Quand la Volonté surpasse la Raison...

Chapitre 1 :

Le son de la douche s'atténua. On n'entendait plus qu'un discret « ploc, ploc ». La jeune fille sortit de la cabine, cherchant à tâtons une serviette. Elle en trouva une, sur le rebord du lavabo, traînant à moitié au sol. Elle la saisit et l'enroula autour de son corps mais grimaça en la sentant humide. Bon sang ! Ce n'était quand même pas si compliqué d'étendre une serviette sur le radiateur !

Faisant fi de ce désagrément, elle se mit en quête de deux choses très importantes : la brosse et le sèche-cheveux. Mais elle avait beau les chercher, fouiller toute la salle de bain, impossible de mettre la main dessus. Allons bon ! Il n'y avait qu'elle qui les utilisait ici et la salle de bain était à peine plus grande qu'un placard à balai, alors où avaient-ils bien pu passer ? Elle croisa les bras sur sa poitrine et se mordit les lèvres, signe d'intense contrariété et de stress chez elle. Il n'était pas loin de vingt heures, elle avait froid, ses cheveux étaient trempés et elle allait être en retard. Foutue brosse ! Foutu sèche-cheveux !

Quand tout à coup... TILT ! Mais bien sûr ! Elle ouvrit la porte de la salle de bain à la volée et se précipita dans sa chambre. Évidemment ! Vu qu'il n'y avait qu'elle les utilisait, ils ne quittaient jamais sa chambre.

« Ah ! Les voilà ! s'exclama-t-elle en les voyant sur son lit. »

Enfin, elle pouvait se préparer.

Quelques minutes plus tard, elle finissait d'enfiler son yukata. Il ne lui restait plus qu'à attacher le obi. Mais avant cela, elle détacha sa longue chevelure nuit et empoigna le sèche-cheveux. Un grand bruit de soufflerie envahit la pièce. La jeune fille fixa intensément son propre regard ambre dans le miroir. Cela devrait suffire. De toute façon, elle les aurait attachés. Elle prit alors la large ceinture de soie et commença à la nouer. Un jeu d'enfant ! Il faut dire qu'en étant entouré depuis son enfance de garçon plus habile à tenir en équilibre sur une poutre et à taper dans une balle qu'à nouer des morceaux de tissu, elle avait vite appris à se débrouiller seule pour ce genre de chose.

Finalement, ce yukata rouge lui allait plutôt bien. Cela faisait des années qu'elle ne l'avait plus porté et la dernière fois, il était bien trop grand pour elle. Elle prit une fleur de lotus et l'accrocha à ses cheveux noués en une longue tresse. Et voilà ! Elle était prête ! Elle sortit de sa chambre et rejoignit son frère au salon.

« Grand frère, j'y vais, dit-elle en entrant. Tu es sûr que tu ne veux pas venir ?

- Non, je t'assure, lui répondit-il. Tu y vas toute seule ?

- Ben, je suis censée retrouvée Junko et Misaki là-bas.

- Ok, alors amuse-toi bien, Ayako.

- Toi aussi, grand frère. »

Ayako partit. Il était à présent pas loin de vingt-et-une heures, le festival battait sûrement son plein. Ce ne serait pas facile de retrouver Misaki et Junko dans cette foule. Bah ! Qu'importe ! Cela ne l'empêcherait pas d'en profiter, se dit-elle lorsqu'elle arriva.

Les stands ne manquaient pas : nourriture, jeux, souvenirs... tout y était ! Ayako allait de l'un à l'autre, gaiement. Elle essaya d'abord d'attraper un poisson, sans succès. Frustrée et agacée, elle se défoula sur le chamboule-tout qu'elle remporta haut la main. Puis elle vit un stand de tir à la carabine. Parfait ! Encore une victoire assurée ! Elle s'y dirigea mais s'aperçut que la foule y était anormalement nombreuse. Le gérant du stand lui, semblait avoir vu le diable. Ayako s'approcha et sourit. Si ce n'était que ça...Visiblement, la majorité des personnes présentes ne voulait pas défier la cause de cette agitation. La jeune fille soupira. Puisqu'il le fallait.

« Je vais participer, déclara-t-elle en s'avançant. »

Un murmure de surprise parcourut la foule et son adversaire eut un sourire diabolique lorsqu'il la vit. Ayako ne s'en préoccupa aucunement et saisit sa carabine. Son adversaire l'imita. Tremblant comme une feuille, le gérant donna le départ et une salve de tir se déclencha. La foule resta bouche bée. Les ballons explosaient un à un à une vitesse ahurissante !

« Trop fort, MAX, dit quelqu'un dans la foule. »

Ayako se mordit les lèvres. Comme elle le pensait, son adversaire était d'une efficacité redoutable. Elle, beaucoup moins, mais elle avait l'avantage d'être beaucoup plus précise. Chacun de ses tirs atteignaient sa cible. Le gérant ouvrait des yeux ronds. En l'espace d'une minute, tous les ballons avaient été éclatés. Il ne pouvait même pas désigner un vainqueur. Ayako soupira et dégagea une mèche de cheveu qui lui tombait devant les yeux.

« Tch ! lâcha son adversaire. Toujours aussi redoutable, hein, fuckin'musicienne ?

- Je pourrai dire la même chose de toi, foutu démon, répondit Ayako. »

Pour la première fois depuis qu'ils avaient commencé leur duel, ils se tournèrent l'un vers l'autre. Lui, un grand type blond à l'aspect démoniaque et arborant un sourire à faire froid dans le dos, elle dans son yukata rouge, le regard fier.

« Ça faisait un bail, lança-t-elle.

- Ouais, lui répondit-il, un sacré bail. »

Derrière lui, un gros bonhomme tout rond fit son apparition. Dès l'instant où il vit Ayako, ses yeux se remplirent de larmes.

« A… Ayako-chan ! s'écria-t-il en se précipitant vers elle. »

La jeune fille voulut l'éviter mais elle avait à peine effectué un pas en arrière, qu'il l'attrapa et la serra de toutes ses forces dans ses bras.

« Ayako-chan ! sanglota-t-il. Ça fait si longteeeeemps !

- Heu… ouais, fit-elle tout en tentant de reprendre son souffle. Moi aussi je suis contente de te revoir, Kurita… Heu, tu m'étouffes là !

- Ah, pardon, dit-il en la reposant. »

Ayako lui sourit lui signifiant que ce n'était rien. Elle dévisagea ses interlocuteurs. Hiruma Yôichi et Kurita Ryôkan, deux très vieilles connaissances. Et derrière eux... se tenait l'équipe des Devil Bats qu'ils avaient fondés, au complet ou presque.

« Comment ça va depuis le temps ? lui demanda Kurita. Tu travailles toujours ?

- Oui, répondit Ayako. Et vous ? J'ai suivi tout votre parcours depuis le début du tournoi. C'est vraiment dommage, cette défaite contre Seibu. Ça s'est joué à pas grand-chose…

- C'est vrai, continua Kurita. Mais il nous reste le match pour la troisième place. On peut toujours aller au Christmas Bowl ! »

Derrière lui, l'équipe des Devil Bats suivait leur conversation avec grand intérêt. Ils se demandaient sûrement qui pouvait être cette fille en yukata rouge qui avait rivalisé avec Hiruma au tir et qui semblait si bien les connaître.

« Je ne me suis pas présenté ? fit la jeune fille en captant leur regard. Takekura Ayako, enchanté ! »

Puis, elle se tourna vers une jeune fille aux cheveux roux.

« Avant, j'occupais ta place, dit-elle. J'étais la manager.

- La manager ? fit la rousse, surprise. Tu dois connaître Hiruma-kun et Kurita-kun depuis longtemps alors !

- Ayako-chan était avec nous au collège, expliqua Kurita, dans la classe inférieure. C'est la sœur de Musashi.

- La sœur de Musashi-san ? s'écria un garçon ressemblant à un singe. Ah mais je me souviens de toi ! T'es la fille un peu punk qui nous observait quand on a fait cette séance de tir aux buts contre le club de foot ! »

Ayako fronça les sourcils et eut le souvenir d'une séance de tir au but un peu particulière.

« Ah oui, ça, finit-elle par dire. Quand mon frère est venu vous aider… Vous m'aviez bien fait rire ce jour-là.

- Ouais… il y a eu un petit malentendu, répondit un garçon à l'allure de crevette. Mais c'est gentil à Musashi-san de nous avoir aidé.

- Ayako-chan, demanda Kurita, Musashi n'est pas venu ? »

Ayako secoua la tête.

« Non, fit-elle. Il n'est pas là, il a travaillé dur aujourd'hui.

- Ah… Je vois...

- Tch !

- Un problème, foutu démon ? lança la jeune fille en se tournant vers Hiruma.

- Ton fuckin' frère est toujours aussi buté.

- Ben ouais, mais t'es pas mal dans le genre toi aussi. »

Elle entendit soudain des voix qui l'appelaient. Elle se retourna et vit Junko et Misaki en train de lui faire de grands signes.

« Bon, je dois vous laisser, dit-elle. On m'attend. »

Elle se tourna vers les Devil Bats et leur dit :

« J'ai été ravie de vous rencontrer. J'espère vraiment que vous allez gagner votre prochain match et que vous accéderez au tournoi du Kantô. »

Et elle fila retrouver ses amis, une jeune fille au teint de poupée et aux cheveux bruns bouclés et un grand garçon aux cheveux blond.

« Pourquoi Ayako-chan a quitté le club ? demanda Mamori.

- En fait, elle a arrêté l'école après le lycée, expliqua Kurita. Elle devait nous rejoindre à Deimon mais elle et Musashi ont eu des problèmes alors…

- Elle serait pas allé au bout de toute façon, l'interrompit Hiruma, alors autant qu'elle laisse tomber avant que les choses ne deviennent vraiment sérieuses. »

Sena, Monta et Mamori se regardèrent, un peu intrigué. Mamori voulut poursuivre mais Hiruma tira une salve de tir en l'air et hurla :

« C'est pas le moment de rêvasser sur des trucs sans intérêt ! Au boulot, les fuckin'mioches, on a un match à gagner ! »

« Dis-moi, commença Junko, ceux avec qui tu discutais, ils faisaient pas parti de l'équipe des Devil Bats ?

- Si, répondit Ayako. Mon frère jouait avec eux avant.

- Ah bon ? s'étonna Misaki. Il faisait du foot américain ?

- Ouais. Tu te souviens pas qu'au collège, j'étais la manager d'une équipe de foot américain ?

- Ah ! Maintenant que tu le dis, si ! Même que tu passais des heures à en parler avec Akaba. Au fait, en parlant d'Akaba, il a pas un match bientôt ?

- Si, demain, répondit Junko.

- Contre qui ?

- Ôjô White Knights. »

Le jeune homme fronça les sourcils et grimaça.

« L'équipe ultra-favorite pour le tournoi ? Pauvre Akaba, j'ai bien peur que son équipe s'arrête-là… aïe ! »

Agacée par sa réflexion, Junko venait de frapper Misaki à l'arrière de la tête avec son éventail.

« On ne peut jamais prédire le résultat d'un match à l'avance au foot américain ! harangua-t-elle. Même si Bando n'apparait pas aussi bien équipée qu'Ôjô, ils ont leur chance ! Ils ont quand même été deuxièmes l'an dernier !

- Mais c'était avant que la moitié de l'équipe parte pour le Kansai, non ? poursuivit Misaki en mettant une distance de sécurité entre lui et Junko. Et Akaba, en plus, il est suspendu alors…

- Je le sais qu'il est suspendu, imbécile ! hurla Junko si fort que des passants se retournèrent. »

Et sans attendre la réponse de son ami, elle partit en avant à grand pas furieux. Ayako et Misaki la regardèrent s'éloigner avec un air désolé.

« La suspension d'Akaba est toujours un sujet qui fâche, on dirait, commenta Ayako. »

Lorsqu'Ayako se leva le lendemain matin, elle découvrit un mot de son frère accroché au frigo, lui disant qu'il était au travail et qu'il rentrerait tard ce soir. Il ne fallait pas qu'elle l'attende pour aller voir leur père à l'hôpital.

« Hum, hum, fit Ayako, une tartine dans la main. »

Elle aussi travaillait aujourd'hui mais elle avait pris son après-midi pour aller voir le match de Bando avec Junko et Misaki. Elle irait à l'hôpital après.

Si tôt son petit déjeuner avalé, Ayako fila dans la salle de bain, se prépara et partit en courant vers son lieu de travail. À cause des problèmes de santé de son père, Ayako et son frère avaient décidé d'arrêter leurs études et de travailler. La jeune fille avait, de toute façon, pas prévu de faire de longues études, ne poursuivant le lycée que parce que son père le souhaitait et que cela lui permettait d'être avec les Devil Bats. Mais quand il était tombé malade, que la boite avait commencé à aller mal et que Musashi avait repris le travail familiale, elle avait elle aussi décidé de travailler et de ne pas aller au lycée.

« Bonjour tout le monde ! lança-t-elle en arrivant.

- Salut Aya-chan ! lui répondit son patron. »

Ayako travaillait dans un magasin de musique, un univers qui n'appartenait qu'à elle. Le patron la connaissait bien. Avant même d'y travailler, Ayako y venait souvent. Alors quand il avait fallu trouver un travail, elle s'était tout naturellement tournée vers le magasin qui l'avait accueilli à bras ouvert.

« Aya-chan, des clients ! lui indiqua le patron, Takeshi.

- J'arrive ! »

La jeune fille arrêta son inventaire et se rendit à la boutique où elle se retrouva nez-à-nez avec Junko et Akaba Hayato.

« Oh ! s'exclama-t-elle en les voyant. Ça fait longtemps que je vous avais pas vu ensemble ! Ça va mieux entre vous ?

- Hum… Oui, répondit Akaba en jetant un discret regard à Junko. Et toi comment ça va ?

- Ça va, ça va. Pas trop nerveux pour le match ?

- Humph ! fut sa réponse.

- Tu sais comment il est, dit Junko. Il ne se montrerait pas stressé même si le match devait décider de sa condamnation à mort.

- Je vois ça, fit Ayako.

- Plus important, commença Akaba, il me faut des cordes de guitare. Tu as ça en stock ? J'en ai pas trouvé en rayon.

- Bien sûr. On ne les a pas encore rangé parce qu'on vient juste de les recevoir mais on en a. Mais pourquoi tu en as besoin ?

- J'ai cassé les miennes lors du dernier match. »

Junko et Ayako se regardèrent, surprises. Mais elles étaient habituées aux rapprochements bizarres d'Akaba sur le foot américain et la musique. Alors qu'elle partait chercher les cordes que lui demandait Akaba, elle jeta un regard vers ses deux amis. Ils discutaient tranquillement. Bien que l'on puisse encore percevoir une petite tension chez Junko, on sentait que les choses allaient beaucoup entre eux. Cela réjouit Ayako. Akaba était son plus vieil ami et quelqu'un de très précieux pour elle. Ils avaient commencé la musique ensemble et avait fondé le groupe tous les deux et même si Akaba s'était lancé corps et âmes dans le foot américain, il restait malgré tout quelqu'un sur qui l'on pouvait compter.

« Et voilà ! dit-elle en lui apportant ses cordes.

- Merci. Tu viendras au match ?

- Ouais ! Avec Junko et Misaki. Simple curiosité, quelle équipe tu préférerais affronter ? Seibu ou Deimon ?

- Hum… quelle importance ? Il faudra battre l'une des deux pour aller au Christmas Bowl.

- Personnellement, je préférerais Deimon. Ils m'ont l'air moins dangereux que Seibu ou Ôjô, dit Junko.

- Détrompe-toi, Junko, le contredit Akaba. Deimon est le genre d'équipe qui sort grandit de ses défaites. Ils sont tout aussi dangereux que Seibu ou Ôjô.

- Mais ils n'ont pas de butteur, répliqua la jeune fille. Ça fait toute la différence. »

Ayako médita la réponse de Junko. Oui, la différence majeure entre Deimon et les équipes comme Ôjô ou Seibu, c'était la présence d'un buteur. Et à cause de ce joueur absent, les Devil Bats trainaient un immense handicap.

« Quel abruti, se dit Ayako en pensant à son frère. »

« T'es en retard ! lui lancèrent Misaki et Junko lorsqu'Ayako arriva.

- Dé... Désolé ! s'excusa-t-elle à bout de souffle.

- Allez, dépêche ! la pressa Junko. Le match a déjà commencé ! »

Ayako n'eut même pas le temps de reprendre sa respiration que son amie la prit par le bras et l'entraîna dans le stade. Le match venait à peine de commencer mais l'ambiance était déjà bouillante. Les supporters de Bando et d'Ôjô donnaient de la voix pour encourager leurs équipes.

Junko mena Ayako et Misaki à leur place, au troisième rang. Des places extrêmement bien placées. Ayako s'assit et remarqua alors qu'au tout premier rang se trouvait…

« Tiens ? s'étonna Ayako en les voyant. »

Les Deimon Devil Bats étaient tous présents, ne perdant pas la moindre miette du match.

« Oh ! Deimon ! murmura Junko. C'est vrai qu'ils devront affronter l'une des deux équipes. Oh ! Génial ! C'est Bando qui ouvre le score ! »

Les Bando Spiders, en effet, venaient d'ouvrir la marque grâce à un tir de Kôtarô. Junko en gesticulait de joie.

« Allez Bando ! s'exclamait-elle. C'est l'heure de la revanche !

- Ça m'embêterait quand même un peu que Bando gagne, murmura Misaki à Ayako. J'ai misé sur Ôjô.

- Traitre, lui répondit Ayako avec un sourire. »

Devant eux, les joueurs de Deimon analysaient le moindre fait et gestes des deux équipes. Ôtawara Makoto, le puissant lineman d'Ôjô, avança tel un tank humain et bloqua sans plus de formalité le joueur de Bando qui lui faisait face.

« Ôtawara-san est vraiment fort ! lança le joueur de Deimon qui ressemblait à un singe. Bando n'a aucune chance !

- C'est inutile, la différence de taille est trop grande, soupira un joueur de ligne.

- Ils ont fait illusion une seconde avec leur tir, poursuivit son compère.

- Cette équipe de Bando est plutôt faiblarde en fin de compte, renchérit le troisième.

- Tch ! On ne peut pas prévoir ce qui va se passer dans un match ! les interrompit Hiruma. »

Le joueur de Bando était bien bloqué par Ôtawara et ne parvenait pas à prendre le dessus. Un son de guitare électrique retentit alors dans le stade, et le joueur de Bando, à la surprise de tous, mit à terre Ôtawara qui faisait pourtant deux fois sa taille, et sacqua Takami.

« Oh ! C'était pour ça les cordes ! fit Ayako.

- Les cordes ? s'étonna Misaki.

- De guitare. Il est venu en acheter hier.

- Pourquoi en avait-il besoin ?

- Il avait cassé les siennes lors du dernier match.

- Et… Du dernier match ? »

Misaki regarda successivement Junko et Ayako qui ne semblaient pas surprise outre mesure par le fait qu'Akaba ait besoin de sa guitare pour un match de football américain.

Dans le stade, la stupeur régnait. Personne n'arrivait à comprendre comment un joueur aussi massif qu'Ôtawara avait pu se faire mettre à terre par un plus petit que lui.

Le match était en train de tourner en faveur de Bando. Chacune des tentatives d'Ôjô se voyait irrémédiablement contré par Bando. Ainsi, arrivé au quatrième quart temps, Bando menait toujours grâce à son tir en début de match. De nouveau, Akaba joua un riff sur sa guitare et trois joueurs entourèrent le receveur d'Ôjô et le plaquèrent, empêchant la réception de la passe. Tout le stade était sous le choc. Ôjô ne maîtrisait pas du tout le match et était réellement en difficulté. Les passes de Takami étaient interceptées à chaque tentative et Ôtawara se faisait mettre au sol avec une facilité déconcertante. Devant la gravité de la situation, le coach des White Knights n'eut bientôt plus d'autres choix que de demander un temps mort.

« C'est comme s'ils pouvaient lire la trajectoire de passe de Takamui à cent pour cent ! s'exclama un petit garçon en fauteuil roulant. Comment ils font ?

- Et comment un joueur aussi petit que le numéro 73 de Bando peut renverser Ôtawara-san ? s'interrogea la manager de Deimon. »

Le public était sous le choc. C'était la première fois depuis le début du tournoi qu'Ôjô semblait autant en difficulté.

« Finalement, elle est forte cette équipe de Bando, soupira Kurita.

- On les attendait pas à ce niveau, reprit le singe. Bando n'était pas censé être une équipe aussi redoutable que ça. »

Kurita secoua la tête.

« Non, même si c'est vrai qu'ils ont pas mal galéré cette année, ils ont fini deuxième du tournoi de Tôkyô de l'an dernier, expliqua le joueur. »

Le secrétaire et le singe ouvrirent des yeux ronds. Visiblement, ils ne s'attendaient pas à une telle révélation.

« Kôtarô Sasaki a inscrit deux buts, continua Hiruma. Le score final était de 6 à 7. Ils ont été les seuls à marquer contre la génération dorée d'Ôjô.

- Quant à Akaba Hayato qu'est sur le banc, il a fini MVP du tournoi de l'an dernier, continua Kurita.

- Eeeh ! MVP ! s'écria le secrétaire.

- Mais si c'est le cas pourquoi ils l'ont laissé sur le banc ? poursuivit le singe.

- Bando est une équipe de top niveau et si son niveau a chuté c'est parce que tous ses meilleurs joueurs ont été recruté par un lycée du Kansai, expliqua la manager.

- On ignore pourquoi mais ce fuckin'albinos a été le seul à revenir.

- Dis-moi foutu démon, intervint Ayako qui s'était discrètement approché des Devil Bats, tu vas pas me faire croire que tu ignores pourquoi Akaba est sur le banc ? »

Son intervention surprise fit sursauter les Devil Bats.

« Hiiiii !

- Mais qu'est-ce qu'elle fout ici ? s'exclama le joueur de ligne avec la cicatrice. »

Ayako l'ignora et s'appuya sur le dossier du siège d'Hiruma.

« Alors, tu sais vraiment pas ? insista-t-elle.

- Arrête de frimer, fuckin'musicienne, lui balança le quarterback, dis plutôt ce que tu as à dire.

- Ayako-chan, pourquoi Akaba est sur le banc ? demanda Kurita. »

Elle regarda fixement Akaba qui donnait ses instructions à ses coéquipiers.

« Il a été suspendu, répondit-elle. »

Tous les joueurs à l'exception d'Hiruma la regardèrent surpris.

« Pourquoi ? demanda un garçon au front imposant.

- Parce qu'il est revenu à Bando alors qu'il s'était engagé avec le lycée du Kansai, expliqua la jeune fille. C'est interdit par la fédération. Mais bon… Même sur le banc, il reste redoutable. »

Le secrétaire reporta son attention sur le terrain, encore tout secoué par ces nouvelles informations.

« À ce rythme-là, bredouilla-t-il, Ôjô va...

- Imbécile, l'interrompit Hiruma. Regarde attentivement le match. »

Il avait raison, songea Ayako. Ôjô était fier, Ôjô était une grande équipe. Ils allaient se réveiller, d'autant plus que Seijûrô Shin venait d'entrer sur le terrain. Finalement, Misaki avait peut-être eu raison de miser sur Ôjô. Le truc était de savoir ce que Bando allait faire à présent.

L'arrivée de Shin sur le terrain ne sembla pas perturber Bando outre mesure. Le même schéma semblait se répéter : Ôtawara qui fonçait et le numéro 73 de Bando qui le renversait. Toutefois, un élément vint perturber la stratégie si parfaite de Bando. Seijûrô Shin arriva précipitamment au moment où Ôtawara tombait et envoya au tapis un à un les joueurs de Bando qui se trouvait sur son chemin avec son Spear Tackle. Il récupéra le ballon et fonça vers la ligne d'embut pour marquer un touchdown et permettre à Ôjô de reprendre la tête.

« Oh non ! gémit Junko. »

La présence de Shin et le touchdown qu'il venait de semblèrent transcender les joueurs d'Ôjô. Les techniques de Bando qui les avaient si souvent en difficulté durant le match ne semblait ne plus fonctionner. Ôtawara parvenait de nouveau à écraser ses vis-à-vis et les passes si hautes de Takami trouvaient Sakuraba à chaque fois. Le receveur marqua un nouveau touchdown signant de cette manière la victoire d'Ôjô sur un score finale de 14 à 3.

« Mince ! fit Junko en sortant du stade. On était si près !

- Bah c'est Ôjô après tout, dit Misaki.

- Oui mais quand je pense qu'on a mené quasiment tout le match… C'est rageant !

- C'est ça, le football américain, murmura Ayako. »

Elle regarda sa montre et parut soudain inquiète.

« Zut, il va faut que j'y aille, s'exclama-t-elle.

- Tu dois aller voir ton père ? demanda Misaki.

- Ouais, il…

- Hé ! Fuckin'musicienne ! »

Il n'y avait qu'une personne pour l'appeler ainsi. Ayako se retourna et vit Hiruma s'avancer vers elle.

« J'suis pressée ! lança-t-elle. J'espère que c'est important.

- Le fuckin'albinos, commença le quarterback, c'est un de tes potes si je me souviens bien.

- Ouais, répondit la jeune fille. Pourquoi ?

- Si tu me disais un peu ce que tu sais sur ses méthodes susurra Hiruma avec son sourire démoniaque.

- Ah, c'était donc ça. Dis-moi, pourquoi je ferais ça ?

- Parce que tu veux qu'on gagne. »

Sa réponse la fit sourire. Il n'avait pas changé du tout. Il avait toujours cette capacité tellement agaçante à deviner les pensées des autres.

« Ce que je sais sur Akaba… commença-t-elle. Déjà, sa suspension se terminait avec ce match. Pas de chance pour Deimon, hein ?

- Ce truc avec la guitare c'était quoi ?

- Une sorte de signal, j'imagine. Il fait office de leader à Bando et comme il ne pouvait pas jouer, c'était un moyen pour lui de donner des instructions. J'imagine que toi aussi t'as ça.

- Et au niveau des blocs ? »

Le sourire d'Ayako s'élargit.

« Plutôt impressionnant, non ? fit-elle. En fait, c'est pas bien compliqué. C'est une simple question de rythme.

- Epargne-moi les rapprochements avec la musique, tu veux ?

- D'équilibre si tu préfères. Y'a forcément un moment où les joueurs sont plus en déséquilibre quand ils bloquent et je sais pas comment mais Akaba connait ce moment. »

Hiruma sembla méditer un moment ses paroles en mâchant son chewing-gum.

« Comme on pouvait s'y attendre du MVP, murmura-t-il plus pour lui-même que pour Ayako.

- Je peux faire autre chose pour toi ? demanda nonchalamment Ayako en regardant sa montre.

- T'as de bons restes, dis-moi, lança le démon.

- Si tu le dis ! rétorqua la jeune fille en lui tournant le dos. Bonne chance contre Bando ! »

Junko et Misaki l'attendaient à côté de l'arrêt de bus. Quand elle arriva, Junko lui demanda :

« Pourquoi tu lui as dit ?

- Ça aurait pas été drôle sinon, fut la réponse d'Ayako. »