La Fée – ZAZ

x.x.x.x.x.x.

Moi aussi j'ai une fée chez moi
sur les gouttières ruisselantes.
je l'ai trouvée sur un toit
dans sa traîne brûlante.

Ou plutôt sur le canapé, un de ses matin où je ne dormais pas. J'avais décidé de descendre dans la cuisine. Maman ou Papa devait sans doute être déjà levés. Après tout, les parents se levaient toujours avant nous. Mais lorsque mes pieds touchèrent le sol, le manque de présence me fit frémir. Le Terrier ne riait plus. Ne vivait plus. Il était un cercueil vivant.

C'était un matin ça sentais le café
tout était recouvert de givre
elle s'était cachée sous un livre
et la lune finissait ivre.

Papa devait être déjà parti au ministère. Il y avait tellement de chose à faire, là-bas. Reconstruire une communauté détruite par les horreurs de la guerre. Un bol dans l'évier. Et une odeur de café moulu flottait dans l'air. Et il faisait froid. Un froid qui se collait aux os, et pénétraient l'âme. Un froid qui durait depuis des mois, depuis trop longtemps. Et la cheminée éteinte n'y était pour rien. D'un coup de baguette, je fit naître des flammes dans l'âtre, dans l'espoir que leurs couleur chaude me fasse ressentir autre chose qu'une extrême lassitude. Les flammèches mordorées qui rongeaient doucement les bûches éclairèrent une minuscule silhouette recroquevillée sur ce vieux canapé usé par les innombrables rouquins qui s'étaient avachis dessus. Je me suis approché. Elle était belle, ma fée. Belle, mais mon cœur se déchira pourtant. Elle ne portait qu'un vieux pull bien trop grand, orné d'un F, qui flottait autour de sa silhouette relativement amaigrit. Tu m'aurais tué si tu avais vu comment avait tournée ton cher amour. Ses doigts devenus osseux serraient comme une relique un petit livre. Vivre avec des cons (1) . Le livre que tu préférais.

Moi aussi j'ai une fée chez moi
et sa traîne est brûlée.
E
lle doit bien savoir qu'elle ne peut pas, ne pourra jamais plus voler.

Jamais. Je suis sûr que jamais elle ne s'en remettra. Le soupçon d'innocence qui subsistait en elle s'était éteint, un peu à la manière d'une chandelle lorsque la mèche était finie. Elle était à bout. Usée par la vie. Elle avait dix-sept ans. Un tout petit bout de femme, qui paraissait en avoir quinze de plus.

A cet âge là, elle devrait penser à sa tenue du lendemain. Ou, la connaissant, ses devoirs à rendre pour la semaine prochaine. Mais elle n'aurait pas dû se trouver là, en semi -léthargie. Je me suis approché. Elle n'a pas réagit.

D'autres ont essayés avant elle
avant toi une autre était là,
je l'ai trouvé repliée sous ses ailes
et j'ai cru qu'elle avait froid.

J'ai laissé tomber Vérity. Vérity aussi, avait été ma fée. Elle m'avait sans doute fait vivre les plus beaux moments de ma vie. Moi aussi, j'étais -je le suis toujours – fourbu. Vérity était belle. Vérity était drôle. Vérity était intelligente. Mais elle n'était pas ELLE. Et ne pouvait pas comprendre ce que je ressentais. Je me souviens encore de son regard empli de peine lorsque ton cercueil s'enfonçait lentement dans la terre humide du sol d'Angleterre. Cela me donna envie de vomir.

Moi aussi j'ai une fée chez moi
depuis mes étagères elle regarde en l'air,
la télévision, en pensant que dehors c'est la guerre.

Elle passait son temps prostrée sur elle même, refusant tout contacte avec le monde extérieur. Elle ne semble même pas avoir comprit que la guerre est finie. Que ce conflit qui lui a emporté son homme est terminé. Elle continue de sursauter lorsque quelqu'un transplane. Mais même cette réaction là semble diminuer. Elle se vide lentement mais sûrement de toute vie. Juste une coquille vide.

Elle lit des périodiques divers
et reste à la maison,
à la fenêtre, comptant les heures,
à la fenêtre, comptant les heures.

Ses journées se déroulent de façon machinales. Monotone. Personne n'ose la secouer. Lui hurler de réagir. Même moi. Pourtant... Depuis quand suis-je devenu faible ? En même temps, elle à perdue son unique amour. J'ai perdu une partie de moi. Nous n'étions qu'un seul être séparé en deux entités, après tout.

Moi aussi j'ai une fée chez moi
et lorsqu'elle prend son déjeuner,
elle fait un bruit avec ses ailes grillées
et je sais bien qu'elle est déréglée.

Elle ne mange presque pas. Maman est presque obligée de lui faire manger ses pancakes avec sa baguette pointée sur elle comme une menace. Elle est maigre à faire peur. Pourtant, c'est ma fée. C'était la tienne, avant. Au fond de ses yeux chocolats devenus ternes, on voit bien qu'elle est morte en même temps que toi. Elle n'arrivera jamais à sortir la tête de l'eau. La Gryffondor, ta petite lionne, comme tu te plaisais à l'appeler, n'est plus.

Mais je préfère l'embrasser ou la tenir entre mes doigts.

Pourtant, je fais de mon mieux pour la faire vivre. J'ai même réussi à la faire sourire, un soir où elle était blottit contre moi, et que ses larmes avaient trempées de nouveau mon torse. Oui, je l'avoue, ce soir là, j'ai goûté à ses lèvres. A ce fruit défendu que j'ai toujours désiré. J'ai passé mes mains dans ses boucles brunes plus emêlées que jamais. Peut-être que si j'avais tenté ma chance avant cette putain de guerre, j'aurais pût l'avoir, ma fée. J'ai beau me répété cela, je sais que c'est toi qu'elle aimait. Ton sourire mutin, tes grands yeux bleus malicieux. Alors je fais de mon mieux. Je la maintiens en vie. En survie.

Moi aussi j'ai une fée chez moi
qui voudrait voler mais ne le peut pas...

Fred. Tu nous manque. Tu lui manque. Je t'aime.

George.