Lily était assise à l'avant de la salle de classe, derrière le bureau du professeur, les jambes croisées sous celui-ci. Elle avait déplié le journal du jour sur le bureau et en parcourait les articles, tapant du pied d'énervement sans vraiment s'en rendre compte, car toutes les nouvelles étaient négatives. Un rassemblement de Mangemorts ici ; une famille de Moldus tué là-bas. Il lui semblait que c'était tout ce qui se passait ces jours-là.

Elle aurait de loin préféré être dans la salle commune de Gryffondor, installée dans un confortable fauteuil rouge entre Dorcas à Mary, à discuter de choses passablement moins déprimantes que la guerre qui se déroulait au-dehors. Mais à la place, elle devait passer son vendredi soir à superviser les retenues de la semaine dans la salle de sortilèges. Enfin, la retenue – Sirius Black était le seul à avoir mérité une heure de colle cette semaine-là. Et le professeur Dumbledore lui avait demandé, comme elle était préfète-en-chef, de s'occuper de la surveillance. Les professeurs ne pouvaient pas, ils avaient une réunion importante – probablement à propos de la guerre, avait-elle deviné –, alors Lily faisait ce qu'elle pouvait pour mettre son épaule à la roue.

À un moment, elle leva les yeux et remarqua que Sirius ne copiait plus ses lignes mais fixait la première page du journal, sa plume oubliée dans sa main droite. Lily ferma la Gazette pour en lire la une : « Les Mangemorts commencent la traque aux nés-Moldus ».

— Tu sais, on est dans la même situation, toi et moi.

Lily haussa les sourcils, oubliant de dire à Sirius de terminer sa retenue pour qu'ils puissent monter se coucher, tellement la proposition était saugrenue.

— Je frémis à l'idée de ce que je pourrais bien avoir en commun avec toi, répondit-elle d'un ton léger, un peu blagueur.

Mais le jeune homme ne rit pas. Il leva des yeux sérieux vers elle et expliqua :

— On a tous les deux des familles qui nous causent des problèmes. Pour toi, ce sont des Moldus. Pour moi, des Mangemorts aux idées arriérées.
— N'exagérons rien, répliqua Lily sèchement. Je n'ai pas honte de ma famille, moi. Ce n'est pas parce qu'on me traite de Sang-de-Bourbe que je vais me sentir inférieure. Ou que je vais me battre.

Sirius baissa les yeux. Il était vrai qu'il avait tendance à en venir aux poings dès qu'on lui rappelait ses parents Mangemorts – ou son petit frère qui semblait bien lancé pour en devenir un. C'était d'ailleurs ce qui l'avait fait atterrir en retenue ce vendredi soir.

— Et ces jours-ci, il faut avouer que mon ascendance est un peu plus dangereuse à avoir que la tienne, ajouta Lily.

À cela, Sirius releva la tête avec un sourire amer.

— Tu crois ? demanda-t-il. Tu crois honnêtement que les Mangemorts ne sont pas un danger pour moi ? Tu sais, si mon père se trouvait ici, maintenant, je ne suis même pas certain de qui recevrait le premier Impardonnable : toi ou moi.

Ce fut au tour de Lily de baisser la tête, honteuse, en se mordant la lèvre. Un silence plana dans la salle de classe pendant plusieurs moments, avant que Sirius ne le brise d'un petit rire.

— On est beaux, non ? La sorcière d'ascendance moldue et le Gryffondor d'ascendance Serpentard.

Lily se permit de rire à son tour, et la tension qui s'était installée fut rompue. Elle reprit son journal et jeta un regard sévère à Sirius.

— Bon, termine ta retenue, qu'on puisse remonter.
— Roh, Evans, t'es pas possible, maugréa-t-il. Après ce petit moment de cœur à cœur, tu pourrais abréger ma retenue, non ?

Lily éclata de rire.

— Cent lignes, Black, dit-elle, les yeux pétillants. Ce n'est pas négociable.