Tu étais belle, Lily.

Tu étais bien la seule qui était aimable avec moi. Et pourtant, ma timidité me poussait à t'insulter, peu habitué à tant de gentillesse. Mais tu me pardonnais toujours, avec une telle bonté et une telle tendresse que j'en devenais plus humble et plus amoureux encore.

Tu étais douce, Lily.

Tu étais une fragile colombe, un chaton gracile, un vertueux bouton de rose.

Si fragile, et pourtant, un jour tu deviendrais grande, un jour tu saurais te défendre contre le monde extérieur à tes pensées fugaces.

Le chaton deviendrait fauve la rose déploierait ses épines.

Je ne le souhaitais pas. J'aurais aimé être le seul à même de te protéger.

J'aimais te regarder, voir du coin de l'œil le mirage de ton visage qui brillait sur les vitres du château, surtout lorsqu'il faisait noir, et qu'il pleuvait. Tu avais l'air d'un ange qui attendait l'éclaircie pour t'envoler.

Et je me prenais à rêver que cette éclaircie n'arrivait jamais.

Souvent, lorsque j'étais assis près de cette fenêtre où j'admirais ton reflet, n'osant te regarder directement de peur de m'éblouir, je traçais d'un doigt tremblant, perdu dans mes fantasmes, le contour de ton fin visage.

Je parle de fantasmes, mais ils étaient bien purs, même s'ils n'étaient rien face à la pureté de ton cœur. Je rêvais chastement de te tenir contre moi, de t'embrasser, en fait, même penser à ta présence près de moi, à un mot gentil me faisait frémir.

Parfois, j'usais de ma magie pour voir ton image, plonger dans l'eau verte de tes beaux yeux.

Lorsque je m'endormais enfin, le fait de penser à toi retardant cette échéance, c'était pour penser à mes doigts sur tes joues lisses et fraîches, douces comme la peau d'une pêche et de la teinte de la porcelaine.

C'était pour caresser ton visage harmonieux et magnifique, pour caresser tes boucles auburn, du regard.

Car je ne pouvais espérer le faire en vrai.

Tu étais belle, Lily.

Rien que de penser à toi, je me sentais plus beau.

Tu étais belle, Lily.

Mais il t'a volé. C'était un adolescent certes séduisant, bien plus que moi, et doué, mais tu le connaissais, non ? Tu t'es tant de fois dressé contre lui pour moi.

Et pourtant, tu l'aimais. Après.

Peut-être qu'il a changé. Mais qu'il t'ait volé à moi, qu'il t'ait soustrait à ma vue…

Je sais que je n'avais aucune chance sur ce plan, contre lui, avec toi, mais...

Je ne peux lui pardonner.

Et ensuite…

En voyant ton fils, je brûle chaque fois d'une haine incommensurable pour cet homme qui m'humiliait constamment, et qui t'a ravi à moi. Mais dès que je vois ses yeux, je repense à toi, et ces deux souvenirs s'opposent avec une force qui me déstabilise et m'empêche d'être calme en sa présence.

Chaque année, comme maintenant, je viens te voir. Viens-tu me voir, toi aussi ? J'aimerais beaucoup, mais je ne suis pas assez important. Vis heureuse, avec James, et vos amis. Car moi, vois-tu, j'aurai aimé être celui qui aurait la lourde et importante charge de te rendre au bonheur que tu mérites.

Tu étais belle, Lily, et je t'aimais. Je t'aime toujours d'ailleurs, de la même force.

Tu étais belle, Lily.

Maintenant tu n'es plus.


Commentaire de l'auteure.

Encore aujourd'hui, je considère que c'est mon meilleur texte (c'est une très légère modification d'un OS qui date de quatre ou cinq ans). J'ai mal au cœur chaque fois que je le lis.

Je suis une petite nature.

(Les réponses au reviews seront publiées en tant que suite.)