« Naruto ? »
Naruto acquiesça d'un hochement de tête tout en fourrant négligemment le contenu de sa valise dans son tiroir. Celui du prénommé Sabaku Gaara était impeccablement rangé. Non, il n'avait pas fouillé, il l'avait juste ouvert par mégarde. Quoique qu'en dise son tout fraîchement acquis colocataire. Quelque chose dans le regard noir qu'il lui avait adressé lui avait appris au moins une chose : Cette année allait être longue.
« Pas courant. »
Naruto ferma le tiroir un peu trop rageusement."Comme si son prénom était plus courant", songea-t-il. Argument non recevable. Gaara n'avait pas un nom de poisson au moins.
« Ma mère aimait les ramens. Moi aussi d'ailleurs, répondit-il finalement, se laissant tomber mollement sur son lit. Moelleux.
- … »
Voyant que son colocataire n'avait pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit, il s'étira avec satisfaction et contempla le plafond avec un sourire paresseux scotché sur les lèvres. Oh le bonheur d'être enfin affalé sur une surface molle. Très molle. Parfaitement molle même. Oui, à présent tout était parfait, abstraction faite du colocataire lui tapant déjà sur le système.
Il avait sué pour obtenir cette tranquillité.
Le programme de cette journée avait été planifié de façon concrète, claire, précise. Levé aux aurores, Naruto devait faire sa valise, prendre le bus de six heures quarante-trois, puis le RER de sept heures dix, et enfin arriver à la gare pour attraper le train de huit heures trente.
Première erreur, l'aurore ne l'avait pas attendu. Le bus non plus. Le RER non plus. Le RER aurait pu faire un effort. Il avait couru plus vite qu'un condamné à mort en fuite et était arrivé seulement une minute avant que ce dernier ne ferme ses portes. Oh la haine qu'il avait ressenti envers tous ces gens confortablement assis dans le wagon. Il y avait même un type qui sirotait un café. Il sirotait un café !
Bref, Naruto avait eu le RER de sept heures vingt-trois. L'espoir n'était pas encore mort. Plus ou moins dans le coma.
Il était arrivé à la gare à huit heures vingt-cinq pour s'apercevoir, après avoir vidé le contenu de sa valise sur le quai, boxers oranges inclus, qu'il avait oublié son billet. Ou l'avait perdu. Ce qui peut arriver quand on court tout le trajet de son appartement à la gare RER avec une valise à moitié ouverte. PARFAIT.
Personne, à part celui qui a vécu un drame aussi cruel, ne peut savoir le sentiment qu'il avait ressenti à voir son train démarrer innocemment, à l'heure, sans lui. Même sans être en retard, il avait réussi à louper son dernier moyen de transport. Qu'il était tentant alors de s'emparer du sifflet de cet agent de gare et de le lui faire avaler. Puis vomir. Puis de le jeter sur le quai. Puis de réitérer l'opération jusqu'à ce que le calme ait regagné son âme.
Le prochain train n'était arrivé que quatre heures plus tard. A cause de la grève. Et de la neige. Depuis quand la neige s'invitait-elle en octobre d'ailleurs ?
« Foutu réchauffement climatique ! » avait-il beuglé dans le hall de la gare, s'attirant quelque regards circonspects. Non, plutôt inquiets. Les gens n'aiment pas trop les malades mentaux.
Ces quatre heures d'errance dans la gare, bien entendu non chauffée, s'étaient avérées particulièrement éprouvantes. Il n'avait pas eu le temps de fourrer de livres dans sa valise en partant et avait littéralement brisé en deux son casque audio en fraudant à la sortie du RER. En sautant par-dessus le tourniquet, le fil du casque s'y était empêtré, entraînant l'inévitable mort du dit casque. En somme, au lieu de payer un euros soixante-dix pour le ticket de métro, il en avait payé quatorze, prix du casque.
Il lui avait fallu une heure avant d'avoir la lumineuse idée de faire tenir ensemble les deux bouts du casque avec l'élastique de sa boîte à sandwich. Aimablement préparé par sa grand-mère. Qui n'avait rien d'une grand-mère d'ailleurs. Oh les joies de la chirurgie esthétique.
Il lui avait fallu une demi-heure de plus avant d'y parvenir. Dix minutes plus tard, la batterie de son mp3(orange) tombait à plat.
Il avait finalement attendu les deux heures restantes recroquevillé sur un banc et grelottant de froid face à deux SDF hilares. Ils étaient tellement insoutenables que Naruto n'avait pas réussi à reporter la pitié qu'il éprouvait pour lui-même sur leur condition de sans-abri. Grand bien leur face en l'occurrence.
Une fois le train arrivé, son cauchemar n'était pas fini. La neige, la grève, peut importe, avait retardé le dit train et l'avait fait rater sa correspondance. C'est-à-dire deux heures d'attente de plus dans une autre gare.
Il avait fini par arriver, ensuqué, glacé, et parcouru de frissonnements de haine envers l'humanité toute entière, avec un bonus d'aversion profonde et violente pour la RATP, SNCF, et son personnel. (Combien de fois avait-il entendu le charmant message « La RATP et son personnel vous demande de bien vouloir les excuser pour la gêne occasionnée », « La SNCF et son personnel vous souhaite un agréable voyage ». Agréable voyage, mon cul)
En temps normal, Naruto aurait été horrifié, mais la vue qui s'offrit à lui lorsque le taxi le déposa lui fut extraordinairement plaisante.
Welcome to Fronteney.
Le Trou du Cul du Monde.
Pardonnez le vocabulaire charretier d'un jeune de dix-sept ans.
Naruto était le type de personne urbaine. Pourtant étant donné ce que la vie en société lui avait apporté depuis son réveil en cette merveilleuse journée, l'absence complète d'être vivant et le paysage de champs s'étendant à perte de vue lui avait donné envie de se laisser tomber à genoux et d'embrasser le sol en pleurant : « Terre, terre ! »
De toute façon, personne n'aurait été là pour témoigner de cette occasionnelle perte de dignité.
A part cette vache, qui broutait à côté.
Il avait donc finit par rassembler ses esprits et sa dernière once de volonté pour s'approcher de la plus proche maison, un peu trop grande pour être une maison, donc plutôt ferme, et avait frappé avec hésitation, après avoir constaté qu'il n'y avait pas de sonnette.
Jusqu'au allaient-ils pousser l'archaïsme ?
Un vieil homme moustachu, en gaussé dans une salopette terreuse et brandissant un poulet mort à la main lui avait ouvert. Pendant un instant Naruto était resté bouche bée face à la ressemblance entre le paysan tel qu'il était décrit ou illustré et le vrai. Terrifiant.
Il y avait demandé où se trouvait le pensionnat de Fronteney, ne prenant pas la peine de préciser lequel. Honnêtement, rien qu'à voir le manque de vie dans les parages, envisager qu'il y en ai seulement un relevait déjà du miracle. Mais bon, après tout, le but du pensionnat est d'inciter les jeunes à bosser. Un chose était sûre, Naruto n'allait pas être étouffé par les distractions.
Le paysan lui avait indiqué le château du doigt, sans cesser de plumer son poulet puis lui avait adressé un bref salut de la tête et battu retraite dans sa ferme.
Tout d'abord, Naruto avait senti l'excitation s'emparer de tout son être. Un château, un énorme château, avec des tours ! (oui oui Naruto, un château avec des tours) Imposant, majestueux et se dressant avec fierté sur la plus haute colline !…Trente seconde, se dressant avec fierté sur la plus haute colline ?
La plus haute colline ?
Dieu avait raté Naruto et tout le monde déteste rater ses créations. Alors il se vengeait, quoi de plus normal en vérité ?
Naruto avait entrepris l'ascension du village, puis l'ayant dépassé, de la forêt, rampant presque et manquant de finir les quatre fers en l'air à chaque pas. Maudit verglas. Maudit pays. Maudit monde.
« Sale réchauffement climatique !!! » avait-il crié à nouveau. L'écho de sa voix s'était répercuté au loin, lui renvoyant à la face sa triste solitude. Il aurait donné n'importe quoi pour un compagnon. Inanimé de préférence. Un lit par exemple. Quoiqu'une voiture semblait plus utile en l'occurrence. A part si le lit était muni de beaucoup, beaucoup de couettes.
Rester deux heures a tergiverser peut redonner des forces mais quand il gèle, ça à plutôt l'effet inverse. Il avait fallu à Naruto toute la volonté du monde pour refaire fonctionner ses membres et recommencer à se traîner lamentablement, avec, ne l'oublions pas, sa valise menaçant dans l'entraîner vers le bas. Démone.
Mais pourtant comme on dit « lentement mais sûrement », il avait bien finit par arriver. A minuit passé, certes, mais il préférait ne pas même y penser.
Un instant l'envie de se laisser tomber là lui avait effleuré l'esprit. Avec un peu de chance, il se réveillerait dans un lit chaud, une infirmière au décolleté provoquant penchée sur lui, aux petits soins. Non, réflexion faîte, ce genre de trucs n'arrivaient que dans les romans. Et avec des auteurs assez conciliants. Avec un profond soupir, il s'était forcé à marcher d'un pas tremblant jusqu'à la massive porte ( pas un pont levis tout de même, n'exagérons rien) et était resté planté devant, dubitatif.
Il semblait ridicule de frapper sur une porte aussi immense, et donc sûrement épaisse. Pour avoir la moindre chance d'être entendu, il aurait fallu qu'il cogne sur le bois jusqu'à s'en casser les jointures. Miam. D'autant plus que tout le monde devait dormir à cette heure.
Il avait donc abaissé la poignée, sans grand espoir étant donné la chance miraculeuse qu'il avait eut jusqu'ici, et poussé sur la porte. Cette dernière s'était ouverte dans un grincement sonore. Quel genre de château est aussi facile d'accès ? Le mythe du fier château fort était tombé en poussière dans l'esprit de Naruto.
Après avoir erré comme une âme en peine pendant bien une demi-heure, il avait finit par tomber sur une bonne sœur (qui par on ne sait quel miracle était encore réveillée) qui lui avait demandé de la suivre jusqu'au dortoir, lui intimant de garder le silence. Elle lui avait lancé un regard noir, confirmant ses soupçons : C'était bien lui qui avait réveillé cette charmante demoiselle.
Après avoir escaladé une volée de marches, elle l'avait largué dans un couloir sombre sans autre indication que : « La chambre du fond est la vôtre. Bonne nuit »
Naruto n'avait jamais beaucoup aimé les endroits sombres, et ce couloir était, en plus d'être plongé dans l'obscurité, froid et glauque. Puis c'était le couloir d'un château fort. Et il était minuit. Ce qui en soit suffisait largement à faire se dresser les poils de sa nuque.
A tâtons, car la peu aimable créature qui l'avait accompagné jusqu'ici n'avait pas daigné lui laisser ne serait-ce qu'une bougie, Naruto avait commencé son périple vers le bout du couloir. Périple plutôt chaotique si on considérait le nombre de fois où un petit bruit quelconque l'avait fait bondir de quelque mètres. De bonds en bonds, il avait finit par arriver au mur du fond.
Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte de sa futur chambre, celle de la chambre opposé s'était ouverte lentement, dans un grincement morbide. C'est à la limite de la crise cardiaque qu'il avait vu s'extirper des ténèbres une figure élastique dont seules les dents blanches étaient visibles.
Le hurlement de Naruto avait réveillé tout le dortoir, si ce n'était pas déjà chose faîte.
« Mon ami, bienvenue à la pension de Fronteney ! C'est pour moi une joie immense de faire ta connaissance et je me réjouis à l'avance de passer ces quelques années de ma jeunesse en ta compagnie. Mon nom est Lee. Rock Lee ! »
Naruto se sentit vraiment réjouis à une telle perspective. Vraiment.
Lui brandissant le faisceau de sa lampe de poche en plein visage, le dénommé Rock Lee avait entrepris de lui arracher la main dans un salut fraternel et plein de vigueur.
« Ta gueule Lee ! »
Le cri était venu de l'autre bout du couloir, proféré par une voix endolorie de sommeil. Lee avait illuminé le couloir pour voir de qui il s'agissait, mais la dite personne n'avait pas pris la peine de sortir de ses couettes.
« Kiba ? Le nouveau venu est arrivé ! Je le sens plein de joie de vivre ! » avait piaillé Lee de plus belle.
- Ta gueule Lee ! »
Le dortoir entier s'y était mis et Naruto avait songé qu'étouffer Lee était sûrement la meilleure option. De plus, qui dormait dans un pyjama vert moulant ?
Il n'avait pas eu le temps de réfléchir plus longuement car une main l'avait agrippé par le col du T-shirt et tiré brusquement dans sa chambre. Avant qu'il n'ai eu le temps d'appeler au secours, il s'était retrouvé à nouveau plongé dans les ténèbres et jeté sans ménagement sur un lit.
C'est donc à la suite de cet insensé périple que Naruto avait finalement fini par accéder à un lit. Il avait encore failli être décapité pour avoir allumé la lumière et manqué de mourir de peur en sentant l'aura maléfique de son colocataire, mais tout cela était à présent du passé ( passé proche, certes).
De plus si Gaara était inquiétant et muni d'un regard meurtrier semblant dire « Je vais te faire brûler vif puis je mangerai ta chair au clair de lune en invoquant des dieux païens » à quiconque se tenait dans un radius de 20 mètres de lui, il ne semblait pas offensif. Menaçant. Pas offensif. Pas encore du moins.
Réalisant qu'il n'avait pas éteint la lumière, Naruto se redressa sur son lit et se mit péniblement en chemin vers l'interrupteur. Il se retourna vers Gaara pour avoir son assentiment, lui offrant son plus craquant sourire coupable.
« Encore désolé de t'avoir réveillé, hein, fit-il sur un ton qui se voulait penaud.
Gaara se contenta de lever un sourcil et de le fixer d'un air désintéressé.
« Je ne dormais pas »
Naruto observa son colocataire assis en tailleur sur son matelas et lui lança un regard dubitatif.
« Dans le noir ?
- Oui. J'aime l'obscurité », répondit Gaara avant de reporter son attention sur le mur.
Il semblait fasciné par le mur. Il faudrait que Naruto demande à être présenté à ce silencieux compagnon, un de ces quatre. Décidant que l'amour de son colocataire pour le mur et les ténèbres ne devait pas l'alarmer outre mesure, Naruto poussa l'interrupteur et réintégra la chaleur de son lit.
Avant de sombrer dans le sommeil, il eut un frisson d'inquiétude à la pensée que son insomniaque de camarade de chambre avait peut-être une vision nocturne et était auquel cas sûrement en train de le fixer, élaborant toute sorte de façon de le trucider.
Un meurtre sanglant et sordide à souhait.
OoO
Voilà pour le prologue ! J'attends les reviews pour savoir si ça vaut le coup que je poste à la suite (et commence à écrire la suite de la suite..Et oui, j'ai un besoin vital de motivation ! Il ne m'en faudra pas beaucoup, vu comme j'adore torturer les petits personnages de Kishimoto héhé)
Ciao :D
