Yo tout le monde, cette histoire est ma première publication sur le fandom Royai. A la base, ce devait être un one shot, mais c'était un petit peu trop trop long, donc j'ai décidé de le hachurer en une petite histoire d'une dizaine de chapitres.

Cette fanfiction prend place après le jour promis dans un univers alternatif où le docteur Marcoh n'est jamais venu visiter Roy pour lui proposer de se servir de la pierre philosophale... (j'ai aussi pris une petite liberté sur le fait qu'Havoc, lui, n'est pas devenu paraplégique après son affrontement avec Lust.)

Le thème du regard dans la relation Roy/Riza était vraiment quelque chose que j'avais envie d'aborder, donc j'espère que cette histoire vous plaira, n'hésitez pas à me laisser vos impressions en review, ça me ferait très plaisir !


Havoc, une cigarette au bec et un sac dans chaque main, déposa sans un mot les bagages sur le parquet de l'appartement silencieux de Roy Mustang.

Le propriétaire des lieux était encore dans la cage d'escalier, la main glissant sur la rambarde et ses yeux sombres perdus dans le vague tandis qu'il jaugeait silencieusement chaque nouvelle marche se présentant sous ses pieds.

A deux pas derrière lui, le suivait comme toujours Riza Hawkeye. L'allure droite et impassible, seul son regard affuté qui sursautait à chaque nouveau pas du colonel pouvait trahir l'inquiétude qui la dévorait. Tout son corps était bandé à l'extrême, prêt à fondre sur lui dès l'esquisse d'un vacillement.

Havoc détailla les deux militaires qui le rejoignaient dans l'appartement. Comme toujours, le duo dégageait une aura de force et d'élégance qui imposait le respect au premier coup d'œil. Leur démarche assurée et leur allure ne laissait aucun doute sur le rang qu'ils pouvaient arborer tous les deux ; à tel point que sans le bandage qui ornait le cou blanc de la jeune femme et qui disparaissait sous les plis de son t-shirt, il eut été difficile de se douter qu'elle soit encore convalescente. Quant au colonel, il n'arborait aucune blessure visible, aucune trace ne pouvait encore attester de la féroce bataille qui avait fait rage sur Amestris à l'aube du jour promis.

Seul ses yeux onyx demeuraient résolument vides.

Si les jours qui avaient suivi la victoire de Central avaient été bercés par l'effervescence et l'exaltation d'un nouveau départ, il était maintenant temps de poser les yeux sur le prix que chacun avait eu à payer pour cette renaissance. Les cicatrices étaient là. Imprimées à même la peau, ou bien plus insidieuses. Que ce soit pour les choses ou les gens, l'heure était à la reconstruction.

Après une semaine passée à l'hôpital de Central, le colonel et la lieutenante avaient finalement été autorisés à regagner leurs domiciles respectifs, à la seule condition de se ménager et de se faire aider.

Si la lieutenante Hawkeye était encore en pleine cicatrisation, les médecins n'avaient eu d'autre choix que de l'autoriser à sortir, ne pouvant dans le cas contraire pas répondre de la santé mentale de la jeune femme si on l'obligeait à rester, ne serait-ce qu'une seconde de plus, immobile dans un lit d'hôpital.

Concernant le colonel Roy Mustang, il avait bien entendu passé d'innombrables examens pour chercher remède à sa cécité. Mais de toutes les bouches glissait inlassablement le même verdict ; c'était irrémédiable.

Ne pouvant bénéficier d'aucun traitement, il avait été autorisé à retourner chez lui, avec la suggestion de prendre une aide-soignante ou une auxiliaire de vie pour l'aider dans la nouvelle opacité de son quotidien.

Si la perspective de se faire chouchouter par une jolie infirmière n'avait dans un premier temps pas déplu à Roy – il faut dire que la semaine avait été pavée de bichonnages et de roucoulades en tous genres – la seule chose à laquelle avait fini par aspirer Roy c'était un peu de calme et de solitude pour réfléchir à ce qui lui arrivait. Si bien que l'idée de devoir supporter chez lui les remarques et papillonnages d'une aide médicale, aussi jolie soit-elle, le repoussait désormais au plus haut point.

Riza n'ayant pas d'amies ou famille proche pour lui tenir compagnie chez elle, il avait été convenu un peu sur le tas que les deux hauts gradés n'auraient qu'à rester quelques jours ensemble pour garder l'œil l'un sur l'autre, le temps qu'ils se rétablissent.

Ce compromis, loin de les enchanter tout à fait, avait au moins pour avantage de leur éviter d'avoir à supporter quelqu'un de constamment sur leur dos pour les materner. De plus, même si aucun ne l'avait directement formulé, la possibilité de pouvoir s'assurer directement de l'état de santé de l'autre était non négligeable… Chacun étant par ailleurs persuadé du caractère bénin de ses blessures comparé à celles de l'autre.

Le domicile de Mustang avait été choisi tout naturellement pour que celui-ci prenne au plus tôt ses marques et puisse se débrouiller tout seul chez lui par la suite. Et c'est par cet enchainement de circonstances insolites qu'ils se retrouvaient là, dans l'appartement du colonel, prêt à engager une cohabitation pour le moins inattendue.

Les deux officiers pénétrèrent dans l'appartement. Le sous-lieutenant les accueillit immédiatement d'un chaleureux « Home sweet home ! » pour dédramatiser la situation, avant de se rapprocher de Roy en faisant mine de lui chuchoter à l'oreille « Colonel, dois-je partir en mission de reconnaissance pour m'assurer que certaines de vos… Lectures, ne soient pas en évidence ? »

Un air froissé s'inscrit aussitôt sur le visage de Mustang. Bien que la petite plaisanterie eût pu lui extirper un petit sourire en temps normal, il est vrai qu'il se sentait quelque peu frustré de ne pouvoir vérifier l'état dans lequel il avait laissé son logement lors de sa dernière visite. L'idée de laisser sa lieutenante déambuler au milieu de son appartement sans l'avoir au préalable passé en revue n'était pas pour lui plaire particulièrement. Pas qu'il ait effectivement des choses à cacher comme l'avait laissé sous-entendre Havoc… Mais tout de même, c'était assez déstabilisant de ne pas pouvoir vérifier.

« Havoc, c'est très aimable à toi de t'en préoccuper. Par ailleurs, actuellement, la seule chose qui m'importe ici, et accessoirement la seule chose que je suis en mesure d'évaluer, c'est l'odeur, alors va enfumer un autre immeuble. »

Le concerné ricana avant de feindre d'un ton geignard « Vous me mettez déjà dehors colonel ? Est-ce une façon de remercier votre plus fidèle officier, qui vous a escorté et porté vos affaires jusque chez vous !? »

« C'est bien la première fois que je t'entends te plaindre d'être libéré plus tôt de tes obligations. Si tu y tiens je peux aussi te faire remplir des dossiers jusqu'à ce soir ? Il parait que ça s'est terriblement accumulé avec toutes les hospitalisations et les travaux de reconstruction, donc si tu y tiens… »

Mustang n'eut même pas le temps d'achever sa phrase qu'il entendit son sous-lieutenant le héler depuis la porte d'entrée « Bon, bah, puisque vous insistez, j'avais justement rendez-vous avec une jolie blonde que j'ai rencontrée au bal populaire de lundi dernier… Donc… »

« Allez-y Havoc, nous allons nous débrouiller à partir d'ici. Merci de nous avoir déposé. » Coupa Riza, un léger sourire sur les lèvres devant l'éternelle légèreté du sous-lieutenant.

« Y'a pas de quoi, lieutenant ! » sourit-il tout en refermant la porte derrière lui « Oh, et, colonel, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Vous n'êtes pas une obligation ; ce sera avec plaisir. »

Lorsque la porte se referma sur lui, l'appartement resta quelques secondes plongé dans le silence.

C'était bien beau tout ça, mais entre l'idée de partager un appartement selon des intérêts communs… Et le fait de se retrouver en tête à tête avec Mustang h24… Ca allait être une drôle de convalescence. En d'autres temps et circonstances, Riza aurait trouvé charmant de partager un appartement avec le beau Roy Mustang, mais elle n'était définitivement plus une adolescente insouciante encline à subir les affres de la vie en collectivité… Non, Riza Hawkeye était une femme qui chérissait le confort de sa solitude ; et l'idée farfelue d'engager une colocation, qui plus est avec son supérieur hiérarchique, était loin de lui sembler particulièrement judicieuse.

« Lieutenant, vous connaissez le chemin jusqu'à ma chambre. Je vous la laisse le temps de notre cohabitation. » S'attendant à des éventuelles contestations de la part de son lieutenant, il ajouta immédiatement. « Je crains d'être un hôte assez médiocre durant votre séjour, et votre nuque a besoin d'un matelas confortable pour récupérer, alors laissez-moi au moins prendre le canapé. ». Il tâtonna vers le canapé en question qui trônait au milieu du salon pour illustrer ses dires.

Riza était sur le point de répliquer qu'il était également convalescent lorsqu'elle se ravisa ; Roy Mustang, aveugle ou non, restait un inconditionnel gentleman. Le jour où il ferait dormir une femme dans son canapé était encore loin d'être arrivé, inutile d'argumenter sur ce point.

« Bien. » Elle marqua une pause, incertaine de si elle devait proposer une quelconque aide à son colonel, ni sur quoi cette supposée aide devrait porter. Constatant qu'il se tenait toujours immobile et silencieux, elle fit volte-face en emportant son sac jusqu'à la chambre. « Je vais ranger mes affaires alors, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas. »

Elle se retourna une énième fois vers Mustang avant de refermer la porte derrière elle. Son colonel s'étant assis sur le canapé, elle s'engouffra sans mot dire dans la chambre.

En refermant la porte derrière elle, Riza laissa pour la première fois depuis la bataille un long soupir franchir ses lèvres.
Bien que Mustang ne se soit pas départi de ses taquineries habituelles, il était indéniable que quelque chose clochait entre eux depuis leur "victoire".

Quoi qu'elle ait passé la dernière semaine dans la même chambre d'hôpital que lui, elle ne s'était jamais sentie aussi éloignée de lui. Quelque chose s'était brisé. Et malgré le fait qu'elle ait été rassurée de pouvoir garder un œil sur lui dans les prochains jours, elle ne pouvait s'empêcher de sentir une certaine appréhension à l'idée de se retrouver en tête à tête avec Roy...

En vérité, elle était terrifiée.

Terrifiée parce qu'elle savait que si elle levait les yeux vers lui, il ne la verrait pas.
Riza n'aurait pas su se le formuler, mais en réalisant pour la première fois qu'il était aveugle lors de leur séjour à l'hôpital, elle avait senti que ce n'était pas simplement la vue que Roy avait perdue. Quelque part, c'était aussi le lien qui leur permettait de toujours se comprendre d'un regard, de tout se dire sans jamais prononcer un seul mot. De vivre implicitement une relation que l'armée leur défendait.

Riza avait parfaitement conscience que c'était inconcevable pour eux de s'engager dans une quelconque romance. Que peu importe les sentiments qu'elle entretenait pour l'alchimiste de flamme, ceux-ci ne seraient jamais que les rêves d'une nuit.
Mais ça n'avait aucune importance. Ils avaient l'un comme l'autre un objectif qui passait outre leurs désirs. Et si ne se regarder que de loin en était le prix, alors ils s'étaient juré silencieusement que leur passion ne franchirait jamais la barrière implicite du jeu auquel se livraient leurs regards.

C'était comme ça, il ne pouvait pas en être autrement.

Riza s'était toujours dit que le regarder de loin suffirait à la satisfaire. Mais pour la première fois, elle se rendit compte que si elle se contentait de ces regards, c'est qu'il avait toujours été là pour y répondre. Là où son regard le cherchait, elle avait toujours trouvé celui de Roy.

Et aujourd'hui, elle se tenait là, devant lui. Mais entre eux, il n'y avait plus que ce vide cru et dévorant.

Sans son regard, elle n'aurait plus jamais l'occasion de lui exprimer ce qu'elle avait pour interdiction de formuler par des mots.

Riza s'allongea sur le lit. Deux larmes amères perlèrent silencieusement le long de ses joues. Tentant en vain de retenir le flot d'émotion qui la submergeait, elle ferma les yeux en forçant le vide à venir balayer ses pensées. Les draps et les coussins avaient tout entiers son odeur. L'odeur de Roy.