Cette histoire est librement inspirée de "L'Ombre du Vent" de Carlos Ruiz Zafon. Il s'agit d'un total UA, je m'excuse pour ceux que cela pourrait choquer.
Pour les besoins de l'histoire, le Collège de France est une université, ce qui n'est évidemment pas le cas dans la réalité.
Pairing : Drago Malefoy / Hermione Granger
Disclaimer : Bien entendu, les personnages de JK Rowling ne m'appartiennent pas...!
Bonne lecture !
« Quand je te vois passer, ô ma chère indolente,
Au chant des instruments qui se brise au plafond,
Suspendant ton allure harmonieuse et lente,
Et promenant l'ennui de ton regard profond
Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,
Ton front pâle, embelli par un morbide attrait,
Où les torches du soir allument une aurore,
Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait.
Je me dis : Qu'elle est belle ! et bizarrement fraîche !
Le souvenir massif, royale et lourde tour,
La couronne, et son cœur, meurtri comme une pêche,
Est mûr, comme son corps, pour le savant amour.
Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines ?
Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs,
Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines,
Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs ?
Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques,
Qui ne recèlent point de secrets précieux
Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques,
Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô Cieux !
Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence,
Pour réjouir un cœur qui fuit la vérité ?
Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence ?
Masque ou décor, salut ! J'adore ta beauté. »
Chapitre CI « L'AMOUR DU MENSONGE », LES FLEURS DU MAL : TABLEAUX PARISIENS, Charles Baudelaire.
Paris, Samedi 1er Octobre 1946.
Les temps sont troubles en ce lendemain de guerre. Mon père y a perdu la vie, laissant ma si fragile génitrice totalement effondrée. J'éprouve un profond dégoût pour tous ces fanatiques, fascistes et collabos. Du haut de mes seize ans, je pourrais être une sorte d'anarchiste : je refuse de réaliser le succès des socialistes, dont les rumeurs prétendent que leur représentant, Léon Blum, reformera un gouvernement dans les semaines suivantes.
Ma mère me répète souvent que je ressemble à mon grand-oncle, cousin de mon paternel, un certain Drago Malefoy, que je n'ai jamais connu et qu'elle présume mort. Il était paraît-il romantique, penseur et épris de poésie française, bien qu'italien par sa mère, Narcissa Malefoy.
Ma mère, Bellatrix Jedusor née Black, est ma seule famille. Nous vivons dans le quartier latin, dans le cinquième arrondissement, au cœur de la belle ville parisienne. L'apparition des Trente Glorieuses, renaissance économique, nous a permit d'acheter un élégant manoir de taille modeste à Saint Germain des Prés.
Je me souviens de notre ancienne demeure : nous étions propriétaires du 6 boulevard des Invalides, énorme hôtel non loin du numéro 8, lieu de réunions des Parnassiens tel Théophile Gauthier, dont Verlaine et Rimbaud furent les symbolistes héritiers et accessoirement modèles poétiques de Drago Malefoy.
Je me souviens aussi de l'immense frayeur de ma mère, lorsque l'occupant allemand réquisitionna notre hôtel durant 1942 elle maudissait chaque jour – intérieurement – le Maréchal Pétain. Moi-même, à douze ans, j'étais déjà révolté contre plusieurs choses : le 27 Mars quand le premier convoi juif quitta Drancy – à l'époque personne ne savait où ils allaient, mais je trouvais cela suspect – et la Wehrmacht qui envahit le Sud le 11 Novembre, faisant de la France une ignoble dictature.
Mais ce qui me consterna le plus fut le départ de mon père, Ian Jedusor, emmené de force en Allemagne pour le STO. Je ne le revis plus jamais. Ce n'est que plus tard, que j'appris qu'il avait été déporté à Mauthausen, comme ennemi politique.
Quelle ne fut pas ma joie, hier, quand j'ai appris que les responsables de la mort de mon père étaient condamnés par le tribunal de Nuremberg !
Mon père était une personne chaleureuse, intellectuelle et d'une grande noblesse de cœur. Il fut mon mentor, maintenant il est plus que tout mon modèle. Je sais que ma mère l'aimait de toute son âme, le désirait de tout son corps depuis la première fois qu'elle l'a vu.
Elle me répète souvent – elle me raconte beaucoup de choses ! – que je ressemble à mon père, pour mon physique et ma personnalité. Et mon âme poétique me vient de ce Malefoy.
Aujourd'hui est le troisième anniversaire du décès de mon paternel. Pendant que ma mère est partie, comme chaque année, se recueillir sur sa tombe et prier à l'église, je marche en direction du quartier des prestigieuses universités où j'espère être inscrit après mon baccalauréat…
J'hésite encore entre la Sorbonne, de renommée mondiale, pour la théologie et la psychologie, et le Collège de France, pour les lettres, les langues et l'Histoire. Mon entourage me conseille vivement celui-ci – suis-je trop comparé à Malefoy ?
Je choisis de faire un petit détour près du Palais du Luxembourg, où le Sénat de la République tiendra ses séances à partir de Décembre.
J'aime énormément venir de ce côté sensiblement calme, où le jardin est encore plus magnifique à chaque jour qui passe je ne suis pas le seul, de nombreuses personnes apprécient la tranquillité et la beauté de ce lieu, toujours accompagnées d'orchestres classiques, de jazz ou de théâtres à marionnettes.
Mais voici qu'arrive ma très chère Amy Hartzler. Je ne lui ai pourtant pas fixé de rendez-vous. Elle se glisse entre mes bras et vient m'embrasser tendrement, comme elle sait le faire. Nous parlons une demi-heure, peut-être plus. Elle me quitte – elle doit partir faire des courses pour sa charmante mère.
Une fois hors de vue, je sens une douce brise passer dans mes cheveux. Je décide de m'asseoir sur le banc le plus proche, assez près de l'orchestre pour entendre une lointaine et profonde mélodie d'Armstrong, tout à faire adéquate au temps.
- Mignonne ta copine, mon petit.
Je me retourne vivement, je n'ai entendu personne approcher. Derrière moi se tient, droit et élégant, un grand homme vêtu d'un imperméable et d'un chapeau noirs qui lui donnent un air aristocratique. Seule sa cigarette presque finie vient ternir cette image aisée.
Il est impossible à dévisager, son chapeau masque ses yeux et son écharpe, son menton il s'approche encore plus et s'assied à l'extrémité du banc :
- Moi aussi je te conseille le Collège, Tom.
Je sens mon regard devenir encore plus ahuri : comment cet homme, qui de toute ma courte existence m'est inconnu, sait-il mon nom ? Je lui pose la question il garde le silence.
- Quel est votre nom, monsieur ?
Aucune réponse. Je prends soudainement peur : et si cet homme m'espionnait ? Je me lève aussitôt, cette pensée m'effrayant. Mais il me retient :
- N'aies pas peur Tom, je suis un ami.
Je le regarde à nouveau, encore plus intensément. J'essaie de déceler un faible sourire, le moindre geste, la moindre grimace. Mais cet inconnu mystérieux et aristocrate reste immobile.
J'observe encore plus son apparence, sa posture : ses pieds sont parfaitement aplatis sur le sol, il semble enraciné son dos est légèrement voûté et je vois sur ses mains des marques de blessures profondes et anciennes de quelqu'un qui a tapé longuement sur les murs par colère ou désespoir.
Cet homme-là me donne l'impression d'avoir éprouvé une grande peine. Je ne vois pas ses yeux, mais il a l'air triste. Cet homme semble lassé de vivre.
Perdu dans les détails de mon observation, je n'ai pas vu le concerné se lever il s'approche légèrement de moi. Je reviens enfin à la réalité et le fixe : je vois l'ombre d'un sourire – crispé, mais néanmoins étonnamment sincère – se dessiner sur son visage fin et déjà parsemé de minces rides, sans doute creusées par la fatigue.
Je peux désormais lui attribuer un âge que je situe entre quarante-cinq ans quarante-sept ans. Exactement le même que celui qu'aurait fêté mon père aujourd'hui.
- Au plaisir de te revoir, me souffle-t-il.
Et je le vois s'éloigner comme une ombre, tout aussi silencieusement qu'il est venu, le bruit du craquement des feuilles sous ses pas se mélangeant à la brise.
Je quitte le Jardin du Luxembourg et marche en direction de la Sorbonne pour me plonger dans les livres de sa somptueuse bibliothèque que je chéris tout particulièrement pour la richesse de son contenu mais aussi par la beauté du lieu, une décoration et un mobilier style Empire que je peux retrouver dans le bureau de feu mon père.
Muni de la carte d'un ami étudiant ici et de l'autorisation d'accès de la direction en tant que futur étudiant, j'entre avec hâte dans ce lieu qui m'est sacré. L'unique pensée paternelle me donne envie de me plonger dans d'anciennes archives d'Histoire, malgré que la bibliothèque de la Sorbonne soit plutôt consacrée à la littérature et la philosophie.
Ma mère m'a un jour parlé que Benito Mussolini, affreux « inventeur » du fascisme, faisait partie de la famille. Comment mon père a-t-il réagi ?! Moi-même je me pose la question : comment cet homme ignoble – s'il lui restait une part d'humanité – pouvait-il faire partie de notre famille ?
Qu'a due être la réaction de Drago Malefoy, romantique et anarchiste confirmé ? Après quelques minutes de recherches, je découvre une archive tout à fait intéressante sur la généalogie des dictateurs. Mais la suite l'est encore plus.
Je me précipite vivement sur la lettre M, non sans une pointe de crainte. Et cette dernière se confirme lorsque je vois le nom de la sœur naturelle de Mussolini : Narcissa, mariée Malefoy. Drago était le neveu de ce mégalomane ! On comprend pourquoi il est devenu anarchiste.
Encore plus étonnant, je vois apparaître le nom de la sœur de Lucius Malefoy, Calen, épouse de David Jedusor – c'est-à-dire ma grand-mère paternelle. Le livre, ironiquement, ne cite pas le nom d'Ian Jedusor, mon père tant aimé.
Fier mais néanmoins bouleversé par ces informations, je sors de la Sorbonne pour retourner chez moi, méditer et, par l'occasion, servir un interrogatoire à ma mère.
