté se penche pour ramasser l'accordéon et le remettre dans le sac que tient déjà le violet.


Le week-end passe, teinté d'inquiétude. Le matin, le vieil homme est toujours absent. C'est étrange. C'est la deuxième fois que personne n'est là pour adresser un sourire édenté au bleuté lorsqu'il monte.

Cette fois, il va s'asseoir. Les autres montent en le voyant, et ils sont tous la tête baissée, et ils fixent tous le siège vide durant le trajet.

La violette monte à son tour. Les regards se dirigent vers elle, brûlant du désir de savoir comment va le vieil homme.

Mais personne ne prend la parole.

Les années de silence pèsent sur eux, lourdes chaines presqu'incassables.


Maintenant qu'il n'est plus là, c'est à Mukuro de monter en premier, de montrer aux autres que c'est ce métro-là le bon.

Maintenant qu'il n'est plus là, il y a un vide. Un grand blanc que personne n'ose combler.

Mais tous savent que ce n'est plus possible de rester silencieux comme ça. Alors, après quelques trajets pesants, une première voix s'élève, timide, peu assurée. Mukuro ne sait plus laquelle. Et une autre finit par lui répondre, tout aussi timidement.

Quelques mots sont échangés. Doucement, comme si quelqu'un dormait et qu'il ne fallait pas le réveiller.

Le vieil homme est toujours absent. Mais ils s'enhardissent de plus en plus. Ils apprennent des petites choses sur les autres, ces gens qu'ils côtoient chaque matin depuis des années.

Certaines hypothèses qu'imaginait Mukuro se révèlent vraies, d'autre fausses. Il apprend celles que l'on faisait à son sujet. Il en déçoit la plupart en leur révélant que le rouge de son œil n'est qu'une lentille et l'argenté leur décrit la perte de sa main, mangée par un requin. Le petit brun, Lambo, dit en riant qu'il ne s'était jamais imaginé l'argenté comme un Capitaine Crochet.

D'un côté Mukuro est triste. Pour lui, ces gens étaient "les passagers". Des personnes qui vivaient le matin dans ce métro, qui ne parlaient pas, dont il imaginait la vie. En quelque sorte, le mythe est brisé. Même si le vieil homme revient, rien ne sera jamais comme avant.

Les choses changent et c'est le principe même de la vie.

La place du fond est toujours vide. Mais maintenant la glace est brisée. Tout le monde parle à tout le monde.

Sauf le brun au yeux de glace. Lui, il est resté muet. Il a continué à lire ses livres et à dormir, se renfermant dans son silence. Il ne répond pas quand on l'interpelle et son visage reste impassible.

Mukuro a remarqué la lueur douloureuse dissimulée derrière la glace.


Ce mercredi matin la violette, Nagi, n'est pas là. L'inquiétude perce dans les voix, mais sans plus.

Ca arrive à tout le monde de rater son métro.


Mukuro rentre des cours, plus inquiet qu'il ne voudrait se l'avouer. L'un de ses camarades, Tsunayoshi, a pleuré dans la journée, avouant à ses deux amis que son grand-père était mort la veille au soir.

Il ne veut pas raccrocher cette histoire au métro et au vieil homme.


Jeudi elle arrive, le visage défait, la tête baissée, l'œil triste, des traces de larmes sur ses joues. Elle ne dit rien et se contente d'aller se réfugier dans les bras du blond.

Les autres non plus ne disent rien. Ils ont parfaitement compris.

Le vieil homme est mort.


Mukuro continue tout de même à venir le matin. C'est toujours lui qui indique aux autres le métro à prendre.

Pendant plusieurs jours, pas un mot n'est échangé. Personne n'essaye de cacher ses larmes aux autres quand le souvenir du vieil homme se fait trop fort. Même le brun a laissé ses larmes couler un jour.

Mukuro a du mal à accepter cette nouvelle. Il a du mal a comprendre que plus jamais il ne verra le vieil homme lui sourire le matin quand il entrera dans le wagon. Que plus jamais il ne pourra aller s'asseoir à côté de lui quand il ne va pas bien. Que plus jamais il ne verra ses yeux marrons le dévisager en pétillant de malice.

Que plus jamais le son de l'accordéon ne résonnera dans le wagon froid.


Ils se remettent petit à petit. Ils ont recommencé à parler. Pour le moment, ils évitent de parler du vieil homme mais Mukuro espère qu'un jour ils pourront aborder ce sujet en souriant, en se remémorant leurs souvenirs.

Mais ça leur fait toujours mal quand le silence se fait trop pesant et qu'ils se rendent compte qu'ils n'entendront plus la musique de l'accordéon.


Un jour un homme est monté dans le wagon. Il avait un accordéon dans les bras.

Il n'a jamais compris pourquoi tous les passagers ont fondu en larmes quand il a commencé à jouer.


Mercredi, quand Nagi monte, elle tient un grand sac. Un grand sac que tout le monde reconnaît. Elle rougit, elle baisse la tête et va s'asseoir.

Du sac elle tire l'accordéon. Celui qui a été si important pour tous ces gens. Celui qui leur rappelle à tous son propriétaire.

Elle explique à mi-voix qu'il les lui a laissé à sa mort, l'instrument et les partitions. Et elle demande si elle peut jouer. Parce qu'elle a appris, pour lui.

Tout le monde acquiesce silencieusement.

Alors elle enfile les lanières. Elle saisit l'accordéon. Elle pose ses doigts sur les touches.

Les notes apparaissent l'une après l'autre. D'abord timides, elles enflent, s'enhardissent, jusqu'à emplir tout le wagon.

Ils ont tous les yeux fermés. Ils écoutent le morceau et adressent une dernière pensée, une dernière larme au vieil homme. Cet homme au visage marqué par le temps, aux yeux bons et doux, aux petites rides qui apparaissaient au coin de ses paupières quand il leur souriait. Cet homme, leur grand-père, leur ami, leur protecteur, le confident de leurs secrets muets. Cet homme qui connaissait tout d'eux sans qu'ils aient rien à dire et dont ils ne savaient rien si ce n'est le plus important.

Qu'il les aimait.

Il reste 6 stations avant que Mukuro descende. Il se laisse bercer par la musique et se souvient de la première fois. La première fois qu'il est monté dans ce wagon et qu'il a vu ces gens et l'homme, il y a deux ans. La première fois qu'il s'est laissé emporter par ce torrent d'émotions qui l'assaille à chaque fois.

Il reste encore 5 stations.

Il se souvient de cette valse qu'il avait joué pour Nagi et Ken. Le bonheur des deux. Les sourires des autres. La danse, du couple et du métro. La première fois que les voyageurs interagissaient entre eux.

4 stations.

Alors il sourit. Se lève. Et s'incline devant son voisin.

- M'accordez-vous cette danse Monsieur ?


Bien sûr la réponse a été cinglante et a déclenché les rires de tous, ainsi que le sien. Mais Mukuro a pu voir les coins des lèvres du brun se relever un peu.

Il a bon espoir. Nagi ramènera l'accordéon mercredi prochain.


Voili voilou si vous êtes restés jusqu'ici ! C'est le premier 6918 (vraiment 6918) que je poste, mais pas le premier que j'écris, je vous assure. Enfin, tout ça pour dire que si vous pouviez me laisser quelques reviews, rien que pour dire que vous êtes passés par là, ça fait toujours plaisir :3 J'ai le même OS en 69Fem!18… pour pouvoir me faire corriger mes fautes par ma mère sans la choquer x) mais elle s'est contenté de lire et de me les dire au fur et à mesure… ce qui fait que j'ai beau en avoir corrigé quelques unes, il en reste encore… Sumimasen.

Allez, bonne nuit les poussins ! Et n'oubliez pas que pour deux minutes de votre temps vous donnez plusieurs heures de joie à l'auteure !