ROSE TRAGÉDIE
N/a : Bonjour à tous ! Je suis très heureuse de vous présenter cette nouvelle fiction, déjà entièrement écrite, et dont je publierais un chapitre tous les Jeudi (peut être parfois le vendredi, c'est un risque à prendre en compte, parce que je ne suis pas encore rentrée, donc disons que... peut être que le Jeudi je ne pourrais pas... donc je me donne une marge d'un jour, je vous dirais si j'ai une idée plus précise d'ici Septembre). Quoiqu'il en soit, elle met donc en scène deux personnages pour lesquels je me suis prise d'affection, Filius Flitwick et Septima Vector, en écrivant mon autre fic longue (petite précision d'ailleurs, je crains d'avoir un peu... agrandi Filius, je n'ai pas pu m'en empêcher, il a pris quelques centimètres !). Ce sont deux personnages très peu connus et utilisés, et j'espère vous les faire apprécier ici. Cette fiction est composée de 5 'Actes', ainsi que d'un prologue et une épilogue. En tout, donc, sept publications en comptant celle-ci !
Quoi d'autre... oui, pour ceux qui, par chance, liraient ma fiction 'Quand on se torture l'esprit' : il y a en effet plus d'un rappel ici. Les scènes et le passé et passif de ces mêmes personnages, que j'ai mis en scène dans cette autre fic, sont parfois proches de ce que j'avais fait dans l'autre. Avouons-le, l'idée m'est venue de là, et ils ont gardé beaucoup de ce qu'ils étaient déjà. Cependant, tout n'est pas exactement pareil, et ils sont centraux. J'ajouterais que certaines scènes (la majorité, bien heureusement) sont tout à fait inédites. J'espère donc que cette fiction-ci vous plaira aussi, peut être même davantage ! Quant au retard que j'ai pris sur 'Quand on se torture l'esprit', j'avoue que l'écriture de cette fiction n'y est pas indifférente : je voulais la finir avant Septembre. Je retourne donc désormais à mes moutons !
Enfin, avant de vous laisser tranquille, je voulais vous dire que, bien entendu, je souhaiterais ardemment avoir des reviews de votre part ! Et que, si vraiment vous me le demandez, je suis prête, bien sûre, à raccourcir le délais de publication que je prends pour point de départ. En tout cas, c'est avec le plus grand plaisir que je recevrais vos avis - quels qu'ils soient - que j'attends avec impatience !
Ce prologue n'est qu'un avant-goût. Enfin, disons que j'espère qu'il ne rebutera personne, car il est vraiment... présentatif. La suite... et bien, dans une semaine !
Bonne lecture j'espère, Bergère.
Disclaimer : en général j'oublie d'écrire cette petite chose. Donc ! tout ce qui est reconnaissable appartient à JKR. Il y a des OC, mais pas seulement. Quant à nos deux protagonistes, j'ai la prétention - c'est mal XD - de les considérer un peu à elle, un peu à moi, car ils sont très peu développés dans les romans, et je les ai vraiment forgé comme je le souhaitais, à partir du peu que je savais sur eux au départ. Voilà, bonne lecture une fois de plus !
Prologue,
Présentation : Alea jacta est.
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Septima Helen Vector était née le 10 avril 1948, et non pas le 7 comme les gens avaient tendance à le croire. Son prénom n'avait rien à voir avec une date : ses parents étaient tout simplement légèrement superstitieux, et ils avaient souhaité lui donner un nom qui aille avec leurs craintes et leurs croyances. Un dérivé du chiffre treize aurait donné quelque chose d'assez hideux, et le trois, dont la force magique était assez développée elle aussi, aurait donné lieu à un nom du type Tétra. Ce n'était pas un prénom, et le sens de l'esthétique avait bien heureusement triomphé pour laisser la place à un derivé du chiffre sept : Septima. A vrai dire, elle aimait plutôt bien son prénom : assez original pour ne pas être confondu dans la masse des autres, mais pas trop pompeux non plus. Qu'il lui ait porté chance, par contre, elle n'aurait pas su le dire et en doutait. Elle était certes tombée amoureuse de l'Arithmancie, mais elle n'était guère convaincue par les croyances de grand-mère qui animaient ses parents, et elle était toujours restée rétive à la divination. Quoiqu'il en soit, elle avait grandi avec son prénom, était entrée puis sortie de Poudlard ainsi, avait connu ses premières amourettes, ses moments de solitude, tout, en répondant au nom de Septima Vector.
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Pendant longtemps, elle n'avait pas trop su ce qu'elle allait faire d'elle-même. Elle était une très bonne élève, Serdaigle, disciplinée et passionnée d'Arithmancie. Cela ne vous faisait pas un gagne-pain en sortant de Poudlard, et moins encore un projet clair de futur. Elle avait eu envie de suivre ses aspirations et de faire ce que ses goûts lui conseillaient, et elle avait intégré une école prestigieuse – et inutile avait ajouté une de ses amies en riant – d'étude de la magie des chiffres. Pendant trois ans, elle avait étudié avec assiduité, elle s'était spécialisée, elle avait fait de l'Arithmancie et s'en était délectée, ne regrettant pas son choix.
Et soudain, à 22 ans, elle avait eu comme une soudaine prise de conscience : comment allait-elle subvenir à ses besoins en faisant des études pareilles ? Elle qui avait toujours mis de côté les remarques de ses parents ou autres membres de la famille se demandait désormais ce qu'elle allait pouvoir bien faire de sa vie. Cette question, oubliée depuis longtemps, était revenue à la charge ; et elle avait prit peur, en quelque sorte. Elle avait tout de même achevé ses cinq années de cours, décrochant au terme du cursus quinquennal un diplôme de Sorcellerie Supérieure de la Magie des Chiffres, option Théorie de l'Arithmancie calculatoire. Une de ses amies qui était d'origine moldue, une des rares avec qui elle avait gardé un vrai contact, lui avait dit avec un sourire que ça avait l'air aussi spécialisé et utile que Lettres Classiques dans le monde d'où elle venait. Septima avait haussé les épaules : peut être.
Après cela, elle avait écumé les petites annonces et les demandes d'emploi, mais n'avait rien pu décrocher. Deux choix s'offraient à elle : tenter un doctorat qui lui prendrait deux ans, et, avec une qualification plus élevée, peut être trouver un poste, ou bien abandonner des rêves qui n'avaient que trop durés, et entamer une autre formation, moins prestigieuse mais plus utile pour trouver du travail. Cela lui avait pris un an, et sans l'héritage que ses parents avaient reçu, elle n'aurait pas pu faire le choix somme toute le plus agréable et le plus sûr : faire – ou du moins tenter de faire – les deux en même temps.
Elle avait passé trois années à faire en parallèle une thèse rallongée, et un rapide cursus de bureautique magique et organisation de travail en bureau – autrement dit, formation de secrétariat où elle mourrait d'ennui. Cette seconde voie qu'elle empruntait lui apparaissait terriblement fade à côté de l'étude qu'elle menait sur 'L'Arithmancie appliquée à la Potion : des équations et des significations.' Elle avait obtenu le doctorat avec un baume au cœur, et passé l'examen de fin de parcours de manière très juste, quasiment dernière d'une promotion qu'elle dominait pourtant de beaucoup.
En juin 1975, munie de ses deux diplômes ainsi que de son titre de Docteure en Arithmancie, elle avait recommencé à chercher un emploi. Deux ou trois places de gratte-papier étaient disponibles au Ministère, et elle avait passé les entretiens. Mais, à vrai dire, elle espérait presque ne pas être prise. Et puis, il y avait eu cette annonce de La Gazette du Sorcier. La solution, si tant était qu'elle fût prise, semblait se trouver là, limpide et claire, sous ses yeux.
« A la suite du départ à la retraite de la personne qui occupait ce poste, le Collège Poudlard, école de Sorcellerie, recherche une personne décemment qualifiée pour le poste de professeur d'Arithmancie. Envoyer dossier à Minerva McGonagall, directrice adjointe, pour solliciter un entretien d'embauche. »
Elle avait fait mine d'hésiter pendant quelques jours, fait semblant de se poser des questions sur sa vocation et sur son envie et sa capacité à enseigner ; puis elle avait simplement cédé à l'envie et l'espérance, et elle avait écrit un courrier à son ancien professeur, qu'elle avait espéré clair, bien construit, et encourageant. Puis elle avait attendu. Une réponse positive lui était venue du Ministère, mais elle l'avait simplement posée sur son bureau en se promettant de répondre et d'accepter si elle n'obtenait rien de Poudlard. Enfin, un hibou de la célèbre école lui avait apporté une date de rendez-vous, le 7 Août. Le sept, n'avait-elle pas pu s'empêcher de penser avec un sourire : quoiqu'elle dise de superstitions, elle avait espéré que cela lui porterait chance.
Le rendez-vous avec le professeur McGonagall avait mal commencé : elle avait réussi à balbutier en prononçant son nom, et à se ridiculiser en s'embrouillant dans le titre de sa thèse. Et puis elle avait repris son calme en se cachant derrière les vapeurs de sa tasse de thé, elle était parvenue à tenir une conversation cohérente et, elle l'espérait, à donner une bonne image d'elle-même. Elles avaient vu de long en large ses compétences et ses diplômes, son cursus, son profil… tout. En serrant la main de l'enseignante avant de repartir, elle ne savait trop que penser.
« Je vous recontacterais pour vous dire si vous avez le poste. » Elle avait simplement hoché la tête, et au moment où elle allait passer la porte elle avait été rappelée. « Mlle Vector, sachez que vous avez vos chances. » Quelques années plus tard, elle avait appris qu'elle était, et de loin, la plus qualifiée ; et que le courrier n'était qu'une formalité pour ne pas dire qu'elle était acceptée sur le champ. Le courrier promis était arrivé, elle l'avait ouvert les mains tremblantes, avait déchiré la lettre sans le vouloir, et avait enfin découvert qu'à la rentrée de Septembre elle deviendrait enseignante à Poudlard. Un cri de joie et quelques pas de danses en forme de bonds avaient agité la maisonnée, et même l'air un peu déçu de ses parents, qui auraient voulu qu'elle fasse mieux que prof, n'avait rien entaché de sa joie.
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Septima Vector était une jeune femme vivante. Plus même, elle était vive, agitée, et assez nerveuse à vrai dire. A moitié timide et à moitié trop extravertie, toujours à avoir peur de mal faire, et réussissant souvent à mettre les pieds dans le plat avec tant de candeur qu'il était rare qu'on lui en veuille vraiment. En cela, elle avait gardé un côté enfant. D'un naturel souriant, elle n'avait pas tendance à le montrer lorsque quelque chose – quoique ce soit – n'allait pas, si bien que les gens semblaient croire qu'elle était d'une invincible gaité. Elle était la fille souriante et sympathique, celle qui disait des bêtises et qui avait cessé d'en rougir sauf en cas de force majeur, celle qui vous embarquait dans des projets compliqués et qui ne manquaient pas de rater, mais qui vous faisait passer un moment plutôt agréable. Et, même si elle s'était lentement éloignée de ses amies de Collège, elle avait le contact plutôt facile, quoique superficiel.
Dans le fond, elle était plutôt émotive, sensible. Très sensible. A l'eau de rose, et romantique. Elle aurait voulu pouvoir vivre dans un monde idéal et souriant, un monde sans haines et sans colères, sans guerres et sans peurs. Oui, bien sûr, elle le savait, c'était impossible ; mais il y avait des jours où elle ne pouvait pas s'empêcher de rêvasser. Que serait le monde, s'il n'y avait pas une part d'imagination pour contrebalancer la noirceur et la tristesse que l'on pouvait y trouver ? Les gens étaient souvent étonnés que, pour une spécialiste des chiffres, elle soit si peu terre-à-terre dans sa manière de faire, dans la vie de tous les jours. A vrai dire, il y avait une barrière infranchissable entre les nombres, les chiffres, les équations, les significations magiques qui gravitaient autour de tout cela, et le reste de la vie. Bien sûr qu'elle avait étudié les rapports avec la magie dans son usage pratique, dans sa réalité ; mais s'était avant tout une forme de théorie poétique. Ah ! des discours pareils, sur la beauté de l'Arithmancie, lui avaient attiré un certain nombre de moqueries.
Quoiqu'il en soit, outre cette passion dont elle pouvait désormais faire son métier, elle avait un autre goût très prononcé, et bien plus caché : celui des romans d'amour. Elle avait redécouvert, vraiment découvert les histoires d'amour lors des vacances scolaires de sa 4ème à sa 5ème année, en lisant ce livre sur lequel elle était tombée par hasard, et dont elle avait appris plus tard qu'il était un grand classique de la culture moldue : Raison et Sentiment(*). Elle l'avait choisi au hasard dans la bibliothèque de ses parents, comme attirée par la couverture, aimantée par le titre. Une semaine plus tard, en refermant la dernière page, elle s'était sentie transportée. Et elle avait commencé à les accumuler, ces romans d'amour, ces contes de fées, ces pièces de théâtre… elle ne bloquait bien que sur la poésie, et encore, cela dépendait. A l'âge de 28 ans, elle possédait une collection impressionnante, variée, de livres qu'elle n'avait bien sûr pas tous pu lire, mais qu'elle avançait lentement, avec ardeur, avec émotion.
Elle adorait se laisser prendre par les histoires, pleurer parce qu'elles étaient tristes, sourire de joie à travers ses larmes, s'émouvoir simplement. Elle aimait se prendre au jeu, se laisser croire que c'était vrai, vivre ces sentiments, se créer un monde de fantaisies à partir des livres qu'elle avait lu. C'était comme une drogue, une addiction, mais elle y tenait : avait-on jamais vu addiction plus douce et moins dangereuse ?
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Elle était plutôt jolie. Pas forcément très jolie, pas admirable, et certainement pas top-modèle malgré sa taille de guêpe. Elle était grande, mais pas gigantesque. Fine, presque maigre, elle en paraissait plus allongée : on l'avait assez traitée d'asperge pour qu'elle le comprenne. Elle avait une démarche comme incertaine, un peu maladroite : ce n'était pas en soi une question d'équilibre, mais marcher sur la pointe des pieds à tout bout de champ vous ancrait moins fortement dans le sol. Elle se tenait en générale droite, les épaules relevées et tendues par une forme de stress perpétuel : elle était loin d'être quelqu'un de détendu.
Sa figure était animée, en constant mouvement. Des yeux marron, des lèvres rosées et fines, souvent agitées d'un sourire profond et sincère qui laissait déjà de légères marques creusées au coin de la bouche. Un nez fin, comme aiguisé, surplombait le monde avec un air de majesté, et semblait le point central de sa physionomie. Quelques vagues tâches de rousseur selon la saison et l'ensoleillement s'accordaient avec le châtain-clair d'une chevelure quasiment lisse et mi-longue qu'elle ramenait constamment derrière ses oreilles lorsqu'elle travaillait ; et son visage était déjà couvert de rides d'expressions, sillonné de marques de la vivacité qu'il manifestait.
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En un mot, elle n'était jamais qu'une femme normale, sans extravagances, sans folies, avec ses imperfections et ses beautés, avec cette normalité naturelle et cette multitude de particularités. Elle était ce qu'elle était, Septima Vector, avec quelque part dans un de ses placards un grand pullover sur lequel était cousu un 7 pailleté que sa mère qui avait offert, et qu'elle ne sortait jamais de son tiroir ; avec des feuilles en désordre sur son bureau et un rangement tout personnel ; avec quelques photos rangées pour ne pas les perdre et sur lesquelles elle ne pouvait pas remettre la main ; avec des crises où elle en venait à envisager d'écrire à l'ex qu'elle n'avait pas vu depuis des années avec tant d'autres choses… Elle était professeure, à Poudlard, et elle avait la sensation de commencer vraiment sa vie.
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Filius Johan Flitwick avait la sensation étrange qu'il avait toujours été enseignant. Pourtant, il n'était entré à Poudlard en tant que professeur qu'en septembre 1966, et cela ferait bientôt 9 ans. Neuf ans, ce n'était pas la durée d'une vie, loin de là. Il y avait eu beaucoup de choses dans sa vie, avant et pendant son professorat… et, pourtant, il avait l'impression que toute sa vie était là et avait toujours été là : cela, du moins, était vrai de toute la réalité qu'il restait dans son existence. Les souvenirs extérieurs étaient devenus douloureux, ils étaient autres ; et beaucoup étaient presque morts comme ceux qu'ils concernaient.
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Né le 10 mai 1937, il avait grandi et appris à assumer le mètre quarante-cinq que ses origines Gobelins lui avaient léguées ; et il avait passé des années à supporter que son nom, qui comportait visiblement trop de 'f' et de 'i' pour être accepté tel quel, devienne Fizwizbiz dans la bouche de ses camarades. En entrant à Poudlard, petit et chétif, il avait pourtant eu l'impression d'avoir la chance d'une nouvelle vie. Cette école, ce n'était plus les enfants des amis de ses parents, qui se moquaient de lui ; ce n'était plus le cercle intime et familial : c'était le début d'un autre monde, c'était un Univers en soi. Le surnom avait disparu, les plaisanteries désagréables avaient perdu en intensité. Il s'était distingué par ses notes, par son habileté à la baguette, et n'avait déçu que le professeur Slughorn lequel s'attendait à ce qu'un descendant de Gobelin sache manier un chaudron comme il devait savoir forger des outils et fondre du métal. Mais il ne savait faire ni l'un ni l'autre : les Potions avaient toujours été son point faible, et la théorie lui semblait paradis à côté de l'enfer de la pratique. Il était définitivement un intellectuel.
Il avait passé ses BUSE et ses ASPIC avec succès, puis il avait intégré une école d'Auror. Lors de sa première année il avait rencontré celle qui allait devenir sa femme, Cécilia Liling ; lors de sa deuxième il avait réussi avec succès les épreuves ; et il avait appris à la veille de passer en dernière année et de compléter son cursus qu'il n'avait pas la taille requise. Il avait tout essayé, épuisé tous les recours possibles, et il n'avait rien trouvé : il avait fallu abandonner une carrière attirante, laisser de côté l'adrénaline et le goût de l'aventure, et décider de ce qu'il allait faire après avoir perdu deux années de sa vie à des études qui ne pouvaient, au final, que se révéler infructueuses. C'était sur les conseils de celle qui était désormais sa compagne qu'il avait entamé des études de Sortilèges et d'Enchantements, qui lui permettrait normalement d'utiliser un détour de la législation et lui donner un titre équivalent à celui d'Auror.
Deux ans plus tard, après une année de 'remise à niveau' superfétatoire, et entamant la première étape de l'enseignement spécialisé dans lequel il se trouvait, il avait épousé Cécilia à la paroisse de Darlington, dans la petite église en pierre de la ville des parents de la jeune femme. C'avait été une petite cérémonie, assez intime et conventionnelle, un moment d'émotion et de plaisir, des larmes de joie et de ravissement. Sa famille à elle, avec son frère, et sa sœur dont il ne voyait encore que trop peu l'hostilité ; la sienne à lui ; et quelques rares vrais amis. Un Marieur, une robe blanche au style délicieusement suranné, un costume trois-pièces gris foncé, un bouquet de roses de la même couleur que ses lèvres, et des serments : il n'en gardait que ce genre de souvenir, à la fois vague et précis.
Tandis que Filius suivait sa seconde scolarité avec enthousiasme et ardeur, sa jeune épouse avait passé une année de stage, une deuxième durant laquelle elle avait été placée sous la tutelle d'un Auror expérimenté, et était enfin entrée dans le département des aurors du Ministère en tant qu'employée comme une autre. Lorsqu'il était sorti enfin diplômé en Juin 1964 de l'Institut où il avait entamé la dernière partie de la formation tout en travaillant en parallèle dans une boutique d'ouvrages spécialisés en Enchantements, le couple marié avait commencé à envisager d'avoir des enfants ; lesquels ne semblaient pas vouloir venir. Cependant, il ne s'agissait pas d'un problème de fertilité, et il fallait simplement laisser le temps et la nature faire son œuvre.
Ces projets avaient étaient bousculés, avec tout le reste de la vie de Filius, lorsque sa femme avait été victime d'un sort dangereux qui l'avait retenue à Sainte-Mangouste pendant plusieurs mois. Trop inquiet, il avait passé la plupart de son temps à ses côtés, alors qu'elle devenait étrangement plus distante. Elle lui avait annoncé qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants, il avait dit que c'était sans importance ; elle lui avait dit qu'elle allait guérir, mais qu'elle conserverait sans doute des séquelles, il avait dit qu'il s'occuperait d'elle. Et puis elle avait commencé à fumer des cigarettes moldues, et lui avait perdu son emploi parce qu'il passait trop de temps à son chevet, et trop peu à trier des ouvrages et à conseiller des clients. Elle avait enfin pu quitter l'hôpital, mais au lieu du bonheur qu'il s'était promis, il avait eu à supporter l'une des conversations les plus terribles de sa vie, et à se plier à une décision qui le rendait si infortuné.
Elle ne voulait pas qu'il soit malheureux pas sa faute à elle, elle ne voulait pas qu'il s'inquiète tant. Il fallait qu'ils s'éloignent, qu'ils se voient moins, qu'il se détache d'elle. Il avait supplié, interrogé, pleuré. Il avait demandé si elle aimait quelqu'un d'autre, et il l'avait cru quand elle lui avait juré que non ; il lui avait demandé si sa compagnie était désagréable, elle avait promis que ça n'avait rien à voir. Il avait cherché à renverser des résolutions qui lui paraissaient si absurdes, il avait pleuré à nouveau ; puis ils avaient vendu la maison et chacun s'était acheté un petit appartement dans un quartier différent de Londres.
A partir de ce jour-là, ils s'étaient vu régulièrement, mais de moins en moins, jusqu'à ce qu'elle lui demande le divorce que, trop accablé, il avait accepté sans même protester. La séparation qui s'était effectuée entre les deux membres de ce couple avait concordé avec le moment où elle l'avait incité à retrouver un travail parce qu'il ne pourrait pas toujours vivre sur ses économies. C'est ainsi qu'il avait postulé pour le poste d'enseignant à Poudlard : il se demandait encore comment, avec son manque d'enthousiasme, il avait pu être engagé. Il avait même pensé pendant un moment que le directeur, connu pour sa générosité et son amour des cas désespérés, ne l'avait pas accepté simplement pour le sortir de sa déprime et lui donner une nouvelle chance. Peut être que oui, dans le fond…
Quoiqu'il en soit, il était devenu le Professeur Flitwick en septembre 1966, serré dans un costume noir dans lequel il espérait trouver une vertu apaisante, et la caractéristique de le rendre plus sérieux et de faire oublier ce mètre quarante-cinq qui le faisait paraître si insignifiant. En neuf ans, il s'était reconstruit une vie autour d'un nouveau centre, à la fois plus vivant et moins poignant, auquel il était attaché, mais avec moins de passion et moins de force : Poudlard. Il s'était intégré, il avait trouvé l'équilibre à instaurer pour parvenir à tenir une classe sans s'en faire haïr, il avait refait sa vie un peu de force ; et il n'en restait pas moins qu'il regrettait ce qu'il laissait derrière lui. Pour rien au monde il n'aurait renoncé au rendez-vous annuel qu'ils se donnaient dans un bar de Londres, pour prendre un verre et discuter, encore et encore, jusqu'à n'en plus pouvoir de fatigue ; et pourtant il en souffrait affreusement. Se replonger dans la douceur de ces souvenirs lui était comme vital, mais c'était aussi et surtout douloureux, difficile, et avant tout déchirant.
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La discrétion était quelque chose qui l'avait toujours très bien caractérisé : discret, presque passe-partout. Plein de petites qualités, il avait tendance à être confondu dans la masse par les autres, voire à être considéré comme proprement insignifiant. Pendant un temps, il avait vaguement rêvé de grandeur, de pouvoir, de superbe, pour montrer aux autres et leur en jeter ; mais il avait eu la chance d'être assagi par le temps et une âme raisonnable, et depuis se contentait très bien de ce qu'il était. Contrairement à beaucoup, il était parvenu à véritablement intégrer cette maxime : ceux qui en valent la peine sauront bien voir qui tu es vraiment, et ce que tu vaux vraiment. Il ne savait pas trop d'où il sortait cet adage, mais il l'utilisait en toute occasion, lorsqu'il se sentait couler, lorsqu'il se sentait rabaissé et considéré comme moins que rien. C'était sa réponse à un dédain que sa condition, pourtant lointaine, lui avait fait expérimenter à diverses reprises.
La discrétion donc. Pas d'éclat, pas de cris. Il était aussi assez fermé sur ces sentiments, mais il avait appris à ne pas en avoir honte, ou du moins pas trop. Ressentir n'était pas un mal, et il n'y avait pas de quoi en avoir honte ; et, si bien sûr il n'appréciait pas de laisser voir des larmes, il était capable de ne pas s'y arrêter trop longtemps. Après tout, nous étions tous des êtres humains autant les uns que les autres, et chacun avait le droit à ses moments de faiblesse, comme de force d'ailleurs. Ce genre de phrases philosophiques – ou du moins nommées comme telles – faisait beaucoup rire son épouse – ex-épouse… – qui le traitait de sage hindou en riant. Maintenant qu'elle n'était plus là pour s'en moquer gentiment, il trouvait qu'elles avaient moins de goût, moins de force et d'intérêt : une certaine fadeur s'était installée dans leur usage et leur prononciation.
Une autre des choses qui composait son caractère, et qui était d'ailleurs liée à la discrétion, était la timidité. Il était timide, un défaut qu'il avait réussi à mettre de côté avec suffisamment de brio pour ne pas être entravé dans la vie par cette inquiétude face aux autres. Mais cela ressortait avec une force assez étonnante dans des situations intimidantes, ou simplement imprévues ; et s'il jouait son rôle de professeur comme il le fallait, il lui arrivait d'hésiter à emprunter une cheminée par peur de déranger, et parfois il passait des heures à hésiter sur trois ou quatre mots dans un courrier un peu personnel, ou justement formel, dans lequel il fallait décider du ton à utiliser. Quel était donc ce bon ton ?
Filius Flitwick était quelqu'un d'hésitant, du genre à discuter avec lui-même pour un rien avant de prendre une décision, et avec toujours cette crainte de dire ce qu'il ne fallait pas dire. Les grands décrets qui avaient rythmé sa vie jusque là avaient toujours été très réfléchis ; et pourtant la raison ne l'emportait que rarement, en fait, sur le cœur. Un premier baiser, une demande en mariage, un divorce aussi… autant d'événements dans lesquels, au final, il avait l'impression de n'avoir pas vraiment de part. Il avait été absent, ou, à vrai dire, il avait plutôt été présent, mais par des sensations, des pensées, des idées. Quant à son métier, il l'aimait sans en être passionné : il aimait la matière, et enseigner ne lui déplaisait pas. L'ambiance, le monde poudlarien… tout cela avait un goût doucement, délicieusement agréable.
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Impossible de passer à côté : la première chose que l'on remarquait chez lui était sa taille. Fichue taille ! En soi, il n'était pas si petit que cela… mais pour un homme, cela paraissait choquant ; et, quelque part, ses manières de faire, sa voix un peu trop fluette et sa morphologie en générale semblait accentuer ce trait de sa personnalité. Après tout, aucun professeur ne faisait cours rehaussé par une pile d'ouvrages, et peu de sorciers pesaient le même poids qu'une mannequine. Ses attitudes étaient assez nerveuses, quoique donnant l'apparence trompeuse de mouvements posés voire tranquilles. Il se tenait droit, le regard fixé vers son objectif, souvent souriant ; et à vrai dire on ne pouvait guère en dire plus.
Les cheveux noirs, dont le grisonnement léger n'était pas encore vraiment visible, il les portait à l'ancienne, plus ou moins dans le style des années cinquante avec cette raie de côté qui était devenue complètement surannée avec le temps. Sur son visage légèrement arrondi, deux yeux plutôt petits aux iris très noirs et un nez plutôt fin s'accordaient heureusement bien avec la bouche souriante et comme éphémère. Ce visage plutôt avenant ne lui avait jamais suffi à devenir un Don Juan, mais il ne le regrettait pas ; et il était bien content d'être pris au sérieux malgré ce qu'il était : un petit homme à l'apparence aimable et engoncé dans un costume trois-pièces et des chaussures cirées.
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De fait, si son allure et son physique le distinguait des autres, il n'était jamais qu'un homme que la vie avait fatigué et éprouvé, et qui, tout compte fait, s'en sortait plutôt bien dans les divers simulacres de relations et d'amitiés qu'il avait réussi à se créer. Il avait des moments de coup de blues, aussi ; et comme tout le monde il lui arrivait de voir le monde en noir et gris, privé d'espoir et de bonheur. Mais cela passait, et il vivait avec une incroyable constance, trouvant des amusements comme il le pouvait, peut être toujours encore vaguement renfermé, sans cesse blessé par les rendez-vous avec son ex-femme. S'il y avait une chose à laquelle il ne pensait plus c'était à se refaire une vie amoureuse.
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Ils s'étaient rencontrés pour la première fois quelques jours avant la rentrée de septembre 1975, lorsqu'elle était devenue enseignante, elle aussi. Ils s'étaient rencontrés avec un peu plus que de l'indifférence : une sympathie polie, avec des sourires de circonstance. De tous les accueils qu'elle avait reçu, ça n'avait pas été le plus chaleureux, mais c'était loin d'être le plus froid : Horace Slughorn lui avait montré autant de désintérêt que du temps où elle était de l'autre côté du bureau, sur les bancs de l'école. A vrai dire, tout ce dont elle se souviendrait plus tard de ses premiers mots avec Filius, c'était ce qu'il lui avait dit sur l'accueil désagréable que le même Maître de Potions lui avait fait lorsque lui-même était arrivé. De son côté, il se souviendrait de lui avoir serré la main, et il lui semblerait bien que le sourire qu'elle lui avait adressé l'avait marqué ; mais il n'en était pas sûr.
Quoiqu'il en soit, ils étaient désormais tous les deux à Poudlard, et les éléments de leur histoire étaient posé, la base essentielle était en place : il ne restait plus qu'à laisser le temps et la vie accomplir le reste. Toute leur histoire se composerait de moments de grandes émotions, de moments cruciaux. De moments qui seront relatés ici, grands actes de leur relation. Alea jacta est…
(*) Donc… Raison et sentiment, roman de Jane Austen (qui a fait l'objet d'un excellent film, d'ailleurs, à mon goût).
