Heureux qui comme Caillou

Première partie : Lysémachie

Chapitre 1 : Le domaine des dieux

Auteur : Rain on your Back

Disclaimer : Shaman King ne m'appartient pas, pas plus que les prompts utilisés. Par contre, l'histoire me sort droit de la tête ! Pour le meilleur et pour le pire.

Persos/Pairings : HaoxJeanne, LysergXAchille, MarcoxMeene, dans l'ordre d'importance

Notes :

Me revoilà pour une nouvelle mini-fic d'inspiration mythologique, à nouveau pour Koba parce que c'était avec toi qu'on avait discuté des deux dieux se disputant le pauvre Ulysse… Et Ulysse est venu. Je n'ai pas eu le temps de tout écrire, par contre, alors ça va venir progressivement dans les semaines qui arrivent ! Enfin j'espère. Mais voilà au moins quelques chapitres pour les fêtes !

Le titre vient de Du Bellay, comme de juste.

Mon problème, c'est que j'ai dû utiliser pas mal de persos dans Méduse, et du coup je risquais de pas avoir assez de gens… alors ce que j'ai fait, c'est modifier le nom de certains persos humains, mais en gardant leur personnalité. Vous me direz si ça fonctionne…

Du coup, on va voir si vous trouvez qui se cache derrière chaque nom… Certains sont limites transparents, d'autres un peu moins. Pour certains c'est presque ridicule, mais tant pis. Voyons ça !


Le vin coulait à flots. Les verres tintaient en s'entrechoquant, se mêlant aux rires des dieux et au chants des aèdes.

« Pour une fois qu'Hao est pas là, l'ambiance est vraiment différente, » lâcha Horo-Horo avec un soupir d'aise, avant de trinquer avec son compagnon de beuverie du moment. « Pour une fois qu'on voit Jeanne aux yeux de chouette sourire ! C'est si rare que ça m'égaie plus que mon vin… »

Nichrome ricana dans son verre avant de lui faire signe de parler moins fort. « Ne la laisse pas t'entendre, elle risquerait de se fâcher de nouveau.
- Pourtant j'ai bien raison…
- Ouais mais, tu avoueras, pour une déesse de la justice, en vouloir à Hao et tous ses héros pour une histoire de prêtresse volée, ça ne fait pas très professionnel… »

Il y eut un bruit mat, et les deux petits plaisantins se turent brusquement. En tournant la tête, Y découvrit Marion, toujours drapée de sa majesté habituelle malgré la fourchette qu'elle venait d'enfoncer dans la table de pierre comme s'il s'était agi de beurre.

Comme si de rien n'était, la blonde continua de manger, et les deux autres dieux finirent par l'imiter, contrits.

Depuis le fâcheux incident de la prêtresse de Jeanne, la fille de Marco et le dieu des flots ne se parlaient plus, plus du tout. Durant l'assaut de Troie, personne n'avait été plus féroce qu'eux deux, et chaque héros perdu d'un côté ou de l'autre - alors que c'était le destin de chacun d'entre eux, ils n'avaient pas triché - semblait augmenter leur inimitié.

Mais voilà, ce jour-là, le premier depuis des lustres, Hao n'était pas sur l'Olympe, ni sur les côtes grecques; car ce jour était le premier des fêtes annuelles d'un peuple qui lui appartenait, et qui vivait en Éthiopie. Ces festivités duraient parfois plusieurs semaines, et l'ébranleur du sol ne se lassait pas d'y assister.

L'atmosphère de l'Olympe en était changée – discrètement, mais quand même changée. Jeanne n'était plus taciturne et froide, et si elle restait silencieuse, elle était souriante et semblait attendre la bonne occasion d'annoncer quelque chose.

En fait, en son for intérieur, Jeanne était loin d'être heureuse, mais elle était trop fine pour le montrer. Serviteurs et servantes dansaient autour de la table dans un ballet d'abeilles industrieuses, et il était facile de prendre le tournis rien qu'à les regarder – ce qui expliquait peut-être que certains convives aient déjà roulé sous la table. Que diraient leurs héros, s'ils les voyaient ? Jeanne ne pouvait le savoir.

Elle songeait que Psephos, au moins, ne serait pas vraiment réjoui. Le montrerait-il ? Certainement que non. Non, il serait plutôt du genre à les couvrir de louanges, les supplier de devenir leur échanson et d'attendre qu'ils dorment tous pour les égorger. Il avait fait cela à toute une ville de valeureux guerriers, après tout. Et dix ans sur la mer auraient émoussé la foi de n'importe quel homme.

À voir son père descendre les coupes de nectar, elle ne pouvait vraiment lui donner tort. Elle n'avait pas été capable de vaincre Hao – par les mots, les défis ou les armes - ni de persuader son père de faire taire son oncle et de lui ordonner de ramener Psephos jusqu'à sa terre natale. Pourquoi avait-elle tellement attendu ce soir ? Même en l'absence du dieu des océans, elle ne disait rien. Craignait-elle tellement d'irriter son père ?

Non. Mauvais raisonnement, régi par la honte et les murmures de la haine. Il ne s'agissait pas de crainte mais de calcul, pas de couardise mais de logique. Marco était trop au fait des choses et de la querelle amère entre sa fille et son frère. S'il ne faisait rien, c'est qu'il ne voulait rien faire. S'il ne voulait rien faire, il faudrait l'amener à s'avancer et à promettre, même contre son gré. Et plus il serait imbibé, plus ce serait facile.

« Ah, » s'exclamait-il justement, « Ren, mon cher frère, le fier Égikson est-il parvenu jusqu'à toi ? J'ai cru comprendre que son chemin n'avait pas été facile. »

Ledit Ren, qui était en grande discussion silencieuse avec Marion, leva les yeux vers son aîné et hocha la tête. « Komeri et Mamilys ont ordonné qu'il ne reçoive pas l'argent pour mon passeur. Mais comme les enfants de Kademnon sont en fuite, un vieux compagnon d'armes a enfreint leur commandement. Égikson passera bientôt devant ses juges, » résuma-t-il rapidement, clairement ennuyé à l'idée de répéter quelque chose que tout le monde savait déjà. Mais la tirade plut à Marco.

« Bien, bien. Pauvre Égikson, tout de même. Un si noble héros ! Il doit nous honnir, depuis la nef du passeur. Les humains haïssent toujours les dieux, même si c'est nous qui les prévenons du malheur approchant.
- C'est vrai, » ricana Mathilda. « Tu lui avais envoyé Chocolove, mais il n'a rien écouté.
- En même temps, » interrompit Ren, une mimique dégoûtée sur le visage à la vue dudit dieu écroulé parmi les amphores, « qui écouterait le dieu des menteurs ?
- Celui qui se souviendrait qu'il est aussi le dieu des messages, des voyageurs et des médecins. Celui qui n'oublierait pas de craindre ses dieux, » siffla Marco, visiblement froissé.

Jeanne vit là une porte d'entrée et, après quelques secondes de silence, décida de s'y engouffrer. « Égikson a refusé de nous écouter, et il est mort de la lame de sa double victime par le fer et la rapine. Cela est bien, » annonça-t-elle doucement. « Que tous ses semblables connaissent le même sort. Ce ne serait que justice.

- Tu en sais quelque chose, » persifla Mathilda. « Bizarrement, ceux-là, tu ne les prends pas sous ton aile...
- Ah, ah, parce que c'est une chouette, » s'amusa Chocolove, remonté de ses abysses avinés. Jeanne – ou plutôt Marco, en vérité – les fit taire d'un regard noir.

« Tu voulais dire quelque chose, ma fille ?
- Oui. Égikson pèche, Égikson est puni, très bien. Mais je ne comprends pas pourquoi vous avez décidé d'abandonner Psephos, qui, lui, a toujours écouté nos avertissements et s'est tenu à l'écart de tous les crimes ! »

Le visage du roi des dieux devint pierreux. « Que dis-tu là, mon enfant ? Moi, abandonner Psephos ?
- Si ce n'est pas le cas, je crains qu'on s'y méprenne, mon père. Les combattants de Troie sont tous rentrés chez eux, sur les rivages grecs ou les élyséens. Psephos, seul, reste sur les flots, prisonnier d'une sorcière qui le retient loin des siens. Pendant ce temps, son bien est mangé par l'enfance dorée d'Ithaque, ces charognards aux dents longues qui profitent de la mort de leurs pères pour harceler Ménea et le doux Lysandros. Ce royaume a besoin de son maître et le destin a besoin de Psephos en Ithaque.
- Hao ne voudra jamais, » objecta Ren.

« Tu n'as pas oublié le coup de Personne, quand même ? éborgner le plus beau des géants, » rappela Jun avec un sourire moqueur, provoquant un regain d'hilarité de la part de Mathilda et de Horo-Horo.

« Des cyclopes, » corrigea Jeanne par automatisme. « Oui, je me souviens de Borixène. Psephos n'avait pas le choix et n'a pas défié nos lois.
- Tu as raison, » fit Marco depuis sa place. Son visage s'était encore assombri au cours de l'échange. « Psephos et sa lignée me sont chères. Je ne peux t'en vouloir de t'impatienter, quand même en l'absence du dissident je ne vous donne pas mon avis sur cette affaire... il y a trop longtemps que la sorcière Kaanna retient le héros d'Ithaque.
- Et Hao ?
- Je vous préviens, » fit Ren en considérant son verre vide, « je ne m'en mêle pas. Les morts de Troie font déjà bien trop de tapage pour que je me laisse embarquer dans un autre conflit.

« Tu veux dire qu'ils te fatiguent ? »

Horokeu semblait narquois; Ren allait le rembarrer lorsque Chocolove se redressa une seconde fois, tout sourire : « Tu veux les ren-ier ? »

Le chaos qui s'ensuivit n'était guère propice aux grandes décisions divines. Pourtant, d'un geste, Marco fit approcher sa fille. « Je suis avec toi, comme la plupart des autres, même s'ils ne disent rien. Hao devra apaiser sa colère.
- Merci, mon père, » fit la déesse en s'agenouillant.

« J'enverrai Chocolove à Kaanna dès que... dès qu'il aura décuvé. Il lui transmettra notre ordre, et il faudra qu'elle aussi fasse taire son coeur.
- Ce ne sera pas la première ni la dernière, » observa Jeanne, un peu amère, avant de se redresser.

« Pour moi, j'irai à Ithaque parler au fils de Psephos, car il n'est pas le dernier de sa lignée, n'en déplaise au roi des flots. Lysandros est encore en Ithaque, harassé par les mouches qui tournent autour de la couronne de son père et de la vertu de sa mère. Il est temps qu'il apprenne qui est son père et qu'il devienne un homme à son tour. Ménea affronte seule les prétendants depuis trop longtemps. Elle mérite de recommencer à espérer. »

Si le roi des dieux prit ombrage du fait que sa fille dispose d'elle-même de la sorte, il n'en montra rien. C'était d'ailleurs peu probable : il avait depuis longtemps appris que Jeanne était de son côté, et qu'elle avait un fonctionnement particulier qu'il ne fallait pas ensabler.

Au lieu de cela, il lui caressa la joue, laissant des trainées d'or sur sa peau d'albâtre, puis lui fit signe de partir.

« Que ton voyage soit sûr.

- Qu'il soit court et me ramène auprès de vous, » répondit la guerrière en se saisissant de sa lance et de son manteau de voyage. En le passant, elle perdait un peu de son éclat divin, de sa lumière. Elle prenait une semblance humaine...

Un vague sourire de revanche se dessinait sur ses lèvres alors qu'elle quittait le banquet. Oh non, elle ne laisserait pas Hao lui prendre l'un des siens, plus jamais.

Avec un peu de chance, Hao ne rentrerait qu'une fois Psephos rentré à Ithaque. Et sinon…

Sinon, ce serait de nouveau la guerre.