Elle l'avait su dès que la mère était rentrée dans sa chambre en pleurant. Elle était morte. Finalement? Déjà? Pour toujours.

Sa mère pleurait, sa sœur pleurait; et elle? Rien. Absolument rien. Pendant que les autres soufraient, elle fixait attentivement le mur, en décelant chaque défaut, retenant chaque détail. Elle parlait, parlait de l'organisation de l'enterrement, qu'elle était morte en paix et sans souffrances, de son oncle qui devait surement porter tout le poids, des vautours familiaux qui viendraient se régaler de la défaite. Elle pensait aussi: ce n'était que logique qu'elle meure, après tout elle était vielle et malade. Elle l'avait su, ou du moins, s'en état doutée.

Ensuite vinrent les questions, destinées à personne d'autre qu'à elle-même. Pourquoi est-ce que je ne suis pas triste? Je l'ai aimée après tout! Pourquoi est-ce que je ne pleure pas? Pace que je m'y attendais. Suis-je égoïste, inhumaine, insensible? Surement.

Et elle était retournée à sa vie , passant la soirée à écrire, pas pour guérir, mais pour oublier. Raconter sa fausse tristesse, puis continuer à avancer. En fait elle passait juste le temps, comme elle le faisait tous les soirs. Pensait au voyage, à l'enterrement, qu'il faudrait se rappeler à mettre des habits noirs dans la valise, qu'elle allait revoir ses amis et échapper à la routine, oubliait la morte. Puis elle s'endormit.

Le matin vint. Se préparer pour la journée, s'habiller, manger, se laver, se disputer, réaliser. S'écrouler et pleurer. Ne rien penser, ne rien dire, pleurer et essayer d'accepter. La sœur friable vint, forte comme un chêne pour la protéger. C'est là qu'elle comprit. Lorsque le message était arrivé, elle avait dressé un grillage pour arrêter tout ce qui l'empêcherait d'être forte. Forte pour sa mère. Elle s'était séparée de ce qui l'empêcherait de protéger. Mais comme il n'y avait que douleur, douleur prise au piège derrière le grillage, sans pouvoir l'atteindre, elle n'avait rien senti.

Puis elle avait occupé son esprit, le temps d'y construire un mur. Mais ce mûr s'était désormais écroulé et ne cachait plus le no-man 's-land dissimulé jusqu'alors. Elle pleurait dans les bras de sa sœur.

Puis la mère vint, le grillage retomba. Plus par réflexe qu'autre chose. Sa mère ne comprenait pas, essayait de la réconforter puis recommença à pleurer, énumérant tout ce qui allait rester de la morte: ses yeux pétillants. Son sourire. Son jardin, son tablier, sa voix, son amour.

La fille ne pouvait pas se laisser aller, protégeait sans y penser et malgré elle-même. Mais elle savait du pays derrière le grillage, voulait être seule pour pleurer.

La mère partit, emmenant le grillage. C'est le chat qui la remplaça, sans parler, sans penser, que de présence réconfortante. Il était temps de remonter le grillage.

Reconnaissance.