Bones s'installa dans la voiture et examina une nouvelle fois les documents qui lui avaient été remis. Si les vampires pouvaient utiliser leurs pouvoirs hypnotiques pour se débarrasser des curieux, les goules étaient dépourvues de cette capacité et devaient recourir à des moyens plus traditionnels.
Aussi, lorsqu'il avait élaboré avec Rodney son plan de fuite, son ami l'avait orienté vers une de ses connaissances pour se procurer les papiers dont Cat, Justina et, dans une moindre mesure, lui-même, auraient besoin pour s'enfuir et débuter une nouvelle vie.
Deux permis de conduire et trois cartes de sécurité sociale. Il en avait même demandé une pour Justina à partir d'une photo de famille qu'il avait trouvée chez elle. Il ne pensait pas que cela soit véritablement nécessaire car seule Cat était recherchée par les autorités mais si vraiment le gouvernement en avait après elle, il ne voulait pas prendre le moindre risque. Il serait idiot qu'elle se fasse arrêter si sa mère se faisait repérer lors d'un contrôle d'identité et qu'il n'était pas là pour contraindre l'agent de police. Il n'avait cependant pas demandé de permis de conduire pour elle afin de ne pas la tenter de s'enfuir plus qu'elle ne devait déjà l'être, bien qu'il était persuadé qu'elle n'abandonnerait pas sa fille, quoiqu'elle en dise. Elle le détestait pour être un vampire et ferait certainement tout pour dissuader sa fille de rester avec lui mais elle ne partirait pas sans elle. Elle ne supporterait pas de se retrouver seule.
Pour Cat, il avait demandé la même identité que celle de son faux permis de conduire car il avait déjà mis la voiture qu'il comptait lui offrir à ce nom. De plus, il lui semblait que personne ne la connaissait, aussi bien du côté du gouvernement que de celui des morts-vivants. Autant qu'elle conserve un nom auquel elle était habituée.
Il s'était également procuré des papiers pour lui, au nom de Chris Pin, clin d'œil à son passé d'humain. Malgré son pouvoir de contrôle mental, avoir une vraie carte de sécurité sociale et un permis de conduire pouvait s'avérer utile, en évitant de prendre le risque de se faire repérer en allumant ses phares verts. Il aurait du les refaire de toute façon. Son apparence ne correspondait pas vraiment à sa date de naissance fictive et il faisait bien trop jeune sur sa photo d'identité.
Se procurer des papiers constituait la dernière étape de la préparation de leur fuite. La matinée lui avait paru interminable mais enfin, les derniers détails étaient réglés. Les transferts bancaires avaient été effectués, les pistes savamment brouillées et une maison louée n'attendait plus qu'eux.
Avec un sourire satisfait, il rangea les documents dans la boîte à gants alors que Rodney démarrait et reprenait la route de son appartement où l'attendait Cat pour commencer leur nouvelle vie.
-Bones, commença Rodney d'un ton hésitant. Je sais que tu tiens à cette fille mais… tu comptes vraiment t'enfuir avec elle et sa mère ?
Bones tourna les yeux vers son vieil ami, les sourcils froncés.
-Si je ne te connaissais pas aussi bien, je dirais que tu essaies de me dissuader.
-Je sais que tu es amène de prendre une décision mais avoue que c'est un peu risqué, non ? Elle connaît le secret de nos existences et le gouvernement la recherche. Les Gardiens de la Lois risquent de la considérer comme une menace pour le secret et de vouloir régler ce problème.
-Je ne m'inquiète pas, répondit Bones. Tu sais aussi bien que moi ce qui signifie « se cacher » et je suis plutôt doué dans ce domaine. Si je décide de la dissimuler aux yeux de ceux qui la cherchent, ils ne la trouveront pas. Et si quelqu'un estime qu'elle connait trop de chose sur les Morts-Vivants, alors, je la revendiquerais comme ma propriété.
Rodney afficha une mine surprise et Bones n'eut pas besoin de lui demander pourquoi. Il n'était pas un vampire connu pour le confort que lui procuraient ses propriétés. Il avait recueilli plusieurs humains au cours des siècles, leur avait offert son aide lorsqu'il le pouvait et avait transformé en vampires ou en goules ceux qu'il avait jugés dignes, comme Rodney, mais il s'était rarement reposé sur eux lorsqu'il s'agissait de se nourrir. Son physique lui permettait de trouver le sang dont il avait besoin et d'assouvir ses désirs sans avoir l'inconvénient de se déplacer avec un harem autour de lui, ce qui était assez peu discret et plutôt dangereux pour un tueur à gage. Déjà qu'il était emmené à défier de puissants vampires, inutile de leur offert des otages de choix.
Mais dans le cas de Cat, c'était différent. Elle était forte, assez pour faire partie intégrante de sa vie, comme elle l'avait prouvé au cours des mois écoulés. Et même si elle n'était pas physiquement capable de combler seule son besoin de sang, elle lui suffisait comme amante. Lui qui avait passé la majeure partie de sa vie à voler de maîtresses à histoires sans lendemain, et qui menait encore une sexualité débridée il y avait moins d'un an, ne s'imaginait plus partager son lit avec quiconque d'autre désormais et il n'en éprouvait aucun manque, car jamais il ne s'était senti aussi heureux que depuis qu'il la connaissait. Il avait pourtant cru l'être. Pourquoi ne l'aurait-il pas été ? Il avait des comptes en banque bien remplis, des femmes à volonté, l'immortalité, n'était-ce pas ce que la plupart des gens rêvait de posséder ? Et pourtant, depuis qu'il sortait avec cette femme, il se demandait comment il avait pu prendre du plaisir à cette vie qui lui paraissait bien fade. C'était comme si Cat le tirait vers l'avenir, donnait un objectif à son existence morne et solitaire et, aujourd'hui, il n'avait besoin que d'elle. Alors, quand bien même il devrait passer les prochaines décennies à voyager d'un endroit à l'autre sous de fausses identités et sous les injures de Justina, il le supporterait du moment qu'elle était auprès de lui. Mais comment expliquer cela à Rodney en quelques mots ?
-Je l'aime.
Son ton était sérieux, presque solennel, pourtant, Rodney du étouffer un petit rire.
-Oui, venant de toi, j'aurais deviné.
Non, il ne comprenait pas. Cat n'était pas une humaine qu'il aidait par pitié ou une de ces femmes qu'il croyait aimer alors qu'il ne faisait que les désirer et qu'il quittait quelques jours plus tard après avoir profité de tout ce qu'elles avaient à lui offrir.
D'un geste souple, il plongea la main dans la poche de son pantalon et en retira un petit écrin en velours noir qu'il ouvrit, dévoilant l'anneau serti d'un diamant rouge qu'il conservait depuis plus d'un siècle en attendant de lui trouver un usage digne de sa rareté. Impatient, il le montra à Rodney.
-Je l'aime, répéta-t-il d'une voix assurée.
Rodney loucha quelques secondes sur l'alliance avant d'être klaxonné car il demeurait à l'arrêt alors que le feu était vert.
-C'est… ce que je pense ?
Bones hocha la tête.
-Elle est pour elle. Je comptais lui demander sa main après avoir sauvé sa mère mais il semble que les circonstances soient mal choisies.
Rodney eut un sourire sincère.
-Je suis content pour toi. J'avais peur que tu continues de traverser les siècles seuls. Je me réjouis de voir que tu as trouvé la femme qui te rend heureux… Mais permets-moi de ne pas être là lorsque tu l'annonceras à Annette. Ajouta-t-il avec une pointe d'humour.
Bones eut un sourire. Pauvre Annette, il ne savait pas si ce qu'elle ressentait pour lui était de l'amour, comme celui qui l'unissait à Cat, mais elle tenait à lui, c'était certain. Elle n'apprécierait peut-être pas qu'il se marie mais elle finirait par l'accepter et par accepter Cat pour lui… et pour le bien de leur relation. Il rangea le coffret dans la poche de son jean.
-Tu sais où tu vas aller ? demanda Rodney
-On va se planquer dans l'Ontario quelques mois. Puis, lorsque cette histoire se tassera, je rentrerai chez moi, en Angleterre. Ça fait longtemps que je n'y suis pas retourné, si ça continue, je vais adopter l'accent amérloque !
Rodney hocha la tête et bifurqua sur la national.
-Si tu as besoin de quoi que ce soit…
-Merci, mon vieil ami, mais je pense que je vais gérer cela.
-La mère n'a pas l'air très enthousiaste à l'idée de te suivre, pourtant, nota-t-il avec un léger sourire.
Bones haussa les épaules d'un air blasé.
-Elle se calmera. Et si sa compagnie devient trop insupportable, j'ai toujours le moyen de la faire taire.
Ses yeux virèrent au vert pour appuyer ses propos même si il savait qu'il n'en arriverait à ses extrémités qu'en cas d'absolue nécessité. Hypnotiser Justina ne ferait que la conforter dans son idée que les vampires étaient des créatures démoniaques, ce qui, en soit, ne le dérangeait pas. Mais cela ennuierait Cat qui avait déjà des relations tendues avec sa mère et ça, il ne le voulait pas. Cependant, il ne laisserait pas Justina mettre la vie de sa fille en danger à cause de son comportement emporté et irréfléchi.
Rodney quitta la national pour un chemin plus sinueux qui menait à la maison. Sachant qu'il était assez près pour pouvoir entendre ce qui s'y passait et désireux de connaître ce que Cat pensait honnêtement de cette fuite, Bones concentra son ouïe sur la demeure de Rodney. Et les sons qu'il perçut, ou plutôt qu'il ne perçut pas, ne lui plurent pas.
-Tu entends ? Demanda-t-il
Rodney n'eut pas besoin de précision et il resta silencieux quelques secondes.
-Non, répondit-il.
-Précisément.
Sans que Bones n'ait besoin de le demander, Rodney gara la voiture et coupa le moteur. Ils avaient tous deux compris qu'ils auraient dû entendre du bruit en provenance de la maison. Des mots, des bruits de pas ou de simples battements de cœur. Ce silence était anormal et l'absence de pouls ne signifiait pas forcément que la maison était vide. Si des fidèles d'Hennessy avaient appris ce qui était arrivé à leur maître, alors le gouvernement n'était pas le seul à les rechercher. La prudence les incita à ne pas se faire remarquer. Ils descendirent de la voiture et coururent vers l'habitation. Dès qu'il l'aperçut, Bones vit que quelque chose manquait. La Volvo de Cat n'était plus là.
-As-tu appelé Cat pour lui dire de nous retrouver quelque part ? chuchota-t-il, conscient que Rodney l'entendrait.
-Non, répondit celui-ci d'une voix tout aussi basse. Sinon, je serais directement allé au lieu convenu.
Une pensée désagréable murit dans l'esprit de Bones mais il ne voulut pas l'entendre. Pourtant, il se rappelait de son étrange comportement au cours des dernières heures, depuis qu'il l'avait récupérée sur l'autoroute : ses câlins sur le pas de la porte alors qu'elle était d'ordinaire assez pudique, l'odeur de tristesse qui n'avait cessé d'émaner d'elle et qu'il avait alors attribué à la perte de ses grands-parents et à la peur de l'inconnu qui les attendait et puis ses paroles qui sonnaient comme des adieux.
Et si…
Non. Certes, la maison était vide, son ouïe et la voiture manquante lui indiquaient très clairement mais il devait bien y avoir une explication, elle ne serait pas partie sans raison. Il plongea la main dans sa poche et en tira son téléphone portable. Pas d'appel en absence. Elle n'avait pas cherché à le contacter. Peut-être l'en empêchait-on? Des sbires d'Hennessy avaient sans doute réussi à la retrouver et l'avait emmené avec la Volvo. Ce scénario, bien que peu réjouissant, était possible. Elle n'avait pas de couteaux. Mais elle se serait quand même débattue, sa mère aurait crié et les vampires l'auraient fait taire. Il huma l'air. Pas d'odeur de sang.
Et si…
Abandonnant toute prudence, il se rua dans la maison. La porte n'était pas verrouillée, juste fermée ce qui évita qu'il ne l'arrache de ses gonds. Il n'y avait pas eu de lutte. Le hall et le salon étaient intacts. Il n'y avait plus de doute désormais. Cat et sa mère étaient parties de leur plein grès. Il se précipita dans la cuisine et une chose attira son attention, le figeant l'espace d'une seconde. Sur la table de la cuisine, bien en vue, sur une feuille de papier pliée reposait une montre noire des plus banales mais qu'il identifia sans peine. La montre de Cat.
Il bloqua les pensées qui menaçaient de submerger son esprit, s'interdisant de réfléchir à la seule explication logique qui s'imposait, et saisi la montre. La feuille de papier était en fait une lettre à son attention, comme l'indiquait son nom, écrit en lettres majuscules. Dans un geste plus brusque qu'il ne l'aurait voulu, il s'en empara et l'ouvrit. Les mots, tracés d'une écriture un peu tremblante, défilèrent devant ses yeux.
Bones,
Les lettres n'ont jamais été mon fort et encore moins les lettres d'adieux, alors je serais brève. Je m'en vais, je ne peux plus continuer. J'ai déjà le sang de mes grands-parents sur les mains, je ne veux pas voir celui de ma mère s'ajouter au leur. Soyons réalistes, malgré toutes tes ruses et ta prudence, nous ne pourrons jamais échapper à tous ceux qui nous pourchassent. Je vais la mettre en sécurité. Tu pourras oublier mon existence, retrouver ta vie et la mener comme tu l'entends.
Il vaut mieux que cela se termine ainsi, je suppose. Ma mère n'aurait pas pu supporter de nous voir ensemble et elle aurait tout fait pour envenimer notre relation ou s'évader. Et même si elle n'avait pas réussit à nous séparer, le temps y serait parvenu. Je vais continuer de vieillir et toi, tu resteras à jamais le même. Alors autant nous quitter en bons termes et disputer les batailles que nous pouvons gagner en jouant les cartes qui nous ont été distribuées.
Adieu,
Cat
Il s'immobilisa, seules ses mains tremblèrent, menaçant de déchirer le papier. Dans son dos, il sentit la présence de Rodney qui lisait probablement par-dessus son épaule. La goule eut la présence d'esprit de se taire, le temps que son ami comprenne le sens de ses mots.
Cat était partie. A cette idée, Bones eut envie de se précipiter dehors, de s'envoler et de rechercher sa Volvo dans le flux de véhicules depuis les airs. Mais il se retint. Il s'était absenté près de quatre heures avec Rodney, ce qui lui avait largement laissé le temps de filer. Elle pouvait déjà être à plusieurs kilomètres dans n'importe quelle direction. Par ailleurs, il faisait jour et il ne pouvait pas voler à la vue de tous les humains. Il força sa main à redevenir ferme et il se redressa.
-Et bien, on dirait que je ne vais plus avoir besoin de ses papiers, finalement. Dit-il d'un ton qu'il se voulait léger mais sa voix était trop rauque, sa bouche, sèche.
Rodney ne se laissa pas duper. Il connaissait son Maître depuis trop longtemps.
-Je ne sais pas vraiment ce que vous avez fait mais si cette petite a perdu ses grands-parents, il est normal qu'elle soit sous le choc. Quand il sera passé, elle reviendra. Elle t'aime, murmura-t-il dans une pâle tentative de réconfort.
Bones eut un sourire sans joie.
-Non, elle ne reviendra pas. Tu ne la connais pas aussi bien que moi. Elle est plus têtue qu'une mule.
Il marqua une pause, juste le temps de plier la lettre et de la fourrer sans ménagement dans sa poche. Lorsqu'il avait lu le mot, le choc l'avait comme anésthésié. A présent, des émotions dures, violentes, commençaient à émerger.
-Je n'ai plus de raison de te déranger plus longtemps, il me semble. Merci tout de même pour ton hospitalité.
Il se dirigea rapidemment vers la porte, comme pour fuir cet endroit et ce qu'il y avait découvert.
-Tu veux que je te dépose quelque part ? proposa aimablement Rodney, une pointe de pitié dans la voix.
Bones déclina précipitamment l'offre et sortit. Il avait besoin de réfléchir, seul, et décida de rentrer à pied jusqu'à la grotte où il vivait. D'un pas résolu, il se mit en route et se repassa les dernières heures en boucles.
Il l'avait retrouvée sur l'autoroute et elle avait semblé heureuse, soulagée de le voir. Ce n'était que lorsqu'elle était arrivée chez Rodney qu'elle avait commencé à se comporter bizarrement. Avait-elle déjà décidé de s'enfuir ? Pourtant il ne l'avait pas entendu parler d'un quelconque plan d'évasion avec sa mère. Mais dès qu'elle était sortie de la salle de bain, elle avait émis une odeur acre de désespoir. Elle tenait donc vraiment à lui… n'est-ce pas ? Il savait qu'elle avait mis longtemps à cesser de se méfer de lui et plus encore à admettre ses sentiments mais il était venu à penser qu'elle l'aimait véritablement. A présent, voilà qu'il doutait à nouveau. Elle lui avait pourtant fait une déclaration comme elle ne lui en faisait que rarement et jamais il n'aurait pu croire qu'il s'agissait d'adieux.
Mais ce matin, il aurait du comprendre. Elle n'arrivait pas à le laisser partir. Elle l'avait retenu comme lui-même l'aurait fait s'il avait connu ses intensions sauf qu'il ne l'aurait pas lâchée. Elle lui avait même avoué qu'elle ressentirait toujours un manque loin de lui sauf que « toujours » ne signifiait pas « à chaque fois » mais « toute ma vie à partir du moment où tu auras franchi cette porte ». Qu'il avait été bête ! S'il avait vu ce qui dansait devant ses yeux, il aurait pu la rassurer et la convaincre de rester ! En fin de compte, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même s'il l'avait perdue.
Serrant les poings, il se mit à courir de plus en plus vite jusqu'à ce que ce qui l'entoure deviennent flou. Il coupa à travers les champs et les bois et ne s'arrêta que lorsqu'il arriva à la caverne. Lentement, il se dirigea vers le coin chambre et se laissa tomber sur le lit. Là, il ressortit le mot et le relut une nouvelle fois, essayant de comprendre ce qui avait pu motiver ce départ précipité.
Elle craignait pour la vie de sa mère, ce qui était compréhensible après avoir découvert les corps de ses grands-parents chez eux et d'avoir du secourir sa mère de vampires qui n'auraient éprouvés aucun remord à la tuer. Mais il lui avait assuré pouvoir la protéger. Seuls deux vampires étaient encore en fuite, sans maître pour leur donner des instructions. Ils seraient facilement repérables. Quant au gouvernement, il ne représentait pour Bones que de nouveaux humains qui le traquaient, comme cela avait souvent été le cas. Rien d'insurmontable. Ce n'était pas avec des balles qui pourraient arrêter un vampire. Bones aurait été en mesure d'assurer sa sécurité ainsi que celle de sa mère. Même si il n'aimait pas Justina, il aurait veillé sur elle pour le bien de sa fille, même si elle aurait effectivement tout fait pour convaincre sa fille de le quitter.
Etait-ce d'ailleurs elle qui avait profité de son absence pour persuader Cat de s'en aller ? Pendant six ans, elle n'avait eu de cesse de répéter à sa fille que les vampires étaient des êtres démoniaques, si bien que sa fille avait fini par la croire aveuglément, allant jusqu'à nier une partie d'elle-même et à s'auto flageoler pour une faute commise par son père. Lui avait-elle ressortit son discours, en l'illustrant de ce qu'elles venaient de vivre ? Cat aimait sa mère, Bones le savait et elle était prête à beaucoup de chose pour elle mais la jeune femme avait finit par accepter ce qu'elle était, à assumer son héritage vampirique et avait compris que le monde de la nuit n'était pas constitué uniquement d'êtres maléfiques. Cat le lui avait avoué. L'influence de sa mère était-elle si forte qu'elle avait pu effacer en quelques heures ce que Bones avait mis des mois à lui montrer ? Ou Cat avait-elle saisit l'occasion de quitter le monde de la nuit, de le quitter, lui ?
Elle avait avoué l'aimer malgré ce qu'il était et lui-même avait vu la peur et la méfiance quitter peu à peu ses yeux. Le voir tuer ses vampires comme il l'avait fait, l'avait-il effrayée malgré que le but était de sauver sa mère ? Avait-elle vu en lui cette facette qu'elle jugeait maléfique et propre à tous les vampires ? Cela l'aurait-il rebutée ? Cet aspect de sa vie, dont elle devait pourtant se douter, avait-il tué les sentiments qu'elle nourrissait à son égard ?
Mais elle lui avait assuré de l'aimer jusqu'à son dernier souffle et s'était montée très câline. Ou était-ce uniquement dans le but de ne pas lui laisser la moindre chance de deviner ses intensions ? Jamais elle n'aurait été aussi bonne comédienne, n'est-ce pas ?
Le temps les aurait séparés. Etait-ce donc cela ? Croyait-elle que leur couple n'allait pas durer ? Il était vrai quant temps que vampire, il ne changerait pas mais Cat n'était pas complètement humaine non plus. Avait-elle réfléchi à cet aspect ? Il était vrai qu'il aspirait à faire d'elle une vampire, un jour, à lui assurer une existence plus sûre, plus durable mais elle devait bien savoir que jamais il ne l'aurait transformé contre sa volonté ! Et même si elle avait refusé, elle aurait pu boire son sang, ce qui aurait considérablement allongé son espérence de vie, et alors, au cours des années, peut-être son amour pour lui aurait-il encore grandi jusqu'à ce qu'elle accepte de devenir comme lui ? Mais il était vrai qu'elle ignorait les effets du sang de vampire, bu à hautes doses. Il n'avait même pas eu le temps de les lui exposer ! Elle était partie sans un mot, sans lui laisser la moindre chance de l'en dissuader ! Elle ne lui avait pas fait confiance, comme à leur rencontre, comme si le temps qu'ils avaient passé dans cette grotte n'avait jamais existé !
Une rage irrépressible l'envahit à cette pensée. Soudain, tout dans cette caverne lui rappela sa présence et attisa sa rancœur contre elle, cette femme, la seule femme, qu'il avait aimée, pour laquelle il était prêt à tout, et qui l'avait quitté sans explication. A commencer par ce lit où il lui avait fait l'amour pour la première fois, où elle s'était à plusieurs reprises allongée, nue, contre lui, où il l'avait regardé dormir et s'enrouler dans les couvertures, paisiblement, en songeant qu'ils pourraient rester ainsi indéfiniment. Foutaise, tout cela, ce lit semblait le narguer à présent. Il se leva brusquement, le saisit et le souleva pour le jeter sans ménagement contre la paroi où il se fracassa. Les lattes se brisèrent mais le matelas fut à peine endommagé, ultime provocation. Bones se précipita dans le but de le réduire en miettes avec ses mains et ses canines, aiguisée sous la colère. Lorsque le lit ne fut qu'un tas de bois, de ressorts et de mousse éparpillés aux quatre coins de la cavité qui tenait lieu de chambre, sa rage ne s'était en rien calmée et il se précipita contre le mur pour le marteler à coups de poings à s'en fracturer les os. La paroi commença à se lézarder et il s'en détourna pour s'en prendre à l'espace salon, en commençant par le canapé afin de lui faire subir le même sort que le lit.
S'était-elle rendu compte que ses prétextes ne se tenaient pas ? N'avait-elle ne serait qu'envisager de le suivre, de lui faire confiance ? Pourquoi ne lui avait-elle simplement pas parlé, comme l'aurait fait n'importe quel couple ? Il aurait pu la rassurer, effacer ses doutes ! Mais elle ne lui… ne leur avait pas laissé une seule chance ! Son indépendance, sa fierté, sa bêtise l'avaient conduit a agir seule de nouveau, sans réfléchir.
Lorsque le canapé fut disloqué en plusieurs morceaux et que son rembourrage recouvrit le sol, semblable à de gros flocons de neige, son regard se posa sur le paravent, provoquant un regain de colère, de rancune et de chagrin, tous ses sentiments mêlés. Ce fut avec un plaisir sauvage qu'il le réduisit en miettes. Elle s'était dissimulé à son regard derrière ce paravent comme elle cherchait à lui échapper à présent, à se soustraire à leur relation. Mais comme ce paravent, il détruirait tous les moyens qu'elle mettrait en place pour lui échapper.
Pendant de longues minutes, il continua ainsi à déverser sa rage sur le mobilier, jusqu'à ce que la caverne soit le reflet des émotions tourmentées qui le traversaient, le consumaient.
Progressivement, sa colère finit par retomber alors qu'il terminait sa catharsis destructrice, laissant place à une froide et calme résolution. Non, il ne la laisserait pas le fuir ainsi, sans qu'ils ne se soient expliqués. Il ne se contenterait pas d'une lettre d'adieu. Si elle voulait le rejeter, elle devrait le faire en le regardant dans les yeux, après avoir entendu chacun de ses arguments. Si elle avait cru qu'il allait abandonner aussi facilement, elle l'avait, une fois de plus, sous-estimé. Oh, oui, qu'importe le temps et l'énergie que cela lui prendrait, qu'importe sa fierté, il tiendrait la promesse qu'il lui avait faite, il y avait de cela plusieurs mois.
Où que tu sois, je te retrouverai, souffla-t-il dans la caverne dévastée.
Et voilà publié un texte qui me trottait depuis pas mal de temps dans la tête. Je ne sais pas si j'écrirai une suite, c'est pourquoi je laisse le statut "in-progress", au cas où.
Merci à vous de l'avoir lu. Même si je ne sais pas si ce texte sera véritablement lu, les fanfictions (en français) sur la chasseuse de la nuit n'étant pas si courantes. J'espère qu'il vous aura plu néanmoins.
NH
