Carnal sins
Chapitre 1 : Rencontre londonienne
Les vacances enfin !...
Et je les passe à Londres, en compagnie de mon paternel qui a rallié une troupe de forains. Mon père a entièrement retapé le carrousel familial en bois qui gisait dans un hangar. Ce carrousel, mon père l'a acquis lors d'une vente aux enchères. Il n'était passé que dans les mains d'une seule famille avant lui. Lorsque j'étais enfant, le manège trônait dans le parc et j'y passais mes journées. Il fonctionne entièrement à la vapeur et son orgue est un Hooghuys réputé. Aujourd'hui, le manège est couplé mi-vapeur, mi-électricité. Il a été entièrement restauré et repeint ; un véritable chef d'œuvre !... Mon père en est très fier, il l'appelle son "bébé".
"Place la traverse plus haute, Seb."
On s'active, sous les directives éclairées de mon père.
"Je pourrai sortir avec votre fille après ça ?"
"T-t-t-t-t !... fais d'abord le boulot correctement et après nous en reparlerons."
Le groupe de forains est très sympathique. Le doyen, Gilles Henry, m'a pris immédiatement sous son aile : "Si nos jeunes t'importunent, fais le moi savoir et je les remettrai à leur place !..." avec sa canne qui tournoie dans les airs. Pour ses 85 printemps, Papy Henry tient la forme, bon pied bon oeil, comme disent les humains !... Ce n'est pas le cas de Louise, sa femme : très mal en point et alitée depuis presque trois ans... les médecins ont peu d'espoir. Le cancer semble avoir gagné la partie.
C'est par ce samedi matin d'août que la mort a choisi de cueillir Louise.
Mon père pousse la porte de la boutique. Aussitôt, une odeur tenace de lilas artificiel nous baigne les narines. La boutique mortuaire est sobre, articles présentés avec goût.
L'homme qui nous accueille porte un costume trois pièces dans les ton sombres, gants blancs, souliers vernis. Ses cheveux longs, magnifiquement argentés, sont tressés sur le côté. Ses yeux sont camouflés par une lourde frange.
C'est le fils de Louise, Armand, qui choisi le modèle de cercueil. Nous nous concentrons sur les gerbes. Les funérailles seront luxueuses et tous les forains y participeront financièrement.
"Un excellent choix." confirme le gérant de la boutique.
Il est convenu que l'homme passe dans la soirée afin de récupérer le corps et le placer dans la chambre mortuaire pour la veillée.
Nous quittons la boutique, porte tenue par le gérant. Lorsque je passe devant lui, je peux entendre une voix susurrer : "Voici donc l'objet de toutes les convoitises..."
Je stoppe le pas, tournant la tête dans la direction de l'individu. Ce dernier se contente de sourire. "J'espère vous revoir bientôt." souffle-t-il.
Pas humain. Définitivement pas humain.
Je quitte la boutique, sensation étrange à la gorge.
Un ancien modèle de voiture mortuaire se gare dans l'allée. L'homme en sort, toujours aussi élégamment vêtu, enfilant sa paire de gants blancs.
Les quelques chiens des forains viennent le renifler et se mettent à grogner. Leurs maîtres les rappellent.
Le gérant se laisse guider jusqu'à la caravane. Là, il procède à quelques traitements avant de transporter le corps dans son véhicule, en toute discrétion.
J'ai horreur des veillées funèbres !... "Elles vous rappellent celle de votre défunte mère ?..."
Je me tiens en retrait du groupe qui invoque la bienveillance des dieux devant le cercueil ouvert. S'ils savaient...
"Ce devait être difficile pour vous qui n'aviez alors que quatre ans..." me murmure une voix grave.
Je me retourne d'un trait, regard furibond.
Le sourire est... terrible.
"Qui êtes-vous à la fin ?!" agressive.
"Vous le saurez bien assez tôt, Young Lady." glissant une main gantée le long d'un pan de mes cheveux. Je m'écarte, vive.
"Je ne saurai que trop vous déconseiller pareil éclat sous des yeux témoins."
Ça siffle comme une menace.
Mon père se retourne brièvement et m'adresse un regard noir. Je me tasse.
"Parfait, young Lady. Faites donc honneur à l'autorité paternelle." persifflant avant de s'en retourner dans l'arrière boutique.
Je piétine dans le cimetière, cherchant du regard la haute silhouette aux long cheveux argentés. Je l'aperçois lorsqu'il regagne son véhicule. Grrrr ! il ne perd rien pour attendre, deuil ou pas !...
Mon ardeur me pousse à me rendre jusqu'à la boutique funéraire.
"Bas les masques !..."
Le gérant quitte ses gants immaculés et se met à applaudir ma prestation. "Vraiment, très belle entrée, bravo !..."
Je hausse un sourcil avec l'envie de l'empoigner de ma force.
"J'ai une fournée de cookies qui n'attend que nous. Avouez qu'il sera plus agréable de nouer connaissance devant un thé que de nous battre sur le marbre, young Lady !..."
Son long index osseux, rehaussé, comme tous les autres ongles, de laque noire, m'indique l'arrière boutique.
"Par ici, je vous prie." soulevant la lourde tenture qui donne sur une porte dont il ouvre la serrure. Je plisse les yeux. Et si c'était un piège ?...
"Si j'avais voulu venir à bout de vous, vous seriez déjà à terre, young Lady."
Je pose mes mains sur les hanches. "J'aimerai beaucoup voir ça !..." bravache. "Pour qui vous prenez-vous ? un dieu ?..."
"C'est vous qui venez de le dire." me devançant.
Je m'approche, fascinée.
"Mettez moi dans votre sac si je vous fais peur. Il paraît qu'il y fait agréablement noir."
"Vous..." méfiante mais amusée par la répartie.
Il me recule une chaise. "Je vous en prie.."
Je m'installe. "Voilà qui est bien mieux, young Lady. Nous sommes entre gens civilisés ici." posant ses mains décharnées sur mes épaules.
Il prend place en face de moi, servant le thé avec de bonnes manières.
Le ballet de ses mains, à la peau ivoire et aux ongles noirs, est hypnotique. Je note le port d'une bague couleur émeraude sur l'index gauche et une cicatrice qui court sur le pourtour de l'auriculaire de la même main.
"Servez-vous, je vous en prie."
"Dites moi d'abord qui vous êtes."
Il écarte les mains. "An Undertaker. What else ?..."
Je plisse les yeux, sceptique.
Sur un mouvement de main, il repousse un pan de cheveux argenté qui vient de courir le long du bras comme autant de fils soyeux, me faisant découvrir une oreille dont le lobe est percé par deux boucles argent et un piercing industrial qui traverse le cartilage.
Avec des manières, il se saisit de la soucoupe qu'il place au niveau du menton, soufflant sur la tasse fumante, auriculaire relevé alors qu'il attrape l'anse de la tasse.
"Tenancier de boutique mortuaire... ce n'est qu'une couverture, n'est-ce pas ?... J'ai immédiatement senti votre aura. Quelle est votre véritable nature ?"
"Je ne dépends d'aucune autorité."
"Un... dissident..."
Il a un joli sourire, flatté par le terme. "Mes oreilles se régalent lorsque vos lèvres prononcent ce terme. Oui, un dissident. Un rebelle. Qui préfèrerait qu'on lui crève les entrailles que de devoir ployer un genou devant qui que ce soit. A plus forte raison les deux... hihihihi ! Vous ne buvez pas ? Rassurez-vous, je n'ai jamais empoisonné personne."
"Si, si. Pardon." m'emparant de la tasse.
Il sourit. "Quel bien fou cela fait de pouvoir évoquer la situation avec quelqu'un qui comprend de quoi je parle !... c'est... un soulagement." se laissant aller contre le dossier de la chaise, mains jointes sur le devant.
"Je comprends. Je n'ai pas dit que je cautionnais."
"Oh, ne vous en faites pas ; je n'ai jamais eu besoin de l'on soutienne ma position." jouant avec la cuillère sur le rebord de la tasse en porcelaine fine, l'y plaçant façon balançoire.
"Dans ce cas, pourquoi avoir choisi d'évoquer ceci avec moi ?..."
"Disons que vous avez eu votre petit effet sur moi."
"Votre but est de me dévoyer ?"
"Quel grand mot !..." outré. "Vraiment, je le pourrai ?..." amusé par le challenge.
"Cessez." sèche, terminant ma tasse.
Il prend une moue chagrinée.
"J'avoue être surprise... qu'un superbe spécimen se présente ainsi ouvertement à moi !..." plus détendue.
"Superbe ?... vous me flattez."
"J'espère que vous saurez prendre soin de l'âme de Louise."
"Du mieux que je le pourrai, soyez en assurée." croquant dans un cookie dont la forme évoque un fémur humain.
"Bon, alors, vous, dites moi..." curieuse.
"Uh ?... que souhaitez-vous savoir ?..."
"Vos hobbies, vos passe-temps ?..."
"Tout ce qui est susceptible de m'intéresser se trouve ici." ouvrant les bras pour désigner son domaine.
"Les corps ?... la fascination pour ce qu'ils deviennent une fois leur âme arrachée à la demeure charnelle ?..."
Le sourire vient encore de gagner. "Young Lady, vous faites de moi le dieu le plus heureux de la Terre !..." ravi de pouvoir partager tout ceci avec quelqu'un.
"Bien... hormis l'embaumement... le piercing ?"
Il fronce d'abord puis éclate de rire. "Vous êtes impayable !..."
Il se saisit délicatement d'un second biscuit qu'il scinde en deux avant de déguster.
"Et je n'ai même pas évoqué vos talents culinaires..."
"Huhuhuhu !..."
"En avez-vous d'autres ?"
"Des biscuits ?"
"Non, des talents cachés."
"Eh bien cela, young Lady, je vous invite à le découvrir. Attention cependant à ne pas fréquenter assidument l'arrière boutique sans y avoir été expressément invitée." dans une mise en garde à double sens.
Il m'a fait tenir la promesse de revenir le visiter. Je serai sans doute occupée le soir étant donné que je seconde mon père... mais une visite dans le courant de l'après-midi me paraît possible.
L'oraison funèbre est magnifique, dans ce cimetière baigné par le soleil déclinant.
Il se tient là, en retrait, nous observant avec grand intérêt. On vient le féliciter pour son excellent travail. Il jubile. Nous nous croisons, regards explicites.
Je prends le manège en contresens, zigzaguant entre les chevaux et les carrosses, récupérant les jetons. Des parents accompagnent leurs tout jeunes enfants. Le spectacle est adorable.
Sébastien me garde à l'œil. Nous jouons à nous croiser et là, il me vole un baiser. Je le repousse doucement. "Hey !..."
"Bah, c'était pour plaisanter hein !..." rosissant adorablement.
Soudain, je sens une présence. Oui... oui, cette onde traversante... il est là. Je cherche parmi la foule massée autour du manège, sans grand succès. Mais je sais qu'il est là.
Alors que je demeure dans une zone inoccupée du manège, il vient me rejoindre. Je l'ai simplement vu apparaître devant moi tant ses déplacements sont rapides.
"Bonsoir."
"Young Lady." soulevant son chapeau haut de forme.
"Comme vous voilà élégant..."
"Merci. Je tâche toujours de soigner l'apparence lorsque je... hmm... rends visite, hors du cadre de mes attributions."
Je ris. "Je pensais que vous alliez dire autre chose..."
"Quoi donc ?..." souriant.
"... lorsque vous faites la cour."
"Vous aimeriez ?..."
"Quoi donc ?"
"Que je vous courtise ?..."
"Vous posez la question pour la forme ?..."
"En quelque sorte." souriant, soulevant un instant sa frange. Je distingue un magnifique regard phosphorescent absolument divin et surnaturel !... J'en ai le souffle coupé. Je note également la cicatrice qui court de l'œil gauche à la joue droite.
J'entends Sébastien m'appeler.
"Je vous laisse à vos occupations." avec une révérence. "Ce fut un plaisir."
"Plaisir partagé."
Il disparaît comme il était apparu.
Il décide de déambuler dans la place et jette son dévolu sur un stock de sucre et de friandises en tout genre.
Quant à moi, je regagne mon lit tard dans la soirée, ventre dans une belle pagaille !...
Je ne résiste pas et me voici entrant dans la boutique.
"Bienvenue, young Lady." avec une révérence.
J'en ris de bonheur avec une envie folle de me jeter dans ses bras ; chose que je m'interdis formellement. Il sourit comme s'il venait de le deviner.
"Je ne vous en aurai pas tenu rigueur." soufflé.
Il m'invite dans l'arrière boutique où attend son stock de friandises récolté la veille.
"Vous avez dévalisé tout le stand !..." amusée.
"Ce stock ne me tiendra pas plus de vingt-quatre heures." me reculant une chaise. "J'ai le palais extrêmement sucré."
Il s'installe en face de moi, récupérant une sucette colorée dont il défait le papier transparent avant d'y faire courir sa langue. Dans un éclat argenté, je devine sa langue percée et le bijou qui l'orne.
"Vous en êtes truffé !..." amusée.
"Cela vous gêne-t-il ?"
"Non. Je suis surprise. J'avoue avoir une idée bien rétrograde des dieux de la mort... j'étais loin de les imaginer percés !..."
Je me pince la lèvre, n'osant guère aborder la question.
"Vous... vous avez une idée déplacée derrière la tête..." agitant la friandise dans ma direction avant de poursuivre son léchage gourmand.
Je rosis.
"Est-ce que ça a... certaines vertus ?"
Il sourit, se penchant en avant, en appui sur ses avant-bras, faisant tournoyer le bâtonnet de bois entre le pouce et l'index. "... à ce qu'on dit."
D'un commun accord, nous laissons la question en suspens.
"Savez-vous que la fête foraine se conclue toujours par un bal costumé ?"
"Non." souriante, regard pétillant.
"Eh bien maintenant vous en êtes informé."
"Allez-vous vous y rendre ?"
"Je vous le laisse supposer."
Je dois me faire violence pour ne pas suivre les mouvements de sa langue percée sur la guimauve pastelle.
"Vous appréciez les personnes d'un âge certain, young Lady. Le joli complexe du père. Ne vous a-t-il point eu sur le tard ?... avec sa fort ravissante cinquième épouse dont vous possédez indéniablement les traits."
"Vous êtes très fort."
"Je n'ai aucun mérite. Je ne fais que lire ce que mes yeux se permettent de voir."
Sébastien m'aborde avec un sifflement. "Tu es..."
"Merci."
Je porte une magnifique robe victorienne.
"Tu es accompagnée ?..."
"J'attends quelqu'un, oui."
Il affiche un air déçu.
Je cherche mon cavalier des yeux et tombe sur une cascade de cheveux argentés. Ce ne peut être que lui !... je m'en approche.
"Monsieur."
"Young Lady." me positionnant devant lui, admirant ma tenue. "Eh bien... vous êtes à couper le souffle."
"Votre tenue est originale, elle aussi."
"C'est le costume portés par les croquemorts à l'époque victorienne. Nous sommes donc parfaitement assortis."
Il porte un long manteau sur une forme de soutane, des bottes à multiples sangles, aux bouts remontés, le tout dans des tons sombres. Son chapeau est orné d'un long pan sur l'arrière. Un collier de perles à double rang vient orner la tenue ainsi qu'une ceinture dorée dont la façon rappelle des cadres ovales. Sur une épaule court une écharpe en laine grise nouée sur la hanche opposée.
Nous nous isolons de la piste de danse, dans un parc à proximité.
Au loin, l'orage gronde.
"Voici venir Monsieur Orage et sa symphonie bruyante. Je suis armé." désignant son parapluie noir. "Et même si je suppose que l'humidité vous sied au teint comme au corps, je me vois contraint de devoir renoncer à ce principe."
C'est sous un ciel zébré et électrique que nous regagnons sa boutique.
J'observe la clé tourner dans la serrure sécurisée. Il déconnecte l'alarme puis secoue le parapluie avant de le laisser égoutter dans l'entrée.
L'odeur tenace de lilas artificiel flotte dans l'air aseptisé.
Il ouvre son large manteau sombre qui donne sur la soutane boutonnée.
Il m'invite à passer la porte qui donne sur la salle d'exposition funéraire où trônent plusieurs cercueils ouverts, donnant sur des capitonnages de couleurs variées.
"J'imagine que votre petite entreprise ne connaît pas la crise..."
"J'aime mon métier et je ne néglige aucun détail, offrant le meilleur à ma clientèle."
Je m'en approche, visage proche du sien. Levant une main, je la passe dans la chevelure argentée, rabattant le pan derrière l'oreille gauche également parsemée de boucles et d'un helix.
Il en soupire.
"Voilà bien des siècles qu'on ne m'avait plus touché." dans une confession soufflée.
"Quelle est la dernière à avoir eu ce privilège ?..."
"Ooooh... cela remonte à si loin..." éludant la question, avec un petit geste de la main.
Ma main descend le long du col - écartant le pan, je note une cicatrice prononcée qui semble courir autour du cou fin.
"Qui a fait cela ?..."
"Un combat à mort."
Je cligne, interloquée.
"Disons que la lutte pour conserver certains de mes privilèges m'a valu ces marques."
"En avez-vous d'autres ?..."
"Comme pour l'autre sujet intime qui vous intéresse, je vous laisse le découvrir par vous-mêmes."
Arrêtés devant l'épais rideau qui camoufle l'entrée de l'arrière boutique, il me fait un petit signe de l'index pour m'inviter à le suivre.
L'intérieur est tamisé, table taillée dans la forme d'un cercueil. Il s'affaire devant la kitchenette tandis que j'observe plus précisément les lieux. Mon regard tombe sur un mannequin qui porte un superbe corset dans les tons rouges et noirs.
"Hmm... Angelica parvient toujours à ravir les regards." amusé.
"Un de vos passe-temps ?..."
"La curiosité fait définitivement partie de vos charmes, young Lady."
Deux tasses fumantes de chocolat chaud regagnent la table façonnée.
Nous nous installons. L'odeur envoûtante du cacao monte dans la pièce.
"On prête de nombreuses vertus aux fèves de cacao."
"Aphrodisiaques."
Il sourit, fin. "Entre autres, oui."
"De toutes manières, vous allez me laisser sur ma faim."
"Cette manœuvre n'a qu'un but : vous voir revenir." me présentant une assiette de ses meilleurs cookies.
"Manquez-vous à ce point de compagnie ? ou Angelica se refuse à vous faire la conversation ?"
"Un subtil mélange des deux. Vous frappez fort sur ce point." presque chagriné.
"Je ne voulais pas vous blesser." touillant le cacao maison, autre main récupérant la sienne, laissant nos doigts se croiser. "Avez-vous un appartement ou vivez-vous ici ?"
"Tout ce que je possède se trouve ici et nulle part ailleurs."
"Vous vivez au plus proche des corps que vous chérissez tant..."
"Oui. Bien que ces derniers temps, je me suis surpris à chérir un autre corps, bien vivant, celui-là." regard fouillant jusqu'à l'âme, sous le pan argenté.
"Et qu'en pense ce corps bien vivant ?..."
"A dire vrai, l'idée ne semble pas lui déplaire, à mon grand étonnement."
"J'ai envie de vous embrasser."
Il en sourit, flatté. Nos mains se séparent lentement et il recule sa chaise, m'invitant à prendre place sur ses genoux.
A ce même moment, une porte s'ouvre avec fracas.
"De la visite..."
J'en suis surprise.
Il me fait me lever. "Votre jeune ami..."
Je fronce.
"... parfaitement ivre."
En effet, Sébastien fait une entrée fracassante, batte de base ball à la main, bouteille d'alcool fort dont il vide le contenu dans l'autre, jetant le cadavre à terre qui se brise en morceaux.
"Je savais que je te trouverai ici !..."
"Seb... tu es ivre." sèche, le toisant.
"Et alors ? t'aimes pas ?!"
"J'apprécie très peu, en effet. Ce n'est pas digne de toi."
"Arrête ton cirque, tu veux ?! j'ai bien compris que l'autre te plaisait !..." désignant Undertaker du doigt.
"Où veux-tu en venir, Seb ?"
"Y a un moyen très efficace pour que tu t'intéresses enfin à moi." frappant sa batte dans l'autre main.
"Jeune homme, je vous conseille très fortement de rebrousser chemin et de passer votre tête sous une douche glacée afin de vous remettre les idées en place."
"LA FERME, CROQUEMORT DE MES DEUX !" le menaçant de la batte.
"Assez, Seb ! tu es ridicule."
"Ah ouais ? tu diras plus ça quand je lui aurai éclaté la tronche !" s'élançant sur le Shinigami.
Vif, ce dernier pare l'attaque au moyen d'un sotoba japonais.
"QUE ?!"
"Vous n'êtes définitivement pas de taille." le repoussant d'un simple geste. Sébastien finit sa course contre un meuble imposant, sonné. Le Shinigami s'approche sans aucun geste agressif. Se penchant, il récupère le corps assommé pour le charger sur une épaule. "Je pense, à regret, que notre soirée s'arrête là, young Lady. Je me dois de livrer ce colis vivant à ses proches."
"Je reviendrai vous voir demain. Je ne pars que dans une semaine..."
"Je vous attendrai avec grand plaisir." m'invitant à le devancer.
Nous avons déposé Sébastien dans la caravane de son père. Nous nous sommes quittés sur un baiser du bout des lèvres, attendant mieux.
Mes visites dans l'arrière boutique se font plus fréquentes et un beau soir, la phrase tombe : "Pas envie de rentrer..."
"Rien ne vous y oblige, young Lady !..." amusé.
Nous nous mettons d'accord : je reste pour la nuit et nous dormirons dans le même cercueil - car oui, Monsieur dort dans un cercueil - fermé de préférence.
En guise de chemise de nuit, je me vois offrir une robe ample dont on pare les défuntes. Ceci n'est pas totalement de mon goût mais autant être à l'aise !...
Je procède donc à une toilette rapide, me présentant avec la robe. Ses yeux me parcourent des pieds à la tête, sourire qui en dit long.
"Je refuse de connaître vos pensées."
"Oh, allons, elles vous enchanteraient, je puis vous l'assurer !..."
"Vous avez des goûts vraiment macabres." soupirant.
"La déformation professionnelle."
Revêtu de son manteau en forme de soutane, il choisit un cercueil suffisamment large pour nous accueillir et prend place dans la boîte. Je l'y rejoins, m'installant pour le moins maladroitement, ce qui le fait sourire.
"Vous en prendrez l'habitude." m'assure-t-il.
Diable ! c'est plus étroit qu'il n'y paraissait. Du fait de la forme, nos jambes sont dans l'obligation de se croiser et nos visages sont également fort proches, rompant tout respect de l'espace.
"Êtes-vous à votre aise ?..."
"Ça ira, merci."
"Bien. Alors... bonne nuit."
"Ne profitez pas de mon sommeil pour rabattre le couvercle."
"Je vous promets de résister à cette envie." triturant le piercing qui orne son oreille droite, le faisant tournoyer lentement, à s'en pincer les lèvres de délice.
"Vous me cherchez là." presque douce.
"Grands dieux non !..." outré.
"Si. Vous vous faites du bien."
Il sourit. "Chacun ses petites lubies."
J'avance la main, doigts venant effleurer les lèvres fines dans des mouvements extrêmement lents. Il s'en tortillerait de délice s'il n'était pas tout en retenue. Il savoure, secrètement, la caresse. Le jeu dure un moment. Nos souffles sont suspendus. Puis je me dirige vers l'oreille disponible, là, sous les lourdes mèches argentées et je triture à mon tour les anneaux puis l'industrial. Aucun son ne lui échappe. Pourtant je sens, je sais que mes gestes lui plaisent.
Le lendemain, nous partageons à nouveau le même cercueil.
Notre relation vient de prendre un virage à 180 degrés.
"C'est donc Crevan, votre petit nom ?" me tressant les cheveux.
"Une formalité nécessaire pour tout honorable business."
"Maintenant que nous y sommes, vous pouvez me dire votre prénom..."
"Je vous le dirai si l'humeur s'y prête."me retournant, dos face à son torse, main très habile traçant son chemin jusqu'au slip que je porte sous la robe mortuaire, doigts fins aux longs ongles caressant là à m'en arracher le souffle tant l'appel est subtil, s'immisçant sur les côtés pour une caresse plus directe, obtenant rapidement de moi des sons déplacés et un aveu corporel indiscutable tandis que sa langue percée vient se promener le long du cartilage de mon oreille dégagée. Il est extrêmement doué, jouant là où on l'attend le moins. Son souffle rejoint bientôt le mien après un silence héroïque.
"Je crois que l'heure est venue de consommer nos fiançailles, young and beautiful Lady." ramenant plusieurs doigts à sa bouche pour en savourer la moiteur exquise. Il en vibre de concert, éveillé.
Il me laisse me retourner et quitter ce que je porte tandis qu'il s'occupe de se déboutonner, s'offrant de l'espace.
Je m'en saisis, appréciant l'honorable longueur que je flatte, lui arrachant un panel d'expressions variées et titillant le bijou qui trône, en bonne position, sur l'extrémité renflée.
Non seulement le sexe est beau mais en plus il manifeste clairement son goût pour les bonnes choses.
Tandis que j'œuvre, Monsieur heurte l'intérieur de son arcade dentaire supérieure au moyen du bijou qui orne sa langue, émettant un son particulier.
Je le rejoins, lèvres cherchant les siennes et l'invite en moi tout en l'embrassant. Nous ne sommes plus que vif plaisir mais nous ne souhaitons, malgré cela, rien précipiter. Lentement, j'ondule, observant sa pupille se révulser. L'exigu du cercueil rend les mouvements pour le moins limités, ce qui fait durer le plaisir.
Puis tout s'emballe et nos corps abdiquent dans une envolée vocale spectaculaire.
Son orgasme se prolonge à délice et je l'encourage à tout donner en poursuivant mes ondulations.
Nous nous sourions et demeurons un instant dans cette position avant que je ne bascule sur le flanc.
Il bascule à son tour, main soutenant joliment sa tête, doigts se promenant sur mon corps.
Mon regard finit par trouver le sien, habité par ce vert phosphorescent propre aux Shinigamis.
"Il y a une chose qui me paraît évidente, à présent..."
"Hmm ?..."
"... cela faisait longtemps que vous n'avez plus été approché ni touché."
Il caresse mes cheveux tout en souriant, captivé par cette flamme vivante qui danse en moi. "Vous êtes magnifique, young Lady. Voilà bien longtemps qu'on ne m'avait plus fait vibrer de la sorte, en effet."
"Je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin." ramenant sa bouche à la mienne pour un baiser profond, jouant avec sa langue percée. J'ébranle tous les fondements de son univers, le rendant captif d'une bien jolie façon. Oh, ce n'est pas comme si j'avais un novice entre les mains, loin de là !... Un pincement subtil m'arrache un son étouffé par le baiser ; ses ongles sombres venant de se refermer sur la pointe de mon sein. Il m'observe, impatient.
"Appréciez-vous, vous aussi, ces sensations contradictoires ?..."
"A vous de le découvrir..." revenant à sa bouche magnifique que je ne cesse de gâter par tous les moyens disponibles.
"Mmm... l'histoire l'a... montré... tant de fois... young Lady... vous aimez les... bouches impies..." entre deux échanges, ravi.
"La vôtre... possède, en effet, cette... particularité indéniable..." folle de lui, l'embrassant avec plus d'ardeur encore, puis passant plusieurs coups de langue le long des lèvres.
Il me plaque contre le capitonnage, jouant des hanches contre moi, éveillé.
"Donnez m'en encore, young Lady." directif.
Je me glisse sous lui, ma bouche se fermant sur ce qu'il a de joliment ferme. Il en frémit des pieds à la tête, laissant passer un son étouffé. "Ooooooh..."
La sensation du bijou ne fait que rajouter au geste et j'en joue de ma langue, immisçant la pointe dans la boucle, la faisant aller et venir alors que je caresse le tout, le rendant fou alors qu'il se tient à bout de bras dans une position improbable. Sa voix se mêle à mes actions, passant de l'aigu au grave, tombant dans les halètements puis s'élevant à nouveau. Son corps en est moite de plaisir.
Glissant plus bas, il me retourne pour me placer sur lui, m'offrant tout le contrôle et je m'y empale sur un net étouffé, menton levé, bras tendus, corps s'arquant ou se cambrant selon l'effet recherché.
La jouissance nous prend presque par surprise tant les sensations ont enflé d'un coup !...
J'en retombe sur lui, souffle encore court.
Il me caresse les cheveux, corps encore secoué.
"Vous... me faites là un très... grand honneur, young Lady."
Je viens poser mes lèvres sur les siennes et nous nous sourions une fois le baiser rompu.
"Vous savez que... je ne pourrai pas demeurer ici..."
"Je le sais." croisant ses doigts aux miens, paumes s'épousant. "Et je ne vous demande rien de tel." doux.
Il est tout simplement magnifique, allongé dans ce cercueil, cheveux argentés éparpillés sur la garniture en soie.
"Je n'imaginais d'ailleurs pas que vous m'offririez tant." regard phosphorescent ému.
"Comment vous résister ?..." venant embrasser le dos de sa main avec dévotion. "Beauté infernale." venant réclamer un autre baiser, jouant avec la langue percée.
"Quand partez-vous?..."
"Dans une petite semaine."
"Alors... profitons-en, young and beautiful Lady." revenant m'embrasser avec fougue.
"Je veux faire le tour de vous."
"Je suis à votre entière disposition."
"Corps, âme et esprit ?..."
"Tout." furetant du nez contre le mien.
"Dites-moi ce qui vous ferait plaisir..."
"Oh... eh bien..." quittant son haut.
Chaque sein est percé, comme je le suspectais. Il ouvre un tiroir et attrape un fin ruban de satin qu'il glisse dans chaque anneau, me tendant les extrémités.
"Je dois... serrer ?..."
"Faites ce que bon vous semble."
Je commence par le chevaucher, faisant un nœud du ruban. Le mouvement tire sur les anneaux et il en glousse de délice.
Je viens caresser les endroits précis de la tension, lui arrachant un long souffle qu'il coupe sur un petit rire exalté. Puis ma bouche prend le relais. Il en perd tout contrôle, fou de sensations, érigé derrière moi.
"Ça... je ne l'aurai jamais deviné par moi-même..."
"C'est qu'il... vous manque encore... de la finesse, young Lady." souffle court.
"Dites moi... la suite..."
"Mmm... je dirai... assis... face à face... et je vous laisse... libre du choix des options..." venant réclamer ma bouche pour un baiser intense.
Nous nous redressons et il m'invite à venir sur lui, jambes croisées. Je place les extrémités du ruban entre mes lèvres, y imprimant des secousses lors de mes mouvements. L'effet est tel qu'il en jouit d'une voix extrêmement lourde, corps tressaillant de partout.
"On peut dire... que ce fut une réussite..."
"Ooooh hihihihi !... oui... totale... entière..." essoufflé de plaisir.
Sébastien n'a plus osé refaire surface et lorsqu'il me croise par hasard dans une allée, il me fuit.
Je vois se rapprocher l'échéance qui m'amènera loin de Crevan... à mesure que l'on déleste la plateforme du manège de ses chevaux et calèches.
"Tu peux aller le retrouver."
"Papa ?..."
"Ton croquemort. Tu peux aller le retrouver et profiter du temps qu'il vous reste."
A peine entrée, je l'attrape et le tourne vers moi pour un baiser chaud. Il en frémit des pieds à la tête, ravi.
"Si vous le prenez sur ce ton..." rieur, me soulevant pour me diriger vers le premier cercueil ouvert.
Là, il m'allonge tandis qu'il quitte sa soutane qui donne sur un gilet sombre, très près du corps.
Je me redresse, intriguée, main cherchant sur la matière. J'y découvre des baleines rigides.
"Vous portez... un corset ?..." surprise.
"J'aime beaucoup la sensation que cela apporte."
"Laissez moi voir ça de plus près !..." me levant dans la caisse, mains cheminant le long de l'habit. "Je ne savais pas qu'il existait des modèles pour hommes."
"Je l'ai entièrement façonné à la main." fier.
"Il est magnifique." sortant de la caisse pour en faire le tour, main traînant le long de son corps svelte. "Vous êtes magnifique, Undertaker." susurré à l'oreille dans un bourdonnement des sens. Il ne peut s'empêcher de s'en lécher les lèvres de délice. Je laisse ma main se frayer un chemin à travers les longs pans de ses cheveux argentés. "Dites moi..."
Il me connaît suffisamment bien à présent pour débusquer la question.
"J'aime... avoir la sensation du corps serré. Comme si mille bras m'enserraient le haut du corps en même temps. J'aime me sentir comprimé."
"Huhuhuhu ! vous savez que vous êtes fait d'une adorable façon, Undy ?..."
Il sourit d'autant plus au surnom affectif. "Vous savez que vous allez atrocement me manquer ?..."
"Qu'à cela ne tienne ; je reviendrai vous voir."
Il me bloque devant lui, bouche gourmande. "Promettez."
"Je promets." reprenant le baiser pour entrer dans le vif du sujet. "Je promets." soufflé entre deux échanges voluptueux.
"Même si... votre père... vous met en garde ?..." langue percée débordant du baiser pour traîner du côté des lèvres et des joues.
"Oui... oui... oui..."
"Il me semble que vous vous devez d'envisager toutes les possibilités, young Lady." faisant remonter sa langue percée le long de mon menton, hissant son regard à ma hauteur. Les yeux phosphorescents brûlent d'une lueur malsaine. "Je vois. Vous ne vous êtes pas encore préparée pour le pire."
Je le repousse, bondissant hors de portée. Il fait grimper son sourire d'un ton. "Aurais-je affolé la louve qui sommeille en vous ?..." amusé, mains sur les hanches.
"Qui sommeille ? Elle n'a jamais été aussi bien éveillée."
"Huhuhuhu !... voyons donc ce qu'elle vaut maintenant que je l'ai tiré de sa douce torpeur." se saisissant de sa faux au moyen de laquelle il fend l'air. Il finit par pouffer de rire, à s'en tenir les côtes. "Votre têêêêête !" lâchant l'arme.
"Houmpf ! oh, c'est malin !..." croisant les bras, lui tournant le dos.
Il me rejoint, humant mes cheveux en guise de réconciliation. "C'est très vilain de bouder, young Lady !..."
"Tss !" finissant par esquisser un sourire.
"Voilà qui est mieux." se frayant un chemin sous mon haut.
Je frémis lorsqu'il atteint son but.
"Voilà ce que je propose..." murmuré à l'oreille la plus attentive qu'un dieu de la mort puisse offrir.
"Oooooh... oui, oui, oui. J'adhère complètement, young Lady. Huhuhuhu !" tapant quasiment des mains comme un enfant excité à la perspective de se voir offrir un tout nouveau jouet.
Nous commençons : installés l'un en face de l'autre, nous nous embrassons, alternant les baisers et les rythmes, nous laissant pantelants après cet échange intense.
Lentement, nous nous défaisons. Des doigts d'une attention particulièrement délicate viennent caresser mon entrée suintante des jeux précédents.
"Huhuhuhu... que dire ?..."
"Hmm... voyons..." m'en saisissant délicatement, main libre venant flatter son reste.
Le menton se lève rapidement, la voix s'approfondit, interrompue par un baiser chaud.
Je me cale contre lui, bassins en contact, sexes intimement proches.
J'attrape les liens du corset et me mets à serrer, intimant des mouvements des hanches, le caressant indirectement avant qu'il ne résiste plus à l'envie de me visiter sur un rauque qui fait vibrer sa gorge entière.
Bouger et serrer. A mesure que le carcan se resserre autour de son torse, il lâche des sons que rien ne comprime. A la fin, je suis presque au maximum et il jouit dans une envolée de voix spectaculaire.
J'entre dans la boutique.
"Undertaker ?..." m'avançant prudemment parmi les articles mortuaires.
Un lapin blanc me file sous le nez, me faisant sursauter !...
"Qu'est-ce que... ?"
"Entrez ! Entrez, young Lady !... vous allez être en retard pour le thé, allons !..." me poussant littéralement à l'intérieur de l'arrière boutique.
"Doucement !..." sur un rire.
"Le temps presse !..." amusé.
A l'intérieur, tout est richement décoré et coloré. Je glisse le regard sur sa tenue : magnifique veste près du corps, pantalon slim à rayures, hautes bottes.
"Oh !..." surprise.
"Pressons, pressons !... Installez-vous !..." me reculant une chaise.
Il me présente un empilage de tasses et y verse le thé qui coule, façon fontaine, jusque dans la soucoupe.
"Vous êtes... survolté aujourd'hui !..."
"Avec raison !... Je vais ouvrir une succursale dans la capitale française."
J'en recrache littéralement mon thé !...
"Co... comment ?"
"Hahahaha ! je savais que vous feriez cette tête, young Lady." avec un geste désinvolte.
"Ça ne m'amuse pas du tout, Undy."
"Huhuhuhu ! moi si, beaucoup. Voilà si longtemps que je n'ai plus eu la chance de flâner dans la capitale française !..." conquis, nouant ses doigts sur le côté du visage dans une pose hilarante.
"Vous devriez y réfléchir davantage."
"Je suis du genre têtu, vous savez ?..." ferme.
"Bon... très bien." sur un soupir.
"Et moi qui pensais que l'idée allait vous emballer !..." déçu.
Il se relève et se place derrière moi, lèvres proches de mon oreille. "Il est grand temps de vous émanciper, young Lady."
"Qu'entendez-vous par là ?"
"Votre père ne vous a jamais signifié que la voie sur laquelle vous vous êtes engagée jusqu'à présent n'est pas celle qui vous sied ?..."
"Et... quelle est-elle, je vous prie ?..."
"N'avez-vous pas compris, après toutes ces années, que votre soumission à une quelconque autorité ne contribue qu'à vous rendre plus faible ?..."
"Êtes-vous en train d'insinuer que si... je venais à m'en libérer, je serai plus forte ?..."
Il me lâche et s'installe devant moi, croisant les jambes, pied balançant dans le vide, regard braqué. "Ce n'est pas moi qui viens de le dire. Ce sont là vos mots."
Il attrape ses cheveux et se confectionne une tresse sur le côté. Je suis le mouvement des ongles sombres qui courent entre les pans argentés avec attention.
"Que pensez-vous de ce que je viens de vous dire, young Lady ?"
"Que vous êtes fou."
Il soupire, portant le regard au brin qu'il lie à un autre. "La folie peut être parfois empreinte d'une grande lucidité."
"Je sais que vous ne voulez que mon bien."
"Oh... en êtes-vous bien certaine, young Lady ?..." terrible.
"Quelle défense de privilèges vous a valu ces marques ?..." passant à autre chose.
"Lorsqu'un Shinigami se rebelle et qu'il se voit destitué de sa fonction, il est d'usage qu'il rende sa faux de la mort."
"Puis-je la voir ?"
Il se lève, la récupérant pour me la présenter.
La lame est immense et le haut d'un squelette, crâne compris, semble y avoir été greffé, cage thoracique s'entremêlant au manche.
"Racontez moi son histoire... s'il vous plaît."
Il sourit, s'installant à nouveau et me conte avec patience tout le récit concernant sa faux légendaire.
Je soupire, regard parcourant les rangs de voyageurs. Je pensais...
Soudain, un chapeau se découpe de la foule. Là, adossé contre une rambarde, il me salue de la main avant que je n'emprunte la galerie qui me mène au quai d'embarquement.
