Projet : Elixir Vitae
Note de l'auteur : Voici ce qui est ressorti de mon visionnage des premiers épisodes de Highschool of the Dead et du manga dont l'anime est issu. Pour ceux qui ne veulent pas de spoilers, je précise que je tiens compte du manga jusqu'au chapitre 26 (début tome 7). J'introduis des personnages originaux mais ceux déjà existants feront également partie intégrante de l'histoire assez rapidement. Fade Away est une chanson de Breaking Benjamin, et ne m'appartient donc pas, dont je ne fais qu'emprunter quelques paroles ici.
Rating : T.
Résumé : Tout peut basculer en l'espace d'une nuit, telle est la leçon que va apprendre Max de la pire manière qui soit. Est-ce qu'un agent français peut-il à lui seul sauver l'humanité ? Probablement pas, mais il n'a jamais accordé beaucoup de valeur aux probabilités…
Disclaimer : Highschool of the Dead et ses personnages ne m'appartiennent pas et sont la propriété de Daisuke Sato et Shouji Sato.
Hormis les copyrights ci-dessus, cette histoire m'appartient dans sa totalité en vertu de la législation sur la propriété intellectuelle et de celle sur les droits d'auteur.
Interdiction formelle de reproduire, d'utiliser et/ou de diffuser cette histoire sans l'autorisation expresse de son auteur.
Chapitre 1 : Ad augusta per angusta
Le jeune homme marchait d'un pas tranquille dans le parc où il passait presque tous les matins pour se rendre à l'université. Les gens cheminaient autour de lui, parfaitement indifférents à sa présence. Relevant la tête, il remarqua que le ciel d'un bleu limpide commençait à être recouvert par de lourds nuages noirs à l'horizon.
Et tandis que ces nuages recouvraient le ciel à une vitesse fulgurante, il ne tarda pas à voir une violente averse se déverser sur le parc… mais quelque chose clochait.
En effet, l'herbe verte aurait dû simplement paraître humide et plus sombre mais à place, elle avait pris une teinte rouge… rouge comme le sang.
D'ailleurs, tous les gens autour de lui s'étaient arrêtés comme un seul homme dès le début de la pluie. Tous se tenaient parfaitement immobiles, leurs vêtements trempés et aussi tâchés que le décor qui les entourait. Sentant un frisson lui parcourir l'échine, il décida de ne pas s'attarder et reprendre son chemin…
… lorsqu'il se rendit compte que quelqu'un lui barrait la route. Il s'agissait d'une petite fille, guère âgée de plus de huit ou neuf ans, qui trainait un ours en peluche. Le garçon était sur le point de la contourner lorsqu'elle releva la tête.
Ses yeux étaient injectés de sang et paraissaient absolument vides de toute vie, de toute conscience… mais ce n'était pas le pire. Non, le plus atroce, c'était l'expression bestiale de son visage, tandis qu'elle ouvrait la bouche de sorte à exhiber toutes ses dents, avant de la refermer, puis de la rouvrir dans un claquement répétitif.
Le bruit trouva un écho non loin de lui, puis un autre, et encore un autre, jusqu'à ce qu'il se rende compte que toutes les personnes présentes s'étaient tournées vers lui, leurs regards vitreux et surtout claquant leur mâchoire dans le même rythme morbide.
Son bon sens lui hurlait de fuir mais son corps était paralysé. Ils étaient au moins une trentaine, peut-être une quarantaine, et ils se rapprochaient tous de lui... avec leurs vêtements et leur peau ayant pris une teinte carmin qui leur conférait un aspect d'autant plus sinistre.
Il ne leur fallut que quelques instants pour l'encercler complètement, lui ôtant toute possibilité de fuir. Le plus terrifiant était peut-être la lenteur caractéristique avec laquelle ils se rapprochaient de lui, lui donnant tout le temps d'imaginer l'horrible fin qui l'attendait. Et dans tout ce chaos, la petite fille était demeurée parfaitement immobile et continuait à claquer des dents en rythme.
It's hopeless, the end will come and wash it all away
Forsaken, I live for those I lost along the way
Les paroles de cette chanson, qui semblaient portées par le vent mais difficilement audibles, lui étaient familières. Malgré la menace imminente qui pesait sur sa vie, il essaya de se rappeler où il l'avait entendue.
L'interprète était un groupe du nom de Breaking Benjamin. Oui, cette chanson était issue d'un album paru il y a un an tout au plus, que lui avait recommandé un ami… mais il y avait autre chose.
And I can't remember how it all began to break
You suffer, I live to fight and die another day
Perdu dans ses réflexions, il sursauta en sentant une main se poser sur son bras. Faisant volte-face, il s'aperçut qu'un homme d'une cinquantaine d'années venait d'arriver tout près de lui et à peine eut-il le temps de se reculer d'un pas que la mâchoire de l'inconnu se refermait à l'endroit où s'était trouvée sa gorge un instant plus tôt.
Expédiant l'homme à terre à l'aide d'un coup de poing au visage, il dut faire un pas sur le côté pour éviter à nouveau une morsure, cette fois-ci tentée par une lycéenne au visage tout aussi ravagé que l'autre par une expression monstrueuse.
Il se battit ainsi pendant un temps qui lui parût infini, essayant de les repousser avec ses pieds et ses poings, mais il finit par être complètement englouti par leur nombre et n'eut que le temps de pousser un cri avant qu'ils ne sautent tous sur lui…
- NOOON !
Le jeune homme se réveilla en sursaut, le visage couvert de sueur et la respiration saccadée. Le cauchemar lui avait paru si effroyablement réel qu'il en était toujours tétanisé. Passant une main dans ses cheveux noirs, il jura intérieurement contre son imagination débordante et maudit les réalisateurs des films d'horreur.
Fast I fade away
It's almost over
Hold on
Slow I suffocate
I'm cold and broken
Alone
Tournant la tête vers sa table de chevet, il poussa un soupir avant d'attraper son téléphone portable, dont la chanson n'était autre que la sonnerie. Portant l'odieux appareil électronique à son oreille, il prit la parole d'une voix légèrement ensommeillée.
- Max à l'appareil.
- Bonjour lieutenant.
Posant son regard sur son réveil, il ne tarda pas à apercevoir les chiffres qui étincelaient dans le noir et qui lui indiquaient l'heure : 5h47. Il était rare que son supérieur l'appelle avant 6h, et encore plus rarement sur son téléphone personnel.
- Pardonnez-moi, mon général mais… est-ce que cette ligne est sécurisée ?
- Suffisamment pour ce que j'ai besoin de vous dire. Vous revenez tout juste de votre voyage à Rome, n'est-ce pas ?
- Oui, je suis rentré hier soir. Pourquoi ?
- Vous n'avez donc pas défait vos bagages, je suppose ?
- Non, mais…
- Parfait. Emportez vos affaires et tout votre matériel. J'ai bien dit tout votre matériel. Vous ne retournez pas à votre appartement.
- Mon général, voulez-vous bien m'expliquer ce qui se passe ! S'emporta finalement le jeune homme, peu habitué à ce que son supérieur se montre à ce point énigmatique.
- Alerte Ecarlate, de classe A.
Si Max avait eu l'esprit encore embrumé par le sommeil quelques instants auparavant, ce dernier était désormais complètement réveillé. En effet, sur les quatre niveaux d'alerte, l'écarlate était la plus élevée, et la classe A désignait un potentiel de danger maximal. C'était le plus haut niveau d'alerte officieux du Ministère de la Défense, précédant souvent un la proclamation de l'état d'urgence.
- Quelle est ma mission ? Se contenta de demander le jeune homme d'une voix plus calme.
- Soyez prêt à partir dans 30 minutes. Le Capitaine Dupuy va venir vous chercher et vous communiquera les objectifs de votre mission. Ne contactez personne, tout vous sera expliqué en chemin.
- Bien, mon général. Ah… mes parents sont-ils au courant ?
- Tous les deux, oui. Maintenant, dépêchez-vous.
Et comme à son habitude, son supérieur raccrocha sans autre forme de cérémonie. Laissant échapper un soupir de frustration devant cette situation qui s'avérait déjà bien compliquée, le jeune homme décida de ne pas perdre de temps et se précipita dans la salle de bain pour prendre une douche.
Laissant l'eau chaude le laver autant de sa sueur que du cauchemar de cette nuit, il songea que cette mission était des plus inhabituelles. D'ordinaire, le général laissait un intervalle minimum d'au moins six jours entre deux missions, pour éviter d'éveiller les soupçons à la faculté. Pourtant, il lui en assignait une nouvelle le lendemain même de son retour de Rome…
… sans parler de l'heure de l'appel. Son supérieur était peut-être strict mais il avait ses habitudes, et l'appeler avant 6h n'en faisait absolument pas partie. Et si cela ne suffisait pas, l'absente totale d'informations sur sa mission, aussi bien sur le fond que la forme, était une première !
Se drapant dans une serviette, il s'arrêta devant le lavabo et entreprit de se raser. Son regard se posa naturellement sur son reflet dans le miroir qui lui faisait face.
Avec ses cheveux noirs coupés assez courts et ses yeux légèrement bridés, il n'était pas difficile de deviner que le jeune homme était ce qu'on appelait couramment un « métis ». En effet, sa mère était une Française originaire de Paris, tandis son père était un Japonais venant de Tokyo. C'était d'ailleurs de sa mère qu'il avait hérité ses iris azurés, qu'il contempla un bref instant avant de poser son regard sur les cernes visibles en dessous, qui signalaient de trop nombreuses nuits où il n'avait pas assez dormi.
Hélas, tels étaient les aléas du métier…
Une fois sec, il s'habilla rapidement d'un jean et d'une chemise blanche, par-dessus laquelle il enfila une veste anthracite. Il prit ensuite le temps de vérifier que ses bagages étaient bien prêts, dont il profita pour y ajouter quelques effets personnels, avant de se diriger vers le séjour.
Ce dernier comportait une télévision à écran plat, une table capable d'accueillir au moins quatre personnes, un canapé d'aspect confortable et plusieurs fauteuils. Toutefois, il n'y prêta guère d'attention tandis qu'il se dirigeait droit vers un petit meuble ressemblant à un minibar.
Lorsqu'il en ouvrit les portes, ce dernier se révéla abriter un petit coffre-fort, muni d'une serrure électronique. Tapant un code à quatre chiffres, il en ouvrit rapidement la porte avant d'en extraire le contenu.
Le contenu en question se résumait à plusieurs liasses de billets, parmi lesquelles se trouvaient aussi bien des euros que des dollars, des passeports de plusieurs nationalités différentes…
… et un Glock 19, pistolet semi-automatique, accompagné de plusieurs chargeurs.
Plaçant l'arme dans le holster situé sous sa veste, il mit deux des chargeurs dans les poches de sa veste et rangea les autres dans son sac à dos. Une fois sa valise et son sac placés devant la porte d'entrée, il prit le temps de jeter un regard circulaire à l'appartement dans lequel il vivait depuis près de deux ans, et où il ne remettrait probablement plus jamais les pieds.
Il ne tarda toutefois pas à être sorti de sa contemplation par la sonnerie d'appel du portail.
- Je t'attends en bas. Signala une voix familière dans l'interphone.
Prenant l'ascenseur, il arriva assez vite au rez-de-chaussée. Sortant par l'une des portes adjacentes, il se retrouva rapidement dans un parking ouvert, où étaient garées plusieurs dizaines de voitures d'une bonne demi-douzaine de marques différentes.
Heureusement, une seule d'entre elles avait ses phares allumés.
Déposant sa valise dans le coffre de la BMW flambant neuve, et son sac à dos sur la banquette arrière, il s'installa à l'avant de la voiture, du côté passager, mais eut à peine le temps de refermer sa portière que la voiture démarrait en trombe.
- Qu'est-ce qui se passe, Claire ? S'exclama le jeune homme tout en bouclant tant bien que mal sa ceinture.
La conductrice de l'automobile, seule personne présente avant qu'il ne monte, s'appelait Claire. Ou tout du moins était-ce ainsi qu'elle se faisait appeler par ses amis. Pour leurs supérieurs, elle n'était autre que le Capitaine Claire Dupuy, et son équipière depuis son recrutement, environ cinq ans plus tôt.
Physiquement, elle était une jeune femme d'environ vingt-cinq ans, dont les longs cheveux auburn étaient attachés dans son dos et dont les yeux verts avaient envoûté plus d'un homme. D'un naturel plutôt jovial, Claire affichait pourtant une expression de nervosité qui ne rassurait en rien Max.
- Claire ? Est-ce que ça va ?
- Que t'a dit Ronsard ? Se contenta-t-elle de l'interroger d'une voix sèche, ignorant complètement sa question.
Il fallait savoir que le « Ronsard » auquel elle faisait allusion n'était autre que le Général de Division Henri Ronsard, leur supérieur hiérarchique le plus élevé après le Ministre de la Défense…
… et c'était aussi l'homme qui l'avait sorti des bras de Morphée un peu plus d'une demi-heure auparavant.
- Pas grand-chose. Il m'a dit pour l'alerte écarlate, après m'avoir ordonné de plier bagage. Concernant l'ordre de mission, il a précisé que tu me les expliquerais toi-même.
- Evidemment… bon, tu vois l'ordinateur sur la banquette arrière ? Prends-le et ouvre le dossier XR-1864.
Préférant s'exécuter sans poser de question plutôt que de risquer d'encourir le courroux de sa partenaire, Max posa le portable sur ses genoux et ouvrit le dossier, avant de jeter un œil à plusieurs rapports fragmentaires.
Tous faisaient état d'émeutes qui avaient éclaté un peu partout. Paris, Marseille, Bordeaux, Lille, Strasbourg et au moins une demi-douzaine d'autres villes qu'il n'aurait pas été en mesuré de situer sur une carte. Néanmoins, le plus étrange concernait les chiffres, car les pertes se comptaient par milliers…
C'était tout bonnement impossible. Lorsqu'il avait regardé les infos la veille au soir, tout était absolument calme. Comment la situation avait pu dégénérer ainsi en l'espace de six heures ?
- Qu'est-ce qui a pu faire tant de victimes ? Demanda-t-il d'une voix rauque. Une arme biologique ?
- Nous ne savons pas précisément, ni d'où ça vient ni comment ça s'est propagé aussi vite. Quant à la cause… regarde les vidéos, je pense que c'est le moyen le plus simple pour t'expliquer. Lui répondit-elle, non sans grimacer.
La première vidéo provenait apparemment de la caméra de sécurité d'un aéroport, probablement celui de Roissy-Charles-de-Gaulle s'il reconnaissait bien la disposition des lieux. Il ne tarda pas à y voir apparaître un homme, déambulant dans la foule avec la démarche d'un ivrogne. Un agent de la sécurité vint dans sa direction pour l'interpeler mais à peine eut-il le temps de poser une main sur son épaule que l'ivrogne se retournait vers lui et le mordait à la gorge avec la férocité d'un fauve.
L'agent de sécurité sortit son arme et tira tant bien que mal sur son agresseur, réussissant à se dégager mais il ne fit que quelques pas avant de tomber à genoux. Bien que la vidéo ne soit pas d'excellente qualité, au vu de la quantité de sang et de la plaie largement visible, l'agent devait être grièvement, si ce n'est mortellement, blessé.
Et comme pour confirmer ses dires, l'agent s'effondra de tout son long, devenant parfaitement immobile tandis qu'une mare de sang s'étendait au niveau de sa tête.
C'est alors que Max remarqua que l'ivrogne qui l'avait agressé venait de se relever, comme si de rien n'était, avant de reprendre sa démarche chancelante.
Mais plus étrange encore, l'agent de sécurité se releva lui aussi, sa plaie toujours béante, mais ne paraissant nullement affecté par celle-ci. Lorsqu'il se remit finalement à marcher, son pas était tout aussi lent et hésitant que celui de son agresseur.
- Je ne comprends pas… Commença Max, clairement troublé par ces images.
- Regarde la suivante.
La seconde vidéo était un enregistrement du même aéroport, environ un quart d'heure après la première vidéo s'il en croyait l'heure affichée en haut à droite de l'image, et où la majorité des personnes se déplaçaient comme les deux hommes de la première vidéo…
… et attaquaient sans ménagement les personnes qui courraient dans tous les sens en poussant des hurlements. Ils les mordaient n'importe où : cou, bras, jambes… et surtout, ils mordaient n'importe qui. Qu'il s'agisse d'hommes, de femmes ou même d'enfants, tous subissaient le même sort.
Portant une main à sa bouche, Max aurait sûrement vomi s'il avait pensé à prendre un petit-déjeuner ce matin. A la place, il se contenta d'arrêter la vidéo avant de prendre une profonde inspiration.
- Dis-moi que tout ça n'est qu'une blague de mauvais goût ou un film d'horreur particulièrement réaliste, je sais pas…
- C'est la réalité, Max. Le coupa-t-elle d'un ton sans appel. Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, cela s'est produit il y a environ une heure.
Son cauchemar de cette nuit lui revint en mémoire avec une intensité saisissante. Cela n'avait été qu'un rêve, bien sûr mais le sentiment de malaise qu'il avait depuis son réveil ne faisait que s'accroître après le visionnage de ces images. Cela paraissait tout droit sorti d'un film d'horreur et pourtant…
- Ok mais… qu'est-ce qu'on peut faire ? Je veux dire, on a été entraînés pour faire face à ses crises majeures mais c'était plutôt en rapport avec le terrorisme ou une guerre conventionnelle, pas… ça.
- Oui, je sais. D'ailleurs, nous n'allons pas suivre le protocole d'urgence. Nous ne rejoignons donc pas les commandos pour les aider à contenir la menace… Cela ne servirait à rien puisque celle-ci est déjà complètement hors de contrôle.
- Où va-t-on alors ? Parce que ce n'est certainement pas la route du QG…
- A la base aérienne de Melun-Villaroche.
Au début, Max n'avait pas compris ce qu'ils allaient faire dans cette base, qui ne revêtait apparemment aucune importance stratégique particulière. Ce n'est qu'après avoir vu le groupe de soldats qui en gardait l'entrée qu'il commença à se douter que l'endroit avait peut-être plus d'intérêt qu'il ne l'aurait songé au premier abord.
Garant la voiture près des hangars, Claire prit son sac de voyage et lui conseilla de prendre ses bagages. Son sac sur le dos et sa valise à la main, il suivit sa coéquipière à l'intérieur de l'un des hangars, où se trouvaient près d'une trentaine d'hommes et de femmes, dont la moitié étaient armés de fusils d'assaut HK G36.
Il suffisait bien sûr de prêter attention à l'écusson situé sur leurs tenues, au niveau de l'épaule, pour se rendre compte qu'il s'agissait de membres du RAID. Toutefois, l'attention de Max s'était déjà tournée vers une autre source d'étonnement.
En effet, le hangar abritait non seulement des personnes mais aussi un avion, ou plus précisément un Airbus A330-200, dont la carlingue blanche était zébrée de deux lignes parallèles, respectivement bleue et rouge, avec seulement deux mots inscrits au dessus, en lettres capitales.
REPUBLIQUE FRANCAISE
A sa connaissance, un seul avion était autorisé à porter cette expression et ces marques distinctives, c'est pourquoi il laissa échapper d'une voix étranglée :
- Le Cotam ?
- En effet, ou plutôt, il pourra légitimement porter cet indicatif lorsque le Président y aura mis les pieds. Qui êtes-vous, tous les deux ? S'exclama une voix masculine.
Le Cotam n'était autre que l'avion présidentiel. A sa connaissance, c'était actuellement un Falcon 7X qui remplissait cette fonction, même si la presse avait laissé sous-entendre qu'un nouvel appareil, capable de parcourir de plus longues distances, entrerait en fonction d'ici quelques mois.
Perdu dans ses pensées, il entendit à peine Claire répondre à celui qui les avait interpelés.
- Capitaine Dupuy, le lieutenant ici présent est sous mes ordres. A qui ai-je l'honneur ?
- Capitaine Jansen, 1ère section du RAID. De qui prenez-vous vos ordres ?
Le dénommé Jansen était un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux bruns coupés courts et dont les yeux noisette étaient particulièrement perçants. Mesurant au moins 1m85, il était vêtu d'une tenue entièrement noire, qui comprenait notamment un gilet pare-balles mais aussi des protections aux genoux et aux coudes.
- Nous sommes sous les ordres du Général Ronsard.
Le capitaine haussa un sourcil en signe de surprise avant de reprendre la parole d'un ton légèrement plus amical.
- La DGSE ? Qu'est-ce que le renseignement extérieur vient faire ici ?
- Je n'en ai pas la moindre idée, capitaine. Le général s'est montré très avare en détails… mais je suppose que nous allons participer à votre opération. Pourriez-vous me mettre au parfum ?
- Bien sûr. Cet avion est paré à recevoir le président au cas où il ne pourrait pas rejoindre le Falcon 7X qui l'attend à la base de Villacoublay. Toutefois, j'ai été dans l'incapacité de contacter mon supérieur depuis près de dix minutes.
Max sortit de sa contemplation et décida de se joindre à leur conversation, un sourire malicieux flottant sur ses lèvres.
- Si cet avion est opérationnel, j'imagine que la salle de communication fonctionne, n'est-ce pas ?
La salle de communication qu'abritait l'appareil n'était pas des plus spacieuses. Munie de trois sièges pour les techniciens s'affairant sur les consoles de contrôle et de deux autres destinés à d'éventuels « spectateurs », elle était toutefois munie de plusieurs écrans de tailles variées, tous étant éteints.
Max fit irruption dans la salle vide, suivi de près par Claire, Jansen et une jeune femme répondant au nom de Sophie Delmas. Ingénieure en informatique, la jeune femme aux cheveux châtains et aux yeux verts était spécialisée dans les communications cryptées et donc probablement la personne la plus compétente pour mettre en route le système.
Ce qui n'empêcha pas le lieutenant de s'asseoir dans le siège se trouvant à côté du sien, avant de se mettre à pianoter sur le clavier qui lui faisait face.
- Qu'est-ce que vous…
- Ma mère m'a appris deux ou trois trucs bien utiles en matière de piratage de systèmes cryptés. Si nous passons par le protocole standard, il nous faudrait une bonne demi-douzaine de codes d'identification pour faire fonctionner ce truc…
- Mais c'est…
-… illégal, oui. Je suis sûr que le jury me trouvera des circonstances atténuantes… enfin, si je comparais un jour devant la cour, bien sûr.
Laissant Sophie sans voix, il poursuivit son intrusion dans le système et entra plusieurs codes spécifiques, qui lui permirent d'allumer la plupart des écrans…
… et de faire apparaître le visage austère d'un homme d'une soixantaine d'années sur le plus grand d'entre eux. Ses cheveux blancs coiffés avec une rigueur toute militaire, il avait un visage ridé par le temps et les responsabilités, même si ses yeux noirs ne le foudroyaient pas moins du regard avec une intensité effarante.
- Je peux savoir ce que cela signifie, lieutenant ?
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, mon général. Se contenta de répondre Max, ne cherchant même pas à dissimuler le sourire amusé qui flottait sur ses lèvres.
Le général secoua la tête en signe de consternation avant de reporter son regard sur Claire et Jansen.
- Je crains que le Président ne puisse vous rejoindre. Nous n'avons plus aucune nouvelle de son escorte depuis plusieurs minutes, et tout nous indique qu'il a dû succomber à une attaque de ces… choses.
- Alors qu'est-ce qu'on fait ? On attend le président du Sénat ? L'interrogea Dupuy, qui peinait à cacher son inquiétude.
La constitution voulait qu'en cas d'absence ou d'incapacité du président de la république à exercer ses fonctions, ce soit le président du sénat qui assure l'intérim. Toutefois, au vu des circonstances actuelles, Max doutait que ce dernier soit encore en vie…
- Malheureusement non. Il est lui aussi injoignable, de même que la grande majorité des députés et des sénateurs. Le premier ministre, le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur se trouvaient en compagnie du Président donc on peut supposer qu'ils ont connu le même sort.
- Avons-nous encore quelques membres du gouvernement sous la main dans ce cas ?
Si le président du sénat était lui-même indisponible, l'intérim devait alors être exercé conjointement par les membres du gouvernement, c'est-à-dire les ministres et les secrétaires d'Etat, même si avec la perte de trois ministres parmi les plus importants, le gouvernement en question ne devait plus ressembler à grand-chose...
- Nous avions pris contact avec les Ministres de la Défense et des Affaires étrangères mais… aucun n'a pu être secouru. Nous sommes seuls.
Un silence de mort s'installa dans la pièce. En l'absence des personnes citées par Ronsard, il n'y avait effectivement plus personne aux commandes du pays, et donc personne pour donner des ordres. C'était, à défaut d'un terme moins vulgaire, le bordel le plus total qui régnait dans la chaîne de commandement.
Toutefois, le silence fut bientôt brisé par le grésillement de la radio de Jansen.
- Mon capitaine ! Le périmètre de sécurité est tombé et nous avons perdu les hommes de la porte sud ! Quels sont vos ordres ?
Jansen activa immédiatement son émetteur et était sur le point de répondre quelque chose, mais il stoppa net, avant de lever la tête en direction du général. Ce dernier était demeuré parfaitement silencieux, comme s'il cherchait lui aussi quoi faire…
Heureusement pour eux, toutes les personnes présentes n'étaient pas aussi hésitantes.
- Formez un périmètre autour du hangar, nous allons utiliser l'avion pour nous échapper.
Tous posèrent les yeux du Max, qui ne perdit rien de son assurance pour autant. Le regard du lieutenant était fixé sur celui du capitaine du RAID, aucun des deux hommes n'étant décidé à baisser les yeux.
- Tu as entendu ? Formez un périmètre autour du hangar, et faites monter à bord tout le personnel civil, et le plus de matériel possible. Trouvez-moi aussi un pilote pour faire décoller cet appareil.
- Bien, mon capitaine.
Sans dire un mot, Max quitta son siège et se dirigea vers la sortie de l'appareil. Il fallait qu'il voie par lui-même ce qui était en train de se passer, qu'il s'assure que tout cela n'était pas qu'un mauvais rêve…
… et il ne tarda pas à en avoir la confirmation.
A peine sorti du hangar, il put les voir arriver de loin. Des militaires et des civils, avançant de la même démarche maladroite, qui se rapprochaient inexorablement d'eux…
… et ils étaient tous morts. Morts et affamés, s'il devait en croire la vidéo de sécurité de l'aéroport.
Il ne tarda pas à dégainer son pistolet et le braqua en direction des… des quoi ? Des zombies ? Des morts-vivants ? De ces individus qui n'avaient plus d'humains qu'une vague ressemblance physique ?
Max était sur le point de tirer quand une main vint remettre en place le cran de sécurité de son arme. Une main qui ne tarda pas à lui mettre une gifle magistrale, qui manqua de lui faire perdre l'équilibre.
C'était la main de Claire. Il aurait reconnu cette douleur cuisante même après une séance de torture…
- Qu'est-ce qui te prend ? S'écria-t-il en la fusillant du regard.
- Qu'est-ce qui me prend ? Les rapports disent que ces choses réagissent au bruit ! Une seule détonation et ils se seraient tous rués vers nous !
Posant une main sur sa joue endolorie, il commença à reprendre peu à peu ses esprits. Claire avait raison, il ne devait pas se laisser aller. Ces choses étaient encore loin et ils avaient donc une chance, une minuscule chance, de s'en tirer.
- Le timing va être serré… S'exclama-t-il en replaçant l'arme dans son holster.
- Depuis quand cela t'importe-t-il ? Rétorqua-t-elle avec ironie.
Laissant échapper un soupir, Max lui emboîta le pas pour retourner vers l'avion, tout en pestant contre sa coéquipière et le fait qu'elle ait, comme souvent, raison…
Assis dans la salle des communications en compagnie de Claire et de Sophie, le jeune homme entendait pourtant les coups de feu tirés au dehors. Tout son être brûlait d'aller rejoindre les membres du RAID qui se battaient pour eux, là-dehors, mais les ordres de Jansen avaient été formels : ils devaient s'assurer de garder la communication avec le QG de la DGSE et trouver un endroit dans lequel ils pourraient se rendre.
Sachant que les rapports indiquaient que des émeutes similaires dans toute l'Europe, ils ne pourraient guère rester dans cette partie du continent… et c'était la même chose pour les Etats-Unis, la Chine et même l'Afrique.
Sans parler du fait que la majorité des personnes présentes, à l'exception de Claire et lui-même, n'avaient jamais quitté la France autrement que pour de courtes périodes de vacances dans des régions touristiques… c'est-à-dire densément peuplées et donc à éviter.
- Il nous faut un endroit plus ou moins isolé, où l'on puisse peut-être trouver des renforts. S'exclama Claire.
- Comme une île ? Avança Sophie.
- Oui. Concéda Max. Une île mais où l'on puisse trouver des munitions et du carburant. On ne peut donc pas vraiment mettre le cap sur les Antilles ou la Polynésie. Oh, peut-être que…
- Peut-être que quoi ? L'interrogea Dupuy, en haussant un sourcil.
Le jeune homme ne répondit pas tout de suite, pianotant à toute vitesse sur le clavier, et affichant ainsi plusieurs vues satellites sur les écrans. La plus haute d'entre eux montrait une île qui s'étirait en longueur avec un petit archipel à son extrémité sud.
- Le Japon ? Demanda Sophie, apparemment surprise de ce choix.
- Mon père est japonais et je peux donc affirmer qu'ils sont plutôt bien équipés en matière d'armement. Je crois aussi me rappeler que l'un de leurs aéroports est artificiel, oui, celui-là !
Et la vue d'une petite île artificielle, dont la superficie devait à peine dépasser mille hectares, et recouverte sur la majorité de sa surface par des pistes d'atterrissage.
- Voici l'aéroport international du Kansai. Il n'est relié à la terre ferme que par un unique pont que l'on devrait pouvoir assez facilement défendre… Oui, c'est jouable. Déclara Max, un mince sourire aux lèvres.
A peine eut-il le temps de terminer sa phrase que l'avion se mettait en mouvement. Quittant la pièce, ils se rendirent dans la cabine adjacente où ils pouvaient examiner la situation par les hublots.
Des hommes armés tiraient toujours sur les silhouettes pourrissantes qui les encerclaient, dégageant ainsi à l'appareil une voie dégagée pour lui permettre de décoller. Max sentit sa gorge se serrer en réalisant qu'aucun de ces hommes ne réussirait probablement à s'en sortir.
- Alors, vous avez trouvé une destination ? S'exclama une voix forte depuis l'autre extrémité du compartiment.
Le capitaine Jansen était en sueur mais il ne paraissait pas blessé, simplement épuisé. Max se contenta d'acquiescer de la tête avant de répondre à voix haute.
- L'aéroport international du Kansai, au Japon.
- Quelle distance ?
- Environ 10 000 km, heureusement cet appareil doit parcourir dans les 12 000km avec ses réservoirs pleins.
- Je vois… j'espère que vous ne vous trompez pas. Je viens de perdre cinq de mes hommes pour que nous puissions quitter cet endroit maudit.
Max ne répondit pas mais le regard brûlant qu'il lançait en direction du capitaine en disait long sur ce qu'il pensait. Ce dernier esquissa alors un léger sourire avant de reprendre la parole, d'une voix moins hostile.
- Au fait, quel est votre nom, lieutenant ?
Le jeune homme parût hésiter un instant avant de lui répondre avec assurance.
- Maximilien Hirano.
Note de l'auteur : Ad augusta per angusta est une locution latine qui signifie littéralement « Vers les sommets par des chemins étroits » et qui signifie en d'autres mots que la gloire ne s'acquiert par facilement. C'est aussi l'une des devises supposées de la DGSE.
