Le rating M n'aura jamais été aussi nécessaire, et en fait, je ne devrais même pas poster cette fic ici, car c'est majoritairement une histoire d'horreur, avec de la romance. Donc outre les scènes érotiques, il y aura aussi des scènes d'horreur, mais je suppose que si je mets un gros avertissement comme ça :

CONTENU (vraiment) MATURE. Vous êtes prévenus, tous autant que vous êtes.

Ça devrait aller.

Si jamais ma fic était censurée (ce qui m'étonnerait, ça fait cinq mois que je leur signale un compte bot, mais il est toujours là, alors ça serait se foutre du monde), la fic est publiée en même temps sur Archive of our Own, sous le même pseudo, sous le même titre.

Je ne serais pas aussi trash que Clive Barker, même si c'est mon maître spirituel, mais voilà : je m'essaie au splatter-punk (soft, ça va) en quelque sorte, et je poste enfin ce premier chapitre écrit en octobre. Je posterai la suite petit à petit, en sachant que c'est une fic où j'ai encore des idées qui arrivent, et tant que la trilogie Visage Familier ne sera pas terminée, le rythme sera peut-être chaotique.

Pour la précision, il y a deux pairings principaux : ConVin et LuthAra. Ce ne sont que des relations saines, pas d'inquiétude.

Et il y aura du Reed900, mais dans des situations un peu particulières, si même moi je ne saurais pas faire la différence, vous ne saurez pas non plus.

Allez, ça va bien se passer.


Prologue — L'accident

3 juin 2038

Route vers Detroit

Vous savez, on ne devrait pas mêler vie professionnelle et vie privée.

Si vous l'aviez rencontré dans un bar, un soir de juin, Gavin vous aurait conseillé cette sagesse qu'il ruminait en ce moment-même au volant de la Ford hybride, essayant de se concentrer sur la route dominée par des châtaigniers verdoyants. La date apparaissait sur le tableau de bord et le fond avait adopté des tons verts, s'associant à la fin du printemps et aux feuilles vives. Les progrès de la technologie faisaient que même les voitures étaient sensibles aux saisons. Quelle avancée…

En plus de la ceinture de sécurité, Connor avait croisé ses bras pour se protéger, détournant la tête pour fixer seulement et uniquement le paysage qui défilait à la fenêtre. Un enchaînement d'arbres regroupés et entassés, se mêlant dans leurs nuances brunes. Il n'était qu'à quelques centimètres de son compagnon, et pourtant, il se sentait affreusement seul dans ce silence.

L'absence de musique rendait l'atmosphère lourde, à tel point qu'elle semblait s'installer sur leur tête.

Excédé, Connor prit une inspiration et brisa enfin cette barrière muette :

« Gavin.

— Je t'emmerde. »

La répartie était claire. Connor leva les yeux au ciel. Il était prêt à abandonner, mais Gavin insista :

« Je t'emmerde, toi et ton père.

— Je suis désolé que le repas se soit passé de cette façon.

— Tu savais comment ça allait se passer. Comme toutes les autres fois, mais t'as voulu qu'on y aille, et Hank a ouvert son whisky, histoire de se donner du courage pour me sortir que j'étais pas assez bien pour son fils prodige. »

Gavin s'était lancé dans une imitation exagérée de Hank.

Connor était pris entre deux parties et ne pouvait pas trancher, même s'il avait reproché à son père son alcoolisme, un problème qui avait pris une ampleur inquiétante depuis la mort de sa seconde femme.

Il essaya de capter le regard de Gavin, mais le conducteur s'obstinait à regarder la route. Il n'avait pas été aussi assidu dans les premiers temps : le nombre de fois où il avait ignoré la route pour embrasser Connor, et quand le trafic était trop dense, Gavin laissait une main sur le volant, l'autre très haut sur la cuisse de son homme.

Quand il boudait, il évitait tout contact.

« Il n'a pas toujours été comme ça. Mais Amanda comptait beaucoup pour lui, il n'arrive pas à se remettre de… » de ce stupide accident. « Vous vous entendiez bien tous les deux…

— Connor, je n'étais qu'un putain de gardien de prison quand tu venais d'être nommé détective. Pour lui, je ne te mérite pas depuis le début. »

Connor se pencha pour prendre la sacoche coincée entre ses chevilles, un geste mécanique pour se souvenir de ce qu'elle contenait, avant de la placer sur ses genoux. Trois semaines auparavant, il avait acheté une alliance et guettait depuis le bon moment pour faire sa demande. Un anneau d'or gris sobre et délicat, mais la couleur s'accordait si bien à la couleur de ses yeux que Connor n'avait pas hésité une seule seconde.

Maintenant, il devait choisir le bon moment. Le moment parfait.

« Est-ce que c'est vraiment important, ce que pense mon père ? » Un silence. Connor était plus fin psychologue que son partenaire et il savait qu'en le raisonnant, il pourrait se faire pardonner ce repas catastrophique. « Est-ce que ce n'est pas plutôt mon avis qui compte ? »

Il aperçut la mâchoire de Gavin remuer, comme s'il s'apprêtait à se dire quelque chose.

Connor voulait le toucher, mais c'était encore trop tôt : peut-être qu'après la mention de quelques souvenirs, le conducteur se détendrait enfin. Il lui faudrait encore plusieurs heures avant d'accepter de sourire, mais l'attente en vaudrait la peine. Gavin avait de ces sourires contagieux…

« Tu sais, le jour où je suis arrivé à la prison, je n'avais pas peur : j'avais préparé mon entretien et j'avais déjà rencontré plusieurs criminels, ce n'était pas quelque chose de nouveau. Mais quand je t'ai vu, mon dieu, j'ai perdu tous mes moyens.

— T'avais l'air d'un pauvre premier de classe paumé. »

Son ton était sec mais au moins, il répondait, signe que Connor se rapprochait de la réconciliation.

« J'avais un seul objectif, ce jour-là, avant de pouvoir profiter du week-end : savoir si ce tueur avait un autre crime à avouer. Mais dès que je t'ai vu, je me suis dit "cet homme-là, il faut que je l'invite à boire un café". J'allais interroger un des pires tueurs d'enfants du Michigan, mais t'étais encore moins commode qu'aujourd'hui et j'étais plus anxieux à l'idée que tu refuses mon invitation que de revenir bredouille pour l'enquête. »

Gavin relâcha un peu son étreinte sur le volant. Il se souvenait de cette journée, il se souvenait que, lors de leur première rencontre, Connor avait ressemblé à un jeune con à ses yeux. Le matin-même, si on lui avait dit que sept ans plus tard il vivrait avec ce Connor Anderson, Gavin aurait éclaté de rire. Pourtant, à la fin de la journée, le gardien avait été impressionné par l'audace de ce blanc-bec qui lui avait proposé de se revoir en dehors du boulot, et il avait accepté, sans imaginer que ce premier rencard serait le premier d'une longue série, le début d'une longue histoire.

« Je t'emmerde quand même, toi et ton père.

— Je sais que tu m'aimes. »

Connor fit glisser sa paume sur la cuisse de Gavin, frôlant l'intérieur. Puis il se pencha pour l'embrasser sur la joue, sentant la barbe rugueuse et appréciant la sensation de chatouille sur ses lèvres. De son côté, il ne supportait pas la sensation d'avoir une barbe, qu'elle soit courte ou longue, et il se rasait aussi souvent que possible.

Il sortit alors son portable :

« Est-ce que tu veux qu'on aille au restau', ce soir ? Pour oublier ce qui s'est passé ce midi ?

— Un truc simple, alors. »

Son index balaya l'écran, à la recherche d'un compromis capable d'associer le classique et le décontracté. Ce n'était pas pour son côté maniaque en parcourant les photos, Conrad essayait de s'y voir, un genou à terre, demandant la main de Gavin. Peut-être qu'il devrait attendre la fin du dîner et faire sa proposition plus tard ? Dans ce cas, il fallait que le restaurant soit situé près d'un parc, d'un point romantique…

« Tient, regarde si le chinois a rouvert, celui qu'on avait découvert en hiver, leurs brochettes me manquent.

— Ah, j'étais en train de regarder pour un truc italien. »

Il n'y avait rien de romantique dans un fast-food asiatique et Connor espérait pouvoir convaincre Gavin.

« Pizza ?

— Si tu veux. » Soupira Connor. Ce sera donc après. Il faut que je trouve quelque chose bien situé.

Il aurait aimé faire sa demande pendant le repas : le stress allait lui couper l'appétit.

Depuis Harsens Island, ils verraient les lumières de Detroit, et le lieu était assez désert pour rendre le moment intime. En voiture, ils n'étaient pas très loin de London, et quand ils avaient passé un week-end dans la ville canadienne, ils avaient visité de jolis quartiers…

Connor commençait à désespérer : il fallait qu'il se décide dans quelques heures, et prendre des décisions n'était pas son fort.

Il redressa alors la tête et, sur la route qui partait dans une courbe sinueuse, parmi les taches qu'égrenait le soleil, un chien venait d'émerger du sous-bois.

Connor poussa un cri, mais Gavin aperçut l'animal errant trop tard.

Il donna un violent coup de volant, déviant la trajectoire de la voiture.

Le chien était sauf, mais à quel prix ?

Ni Gavin, ni Connor ne comprirent ce qui se passa par la suite. C'était un chaos de feuille et de buissons qui ornaient une pente qui semblait infinie. Dans la confusion, le conducteur eut le réflexe idiot d'écraser la pédale de frein, alors que le véhicule entamait une série de tonneaux. Les bruissements autour de la voiture ressemblaient aux ailes blessantes d'une nuée d'oiseaux, comme si c'étaient les rapaces qui provoquaient les soubresauts, causaient leur perte.

La lumière dans la forêt au-dessus n'avait jamais parue aussi terrifiante.


Gavin ne se réveilla qu'une fois la voiture immobile, piégée dans un fossé. Le parebrise avait été percé, à l'instar de la fenêtre de Connor, et des feuilles et des morceaux de branches s'étaient invités sur les corps inconscient.

Gavin aurait aimé bouger, mais il en était incapable : des étaux invisibles maintenaient tous ses membres.

Il réussit tout de même à tourner la tête et essaya d'appeler son homme, mais sa mâchoire était paralysée, sa langue n'était qu'un muscle inerte.

Quand il aperçut Connor, il réprima un hoquet douloureux.

La tête de son bien-aimé pendait, alourdie par la perte de connaissance, par le sang qui s'accumulait dans sa bouche et qui s'échappait dans un filet presque noir. La branche d'un arbre s'était plantée dans son épaule, l'épinglant sur le siège passager.

Gavin sombra à nouveau, assommé par une douleur terrible à ses tempes. La même que celle ressentie durant une crise de larmes.

Sur le tableau de bord, une lumière rouge clignotait dans un néant qui avait succédé les teintes verdoyantes la technologie avait doté tous les véhicules de système d'urgence, contactant l'hôpital le plus proche grâce à la géolocalisation, envoyant les coordonnées.

Et la machine appelait au secours pour ses propriétaires.