CHAPITRE PREMIER
Harry,
monde sans Voldemort.
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A chaque veille de rentrée, Harry ne dormait que très peu. Des pensées fusaient puis se bousculaient dans sa tête avec force, si bien qu'il ne parvenait pas à trouver le sommeil et qu'il se retrouvait à dormir seulement trois ou quatre heures. Et cette année, ses pensées étaient plus mouvementées encore que les précédentes.
A chaque veille de rentrer, Harry était debout à la seconde même où il était raisonnable de se lever. Cette rentrée débutait déjà par une exception.
Lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit en grinçant et que la lumière du couloir pénétra doucement dans sa chambre, Harry ne le remarqua pas. Il y était pourtant très sensible d'habitude, événements particuliers ou non. Il ne fit pas non plus attention aux talons qui claquèrent sur le sol, ni au bruit des rideaux qu'une main à la manucure impeccable fit glisser sur le côté, afin d'ouvrir la fenêtre et de laisser entrer un air particulièrement frais.
Le dos d'une main se posa contre son front, comme pour contrôler sa température, puis se déplaça sur sa joue droite. Le contact de cette peau étrangère le réveilla, sans pour autant lui faire ouvrir les yeux. Il soupira et se retourna pour enfouir son visage dans son coussin.
– Debout, mon ange, souffla Lily en passant une main réconfortante dans les cheveux de son fils. Je pensais que tu étais déjà en train de te préparer.
Face au mutisme du jeune sorcier, elle se pencha et lui murmura à l'oreille que Sirius était dans le salon. Elle pensait que la présence de son parrain allait le faire réagir, pourtant Harry restait toujours immobile et silencieux. Elle se mordit la lèvre et s'assit sur le bord du lit.
Sa main caressait à présent son dos avec tendresse.
Elle ouvrit la bouche et la referma immédiatement. Finalement, elle lança d'une voix ferme :
– Tu peux rester caché ici si tu veux. Tu sais à quel point cela me plairait de te garder à mes côtés toute l'année. Seulement.. ce n'est pas en fuyant tes problèmes qu'ils s'arrangeront. En as-tu conscience?
– Je n'ai pas de problèmes, maugréa-t-il.
– C'est en effet également ce que je pense. Je suis persuadée que tu te fais du soucis pour rien.
– Je ne me fais pas de soucis. Et ne t'avise pas de prononcer à voix haute ce que tu es en train de penser à présent. Je ne veux surtout pas l'entendre, ni en discuter.
Lily le regarda longuement en fronçant les sourcils. Après quelques secondes silencieuses, elle prit la parole en se mettant debout.
– Très bien. Je n'ajouterais rien de plus, si ce n'est que tu dois te préparer maintenant car le Poudlard Express ne t'attendra pas, Harry James Potter. Et cela fait deux mois que tu n'as pas vu ton parrain.. Je suis sûre que tu meurs d'envie d'aller le retrouver.
Harry se tourna. Deux paires d'yeux parfaitement identiques se regardèrent avec intensité. Lily finit par sourire tristement. Elle se baissa et posa ses lèvres sur le front de son fils avant de quitter la pièce en refermant la porte derrière elle.
Même si elle savait que Harry se faisait très certainement des montagnes de ce qui, au fond, n'était sûrement pas si grave que ça, elle peinait de le voir dans cet état.
James et Sirius entretenaient une conversation très animée avant que la jeune femme ne les interrompe en faisant son entrée. Les sourcils haussés, les deux hommes l'observèrent comme s'ils s'attendaient à voir Harry surgir de sa poche en criant «surprise!» avant de s'évanouir dans l'atmosphère et atterrir à côté d'eux sur le canapé.
– Où est le môme? demanda finalement Sirius, puisque Lily ne semblait pas décider à parler la première.
– Il dormait encore lorsque je suis montée le voir.
– Est-il malade? s'inquiéta James qui était déjà prêt à conduire son fils à St Mangouste.
Lily se contenta de secouer la tête.
– Ce n'est pas normal, continua-t-il. D'habitude, il est réveillé avant tout le monde dans la maison et on se retrouve à être pratiquement dans les premiers sur le quai de la gare. Que lui arrive-t-il?
– Est-ce que ça a à voir avec...
Lily fit taire Sirius d'un geste de la main en voyant Harry entrer dans le salon. S'il lui avait demandé de ne pas approfondir le fil de ses pensées un peu plus tôt, c'était parce qu'il n'avait clairement pas envie d'aborder le sujet. Il réglerait ses problèmes lorsqu'il se trouverait face à eux et cela ne regardait pas son entourage.
Harry laissa sa valise près du canapé et alla s'asseoir à côté de Sirius. Il ne lui adressa qu'un faible regard, ce qui déstabilisa légèrement son parrain.
– Tu m'as manqué, Harry, je suis heureux de te voir.
– Toi aussi, lui répondit doucement le sorcier.
Sirius lança un regard à James, comme s'il cherchait son aide.
– Tu veux un biscuit? demanda finalement Sirius en tendant une assiette vers son filleul.
– Je n'ai pas faim, merci.
L'animagus se racla la gorge. Il avait l'impression de ressembler à Minerva McGonagall avec ses biscuits. La différence entre ceux-là et ceux du professeur de métamorphose, était au moins qu'ils sentaient bons (et qu'ils l'étaient!). Une si douce odeur de citron émanait d'eux que Sirius en prit encore un.
– Tu sais, sourit-il entre deux bouchées, la sixième année a de loin été la meilleure à mes yeux.
– Tu lui dis ça chaque année, pouffa une voix derrière eux.
Regulus et Severus avaient fait leur entrée avec un énorme carton qu'ils poussaient devant eux.
Sirius leva les yeux au ciel.
– Tu as raison, mon cher frère. En réalité, mes meilleures années à Poudlard ont été celles où tu n'y étais pas encore.
Intrigué et suspicieux, Harry se leva en croisant les bras sur sa poitrine.
– Qu'est-ce que vous fabriquez? Qu'y-a-t-il là-dedans?
Son père lui fit un clin-d'œil :
– On tenait tous à te faire une surprise! C'est quelque chose qui devrait te rendre le sourire. Va donc voir par toi-même. Regulus s'est levé tôt pour aller la récupérer sur le chemin de traverse.
– Ce qui en soit est un exploit, sourit Sirius qui marchait vers son frère. «Regulus» et «s'est levé tôt» dans une même phrase est assez inhabituel.
Une fois à sa hauteur, il passa un bras sur ses épaules et d'un geste de tête, il incita Harry à déballer le paquet.
Pendant que leur fils se battait avec de nombreux morceaux de scotchs, James et Lily s'approchèrent de Severus. La jeune femme embrassa la joue de son ami et James lui fit un brève accolade.
– Et toi, qu'est-ce qui t'amène? lui demanda-t-il en lui tapotant le dos.
– Accumuler deux matières me donnent que très peu de temps libre. Ce qui ne me dérange pas, au fond, puisque j'aime me perdre dans mon travail. Comme nous ne pourrions pas nous revoir avant noël, je suis venu vous dire au revoir avant de partir.
– Severus… souffla Lily. C'est la rentrée..
Le professeur haussa les sourcils.
– En effet, répondit-il avec un sourire en coin.
– C'est la rentrée et tu n'as toujours pas été mis au courant..
– Au courant de quoi, demanda James?
Lily adressa furtivement un coup d'œil à Sirius.
– Dumbledore abuse, maugréa-t-il.
Les bras croisés sur sa poitrine et les lèvres plissées, Severus fixait tour à tour Lily et Sirius. Un gémissement de Harry le fit sortir un instant de ses pensées. Il jeta un regard vers son élève qui trépignait sur place avec une bouche grande ouverte.
– Tu n'as jamais vu de hibou, Potter?
– Ce n'est pas n'importe quel hibou! C'est mon hibou! J'ai toujours rêvé d'en avoir un à moi!
– Si cela lui tenait à ce point à cœur d'en avoir un, vous auriez pu lui offrir avant.
– Nous ne faisons pas la politique de l'école. Il avait déjà un chat et ne pouvait pas emmener deux animaux avec lui.
– Cela va faire deux ans qu'il est mort, ce foutu sac à puces.
– Nous ne voulions pas le remplacer trop tôt.
Severus leva les yeux au ciel et observa un instant son élève, dont le hibou était à présent en train de voler dans toute la pièce. Il devait avouer qu'il s'agissait d'une belle bête. Harry semblait heureux et souriait pour la première fois depuis qu'il était entré dans la maison.
Severus avait été distrait quelques minutes, mais son attention se tourna de nouveau vers ce que Lily et Sirius savaient et que lui ignorait. Il leur saisi le bras et les entraîna plus loin.
– Que se passe-t-il? Qu'est-ce que Dumbledore aurait dû me dire et que visiblement, il n'a pas fait?
Lily grimaça et pressa ses doigts entre les siens.
– Quelqu'un d'autre que toi va s'occuper du poste de défense contre les forces du mal, cette année.
Le sol semblait s'ouvrir sous les pieds de Severus. Ses poings se serrèrent, ses jointures devinrent blanches mais son visage était toujours parfaitement neutre et stoïque.
– Qu'est-ce que vous êtes en train de me raconter? S'il y avait une matière que je pouvais céder, c'était celle de potion. L'autre… c'est.. la mienne. Je suis professeur pour enseigner à mes élèves comment se défendre contre les forces du mal.
– Je suis désolée, Severus..
Il coupa son amie d'un geste de la main.
– Comment êtes-vous au courant? Et..
Il s'arrêta et leva les yeux au ciel.
– Bien sûr.. reprit-il. C'est donc pour ça qu'on ne l'a pas vu de tout l'été. Il préparait ses cours, n'est-ce pas? Aucun de vous n'a jugé bon de m'en parler.. Je n'en reviens pas..
– Il nous a demandé de ne rien te dire. Ce n'est pas de notre faute, ni la sienne. Dumbledore aurait dû te mettre au courant depuis longtemps. Peter et James ne le savent même pas.
– Oh. Vous avez eu la décence de ne pas m'humilier en faisant en sorte que la terre entière n'apprenne pas que j'allais perdre mon poste, pendant que moi je ne me doutais de rien. Je dois vous remercier pour ça? Vous voulez peut-être qu'un sort d'applaudissement vous accompagne durant toute la journée?
– S'il-te-plaît.. c'est une immense faveur que Dumbledore lui fait. Personne ne veut embaucher un lycanthrope. Cela lui ouvrira certainement des portes et..
– C'est mon métier, le coupa-t-il.
– Je comprends ta réaction mais essaie de te mettre aussi à sa place. Il ne pouvait pas refuser la proposition de Dumbledore et personnellement je trouve que c'est une bonne chose, pour lui autant que pour toi. Tu auras plus de temps libre.
Du temps libre. Un léger rire s'échappa de la gorge de Severus. Il foudroya un instant son amie du regard, avant de soupirer.
Une chaussette apparu alors sur son visage.
– Potter, grommela-t-il en s'en débarrassant.
Il observa le tissu noir tombé à ses pieds. Le rire de James éclata alors et un bras serra les épaules de Severus. D'un coup de baguette, le professeur fit disparaître la chaussette sale et repoussa l'individu du plat de la main.
– Qu'est-ce qui te prend? M'as-tu pris pour un elfe de maison?
Le rire de James redoubla.
– Je te trouvais bien tendu, mon ami. Il fallait que j'intervienne. J'espère que tu n'as pas fait disparaître définitivement ma chaussette. C'est une des dernières qui est susceptible de former une paire avec une autre et Lily a dit que lorsqu'elles seraient toutes célibataires, je le deviendrai aussi.
– Ne t'inquiète pas, ton mariage est en sécurité. Je l'ai envoyé dans ton linge salle.
Il sourit brièvement à James avant de se retourner dans un claquement de cape.
– J'y vais, continua-t-il. Je veux vérifier que tout soit en ordre avant l'arrivée des premières années.
Il adressa un regard à Harry, en le saluant d'un signe de tête.
– On se revoit à Poudlard.
– Oui, à tout à l'heure, lui répondit l'adolescent.
