Encore une nouvelle histoire, de plusieurs chapitres cette fois.
Je ne ferai pas de suite à l'OS "Cicatrice", sinon ce ne serait PAS un OS
Donc même topo que d'habitude, pas d'homophobes, pas de gens susceptibles d'être choqués, c'est M, j'ai prévenu.
Disclaimer Bill & Tom sont humains. Pas de possession.
Genre Romance (triste)
Rating M, vous me prenez pour qui?
Résumé Tom sort de six mois d'horreur et Bill revient enfin. Ils apprennent à revivre ensemble et à oublier...
OoOoOOOooOooOoOoOo
J'inspire profondément et pousse la porte. Trop de temps à imaginer ce moment pour réussir à y croire. Ca ne doit pas être vrai, encore une fois. Je suis sûrement en train de rêver, encore une des centaines de version que je m'en suis faites, aussi irréalistes les unes que les autres. Je ne sais même pas ce que je ressens. Peur ? Angoisse ? Hâte ? Détresse ? Tout à la fois? A moins que je ne ressente rien. C'est bien ce dont j'essaye de me convaincre depuis "ça". Et j'en suis presque sûr, maintenant. Je n'ai plus d'émotions. Rien. Le vide total. Absence d'émotions signifie absence de peur, de douleur, de culpabilité et d'amour. Alors je ne ressens rien.
J'ai l'impression de rêver mes pas comme chaque chose que je fais depuis "ça". J'ai l'impression qu'ils n'existent pas et qu'ils sont aussi fictifs que moi. Mon coeur, mes sentiments, mes pas, mes mouvements, ma respiration, mon passé, ma vie : tout est fictif. Tout ça n'existe pas, et n'a jamais existé. J'ai l'impression de tout m'imaginer, d'être dans un espèce de cauchemar morbide : ce couloir froid et blanc, les regards posés sur moi, mon coeur qui bat trop fort, cette porte de laquelle je m'approche sans m'en rendre compte. Sans pouvoir m'en empêcher. Sans pouvoir l'empêcher.
Je ne contrôle rien. Ni mes pas, ni mes pleurs, ni mes frissons et encore moins mes tremblements. J'ai l'impression d'être le spectateur de ce qui m'arrive, de n'en être ni responsable, ni victime. J'ai juste l'impression que ça ne me concerne pas. Que ça n'est pas ma vie. Tout ça est fictif. Tout ça comme le fait qu'il soit dans ce bâtiment. Comme le fait que je n'ai pas dormi depuis des jours. Comme le fait que j'en crève de solitude. Comme le fait que je n'ai rien mangé et que je sens mon corps vaciller légèrement. Je ne ressens rien. Ca ne me touche pas. Je sais ce qu'il se passe mais je ne peux pas l'influencer. Je ne suis plus personne, sans lui. Depuis "ça".
Je ne vis plus depuis des mois, de toutes façons. Depuis "ça". Depuis lui. Depuis que mon coeur a explosé de bonheur pour finir brisé, ses morceaux éparpillés sur le sol. Il n'aurait pas pu m'aider. Il n'aurait pas pu comprendre. Il est fautif et victime à la fois, comme moi. Mais on n'y peut rien et c'est ce qui me tue plus chaque seconde. Je n'ai jamais voulu ça, je ne m'y attendais pas. Je ne l'ai ni espéré, ni provoqué. Je ne l'ai jamais ne serait-ce qu'envisagé, n'y ai jamais pensé. Mais c'est arrivé. Et ça m'a détruit.
Ca m'a retiré tous mes repères, tout ce que je croyais savoir de la vie, de l'amour, de mes sentiments. Il a rayé tous ces principes établis dans mon esprit, juste avec ses yeux. J'ai oublié un moment qui j'étais, pourquoi j'étais, ce que je devais faire, ce qu'il fallait faire. J'ai oublié le monde entier pendant une seconde, ne vivant plus que par lui. Mais son oubli à "lui", il m'a été fatal.
Alors je plane depuis, m'imaginant un monde dans lequel tout ça n'existerait pas, n'aurait jamais existé. Un monde normal, doux, simple, et un monde que je peux contrôler. Le monde d'avant. D'avant "ça". Mon imagination a pris le relai sur la réflexion. Elle, elle m'embrouillait l'esprit, me rendait fou de douleur, m'assomait de culpabilité et ravivait la flamme que j'essayais désespérément d'éteindre...
Alors que l'imagination, elle, me soulageait. Elle me présentait un monde sans couleur, un monde où il serait encore là, un monde beau, un monde sans magie mais un monde vivant. Elle me montrait ce que serait ma vie s'il n'était pas devenu "Lui". Si mon coeur battait encore normalement en y pensant, si mes larmes ne coulaient pas tant à cause du manque, si je pouvais encore songer à vivre sans "Lui". Elle me montrait ce que j'avais perdu, ce que je n'avais pas su garder, ce que je n'avais pas su protéger. Ce que j'avais perdu au change, contre quelques minutes de bonheur à l'état brut. Mon imagination me montrait ce que je serais si je n'avais pas échoué, et c'était la seule vision qui me gardait en vie.
J'avais aimé le mal, j'y avais touché et j'avais adoré ça. C'est ce même mal qui me tue chaque jour un peu plus. J'ai fait quelque chose d'interdit. J'ai payé, et je paye encore. Et mon imagination m'a fait croire que je l'oubliais.
La confrontation avec la réalité en est d'autant plus douloureuse. Je suis pourtant bien là, dans ce couloir, rejoignant enfin le plus doux supplice de ma vie. Je vais bien "le" chercher, après avoir été à moitié mort tout ce temps. Je vais le voir, le toucher, le serrer dans mes bras. D'autres larmes que je ne sens qu'à peine. Je ne sais toujours pas si je rêve. Je crois que oui. J'espère que ce rêve sera beau. Que je pourrais y crever d'amour, de passion et de douleur. Que je pourrais replonger dans ce mal, dans ce cercle vicieux. Que je pourrais vénérer ce qui est immoral, pourvu que sa main soit dans la mienne. Et surtout oublier son absence un peu plus longtemps. Survivre assez pour le revoir, un jour.
Le manque de lui m'étouffe tellement que je délire. Parfois je me réveille en sursaut, transpirant, blême, murmurant son nom en serrant les draps vides dans ma main. Je me demande s'il le sent. Oui. Il doit sûrement sentir ma souffrance. Il doit sûrement m'entendre hurler son nom, m'exploser la voix et le coeur, l'appellant, le suppliant de revenir, de me pardonner... Oui, il doit entendre. Il a entendu, et il n'est pas venu. Je m'appuie quelques secondes contre le mur. Cette pensée me déchire le coeur. Je veux mourir..
Je ne vais pas tenir longtemps. Je n'ai pas osé me regarder dans une glace ce matin, de toutes façons je sais que je suis maigre. Je ne mange rien et ne dors pas, fixant ce putain de téléphone qui ne sonne jamais. Je passe mes journées sur mon lit, volets et portes fermés. Je ne vois plus personne, tous mes proches ont abandonné l'idée de me revoir sourire avant qu'il revienne, et j'avoue que c'est un soulagement en soi. Ne plus les voir me supplier d'arrêter de me défoncer, essayer pitoyablement de me faire rire, de me faire sortir. Je les aime, mais ils ne peuvent pas m'aider. Personne ne le peut. Personne, sauf ce putain de téléphone. Et j'ai attendu, encore et encore, crevant de ne pas voir cette lumière verte s'allumer. Jamais. Jamais il n'a sonné, il ne sonnerait.. Et pourtant, hier, c'est arrivé.
Il a sonné et je n'ai pas réagi. J'ai cru encore rêver, l'imaginer pour l'énième fois faire ce que j'attends depuis des mois. Je le fixais, et il continuait de sonner. Encore, et encore. J'écoutais cette sonnerie assourdissante comme une douce mélodie : c'était celle qui, un jour, me libèrerait de mon cauchemar. De toutes façons j'avais pris beaucoup trop de coke pour distinguer vraiment le combiné du reste. Mais je continuais d'observer cet objet de malheur, qui ne s'arrêtait pas d'agresser mes oreilles. Avisant que je n'avais rien à perdre, et encore dans une mes transes semi-comatiques, je décrochai.
" Tom Kaulitz? je répondis machinalement, d'une voix lasse et enrouée.
- Bonjour monsieur Kaulitz! Vous allez bien? demanda une voix plutôt enjouée..
- Ca dépend. L'envie de crever est-elle considérée comme "aller bien"?
- Ah euh.., répondit l'homme, pris au dépourvu. Et bien... non. Bref, je vous appelais pour vous parler de votre frère, Bill.
- Oui? Ma voix était subitement devenue aigüe. Entendre son nom me faisait mal.
- Il sort demain. Enfin..vous pourrez venir le chercher? Je... j'avais dit que je vous appellerais, et..
- Demain? je répétai, incrédule.
- Exactement. A partir de 10 heures... Nous pouvons compter sur vous pour le ramener à la maison, je suppose.
- ...
- Bon, et bien.. à demain.
- A demain.."
Je laissai le combiné tomber par terre et m'allongeai, fixant le plafond. Demain... L'idée me terrifiait autant qu'elle me faisait planer. Comment pouvait-on seulement me l'apprendre que maintenant? J'étais traumatisé. J'allais enfin pouvoir le voir...
Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. J'étais ce matin dans mon habituelle transe cauchemardesque. La sueur, les frissons, le dégoût, la peur qui me tordait les entrailles... J'essayais de me laver de tout ça par une longue douche chaude, évitant précaucieusement les miroirs. Je suis venu à pieds, et j'ai mis une heure pour faire le trajet. Et maintenant me voilà ici, devant cette grande porte blanche, tremblant de tous mes membres mais, paradoxalement, totalement indifférent à ce qu'il se passe. Je rêve après tout, non?
Deux coups sur la porte. Faibles, inaudibles. Mon coeur bat la mesure et je les entends résonner en moi. Un dernier souffle, la poignée se baisse.
" Monsieur Kaulitz "
Il m'accueille avec un grand sourire et je ne peux que secouer vaguement la tête en signe de salut. Je m'approche d'une chaise et me laisse tomber dessus, me retenant de partir en courant. Il s'asseoit en face de moi, derrière son grand bureau en bois clair recouvert d'objets variés: des photos de familles heureuses, riantes, des chocolats, des plantes resplendissantes et des jouets d'enfant... Je ne peux que trouver ce choix d'un affligeant mauvais goût pour ma situation.
" Et bien.. nous y voilà... Cela fait maintenant six mois que...
- Six mois, cinq jours et... quatorze heures dix-huit, précisément, je le coupai d'une voix monocorde.
- Oh.. et bien..., reprit-il, surpris et inquiet du ton que j'ai pris, oui, c'est sûrement ça..."
Il ne sait pas quoi dire de ça. En même temps, ça doit être rare les personnes qui comptent les minutes sans leur frère jumeau, non? Déjà, les gens ne sont pas séparés de leur frère jumeau, normalement. Mais moi je suis maudit. Moi je suis anormal. Moi je l'aime trop alors, moi je compte les minutes. Il s'éclaircit la voix et se rassit d'un air mal à l'aise dans son grand fauteuil en cuir noir. Je le trouve pathétique. Il ne sait rien de moi, de mes souffrances, il me montre presque que je dérange alors que j'agonise. Mais il fait son boulot.
" Soit... Cela fait donc ce... ce temps que.. que votre frère est... est interné chez nous et..
- Soigné ! je m'exclame, indigné et refoulant les larmes qui remplissaient déjà mes yeux. Soigné ! Pas interné ! Mon frère n'est pas fou !
- Non, euh.. bien sûr que non.. ce n'est pas ce que..
- Mon frère est ici parce qu'il a fait quelque chose de... de..." je bégaye entre deux sanglots.
J'ai mal. Et honte. Je ne voulais pas pleurer. Pas devant lui. Je ne l'ai jamais fait à chacun de nos putains de rendez vous. Et jamais je n'ai abordé ce sujet. J'ai honte. Non... Non il ne faut pas qu'il..
" De quoi, monsieur? interroge t-il d'une voix douce, cachant une curiosité malsaine.
- De mal ! Il a fait une erreur parce qu'il... il ne savait pas ce qu'il faisait et... je l'ai amené ici pour l'aider..."
J'ai l'impression d'essayer de me convaincre moi même de ce que je dis. Mes sanglots redoublent et il mime une mine affligée. Merde, j'ai envie de vomir. Vomir toute cette merde que je n'ai jamais dite, toutes ces secondes que j'ai passées loin de lui, par ma faute.
" Je ne dis pas le contraire, monsieur, chuchote t-il d'un air apaisant, je sais bien combien vous aimez votre frère et...
- Non vous ne savez pas ! je hurle alors, ne pouvant me retenir.
- Bon et bien.. je.. je sais bien qu'il avait alors des.. des problèmes de mémoire et des troubles du... du comportement par rapport à.. vous mais.."
Je n'arrive plus à arrêter de pleurer. J'ai du mal à respirer et je me plie en deux de douleur. Ca me brûle. Le coeur, la tête, le corps. Je pense à lui, quand ils l'ont emmené, quand j'ai été tellement lâche, quand il m'hurlait de le garder...
" ... je ne doute pas que.. que vos intentions soient... enfin que vous vouliez uniquement son bien, vous comprenez?"
Je lève un instant les yeux vers lui. Mon regard est noir, méprisant, plein de haine trop longtemps contenue.
" Oui. "
Voix sèche, brutale. Il en est presque secoué.
" Bien... maintenant j'aimerais que vous essayiez de me raconter encore une fois... ce qu'il s'est passé il y a six mois..."
Ayant enfin calmé mes pleurs, je déglutis difficilement. Comment peut-il me demander ça? Maintenant? Alors que j'agonise lentement, que j'ai envie de me laisser crever par terre?
" Vous savez tout ce que vous devez savoir, je réponds froidement.
- Oui, mais... avant l'accident... y'avait t-il eu des... enfin des signes qui auraient pu...
- LA FERME! VOUS NE DEVEZ PAS SAVOIR!"
Je m'étais levé de ma chaise d'un bond. Je ne me contrôle plus. Il remonte en moi des souvenirs que je n'aurais jamais dû garder. Qui me tuaient jour après jour. Qui continuent de m'achever.
" Bien.. et bien... J'espère que ce n'est pas trop important pour sa... comment dire... guérison.., continue t-il avec un regard insistant, cherchant des réponses dans mes yeux, au cas où ça pourrait nous aider à...
- Ne vous inquiétez pas. Vous en avez largement assez fait. dis-je en me rasseyant.
- Bon et bien.. je vais vous laisser le retrouver très bientôt alors... vers sa nouvelle vie."
J'acquiece en silence, tâchant d'ignorer les tremblements convulsifs de mes jambes.
" Mais avant..., il toussote légèrement, je voudrais vous prévenir : évitez de lui reparler de.. enfin de ce qu'il s'est passé...
- Comment ça?!
- Disons qu'il..., continue t-il en se tortillant les doigts, il a oublié une... une partie des évènements...
- Comment ça "une partie"? je crie alors, posant les mains sur les accoudoirs.
- Hum... en fait..., bon."
Il fait une pause et s'éclaircit encore la gorge, plantant son regard dans le mien. Moi je vais faire une crise cardiaque.
" Techniquement.. il oublié tout ce qu'il s'est passé à ce moment là... tout."
Je m'affale de nouveau dans le siège, la bouche et les yeux grand ouverts. Je n'y crois pas. Non, c'est impossible ! Comment peut-il avoir oublié ?!
" C'est la raison pour laquelle je vous demandais... en fait, comme je vous l'avais dit, il a passé le premier mois à pleurer dans le noir et à murmurer tout seul... des mots comme "Tom" "Ne me laisse pas" et autres phrases bouleversantes.. mais après cette période, il est tout à coup devenu disons... pensif. Il passait son temps à regarder par la fenêtre, à attendre votre venue..."
Je me raidis à ces mots. Il le voit parce qu'il se met à bredouiller.
" Oui.. oui je sais que nous avions interdit vos visites.. mais... disons que même s'il le savait, il continuait d'entretenir.. une sorte d'espoir qui le garderait un peu moins triste..."
Mon corps retombe encore sur la chaise. Je me hais.
" Bref.. Il vous attendait. Jour, nuit, tout le temps. Il n'arrêtait pas de parler de vous aux infirmières, vantant vos qualités et la force de votre amour, de votre... "connexion", pour reprendre ses propres termes, et racontant à qui veut l'entendre de belles anecdotes de votre enfance.. et puis, plus rien. Il vous a complètement.. disons.. rayé de ses pensées."
Mon coeur se contracte à ces mots. La douleur résonne dans ma tête, coule dans mes veines. Je ne sais toujours pas si je rêve, mais la douleur, elle, est bien réelle. Autant que cette haine que je ressens pour ce mec et que ce manque qui me bouffe les entrailles.
" Il vous a oublié comme il a oublié son malheur. Son sourire éblouissait tout le monde : il passait son temps à rire, à jouer, à s'amuser avec les autres intern..euh.. soignés.. et il a commencé à se faire beaucoup d'amis, à fréquenter les enfants, s'amuser avec eux..."
Merde. Je pleure. Putain j'en crève tellement de pas le voir comme ça...
" Mais la nuit... la nuit était tout autre... il pleurait encore, comme avant, avec ces murmures inquiétants... Et le lendemain, il disait ne pas s'en rappeller. Ou du moins.. pas de la raison pour laquelle il pleurait. Il accusait un coup de blues, le mal du pays peut-être...
- Il vous a parlé de moi après? je lâche d'une voix pleine d'espoir.
- Et bien.. pas exactement. Disons qu'il a laissé entendre que sa famille lui manquait... et puis quand on lui parlait de vous, il ne niait pas du tout le fait qu'il vous adorait mais disons.. qu'il n'en parlait pas de lui même..
- Ah.. je soupire, déçu.
- Mais.. depuis qu'il sait qu'il va sortir.. depuis environ une semaine...
- QUOI? Et vous ne m'avez pas prévenu??!!
- On allait le faire...
- Comment ça "allait"??!! j'hurle de rage.
- On voulait lui laisser le temps de s'habituer à l'idée... Nous savions très bien que vous seriez venu dans l'heure après le coup de téléphone et...
- Mais...
- N'est-ce pas vrai, monsieur Kaulitz?
- Si..., je soupire. Vous m'avez tellement tué avec vos interdictions...
- C'était pour son bien!
- Je lui manquais! je réponds sur le même ton.
- Certes! Mais il avait besoin de s'éloigner de vous! De se rappeler que même si vous êtes son jumeau, il est capable de vivre.. ou plutôt survivre, sans vous ! s'exclame t-il d'un air affligé.
- Je...
- De toutes façons le problème a un rapport avec vous. La seule chose qui semblait réellement - sincèrement - l'intéresser, c'était vous."
Cette phrase me coupe le souffle.
"Bref... depuis qu'on l'a prévenu de votre arrivée prochaine, il est vraiment... comment dire, obsédé par vous. Et puis il demande souvent pourquoi il est ici et pas avec vous, à la maison, des choses du genre...
- Et qu'est ce que vous répondez? Ma voix est tremblante.
- Qu'il avait des problèmes de mémoire et qu'il avait... fait des choses sans s'en rendre compte.. et qu'il fallait vérifier qu'il n'y avait pas de problèmes avec ça.
- Et il a dit quoi?
- Il a acquiecé. Il disait comprendre, et ne pas vous en vouloir, que c'était pour son bien, et caetera.. Mais il ne se rappelle pas de l'évènement en lui même, celui qui a provoqué tout ça... et apparement il ne veut même pas le savoir" conclut le médecin en face de moi, d'un air résolu.
J'inspirais profondément et fermais les yeux.
" Tout ce que je veux vous dire, monsieur Kaulitz, est : Laissez lui le temps de vivre, de... de réapprendre à vivre, avec vous, normalement. Il a suffisament souffert de votre absence pour subir une mise à distance à son retour."
Je ne réponds pas à ça. Je n'en suis pas capable et puis je n'ai rien à dire, de toutes façons.
" Bien, maintenant que tout est dit... je vais vous montrer sa chambre"
Ma vue se brouille et mon coeur accélère. Je respire difficilement, suivant sans réfléchir chacun des pas de l'homme devant moi. Les carreaux blancs au sol défilent, et j'entends vaguement des phrases insensées venant d'autres "soignés" de cet endroit. Comment ai-je pu le laisser ici? Comment ai-je pu le laisser parmi ces gens, sans moi, à se croire comme eux? Il n'est pas fou. Il n'est pas malade. C'est moi qui le suis, et je l'ai envoyé à ma place. Par peur, par effroi, par lâcheté. Et putain qu'est ce que j'm'en veux..
Stop. Il s'arrête. Je n'ose même pas lever les yeux vers la porte.
" Nous y sommes. Il est réveillé depuis tôt ce matin, prêt à partir."
Avec effort, mon regard se pose sur la poignée. Je ne peux pas, j'ai tellement peur...
" Vous devriez ouvrir vous même, dit-il, ignorant ma supplique silencieuse.
- Est-ce que je rêve? je demande sans bouger, fixant la poignée.
- Non monsieur... il est vraiment là."
Et il s'en va. Je ne sais pas quelle expression est sur son visage à cet instant. La seule chose que je vois c'est ma main qui actionne la poignée et pousse lentement la porte. Mon rythme cardiaque ralentit au maximum, la pression augmente, ma tension aussi. Je me sens opressé, menacé, et infiniment heureux.
Le premier pas dans cette chambre me bouleverse. Je ferme la porte derrière moi. Je sais qu'il m'a entendu. Il ne dort pas. Il est là putain.
Je me retourne. Un mur me cache encore sa vue. Sa magnifique vue. Je tente de contenir mes larmes, pour encore quelques secondes du moins.
Encore un pas...
" Tom, c'est.. toi? "
Sa voix. Sa voix. Je vais m'évanouir.
Six putains de mois que j'en rêve, que je l'imagine, l'écoute en boucle avec mes souvenirs.
Six putains de mois que je rêve d'entendre sa merveilleuse voix prononcer mon prénom.
" Oui.. "
Un simple souffle qui fait écho dans ma tête. Quelques secondes et je serai dans ses bras. Et je toucherai sa peau. Et je verrai ses yeux. Si je ne crève pas avant d'arriver à lui.
J'inspire simplement.
Un pas, encore un.
"Tom ! "
J'ai à peine le temps de lever mes yeux mouillés vers lui qu'il se jette dans mes bras. Son corps se serre contre moi et ses bras se lient autour de mon cou. Je ressens tout ça au ralentit. Je tente de respirer et sens son odeur. Complètement bouleversé, je resserre violemment mes bras autour de lui. Je fonds en larmes. Mes mains agrippent son dos, puis ses cheveux. Je respire fort son odeur, en emplissant mes poumons et ma tête, me défonçant au bonheur. Sa peau, contre moi. Il a chaud, il est chaud. Il est tout ce dont j'ai besoin. Je murmure son prénom et je le sens sourire dans mon cou.
" Tu m'as manqué...
- Putain toi au.. "
Je n'arrive pas à finir ma phrase, noyée dans un nouveau sanglot. Il me serre plus fort et je crois que je revis.
Nous sommes dans le taxi pour rentrer à la maison. Nous n'avons pas dit un mot de plus et je n'ai pas osé le regarder dans les yeux. Je n'ai pu que l'admirer furtivement. Il est encore plus magnifique que dans mes souvenirs, et son sourire me fait carrément planer. Je me surprends à espérer une vie comme avant, avec lui. Ne rien lui rappeller. Il a l'air tellement insouciant, tellement heureux de me retrouver. Moi, son frère jumeau qu'il adore... Mes larmes ne sont plus que sourires. Je l'observe un moment et croise son regard. Il me sourit et me fait un clin d'oeil avant de regarder à nouveau par la fenêtre. Ne rien gâcher. Juste vivre avec lui, avec son sourire, avec sa voix. Voir ce visage chaque jour qui passe, dormir en sentant sa chaleur, vivre avec sa présence. Je crois que je ne rêve pas cette fois. On va réapprendre à vivre, tous les deux.
