Note de l'auteur : Le titre vient d'une chanson d'Hubert-Felix Thiéfaine, « Juste une valse noire », mais fait aussi référence à la chanson de Radiohead intitulée « Wolf at the door ». Quant aux personnages, ils appartiennent à J.K. Rowling, même si j'ai tendance à un peu fantasmer leurs réactions parfois !


SEVERUS

Aujourd'hui encore il s'est moqué de moi et à chaque fois qu'il le fait, je me sens envahi autant de haine que de fièvre. Rude journée, une de plus, mais maintenant que la nuit est tombée, je me sens à l'abri. C'est comme si l'obscurité avait le pouvoir de me protéger, de me cacher dans sa noirceur pour que tout le monde m'oublie, que j'arrive un peu à m'oublier, moi aussi. Faute de pouvoir t'oublier. Car tu es là dans la bibliothèque à présent déserte. Lupin et Black viennent de partir. Pettigrow s'est mystérieusement évaporé. Alors nous sommes seuls Potter, toi et moi.

Qui es-tu Potter? Ce garçon plus beau, plus brillant que moi. On dirait que le soleil n'est né que pour éclairer ton visage. Pff.. Je crois que je te déteste, je te jalouse à l'excès, jusqu'à la fascination. Potter, moi, contrairement à toi, je n'ai jamais voulu que les regards se portent sur moi, tu m'as appris à détester ça aussi.

"Tu es un enfant de l'ombre Severus. Tu n'es pas fait pour être aimé. Tu es fait pour pleurer." Elle me répétait toujours ça, c'était comme une comptine pour m'endormir.

Cela fait quatre ans que je te suis et si tu m'as appris la haine du regard des autres, tu m'as surtout appris l'envie du tien, posé sur moi. Au bout de tout ce temps, moi, je n'en ai pas assez de te regarder. Je suis toujours autant fasciné par cette audace, cette désinvolture qui émane de ton être.

Je devrais peut-être partir avant que tu ne me voies. Quand les autres sont là, je sais comment tu vas agir ; j'essaye de deviner à la façon dont tu t'avances vers moi quels sont les mots que tu vas trouver pour me faire du mal. Quel geste, quelle raillerie? Sais-tu seulement que cette douleur me grise, que je ne vis que pour elle? Ah! Ah! James Potter...

Mais là, nous sommes seuls, j'ai peur, pourquoi ; qu'est-ce que je crains, au juste? Il faut que je parte, mais j'ai bien plus envie de rester là, pour une fois seulement, laisse-moi goûter cette joie solitaire. Seul, je suis silencieux. Est-ce la cause ou la conséquence de mon isolement au milieu des Serpentard?

J'aime entendre la voix de Pettigrow quand il t'annonce fièrement qu'il m'a trouvé. De quoi se vante-t-il, cet imbécile? Je suis bien rarement loin de toi. Cette voix annonce le moment où tes yeux vont se poser sur moi, entrer en moi. Sais-tu Potter que tu es le seul à me regarder si droit dans les yeux? Je veux y lire ce mépris, qui est si vrai, si sincère, que je mérite tant. Potter, c'est par ton seul regard que j'existe, toi qui saisis la réalité de mon existence, merci... Non! J'ai fait tomber un livre, tu m'as entendu. Je tremblais vraiment si fort que ça?

Tu t'approches de mon allée. Heu, je pourrais prendre un livre, heu... "Sorts pour dissimuler sa présence"... oui, il me semble bien indiqué. J'aurais dû partir quand je le pouvais encore, je savais que j'aurais dû partir.

Il faut que je le regarde. Sinon, il va croire que je sais que c'est lui qui approche, il saura que je ne suis resté que pour lui. C'est si dur de garder mon air dédaigneux quand tu me regardes. Mais je me réjouis pour une fois, tes copains ne souilleront pas cet instant de leurs rires, de l'air attristé de Lupin. Toi, tu n'as pas pitié de moi, je sais... merci. Seul ton mépris m'intéresse, celui où je lis ce désir, non de ridiculiser, mais de dominer. Je ne sais pas depuis quand j'ai ce genre de sentiment, mais depuis que je te connais il est suffisamment fort pour faire battre mon coeur. Alors c'est toi mon bourreau, celui rien que pour moi.

Et si, loin des regards des autres, tu venais pour t'excuser... cesse de battre si fort mon coeur... non! Heureusement, tu arbores ta moue méprisante des grands jours. Je suis content, tu me regardes, tu t'approches. J'aime cette démarche nonchalante, désinvolte avec laquelle tu évolues. Tu as tellement grandi depuis la première fois où je t'ai vu. Tu n'as plus vraiment l'air d'un enfant. Tu avances fermement... vers moi.

Alors... "Sort pour devenir invisible"... non pour rien au monde je ne disparaîtrais maintenant. Je n'attends que toi... je sens ton souffle dans mes cheveux, il est si chaud, alors c'est ça frôler quelqu'un. C'est agréable...un contact avec quelqu'un d'autre qui n'est pas douloureux.

Aïe! Tu me fais mal, lâche mes poignets! Non je ne prononcerai pas ces mots. Pas de mots maintenant. Pourquoi m'as-tu plaqué si violemment contre cette étagère?

Oh! James, sais-tu que de si près, je vois mon propre reflet dans tes yeux? Peut-être est-ce parce que je sens mes yeux s'emplir de larmes. Si ça continue, je ne verrai plus rien. Je veux voir. Je sens une rage monter en moi. Etre prisonnier, n'est-ce pas ce que j'attends depuis tout ce temps, que tu daignes enfin me réduire à l'état de vassal, moi qui ne suis que ton bouffon. Mes joues rougissent, je sens la chaleur les envahir, mais je te regarde fièrement. Est-ce pour cela que tu souris, avec un air... amusé, un air presque gentil. Non, pas ce regard...

« Que veux-tu Potter? Il n'y plus personne à faire rire de moi, à cette heure-ci. Désolé tu as dépassé l'heure des humiliations ouvrables. »

Comme ce que je dis est bête parfois, mais comprends-moi, j'ai peur, pardonne-moi, je ne sais plus, au secours, maman... papa...

Ton visage se ferme à nouveau, ton sourire redevient méprisant :

« Et toi, qu'est-ce que tu veux, Servilo? »

Ce que je veux: que tes mains restent ainsi posées sur mon corps, jusqu'à la fin des temps...

« Lâche-moi. »

Tu relâches la pression autour de mes poignets. Qu'est-ce que j'ai dit, je ne sais plus. Mon coeur bat trop vite, j'ai envie de vomir. Je ne sais plus...

« Dommage, je croyais que quelque part on se comprenait. »

On dirait presque un air déçu qui se dessine sur ton visage. Tu t'éloignes... à côté de moi. Alors maintenant nos yeux ne sont plus les uns dans les autres. Ils regardent les livres en face. Lequel regardes-tu, je veux voir la même couverture que toi.

« Va-t-en... »

Je n'obéis pas. Parce que je ne suis pas d'une nature obéissante. Parce que "Tu ne fais jamais ce qu'il faut!!! Tu n'es vraiment bon à rien!!!" Papa, arrête de crier, pas maintenant. Parfois c'est dur de savoir comment réagir. Je ne suis pas un mauvais garçon. Je veux juste rester un peu plus longtemps comme ça près de lui, parce que là, je ne suis plus tout seul, je voudrais qu'il y ait encore une seconde comme ça, puis encore une. Je voudrais, en plus, te regarder.

Tu sais tes cheveux sont ébouriffés, j'aime bien quand ils sont comme ça. Tu as le visage tendu. A quoi songes-tu Potter? Tu croises mon regard. Pourquoi as-tu l'ait si énervé tout d'un coup. Tu reposes ton regard dégoûté sur moi. Alors, tu t'en vas...merci, tu sais moi ces secondes, je les ai trouvées belles.

Mes jambes tremblent, je ne peux plus tenir debout, je ne comprends pas j'ai mal aux narines, à la tête. Pourquoi tes mains ne sont plus posées sur mon corps, j'aurai voulu que tu me broies, une bonne fois pour toutes. Je tombe, je glisse. Aïe, j'ai encore plus mal que tout à l'heure. Quand tes mains me faisaient mal. Maintenant, je souffre parce que ton corps est loin, ça fait beaucoup plus mal, au ventre, là dans la poitrine. Tout mon corps est secoué de sanglots, j'ai mal partout, ma tête va exploser. Mais pourquoi, pourquoi, est-ce que mes joues restent sèches?

oOo

JAMES

Severus, ce n'est pas un drôle de prénom, ça? Je ne sais pas vraiment si ça m'amuse pourtant. Je crois que Severus Snape ne me fait pas trop rigoler. Enfin d'une certaine façon, mais qui n'est peut-être pas la meilleur. Hum... Quelle intuition James...

Je sais que tu es là Servilo, c'est là seule raison pour laquelle je suis encore dans cette bibliothèque. Marre de travailler. Remus et Sirius sont partis faire un tour, moi j'en profite pour être un peu seul... avec toi.

Tu es vraiment silencieux, un vrai serpent. Mais je sens ta présence, je l'aime, enfin elle m'excite... Les autres rigolent bien quand ils te voient t'énerver. Moi je rigole, parce qu'au fond, je jubile, je sens une flamme. C'est vraiment ce que je ressens. Pourquoi est-ce que te voir, me fait monter cette chaleur dans le ventre, dans les joues? Je crois que je déteste ce sentiment, je le trouve trop trouble. Alors parfois, je te laisse en paix, mais c'est plus fort que moi. Je suis forcé de revenir et quand je le fais, je me déteste, je me trouve faible... un instant. Car quand je lis la détresse dans ton regard, je me sens incroyablement fort, Severus.

Cette puissance me grise. Il y a dans tes yeux comme une peur diffuse. Parfois c'est comme si tu craignais que je fasse mal, que je t'humilie, mais parfois c'est comme si tu craignais que je ne le fasse pas. C'est horrible ce que je dis. Pardon. Pourquoi est-ce que je ne peux pas m'empêcher de ressentir des sentiments si mauvais? Je ne crois pas que je suis méchant. J'aime les gens et j'aime être aimé par les gens. Alors pourquoi je ne t'aime pas, toi? Pourquoi quand je suis avec toi, je me sens aussi terrifié, aussi exalté. Le contraire de la plénitude, oui c'est ça, rien à voir avec ce que je sens quand je suis avec Sirius ou avec Lily.

Lily, parfois, je crois qu'elle m'aime bien, et puis parfois quand elle me regarde, je vois sur son visage... presque un dégoût. Je ne le mérite pas, enfin je crois. Parce que ce que je ressens pour elle, c'est très pur... quel mot idiot et ridicule, mais je n'en trouve pas de meilleur. J'aimerais bien lui dire, parfois, et puis parfois, je me dis qu'elle se ferait un plaisir de me rire au nez. Peut-être qu'elle sait cette noirceur que j'ai en moi, celle que tu réveilles, Severus, à chaque fois que je t'ai en face de moi... ou quand tu es à côté... ou quand je sens que tu n'es pas loin... Si c'est à cause de toi qu'elle me méprise, je te déteste encore plus.

Pourquoi me rends-tu fou à ce point? J'aime qu'on me regarde, mais surtout j'aime m'amuser, être avec mes amis et profiter du moment présent. Etre heureux tout simplement. Quand tu es là, tout devient plus complexe, Je ne sens pas en moi un plaisir, c'est une souffrance, un désir... de puissance. Je me sens fort parce que tu es à ma merci. J'aime cette expression. Je vois bien que tu ne peux pas t'en sortir, que ce jeu qui nous lie est autant le mien que le tien. Dominer quelqu'un, voir que cette domination est ce que cet autre désire, c'est beaucoup trop enivrant. Est-ce si cruel de vouloir dominer entièrement quelqu'un? En fait je crois que oui. C'est un désir si égoïste. J'aimerai qu'il soit à moi comme un objet. Je voudrais être son seul univers, qu'il ne respire que par moi, qu'il n'aime que moi... Qu'est-ce que je raconte? Quel est le rapport avec l'amour là-dedans?

L'amour c'est doux, c'est pur, enfin je crois, c'est mes parents, c'est Sirius et Remus, même s'ils croient que je ne sais rien. L'amour c'est Evans, la si belle Lily... la joie de la voir, c'est aussi une boule dans le ventre, mais une boule de joie.

La force. Quelle est ta force? Severus, tu es un étrange garçon. Je sais que tu es là. Est-ce que tu me vois en ce moment? Est-ce que tu aimes aussi ces moments où nous parlons? Est-ce que tu les redoutes, comme moi? As-tu peur de ce que tu ressens toi, peur de ce que tu es? De ce que tu pourrais devenir? Quelle question! Que de questions!... J'ai très peur d'être ici seul avec toi, ça m'exalte tellement. Non, je n'ai pas peur... Ce tremblement, cette angoisse, c'est autre chose que de la peur.

Qu'est-ce que c'est que ce bruit? Encore une question idiote. C'est toi, ça ne peut être que toi. Severus, il n'y a que toi qui fait battre mon coeur de façon aussi sourde. Bom, bom, bom, je l'entends cette calme musique, je la trouve... inquiétante.

Debout James Potter, tu attendais ce moment depuis si longtemps. Seuls, tous les deux, enfin...

J'avais raison, tu me regardais, je le savais, tu as choisi un point d'observation parfait. Je savais que tu comprendrais mon appel. Ne fais pas semblant Severus, je sais que tu m'attendais.

Pourquoi me tournes-tu le dos? Toi aussi tu as peur des liens violents qui se nouent entre nos yeux... C'est vrai que tes cheveux sont gras mais moi je ne trouve pas que tu sentes mauvais. Tu sens juste toi et moi je crois que j'aime cette odeur même si je la trouve, c'est bête comme mot... triste. Ca sent les grimoires, la salle des potions... le soufre...

Arrête de faire semblant de m'ignorer! Tu n'as décidemment pas le droit. Là regarde moi dans les yeux. Tu sais qu'ils sont beaux tes yeux. Vraiment. Ils sont tellement sombres qu'ils ne reflètent jamais rien. Pourquoi sont-ils humides, Severus? Tu n'aimes pas me toucher? Ta mine furibonde ma donne envie de... je ne sais pas... de m'approcher...

« Que veux-tu Potter? Il n'y a plus personne à faire rire de moi à cette heure-ci. Désolé tu as dépassé l'heure des humiliations ouvrables. »

C'est mignon cette défense. Mais crois-tu vraiment que j'ai envie de rire, en cet instant? Tu as l'air perdu, dans tes yeux, tu supplies, mais ta petite bouche ne s'avoue jamais vaincue... Ta petite bouche, elle est pincée dans un rictus que tu veux cynique oh... et qui l'est, mais elle m'attire, je crois que j'ai envie de la toucher...

« Et toi, qu'est ce que tu veux Servilo? »

Ce surnom, celui que tu détestes... blesser, encore blesser, pour voir ta souffrance implorer... dis-moi, dis-moi ce que tu veux, dis- moi que tu veux la même chose que moi, que toi aussi tu sens ce désir. Je le sais, je le vois, tu trembles si fort. Ta peau est douce, ton haleine chaude... Severus, dis-le moi...

« Lâche-moi. »

Menteur... tu n'es qu'un menteur. Je sais ce que tu désires. Mais mon corps se relâche de dépit... non... de soulagement... de regret?

« Dommage, je croyais que quelque part on se comprenait. »

Ah, ah... comprendre c'est une chose, accepter en est une autre. Sais-tu que nous sommes complètement fous. Tout est tellement...déterminé... J'ai peur...

« Va-t-en... »

Je l'ai dit à haute voix? Va-t-en Severus, mes membres me font mal, mon ventre brûle. Tu n'es qu'un idiot. Ne me regarde pas avec cet air doux. Ca te va mal, ça ne m'intéresse pas. Manques-tu toujours autant d'à propos? Ca c'était le regard que tu aurais du me donner tout à l'heure. C'est ridicule. Tout ça est ridicule, je me moque bien de toi. Tu entends? Non tu n'entends pas puisque je ne dis rien. Ton regard est tendre, un peu interrogatif. Crois-tu vraiment que c'est ce que j'attends de toi. Pfff... ridicule! S'il n'y a pas de peur dans tes yeux, ça ne m'intéresse pas. Qu'est-ce que je raconte?! il faut que je parte... tout de suite avant que le battement de mon sang dans mes tempes ne fasse exploser mon cerveau.

C'est facile de partir... de fuir... de fuir? J'ai les mains encore crispées sur tes poignets... en rêve. Mes articulations me font mal. Alors je t'ai serré si fort... si fort? Aïe, je ne sais plus où j'ai mal. Il faut que je me calme. Je n'ai pas fui, c'est toi qui n'as pas osé. Pourquoi ne m'as-tu pas compris? lu en moi? Tes yeux sont comme des nappes de plomb, des nappes d'or... tes yeux!