Un OS qui est devenu une fic à trois chapitres grâce à ma merveilleuse Bêta SomeCoolName.
Saison 3 légèrement réadaptée de Sherlock BBC.
En vous souhaitant une bonne lecture.
Le troisième homme
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Chapitre 1
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« Je m'ennuie. »
John ferma un instant les yeux. La première fois qu'il avait entendu cette parole de cette voix atone, il avait eu un sourire encourageant. La cinquième fois, il avait décrit tout ce qu'ils pourraient visiter à Castle Combe, lieu de leur séjour... puis il avait cessé de compter. Là, pour la centième fois (au moins!), il avait juste envie de se saisir de la fourche abandonnée contre un mur et de la lui planter dans le cœur. Plusieurs fois ! Mais il savait aussi que l'ennui était le pire ennemi de Sherlock.
« Tu veux qu'on rentre à l'auberge ? »
Le détective soupira, son regard azur fixé sur l'horizon.
« Non, je veux rentrer à Londres.
- J'ai compris, ça fait dix fois que tu me le dis.
- Douze, pour être précis.
- Très bien, douze ! Écoute, fais un effort. Ça fait des mois qu'on ne s'est pas accordés un break, j'en avais besoin alors fais ça pour moi. »
Sherlock daigna le regarder, ses mouvements au ralenti et John le fixa un instant de ses yeux de cocker. Un soupir passa à peine les lèvres du détective et le médecin sut qu'il avait gagné. Parfois, apitoyer Sherlock marchait, pas toujours, s'il avait une enquête sur le feu, rien ne pouvait l'en détacher. Pour une fois, l'un et l'autre n'avaient aucune obligation et ils avaient décidé de se mettre au vert. Du moins, John avait voulu lui faire la surprise en réservant une petite auberge pittoresque mais arrivés sur place, le fiasco avait été total.
« Où est le cadavre ?, avait demandé Sherlock.
- Hum ? Quel cadavre ?
- Tu m'as dit avoir une surprise pour moi, on a fait 2h08 de voiture dans cette campagne qui sent le purin alors... où est le cadavre ? »
John avait eu un moment de pause.
« Sherlock, il n'y a pas de mort, pas de vol, pas de rapt, rien, juste quelques jours de vacances à passer rien que tous les deux.
- Vacances ?! »
Le mot avait été vomi entre ses dents serrées.
« Oui, vacances ! Tu sais, ce que les gens normaux font pour se détendre, pour profiter de la vie.
- John, si je faisais partie des gens normaux, ça se saurait.
- Certes mais moi, oui. Allez, arrête de jouer au con et allons nous installer, je suis sûr qu'on va bien s'amuser.
- Ce le serait encore plus de se jeter dans le vide.
- T'es pas drôle, là. »
C'était arrivé une fois, sous ses yeux et John ne s'en était jamais vraiment remis, le fantôme de ce jour maudit le hantant dans ses rêves alors que Sherlock était revenu depuis un moment. Le détective s'était rendu compte un peu tard de sa maladresse, il avait lancé ça sans y penser... puis ça avait été un peu drôle... pour lui... pas au point d'en rire mais au moins, il ne s'était pas ennuyé ce jour-là. John lui en voulait toujours, il le savait alors, autant faire contre mauvaise fortune bon cœur... pendant un moment.
Là, ils se promenaient dans les rues, au hasard, profitant de l'air doux. Ce village, John ne l'avait pas choisi au hasard. Il n'était jamais venu mais il lui semblait le connaître intimement. Tout cela remontait à loin et les images d'Afghanistan lui revenaient par flash, comme le sourire de Billy Winter, ce jeune type marrant qui parlait de son lieu d'origine avec de la nostalgie dans la voix. Il décrivait comme personne les maisons datant d'une autre époque et conservées avec soin, le pont de pierre qui enjambait la rivière, les jardins fleuris, la campagne alentours, faite de bosquets et de prairies qui sentaient bon l'herbe coupée en été... ces images, John en avait vu des photos et les avaient imprimées sur sa rétine, elles lui avaient permis de survivre quand sa blessure infectée le dévorait de fièvre. Alors, à demi délirant, il se raccrochait à ce lieu qu'il n'avait jamais vu, l'espoir de rentrer au pays autrement que dans un cercueil scellé. Et pendant des jours, il avait été un Peter Pan dans un pays imaginaire, un paysage de carte postale typiquement anglais, loin de la chaleur aride, de l'air sec et des bruits de fusillades.
Aujourd'hui, il y était, il tenait la promesse faite à lui-même sur son lit de douleurs. En rentrant, il avait débarqué à Londres, pas assez d'argent pour se permettre une escapade puis il avait rencontré Sherlock et le temps avait passé, l'envie effacée. Elle était revenue ces derniers jours et depuis, Sherlock ne faisait que geindre et se plaindre sans discontinuer. John aurait pu lui expliquer pourquoi cet endroit était si important mais aurait-il compris ? Sans doute que non, il l'entendait déjà : ''Billy Winter est mort dans cette fusillade, point barre, les risques du métier. Et une carcasse pourrissante dans une tombe se fiche bien que John Watson crèche à l'auberge avec le meilleur détective consultant du monde.''
Alors, pour éviter une conversation qui ne mènerait à rien avec ce foutu génie insensible, John n'avait rien dit, se contentant de sourire en marchant dans les pas de son ami mort au combat. D'ailleurs, il souriait en cet instant en passant devant le Pub ''The White Hart'', haut lieu des frasques de la jeunesse de Billy. Encore cinquante mètres.
« Je m'ennuie.
- Non mais ce que t'es chiant ! Bon, retournons à l'auberge, on y dînera, la carte avait l'air prometteuse.
- Je veux dîner à Londres.
- Mais tu as quel âge ?! J'ai l'impression de traîner un gamin capricieux de six ans.
- Je n'ai pas faim mais dès qu'on arrive dans la chambre, je veux une fellation. »
John stoppa sa marche, le sifflet coupé.
« Tu ne veux pas le dire plus fort ? Je crois qu'on ne t'a pas entendu à l'autre bout du village.
- Une fellation comblerait mon ennui, toujours quelques minutes de gagnées.
- Tu es d'un romantisme à faire peur. »
Sherlock sortit son portable, pianota et celui de John sonna. Il ouvrit le SMS.
Je veux une fellation (smiley en forme de cœur.) SH
John ferma les yeux un instant, souffla un bon coup et bougea ses doigts à son tour sur l'écran.
On va manger. Si tu boudes, tu seras privé de dessert ! JW
OK. SH
John soupira, communiquer avec Sherlock était une épreuve, parfois.
OoO
La salle de restaurant aux poutres apparents et aux nappes à carreaux ne comptait que quelques personnes dont une famille avec deux gosses braillards qui avaient le don de taper sur les nerfs de tout le monde. Attablés devant des côtes de mouton, Sherlock ne touchait pas à son assiette et John avait renoncé à une quelconque conversation.
« Tu n'as pas faim ?, demanda John qui s'était accommodé du regard accusateur de son amant depuis bien longtemps.
- Graham pourrait avoir besoin de nous.
- Greg.
- Hum ?
- Gregory Lestrade, il s'appelle Greg. »
John se demandait pourquoi il le corrigeait encore, Sherlock avait une mémoire stupéfiante, qu'il se plaisait à dire pompeusement qu'il triait et rangeait dans son ''palais mental'' et le fait qu'il continue d'ignorer ce simple prénom, d'un homme qu'il connaissait depuis plus longtemps que lui, le laissait perplexe. S'il faisait ça juste pour l'énerver, il allait être déçu, John resterait de marbre, se contentant de se mordre la joue parfois pour éviter de l'insulter.
Sherlock le regardait et n'obtenant pas plus de réaction, il choisit de reprendre calmement. Le médecin était un peu lent, il devait user des mots pour lui faire comprendre qu'il désirait juste se tirer d'ici. Et en dernier recours, il utilisait la corde sensible pour le petit blond (chose vraiment effarante, à bien y penser).
« Graham, Greg, peu importe. Tu ne voudrais pas qu'on le laisse dans la panade si une affaire survenait ?
- Ta méthode de chantage est juste pitoyable. Et je l'ai appelé tout à l'heure, tout va bien.
- Tu l'as appelé ?
- Oui, je l'ai appelé. Comme on est partis précipitamment, j'avais oublié d'annuler notre partie de poker. Bon sang Sherlock, profite ! On est rien que tous les deux, ça ne compte pas pour toi ?
- À Baker Street aussi.
- Bordel Sherlock, faut-il que tu sois égoïste à ce point ? J'aime être ici, j'en avais besoin. Et au cas où tu n'aies pas compris, je ne suis pas obligé de tout te dire, j'appelle qui je veux.
- Tu me fais donc des secrets ?
- C'est bon, tu m'énerves, je vais me coucher ! »
John balança sa serviette d'un geste rageur et quitta la petite salle du restaurant. Sherlock le regarda partir, dubitatif. Il sentait que le médecin lui cachait quelque chose, il avait ce pli soucieux entre les yeux, semblait parfois perdu dans ses pensées, se retournait quand ils erraient au hasard dans cette campagne insipide, vérifiait son téléphone en croyant qu'il ne le voyait pas. Sherlock feignait de l'ignorer mais il le connaissait bien, quelque chose ne tournait pas rond.
Il aurait suffit de mener une petite enquête mais le cœur n'y était pas car au-delà de ça, ce qui le contrariait surtout, c'est que leur départ précipité ait eu lieu juste après que John ait vu Lestrade... et il ne lui aurait pas parlé de son projet, quelques minutes avant ? Qu'est-ce qui avait pu se passer entre eux ? L'ignorer était une sensation désagréable au creux du ventre qui lui faisait serrer les poings et repenser à ce genre d'affaire si pathétique, au schéma si attendu : l'homme, la femme et l'amant, cachoteries, secrets et trahisons.
Au fil du temps, John et Lestrade étaient devenus des amis, il semblerait que ce dernier ait beaucoup soutenu le médecin pendant sa prétendue mort. Ils s'étaient rapprochés, avaient fait quelques sorties et depuis, il y avait une sorte de routine entre eux, le poker, les courses,... Ils avaient aussi une façon de se comprendre quand ils parvenaient sur une scène de crime, sans même se parler. Et puis surtout, John riait avec lui. Ce son de gorge qu'il aimait tant, il le lui offrait. Pourtant, il avait fallu des semaines pour que lui l'entende à nouveau quand il était revenu de nulle part. Il avait eu droit aux coups, aux insultes, à son mépris... Il avait fallu du temps pour qu'ils se retrouvent et se débarrasser enfin de cette Mary qu'il n'avait pas du tout prévu dans l'équation, heureusement qu'il avait réussi à prouver qu'elle cachait une double identité et un passé trouble peu avant le mariage. Oui, une bénédiction qui lui avait évité en plus d'être le témoin du marié, oh chose abominable ! Et tout du long, entre remarques acerbes et silences, Lestrade avait été là, semblant vouloir ménager la chèvre et le chou. Et il était toujours là.
Entre l'ancien soldat et l'inspecteur, les conversations téléphoniques duraient 3mn43 (oui, il avait compté). Quand lui téléphonait, la moyenne était de 18 secondes, 26 avec John, preuve qu'il faisait des efforts. Lestrade était seul, divorcé, ne semblait pas chercher de nouvelle compagne. Étrange statistiquement pour un homme de son âge qui ne s'était pas encore reproduit. Non en fait, la seule compagnie qu'il semblait rechercher était celle de John.
Sherlock imaginait sans peine la conversation s'ils en avaient parlé. John lui aurait dit qu'il était jaloux, il aurait répondu que non, John aurait eu ce petit sourire narquois, Sherlock aurait dit que Lestrade ne le valait pas même de très loin, John l'aurait traité de prétentieux et Sherlock l'aurait embrassé. C'était la meilleure méthode pour empêcher le ton de monter et chacun l'employait à tour de rôle. La première fois, ça avait été lui, John regrettait sa blonde insipide, Sherlock levait les yeux au ciel, cherchant désespérément à le faire taire et donc, il l'avait embrassé. Expérience concluante, s'en était suivi du sexe torride qui évitait les discussions houleuses, de supporter un John déprimé et donnait beaucoup de plaisir. Bref, que des bons points.
Le détective soupira. Jamais de sa vie il n'avait envié personne. Jaloux... foutaises !
Pourtant quand il le rejoignit sous les draps, Sherlock se colla au corps chaud qui ne le repoussa pas et il suça son cou, jusqu'à imprimer une marque. SA marque. John gémit sous l'attention, se retourna pour se perdre dans les bras de son amant. Il faisait sombre, ils ne distinguaient que l'ombre de l'autre, c'était tant mieux, aucun n'aurait voulu croiser un regard qui serait plein de rancune, de doutes... Et ils firent l'amour longtemps, évitant les mots acides, éloignant l'ennui.
OoO
« Si on allait faire un tennis ? Il y a un court tout près, proposa John avec un entrain tout feint.
- Merveilleux ! Depuis le temps que je rêve de taper dans une balle avec une poêle.
- Inutile d'être sarcastique, un non aurait suffi. »
Trois jours qu'ils étaient là, à se faire plus ou moins la gueule. Les essais de visites s'étaient vite transformés en lectures sur un banc ou sieste dans l'herbe, tout pour éviter de se parler. Une fois, John avait réussi à traîner son compagnon le long des petits chemins de terre entre les champs, quelques ruches avaient retenu l'attention de Sherlock et le médecin y avait vu une petite victoire. Mais un orage, une violente averse et tout était redevenu fade.
« Nous serions à Londres, nous aurions au moins un parapluie.
- Ta gueule, Sherlock ! »
En cette fin de matinée, il s'étaient installés devant un thé sur la terrasse de l'auberge, l'amertume plissant les coins de leurs bouches. Sherlock continuait d'insister pour partir, John refusait, et ainsi, chaque jour. Et aucun de voulait laisser l'autre en plan car les nuits étaient le moment du pardon, du plaisir, ils étaient bien, tout simplement.
Le détective, le menton appuyé sur sa main, laissa son regard errer.
Je m'ennuie ! Un couple sort de l'auberge, il a un tic nerveux, elle porte une robe rouge, semble fatiguée, n'est pas maquillée. Dispute, il l'a trompée et cet imbécile le lui a avoué. Pour soulager sa conscience, il va vivre l'enfer. Le facteur est au bout de la rue. Ce gamin qui court va tomber... voilà, c'est fait. Un bruit de moteur. Une voiture s'arrête un peu plus loin. Familière. Des cheveux courts et gris, Lestrade en descend, qu'est-ce qu'il fout ici, celui-là? Du coin de l'oeil, je regarde John, son visage s'éclaire d'un grand sourire alors qu'il se lève déjà, je sens mes dents et mes poings qui se serrent. John lui a demandé de venir, c'est évident. Et je ne veux pas qu'il soit là. L'inspecteur tourne la tête à gauche.
« Attention ! »
John suit le regard de Greg, fait un pas de côté, devant moi. Détonation. John tressaille sous l'impact. Double détonation. Lestrade vient de tirer sur une voiture dont les pneus crissent. John s'effondre à genoux puis à terre. Greg se jette auprès de John. Il ne poursuit pas le fuyard. Je ne bouge pas, c'est un film, une scène de mon cerveau qui anticipe ce qui va se passer. Ce ne peut être réel, ça ne l'est PAS !
« John ! », cria Lestrade.
Sans réfléchir, l'inspecteur posa ses mains sur la poitrine ensanglantée du médecin. Il tentait d'endiguer le flot rouge qui s'étendait sur ses vêtements et se rassemblait en une petite flaque qui ne cessait de grandir, tout en déglutissant un goût de bile.
« Appelez une ambulance ! », hurla Lestrade aux badauds qui avaient accouru.
Il jeta un coup d'œil furtif à Sherlock qui restait les bras ballants, sans réaction aucune, il n'avait même pas son sacro-saint portable en main. Mais son attention fut retenue par des doigts qui serraient les siens.
« John ? Ne bouge pas, les secours vont arriver.
- Désolé... »
Ses yeux se fermèrent, sa respiration était laborieuse, sa pâleur digne d'un mort et Greg paniqua.
« John, reste avec moi. Reste conscient, me lâche pas ! Bordel, où est cette putain d'ambulance ?! »
Leurs mains sont liées, les doigts imbriqués. John, lâche-le ! Même inconscient, tu t'accroches à lui. Pourquoi ? Pourquoi t'excuser ? Pourquoi est-il là, pas rasé, l'air fatigué ? Comme la femme à la robe rouge...
(à suivre)
Je ne connais Castle Combe que par Google, veuillez excuser les piètres descriptions mais je vous conseille de jeter un œil, c'est magnifique.
Au plaisir.
