Disclaimer: Dawson's Creek created by Kevin Williamson - © The WB & Sony Pictures Television – 1998/2003 / Les textes de chanson utilisés dans le texte suivant ne m'appartiennent pas
Note de l'auteur: cette fanfiction a été écrite en 2003. Originellement, elle se divisait en deux parties intitulées It's just a kiss (cinq chapitres) et The one I love is you (quatre chapitres). La version présente, très légèrement remaniée mais sans changement du scénario initial, reprend l'intégralité du texte.
Assis sur le sol, les pages du scénario contenant la scène qu'il s'apprêtait à jouer posées entre ses jambes repliées, Pacey contemplait l'agitation qu'il régnait sur le lieu de tournage. Il regardait sans voir, son esprit étant ailleurs, concentré sur ce qu'il allait devoir faire, mais plus concentré encore sur ce que lui provoquait l'idée même de jouer ce qu'il allait devoir jouer. Un sentiment bizarre émanait de tout cela, un sentiment qu'il connaissait bien mais qu'il n'aurait jamais pensé éprouver dans cette situation. Et cela le terrifiait quelque part. Son malaise était incompréhensible à ses yeux puisque la raison même de ce malaise ne lui paraissait pas possible. Du moins ne lui avait jamais parut possible. Jusqu'à il y a quelques jours. Jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à maintenant : cet instant présent où il aurait dit « j'ai envie… » si quelqu'un le lui avait demandé. C'était cela, oui… Il avait envie. A bien y réfléchir, il n'aurait jamais osé le dire en fait. Comment avouer une telle chose ? Bon sang ! Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?
Impossible de le savoir. Ou plutôt pas envie de regarder cela en face. Après plusieurs jours de torture intérieure, Pacey refusait une quelconque analyse de tous ces sentiments confus qui l'assaillaient, parce que cela aurait été aller trop profond en lui même, trop comprendre sur lui, sur tout ce qu'il se cachait depuis longtemps. Et ça, dans l'univers de Pacey Witter, c'était anormal. Parce que trop bouleversant, trop douloureux également à affronter. Non. Envie ou pas, il devait enfouir cela au fond de lui et ne plus jamais y penser une fois que tout serait fini. Jamais.
Mais l'envie… Comment oublier l'envie ?
« Café ? »
Il sortit de sa rêverie et leva les yeux vers Audrey qui lui tendait un grand gobelet fumant. En souriant, il le saisit.
« Merci »
Audrey s'assit ensuite à côté de lui. Ils restèrent quelques instant en silence, tous deux observant les va et vient de l'équipe technique qui préparait la prochaine scène.
« Quelque chose ne va pas Pacey ? »
Il tourna le tête vers Audrey, sortant des ses pensées où il s'était replongé.
« Comment cela ?
- Tu es assis là depuis une heure et, moi qui t'observe de loin depuis un moment, je peux te dire que tu as l'air d'être dans une galaxie parallèle. Alors je me demande ce qui ne va pas dans ta petite tête, là, maintenant
- J'ai une petite tête ? »
Audrey le fixa une seconde sans bouger, puis eut un soupir.
« Pacey…
- Quoi ?
- Ne détourne pas le sujet avec tes remarques idiotes s'il te plait »
Il lui fit un sourire narquois, puis retourna son regard vers l'assistance. Audrey garda son regard sur lui un instant, puis à son tour revint observer les autres personnes dans la pièce. A nouveau un silence se fit.
« C'est à cause du baiser ? »
Pacey eut un éclat de rire soudain, un peu forcé, et baissa la tête. Devant sa réaction, Audrey murmura pour elle même :
« C'est à cause du baiser… »
Il se tourna vers elle, allongeant ses jambes tout en les croisant, et posa son café au sol. Inspirant, il fit à Audrey :
« Ce n'est pas à cause du baiser, Audrey
- Alors qu'est-ce qui te rend si… si absent ? »
Pacey eut un instant de réflexion, sentant la tension à l'intérieur de lui augmenter un peu trop à son goût, puis il répondit en ayant un geste de la main qui embrassait les personnes présentes.
« C'est tout ça
- Quoi tout ça ? je ne comprends pas
- Tout ça ! Tout… le film ! »
Audrey fixait intensément son ex-petit ami. Une pensée lui retraversa l'esprit. Une pensée qu'elle avait eut il y a quelques jours, une pensée qu'elle ne pouvait plus ignorer. Certaines choses dans la vie de la jeune fille se manifestaient à elle d'une façon qu'elle ne pouvait pas ne pas prendre en compte, comme une certitude profonde, une intuition plus vraie que la vérité elle même. Et c'était le cas pour la situation présente.
Devant son mutisme, et parce qu'il ne voulait pas qu'elle puisse lui dire une phrase ou bien un mot qui ne le déstabiliserait que de trop, Pacey reprit :
« Je n'aurais jamais du dire oui à ce projet »
Le ton était définitif. Mais Audrey ne s'arrêta pas à ça.
« Peut-être, mais tu es là. Et il te faut aller jusqu'au bout maintenant
- C'est bien ce qui me fait peur
- Peur ? »
Elle dévisagea Pacey et s'aperçut que ce qu'elle ressentait était bien la réalité : il venait de dire quelque chose d'important, de s'avouer à lui même une partie de ce qui le rongeait. Tout comme elle vit que lui même avait compris que ses mots l'avaient peut-être trahi. Songeant à une conversation entre eux datant de quelques jours, elle pensa que c'était maintenant ou jamais.
« Peur ? Tu as peur que…
- Excuse-moi »
Les traits tendus, il se leva brusquement et s'éloigna vers Dawson qui passait au loin. Audrey s'adossa au mur et soupira longuement.
« Pacey… »
Jen, qui arrivait du fond de la pièce où se trouvait les loges, s'approcha et s'accroupit près d'elle, alors qu'elle regardait Pacey s'éloigner.
« Un problème avec notre star ?
- Non. Enfin, j'en sais rien.
- Il a des… doutes ? »
Audrey fixa Jen, puis eut un sourire. Elle reprit :
« Oui, c'est drôle
- Qu'est-ce qui est drôle ?
- C'est exactement le mot qu'il faut : des doutes »
Jen sourit à son tour, puis elle confia à son amie.
« Il n'est pas le seul, crois moi
- Tu veux dire que… »
Elle se fixèrent, puis Jen hocha la tête affirmativement et répondit :
« Je crois que ce que nous avons évoqué lors de notre petite discussion privée lors de la soirée de vendredi dernier est en train de se produire »
Audrey ramassa les cafés, se leva, accompagnée par Jen, puis elle annonça :
« Et moi je crois qu'il faut se préparer à un psychodrame de plus dans notre petit groupe. Un du genre énorme ! »
« Tu ne veux plus… quoi ? »
Dawson dévisageait incrédule son ami. Il lui semblait subitement que sa poitrine ne contenait plus que de l'angoisse. Pacey attendit quelques secondes, puis il répéta :
« Je crois que je ne veux plus jouer le rôle »
Sur le visage de Dawson l'incrédulité augmenta encore et se mêla à de la colère. Il cria presque :
« Tu n'est pas sérieux ?
- Je suis désolé Dawson mais…
- Non ! »
Dawson criait toujours.
« Tu ne peux pas t'avancer vers moi avec ta mine de chien battu et me dire que tu plaques tout ! Pas maintenant Pacey !
- Dawson écoute moi, je…
- Non Pacey ! Tu ne vas pas me faire ça ! »
Quelques instants passèrent durant lesquels la tension entre eux descendit d'un cran, le temps pour Dawson de pouvoir parler plus calmement. Après un moment, ce dernier reprit :
« Explique-moi »
Pacey fixait son ami. Au fond de lui, il se demandait bien comment lui dire ce qu'il ne pouvait pas mettre en mot pour que lui même comprenne ce qu'il le dérangeait dans tout ça. Tu plaisantes Witter ? Tu sais très bien ce qui te déranges… Faut juste mettre un nom dessus. Pacey senti son malaise intérieur enfler un peu plus, se demandant comment il allait pouvoir contenir cette souffrance. C'était ça le plus insupportable : ça faisait mal. Dawson je ne peux pas faire ça, je ne peux pas l'embrasser parce que j'ai une trouille bleue que cela me confirme que…
« Qu'est-ce qu'il se passe vous deux ? »
Joey venait de se joindre à eux et, devant la mine courroucée de Dawson, et celle torturée de Pacey, elle comprit que quelque chose ne tournait plus tout à fait rond dans la danse des évènements. Mais aucun des deux ne lui répondit.
« Allô ? Est-ce qu'un de vous d'eux va daigner me dire de quoi il retourne ? »
Dawson croisa les bras et fixa Pacey tout en répondant à Joey :
« Il se passe que M. Witter ici présent ne veut plus jouer son rôle et qu'il m'annonce ça juste avant le tournage de la dernière scène ! »
Joey leva des yeux inquisiteurs et surpris vers Pacey.
« C'est une plaisanterie ? »
Pacey fixa son regard sur Joey, espérant qu'elle allait comprendre qu'il fallait que les choses n'aillent pas plus loin, qu'elle allait comprendre rien qu'à regarder dans ses yeux, et parler à Dawson. Joey je ne peux pas…je ne peux pas ! Ne me faites pas faire ça… Devant l'absence de parole de Pacey, Dawson fit un pas vers lui et lui dit :
« Pacey, je ne sais pas ce qui ne va pas mais je vais te laisser cinq minutes pour me l'expliquer car je vois à ton visage qu'il y a vraiment quelque chose qui te dérange. Un fois cela fait, nous allons tous nous remettre au travail parce qu'il y a beaucoup plus en jeu ici qu'une petite crise de ta part juste avant la fin du tournage, alors que jusqu'ici rien n'a semblé te perturber »
Pacey changea d'expression : après le malaise, la colère s'empara de lui. Et vint pour quelques instants supplanter le reste. Au moins là, il se retrouvait en terrain connu, un terrain plus facile pour se déplacer sans risquer de s'endommager soi même. Mais ce que son ami avait dit le blessait aussi. Il fit doucement, contenant ses propos :
« Une… petite crise ?
- Pacey…
- Une petite crise ? Tu crois que je joue subitement les stars impossibles parce qu'on m'a servi un café trop froid ? C'est ça n'est-ce pas Dawson ? »
Joey et Dawson se dévisagèrent une seconde devant la soudaineté de la réaction de leur ami. Joey s'adressa à lui :
« Pacey, calme toi
- Non ! »
Il était maintenant en colère, même furieux semblait-il. A l'autre bout du décor, Jen et Audrey suivaient à distance la scène entre les trois autres protagonistes de la bande. Audrey remarqua :
« Il va exploser
- Hein hein… »
Audrey se tourna vers Jen.
« On devrait peut-être intervenir, non ?
- Et essayer d'arrêter l'ouragan Pacey Witter ? »
Jen contemplait Audrey les sourcils levés. Elle ajouta, ironique :
« Passe première alors ! »
Audrey fit la moue.
« Tu as raison… Je déteste quand tu as raison ! »
Pacey était effectivement à bout. La colère venait de déclencher en lui une réaction en chaîne imprévue, à l'opposé de ce qu'il aurait souhaité. Il sentait qu'il lui serait impossible de garder un contrôle sur tout cela : au fond de lui, quelque chose d'énorme était en train de céder et de se fracturer en tellement de morceaux qu'il ne pensait pas pouvoir contenir la douleur qu'il sentait poindre. Pas pendant longtemps en tous cas.
Dawson, vraiment déstabilisé devant le comportement de Pacey, lui demanda :
« Mais enfin dis moi ce qu'il se passe Pacey ?
- Dawson je… Je… Comment te le dire à toi… je ne veux pas l'embrasser parce que je crois que je suis amoureux… et que cela va me le confirmer… et me détruire pour de bon… pour toujours
- Tu… quoi Pacey ? Mais parle moi !
- Je ne veux pas jouer cette scène c'est tout ! »
Il avait hurlé, provoquant un silence quasi instantané sur le plateau et de nombreux détournements de têtes vers lui. Audrey et Jen s'étaient approchées finalement, voulant quand même être prêtes à intervenir si besoin.
Dawson, Joey, quelques techniciens et second rôles, fixaient tous Pacey. Il flottait un malaise palpable, tangible. Une impression encore plus tangible laissait penser que tout n'était pas fini et que quelque chose de plus énorme allait exploser là, au milieu de tous.
Joey, prudente, s'avança vers Pacey.
« Calme toi Pacey
- Je ne veux pas jouer cette scène, c'est clair ? »
Dawson prit la parole
« Pacey… Tu l'as répétée plusieurs fois, tu étais d'accord. Où est le problème ? »
Il n'eut aucune réponse de la part de Pacey. Ce dernier se mordait les lèvres et semblait se retenir de crier de toutes ses forces. Dawson poursuivit, d'une voix douce :
« Je ne peux pas ne pas tourner cette scène Pacey. Tout est en boite. Tout est tourné avec toi dans le rôle. Je ne peux pas te remplacer là, comme ça, au pied levé »
Ils se fixaient. Dawson poursuivit :
« Je veux que tu me dises ce qu'il y a… S'il te plait »
Pacey fit un effort énorme tout en jetant un œil tour à tour à tous ses amis autour de lui. Avec une grande inspiration, il dit d'une voix plus calme, étonnamment calme :
« Est-ce que les personnages ne pourraient pas… simplement… se prendre l'un dans les bras de l'autre ? »
Dawson eut une expression amusée, mais aussi très surprise. Et il comprit. Du moins, une pensée fulgurante lui traversa l'esprit, mais elle fut aussitôt mise à l'arrière plan, parce que l'important pour le moment était de finir le film. Ce qui fit que sans savoir réellement pourquoi, il demanda à son ami :
« C'est à cause du baiser ? »
Pacey accrocha son regard à Joey, une Joey toute aussi perdue face à son comportement que l'était le reste de la bande. Il chavirait. Tout en lui vacillait et lui semblait sur le point de s'effondrer dans un gigantesque fracas dont il ne pourrait jamais se relever. Jamais. Mais il ne répondit pas. Dawson essaya de rassurer Pacey en reprenant d'une voix douce et souriante :
« Voyons Pacey, c'est juste un baiser… »
C'en fut trop pour Pacey : trop à supporter, trop à contenir, trop à affronter comme déferlement de lui même sur sa conscience. Ce n'est pas juste un baiser ! C'est… Je suis… Il faut que… Ses yeux s'embuèrent rapidement et il fit des efforts désespérés pour ne pas pleurer. Dawson se sentit envahit par une inquiétude, Joey également. Quant à Jen et Audrey, elles se doutaient qu'un moment comme cela viendrait et elles se sentaient impuissantes devant la détresse de leur ami.
Dawson était sur le point de reprendre la parole lorsque Pacey lança comme un cri sourd entre deux sanglots :
« Pas pour moi… »
Dawson se figea, Joey pareillement. Plus personne ne fit aucun geste après la déclaration incroyable de Pacey. Un incroyable moment de stupéfaction totale se répandit sur le lieu. Et il laissa le temps en suspens un long moment. Jusqu'à ce qu'une voix dise :
« Pacey ? »
Instantanément tous les visages se retournèrent vers Jack. Il s'avança vers la scène qui se jouait là devant lui et s'arrêta proche d'Audrey et de Jen. Son visage n'exprimait rien. Ou plutôt un tel mélange d'émotions que cela le rendait impassible. Il demanda d'une voix nouée :
« Est-ce que… c'est vrai ? »
Pacey pleurait. Il ne tentait plus rien pour arrêter ses larmes, ni pour stopper ce qui le dévastait à l'intérieur, parce qu'il était trop tard. Rien de ce qu'il avait connu comme univers familier n'existerait plus jamais. Par sa faute. C'est ma faute… pardon… Il avait envie de disparaître, pour toujours. Après ce qui lui sembla une éternité, de peine et d'humiliation, il trouva la force de se tourner vers Jack. Pardonne-moi ! Pardonne-moi ! Et quand il le vit, son âme elle même se déchira. La douleur fut telle qu'une énergie nouvelle submergea Pacey Et, soudainement, comme mu par une incroyable force, comme s'il allait vraiment mourir en restant là à ne rien faire, et que cette force était salvatrice, Pacey s'enfuit en courant sous le regard encore choqué de tout le monde.
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[Trois semaines plus tôt]
Dawson fixait Pacey qui venait de lire la storyline générale du court-métrage.
« Alors ? »
Pacey posa les feuillets sur le comptoir devant lui.
« Alors quoi Dawson ?
- Qu'est-ce que tu en penses ? »
Pacey ré-ajusta son calot de cuisine et s'appuya de ses avant bras sur le comptoir.
« Ce que j'en pense ?
- Oui
- L'histoire est excellente, et elle me confirme ce que je savais déjà : tu es un très bon sénariste mon grand !
- Merci Pacey, mais ce n'est pas ce que je veux savoir »
Pacey eut un sourire ironique. Dawson reprit :
« Es-tu intéressé ? »
Le sourire de Pacey s'agrandit :
« Laisse moi résumer tout ça, tu veux bien ? Tu as été sélectionné pour réaliser un court-métrage qui raconte grosso modo les errances d'un jeune homme dans l'univers sordide des nuits chaudes de la Côte Est, court-métrage au profit d'une association, et tu voudrais savoir si moi, Pacey Witter, cuisinier de mon état, je suis intéressé pour jouer le rôle de ce jeune homme ? Un jeune homme qui, soit dit en passant boit, fume, couche avec tout ce qui bouge devant lui de façon un peu trop lascive, garçon ou fille, sans se soucier du SIDA ou de quoi que ce soit d'autre, bref un dingue pour qui les plaisirs de la vie sont plus important que la durée de la vie elle-même. Et tu as donc pensé à moi pour incarner ce type ? »
Dawson eut un sourire à son tour et répondit :
« C'est cela »
Pacey fixa intensément son ami et lui demanda :
« Pourquoi moi Dawson ? Pourquoi crois-tu que je sois capable d'interpréter un tel personnage ? Il y a des centaines de types sur le campus, dans cette ville même, qui payeraient pour avoir ce petit petit rôle. Et tu me veux moi ? Je ne comprends pas »
Dawson se pencha un peu vers le comptoir.
« Oui je te veux Pacey. Parce que j'ai souvenir d'une pièce de théâtre au lycée où tu fut plus que brillant, parce que je sais que ce que vit le personnage ne te paraît pas totalement étranger, parce que je pense inconsciemment avoir écrit ce rôle en pensant à toi. Mais surtout parce que je sais que tu peux le faire si tu prend cela comme un défi »
Il eut un moment de vague où tous deux se dévisageaient. Pacey finit par se redresser et dire en regardant les feuillets sur le comptoir :
« Tu sais quoi Dawson ? »
Il planta son regard dans le sien.
« Tu me connais vraiment bien »
Dawson eut un sourire vindicatif. Pacey le nota et ajouta :
« Je n'ai pas dit oui
- C'est une question de minutes »
Il se mirent à rire. Puis Pacey sorti deux verres de sous le comptoir et fit à Dawson :
« Ok, je vais le faire
- Merci Pacey
- Mais je veux y réfléchir pleinement avant et pouvoir dire non
- Si on se donne un délai et une date limite, c'est ok pour moi
- Très bien. Ça marche Dawson »
Il versa du jus de fruit dans les verres et tendit le sien à Dawson.
« Désolé mais le champagne sera pour plus tard
- Pas de problème ! »
Ils burent. Dawson demanda ensuite, gêné et inquiet :
« Pacey ?
- Quoi ?
- La scène finale…
- Ne me pose pas de problème, non.
- Comment savais-tu que j'allais te demander ça ?
- Je te connais aussi pas mal Dawson »
Pacey remplit à nouveau les verres et, levant le sien, dit dans un rire :
« Et puis j'ai toujours rêvé d'embrasser un garçon ! »
Dawson annonça alors :
« Même Jack ? »
Pacey s'étrangla en buvant et se mit à tousser violemment. Lorsqu'il put à nouveau s'exprimer, il demanda un peu anxieux :
« Comment ça Jack ?
- C'est lui qui va jouer le rôle du garçon que tu embrasses dans la scène finale »
Pacey dévisagea Dawson, cherchant à savoir s'il se moquait oui ou non de lui. Mais apparemment, Dawson était sérieux. Ce dernier reprit :
« Si tu n'es pas à l'aise avec cette idée, tu peux…
- Non, non. Ça va »
Pacey essuya rapidement le comptoir et reprit.
« C'est juste que c'est… Jack !
- Et ?
- C'est une idée à laquelle il va falloir que je m'habitue, c'est tout
- Mais ce n'est pas un problème, n'est-ce pas ? »
Pacey eut un sourire.
« Pour moi non ! Dans le domaine de l'auto persuasion, je suis un maître : je n'aurais pas de mal à me dire que ce n'est que pour le film. Mais pour lui, ça sera à voir. Après tout, le gay, c'est lui. Je voudrais pas que Jack soit mal à l'aise par rapport à tout ça
- J'en discuterai avec lui
- Alors dans ce cas, tout va bien
- Oui, tout va bien »
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« Jack ?
- Je suis dans ma chambre ! »
Jen posa son sac dans le hall d'entrée et monta l'escalier. Arrivée à la porte entrebâillée de Jack, elle frappa :
« Je peux ?
- Oui, entre Jen ! »
Elle le découvrit allongé sur le ventre dans son lit, occupé à lire quelque chose dont les feuilles étaient étalées devant lui. Un quelque chose qui le laissait perplexe semblait-t-il. Elle vint s'asseoir près de lui.
« Je rêve ? Tu travailles tes cours un dimanche ?
- C'est pas des cours, c'est un truc que Dawson m'a proposé »
Jen pris une des feuilles sur le dessus de lit et la parcourut distraitement.
« Un truc ?
- Il va tourner un film et m'a demandé de jouer un petit rôle dedans »
Jen éclata de rire. Jack la toisa.
« Quoi ? Qu'est-ce qui te fait rire comme ça ?
- Excuse moi Jack ! Mais sur le coup j'ai eu une vision de toi recevant un oscar et, oui, ça m'a fait rire ! »
Jack eut un sourire.
« C'est vrai que ce serait étonnant !
- Mais je suis persuadé que tu es un très bon acteur Jack »
Ils se fixèrent une seconde, puis éclatèrent de rire à nouveau. Puis, une fois le fou rire passé, Jen s'installa plus confortablement sur le lit et reprit sa lecture avec plus d'attention.
« De quoi ça parle ? »
Jack lui raconta rapidement l'histoire du court-métrage. Lorsqu'il eut fini, Jen leva les sourcils, surprise :
« Tu vas embrasser un garçon ? »
Ce fut lui qui éclata de rire.
« Je te rappelle que je suis gay !
- Je voulais dire : tu vas embrasser un inconnu ?
- Oui, et alors ?
- Jack !
- Ce n'est qu'un baiser, Jen. Pour de faux en plus, et le fait que ce soit un inconnu facilitera la chose »
Ils entendirent à ce moment la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer, puis la voix de Dawson dire :
« Il y a quelqu'un ? »
Jen cria :
« On est en haut, Dawson ! Dans la chambre de Jack ! »
Quelques secondes plus tard, Dawson les rejoignait. Il vint s'asseoir sur le lit à son tour et, constatant que Jen tenait le script entre ses mains, il dit :
« Je vois que Jack t'as mise au courant
- Oui Dawson. Et je me demandais si il n'y aurait pas…
- Désolé Jen ! Ne le prend pas mal, mais j'ai déjà tous les rôles. Il y a un moment que je travaille à tout cela
- Je pensais plutôt à t'aider pour tout le reste : tenir tes notes, ton café, jouer les maquilleuses, tu sais… L'indispensable assistante ! »
Dawson lui sourit.
« Engagée !
- Sans vérifier mes références ?
- Je ne les connais que trop bien, Jen ! »
Ils rirent tous les deux, puis Dawson se tourna vers Jack.
« Jack, toute l'équipe du film se réunit samedi prochain pour une première grosse mise au point, lecture du scénario, découverte du décor, etc. Tu seras disponible j'espère ?
- Je ferais en sorte si je ne le suis pas
- Très bien ! C'est génial ! Pour l'instant tout se déroule comme je le veux ! »
Jen se pencha vers Dawson.
« Et dites-moi, M. Spielberg, si jamais ça ne se déroulait plus comme vous le vouliez ? »
Dawson lui fit une grimace narquoise.
« Je passerais mes nerfs sur mon assistante »
Sous le sourire de Jack, Jen se redressa et s'appuya au dossier du lit en se disant à elle-même :
« Quand on tend le bâton… »
Dawson se leva rapidement.
« Bon je vais devoir vous laisser, j'ai un rendez-vous important »
Il s'avança vers la porte où, une fois celle-ci atteinte, il se retourna.
« Ah au fait Jack, le premier rôle est pourvu. Et j'espère que cela ne te posera pas de problème mais c'est Pacey qui va interpréter Max »
Une expression ahurie recouvrit les traits de Jack. Dawson revint de quelques pas dans la chambre.
« Quoi ?
- Pacey ?
- Oui, Jack. Pacey. Il est parfaitement capable de jouer la comédie. Rappelle toi la pièce dirigée par ta sœur à l'école
- Pacey ? »
Jack semblait en proie à un trouble profond, subitement très mal à l'aise. Dawson reprit la conversation :
« Quel est le problème Jack ?
- Disons que… »
Il jeta un œil à Jen puis revint à Dawson.
« Je ne m'étais jamais imaginer embrasser Pacey
- Mais, mais… ? Qu'est-ce qui te dérange ? Ce n'est pas comme si toi et lui étiez gays tous les deux, ou ensemble. C'est dans le cadre d'un jeu d'acteurs, Jack. Je veux dire, ce n'est pas comme si il y avait… »
Dawson s'interrompit, fixa Jen étrangement, puis revint à Jack. Ce dernier déclara de suite :
« Hop hop hop ! Non, non, non! On ne va pas s'engager sur ce terrain, d'accord ? »
Tous les trois s'entre-regardèrent, avant que Jack ne conclue :
« Pour que tout soit définitivement clair, je ne ressens rien pour lui, ok ? C'est juste qu'embrasser un de mes meilleurs amis, même pour de faux, est une idée que je n'avais jamais regardé en face jusqu'à aujourd'hui. Enfin Dawson ! Imagine que tu doives embrasser… euh… Joey ? Comment réagirais-tu ? »
Dawson réfléchit un moment, puis déclara :
« D'accord. Alors dans ce cas j'ai besoin de savoir : si tout cela te paraît trop bizarre, ou gênant, appelle ça comme tu veux, et que tu ne veuilles plus participer à ce film, tu dois me le dire maintenant Jack »
Un silence plana dans la pièce. Jack fixait Dawson. Après un instant il lui dit d'un trait :
« Je le ferais »
Dawson retrouva son sourire.
« Merci Jack ! Merci ! »
Reculant vers la porte, il sortit avec sur son visage le sourire d'un gosse qui vient de recevoir un cadeau du Père Noël. Lorsqu'ils furent seuls, Jen prit un moment pour observer Jack de dos, percevant une tension dans la pièce, un malaise, avant de lui demander :
« Jack ?
- Non Jen…
- Quoi non ? tu ne sais même pas ce que j'allais dire ?
- Si »
Il se retourna vers elle.
« Tu allais me demander si j'ai menti à Dawson à propos de l'éventualité de pseudos sentiments envers Pacey. La réponse est non »
Ils se regardèrent intensément.
« Et n'essaie pas de trouver la vérité dans mes yeux, Jen. Je viens de te la dire.
- Jack ?
- Quoi encore ?
- Pourquoi l'exemple de Joey ?
- Pardon ?
- Tu as choisi comme exemple Joey pour expliquer à Dawson la gêne qu'on pourrait avoir à embrasser quelqu'un de proche, pour de faux certes, mais embrasser quand même
- Oui, et ?
- Dawson aime Joey. Ton exemple conduit à la conclusion que cela ne lui poserait aucun problème puisqu'il l'aime »
Jack resta impassible, puis se retourna et fit mine de se replonger dans l'étude du script.
« Jack ? »
Il enfoui sa tête sous l'oreiller en miaulant :
« Quoi encore ? »
Jen fixa le sol, puis Jack sous l'oreiller :
« Tu n'as réellement jamais imaginé embrasser Pacey ? »
Jack prit quelques secondes, puis ôta l'oreiller de sa tête regarda dans les yeux son interlocutrice. Il lui dit simplement, d'une voix à peine tremblante :
« Non »
Jen eut un petit sourire forcé, puis tendit une main vers Jack, que ce dernier attrapa et serra. Un moment de tendresse vint remplacer la tension qu'il y avait dans la pièce depuis un petit moment. Jack attira Jen vers lui, l'invitant à s'allonger contre son corps. Ce qu'elle fit, posant sa tête sur le torse de son ami qui l'entoura de ses bras. Ils restèrent ainsi unis dans un moment d'amitié douce et simple.
Jen vint rompre le silence :
« Menteur... »
