« Arrête ! Patron ! Arrête !

- T'aimes ça gamin...

- Non... Mathieu aide moi... Aide moi... AIDE MOI !»


Les yeux du vidéaste s'écarquillèrent. Son cœur, à l'image de sa respiration, s'agitait bien plus qu'il ne devrait. Il poussa un long soupir, se caressant le visage pour se détendre.

Ses songes reflétaient souvent les pensées de ses personnalités. Ne souhaitant pas s'immiscer dans leur intimité, il tentait de pas s'en souvenir. Même si la violence de ses rêves l'inquiétait un peu, d'autant plus qu'ils concernaient le Patron.

Une fois son cauchemar disparu de son esprit, il glissa ses doigts sur le drap, à la recherche de son amant. Personne. Il souffla un nouveau râle, avant de se lever.

Il erra jusqu'à sa commode pour s'habiller, son cerveau encore engourdi de sa nuit. Ses pas le menèrent ensuite jusqu'à la cuisine. Maître Panda y grignotait un bambou. A l'autre bout de la table, le Patron sirotait son café. Quand ce dernier le vit, il lui fit un clin d'œil.

« Bien dormi gamin ? »

Le vidéaste lui sourit brièvement avant de l'embrasser. Le matin, il ne fallait pas lui demander d'être loquace.

« Sérieux les mecs, c'est perturbant de vous voir faire ça, lâcha le Panda.

- Jaloux la bestiole ? On a de la place pour trois si tu veux... »

Outré, l'ursidé quitta la pièce, lançant un « J'aime les femelles moi Monsieur ! » qui amusa son Créateur.

Celui-ci s'installa face au Patron. Sa tasse se trouvait déjà à sa place. Il se servit de sa boisson fétiche. Après quelques instants de silence, il s'interrogea sur le sérieux inhabituel dans l'attitude du délinquant.

« Sa réplique t'a touché ? »

Ses mots se noyaient dans sa bouche pâteuse de sommeil.

« Il en faut plus pour me déranger gamin.

- Alors c'est quoi cette tronche ? T'es vexé qu'il ait refusé ?

- Non. Pour un plan à trois, le seul que je voudrais ce serait le petit. Ou une pute bien dégueulasse. De toutes façons, tu as été très clair : exclusivité. »

Son ton s'endurcissait, devenant cynique, mauvais même. Mathieu but une gorgée de café.

« OK, c'est quoi le problème ?

- Ca fait trois mois qu'on est passé à ce régime de petit couple plan-plan, et ça commence à m'ennuyer. »

Mathieu posa sa tasse. Il aurait mieux fait de rester au lit.

« Je te rappelle qu'on a fait ce changement à cause de ta possessivité. T'as failli tué un type qui m'offrait un verre. Et pas question que je sois exclusif si tu ne l'es pas.

- C'est pas que l'exclusivité gamin. Il se passe des choses bizarres chez moi OK ? Pas normales... C'est comme si...

- Salut ! S'écria les Geeks en les rejoignant. »

Le Patron se leva de table, reprenant sa sévérité habituelle. Il posa sa main sur l'épaule de Mathieu pour la masser durement, avant de l'embrasser voluptueusement.

« On en reparle plus tard, si besoin. »

Passant devant le geek, il lui pinça les fesses. Ce dernier se dégagea en faisant la moue.

Une fois le criminel loin, il s'assit près du vidéaste.

« Mathieu ? »

Il se dandinait sur sa chaise.

« Oui ?

- Tu … Tu es amoureux du Patron hein ? »

Le vidéaste poussa un soupir avant de considérer le gamin.

« Ca dépend des jours, minauda-t-il.

- Je veux pas me mêler mais...

- Mais quoi ?

- Je t'assure je... Je veux pas hein... Mais parfois il me fait peur... Il est pas...

- Déballe tout. Je lui dirais rien de ce que tu as dit.

- Dernièrement, c'est juste que le Patron, il est assez tactile avec moi... »

Mathieu, las, se gratta le bouc.

« On en a déjà parlé, le Patron aime taquiner, et...

- Non non ! C'est pas comme avant. Il me dit des choses... Me touche... Les fesses... Le torse... Et le... Il a essayé aussi de m'embrasser... Avant hier.»

Le créateur de SLG se tendit.

« Tu dis la vérité là ? »

Le geek hocha la tête, les larmes lui montant aux yeux.

« Il a été violent ?

- Non, c'est comme si... Il était différent.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Quand il fait ces choses là, c'est comme si c'est plus lui. Après, quand je me débats, il me lâche et s'enfuit... »

Mathieu fit craquer ses doigts un à un. Il maîtrisait sans problème sa jalousie, habitué par les deux ans de relation non exclusive avec le Patron. Le vrai problème, c'est que le Patron ne touchait pas au sale gosse. Ni à aucun membre de leur famille.

Et puis, ces histoires de couple plan-plan, ça rimait à quoi ? Le Patron l'aimait. Il ne lui disait pas, mais il le prouvait très bien. A son regard, à ses actes. Alors que foutait cet abruti ?


« Ma tête ... »

Le Patron titubait en rentrant chez lui. Devant la porte, il tentait avec peine de rentrer la clef dans la serrure. Sa montre affichait bien trop tard pour sonner sans réveiller son copain et leur double.

Heureusement pour lui, la porte s'ouvrit, sans même qu'il eut réussi son challenge. Le geek se tenait à l'entrée. Il pénétra dans l'appartement et s'affala sur le canapé.

« Tu... Tu vas bien Patron ? »

Il n'avait pas bu. Alors pourquoi son cerveau martelait ainsi sa boite crânienne ? Il n'en savait rien. Il était juste certain que le gamin devait s'éloigner. Enlever sa main attentionnée de son front. Éloigner son corps tremblant bien trop attirant.

« Patron, réponds moi...

- Qu'est-ce qui a gamin ? Tu t'inquiètes ?»

Trop tard. Quoi que ce soit, Ça a repris le contrôle de son corps. Il se sent se lever. Enlacer le gosse. Le tourner, pour se serrer contre ses fesses.

« C'est dur hein... Juste pour toi.

- Arrête Patron... Arrête ça...

- T'aimes ça gamin...

- Aidez moi... Aidez moi... »

Le petit se débattait. Il devait reprendre sa place. Le protéger. Mais c'était si bon.

« Chut gamin. Je vais te faire du bien.

- Patron... Enlève ta main de là... »

Le geek se tortillait de plus en plus fort pour se défaire de la prise. Ses fesses frottaient contre le sexe durci du Patron. Soudain, il sentit un canon froid sur sa tempe. Ses yeux se remplirent de larmes.

« Patron, je t'en supplie...

- Tais toi. Tais toi et laisse toi faire. »

L'arme glissait contre sa nuque, son dos, jusqu'à s'appuyer contre son postérieur. Son pantalon lui échappa. Le métal froid s'insinua là où il ne devait pas aller. Le gamin pleurait. Dans ses bredouilles, le Patron put déceler un nom :

« Mathieu... Mathieu... Aide moi... »

Mathieu. Le Patron se décolla d'un coup du geek. Ce dernier se tourna vers lui mais recula, remontant son pantalon.

« Pardon... »

Le criminel se hâta de monter dans son antre. Il se prit les pieds dans une ou deux marches, avant de pouvoir se poser sur son lit. Il s'installa dans le coin, le dos contre le mur, son oreiller dans ses bras. Il jeta le coussin bien vite avec toute sa violence. Ses doigts vinrent griffer son visage, le dégageant de ses lunettes.

Des coups toquèrent à la porte.

« Laissez moi... »

Quelqu'un entra tout de même. Il sentit son lit s'affaisser. Une chaleur s'installa contre son épaule.

« Patron... Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Dégage Geek... Je vais encore...»

Le gamin l'enlaça encore un peu plus. Comment ce petit pouvait lui pardonner ? Passer l'éponge à chaque fois ?

« Je suis désolé... Je suis désolé. Je contrôle plus... Tout ça...

- Parles-en à Mathieu... Je ne veux plus... Vivre ça... »

Le Patron bascula sa tête contre celle de son double. Il ferma les yeux. Ses pulsions se calmèrent. Le geek était le seul qui lui faisait cet effet. Il l'apaisait. Le détendait. Il était son inverse. Il avait besoin de lui, et réciproquement. C'est peut être pour cela que la chose qui prenait possession de lui agressait le geek en particulier.


Mathieu s'éveilla en sueurs. Le lit à côté du sien n'était même pas défait. Le Patron n'avait pas dormi avec lui. Il s'empressa d'atteindre la chambre privée de son petit ami. Paniqué, il alluma la lumière.

« Non mais en fait, vous vous foutez tous les deux de ma gueule. »

Le geek émergea contre le Patron, qui se redressait déjà, exposant son torse nu.

« C'est pas ce que tu crois Mathieu !

- Donc ton laïus sur l'exclusivité, ça voulait juste dire que tu voulais te taper le sale gosse ?! Et toi alors, tu viens en me disant que le Patron te fait des trucs, alors que c'est toi qui cherche ?! Vous m'avez pris pour un con là ou quoi ?!

- J'ai rien fait ! Mathieu ! Je te promets ! S'écria le geek, les larmes aux yeux.

- Me fais plus ton numéro putain ! J'y crois plus !

- Il dit la vérité ! On a juste dormi !

- Mais bien sûr, c'est si fréquent que tu ne fais que dormir avec les gens Patron ! »

Ce dernier sauta sur ses jambes pour lui saisir les bras.

« Écoute moi bien. Je t'ai pas trompé. J'assume assez pour te le dire quand je le fais. Tu le sais non ?

- Fais chier putain !

- Geek, sors d'ici. Je crois que je dois lui parler... De ça. »

Le petit s'enfuit aussitôt, fermant la porte derrière lui. Le Patron relâcha les triceps de son amant.

« Quelque chose ne va pas avec moi gamin.

- C'est quoi ton excuse ? »

Ça tambourinait à nouveau dans son crâne.

« Je suis malade je crois. C'est comme si j'étais pas seul. Là dedans. »

Il donna un coup d'index sur sa tempe.

« Ca vient quand je ressens des choses. Quand vous me faites ressentir des choses. Que je connaissais pas. Quand je pense à toi. A être avec toi. Putain ça me brûle crâne ! Je suis pas fais pour être heureux gamin. Tu m'as crée pour être un monstre. Je ressens des trucs que je suis pas sensé ressentir. Je suis pas sensé être en cage.
- Tu veux dire que ta vie rangée avec moi te fait faire des excès de violence ? Mais t'es le Patron putain !

- Un Patron qui se contrôle ! Qui a besoin de ça pour pas te violer à chaque instant ! Pour pas faire tout ce que tu détestes que je fasse ! Un mec qui te corresponde putain !

- Mais... Mais t'es devenu complètement con ? Tu me correspondais déjà avant ! T'as pas à changer !

- Je sais pas ce que j'ai à faire merde ! Je comprends pas ! Je sais pas comment te plaire ! »

Ca tapait de plus en plus fort. Il avait peur. Et Ca n'aimait pas la peur.

« Calme toi Patron. On va trouver une solution.

- Une solution à quoi gamin ? A moi ? »

Son attitude se transforma en un instant. Mathieu le remarqua de suite.

« Patron ?

- C'est moi oui. Tu m'as un peu oublié derrière le chien que t'as crée hein ?

- Je n'ai rien fait !

- Je n'ai rien fait, mima-t-il ridiculement. Tu me tues à petit feu. Tu m'as rendu amoureux de toi. Tu me détruis, comme tu m'as crée. Je me calme. Je te ressemble de plus en plus. Tu connais la suite ? Je vais disparaître pour rentrer dans ton cerveau malade.

- Je ne veux pas ça Patron, je te promets. Je veux que tu restes comme tu es. Tu t'es mis ça en tête tout seul. »

Une paume atteint la joue de Mathieu, l'envoyant sur le lit. Du sang coulait de sa lèvre.

« Je refuse de disparaître.

- T'es entrain de sur-compenser ! Jamais tu m'aurais frapper Patron !

- Ta gueule ! Ta putain de gueule ! »

Le Patron bondit sur lui, le plaquant au matelas.

« Je vais te faire tellement mal. Je vais te faire hurler. Je vais redevenir moi même.

- Putain Patron... »

Son jeans lui fut retiré. Son t-shirt relevé. Ses jambes écartées.

« Ca suffit les conneries ! »

Le vidéaste réussit à lui asséner un coup violent dans le ventre. Il reprit le contrôle d'un geste brusque.

« Patron ! Écoute moi, peu importe à quelle version je parle. T'as pas besoin de changer ! Si ce truc d'exclusivité te va pas, on arrête ! Mais ne disparais pas ! Putain Patron... Je deviens quoi si tu disparais moi ? »

Un baiser lui répondit. Puis des doigts sous sa chemise.

« Patron... »

Les lèvres du criminel se firent joueuses, torturant la peau du cou de son amant, descendant ensuite vers son caleçon, qui ne fut bientôt qu'un souvenir.

« Bordel... »

C'était sa façon de régler leur problème. Ils s'engueulait, puis ils se possédaient.

Les joues de l'homme en noir se resserraient sur le sexe désireux de son amant. Il lui donnait ce qu'il voulait, encore. Toujours. Mathieu serra sa poigne sur l'épaule du Patron pour le projeter sur le lit.

« Je vais t'en donner du plan-plan... »

Il se jeta sur lui, lui retirant son habit pour s'attribuer ses fesses, qu'il massait avec envie. Le torse sous ses yeux se crispa, alors que le visage du Patron se fermait.

« Arrête de te maîtriser putain ! »

La claque qui fit rougir la joue du criminel suspendit la scène, où la respiration de Mathieu, à califourchon son le bassin de son amant, dansait avec le silence.

Il posa ses yeux dans ceux de son amant, qu'il vit s'endurcir de cynisme. Il redécouvrit avec plaisir son sourire pervers, qui lui apparaissait comme faux depuis quelques temps.

« Tu vas souffrir gamin...

- Fais moi mal, Patron. »