Ce titre est évidement inspiré de la chanson éponyme de Muse. Je trouve que Finch pourrait très bien dire ces paroles à John...

I know you've suffered
Je sais que tu as souffert
But I don't want you to hide
Mais je ne veux pas que tu te caches
It's cold and loveless
Il fait froid et il n'y a pas d'amour
I won't let you be denied
Je ne te laisserai pas être niée

Soothing,
En t'apaisant,
I'll make you feel pure
Je te ferai sentir pur(e)
Trust me,
Fais moi confiance,
You can be sure
Tu peux être en confiance

I want to reconcile the violence in your heart
Je veux réconcilier la violence dans ton cœur
I want to recognize your beauty's not just a mask
Je veux reconnaître que ta beauté n'est pas seulement un masque
I want to exorcise the demons from your past
Je veux exorciser les démons de ton passé
I want to satisfy the undisclosed desires in your heart
Je veux satisfaire les désirs inavoués dans ton cœur

You trick your lovers
Tu prétends à tes amants
That you're maléfique and divine
Que tu es mauvais(e) et divin(e)
You may be a sinner
Tu es peut-être un(e) pécheur (esse)
But your innocence is mine
Mais ton innocence est mienne

Please me,
Fais-moi plaisir,
Show me how it's done
Montre-moi comment c'est fait
Tease me
Tourmente-moi
You are the one
Tu es le(a) seul(e)

I want to reconcile the violence in your heart
Je veux réconcilier la violence dans ton cœur
I want to recognize your beauty's not just a mask
Je veux reconnaître que ta beauté n'est pas juste un masque
I want to exorcise the demons from your past
Je veux exorciser les démons de ton passé
I want to satisfy the undisclosed desires in your heart
Je veux satisfaire les désirs inavoués dans ton cœur

Please me,
Fais-moi plaisir
Show me how it's done
Montre-moi comment ça s'est fait
Trust me,
Fais moi confiance,
You are the one
Tu es le(a) seul(e)

I want to reconcile the violence in your heart
Je veux réconcilier la violence dans ton cœur
I want to recognize your beauty's not just a mask
Je veux reconnaître que ta beauté n'est pas juste un masque
I want to exorcise the demons from your past
Je veux exorciser les démons de ton passé
I want to satisfy the undisclosed desires in your heart
Je veux satisfaire les désirs inavoués dans ton cœur

Internet est un endroit étonnant où l'on peut trouver tout et n'importe quoi, du plus absurde au plus inutile en passant par des révélations qui peuvent faire basculer l'Histoire.

Mais il peut également permettre de faire de belles rencontres.

Pour Nathan, un ami très cher.

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Musée Guggenheim, New York

23h00

Vêtu d'un classique mais très élégant smoking noir, John déambulait avec sa grâce féline habituelle au milieu des invités triés sur le volet qui assistaient au vernissage d'un artiste très en vue dans le milieu de l'art contemporain new-yorkais. Sa flûte de champagne millésimé à la main, il contemplait les œuvres d'un air inspiré, serrait les mains à de parfaits inconnus et écoutait avec attention les conversations animées sur les œuvres exposées. Un sourire charmeur plaqué sur ses lèvres sensuelles, l'œil pétillant d'une lueur malicieuse, l'homme semblait parfaitement à l'aise.

Mais comme souvent avec un ex-agent de la CIA, il ne fallait pas se fier aux apparences. Car sous son air affable, décontracté et charmant, l'homme était tendu. Il avait en sainte horreur ce genre de soirées qui n'avaient, pour lui, aucun intérêt et exécrait ce milieu superficiel fait d'une honteuse débauche de luxe et dégoulinant de faux-semblants. Et c'est justement cet aspect qui le mettait au supplice. Car malgré son sourire séducteur et sa nonchalance, Reese bouillait d'une colère contenue. Seuls des yeux avertis pouvaient voir à quel point l'homme était furieux. Seuls les yeux bleus de Finch auraient pu détecter tous les signaux alarmants qui montraient qu'il était sur le point d'exploser.

Mais voilà, Finch n'avait rien remarqué, pour la simple et bonne raison qu'il ne prêtait absolument aucune attention à lui. Car en réalité, si John s'était rendu à ce vernissage, c'était pour lui…pour rester auprès de lui…pour partager quelque chose avec celui qui était, depuis deux ans maintenant, son époux.

En effet, lorsqu'Harold avait reçu une invitation au nom de Mr Wren, important donateur de la fondation Guggenheim, grand amateur d'Art et mécène avisé, pour assister à ce vernissage quelques jours auparavant, le reclus avait été tellement emballé qu'il s'était empressé d'accepter, arguant le fait qu'il fallait entretenir cette identité fictive qui pouvait s'avérer utile pour une éventuelle mission future. Mais Reese n'avait pas été dupe. Il avait compris que son compagnon adorait ce genre de réception et, malgré ses réticences, il avait acceptée de l'accompagner sans l'ombre d'une hésitation, juste par amour pour lui, juste pour voir ses prunelles bleues s'illuminer de passion en contemplant ces œuvres qui n'avaient aucun sens pour lui, juste pour l'entendre murmurer dans le creux de son oreille des explications sur l'artiste ou sur le contexte. Même s'il se fichait royalement des informations en question, il adorait tellement celui qui le lui disait qu'il serait capable de l'écouter lire le bottin toute la nuit si celui lui permettait de partager quelque chose avec lui.

Seulement voilà. Reese n'avait absolument pas prévu que son conjoint ne le délaisse durant toute la soirée…pire… qu'il lui oppose une hostile indifférence. Car les choses ne s'étaient pas déroulées comme il l'espérait. Lui, qui pensait partager du temps avec Finch, allait de déceptions en déceptions…Depuis le début de la soirée, les choses allaient de mal en pis…

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Plus tôt

Appartement D'Harold et de John sur la 5ème avenue

Posté devant l'immense baie vitrée qui offrait une vue plongeante sur Central Park, John, vêtu d'un très classique smoking noir, attendait patiemment que son compagnon finisse de se préparer. Il consulta sa montre pour la énième fois, puis soupira en passant son doigt dans le col amidonné de sa chemise qui lui paraissait étonnement étroit. Il avait la gorge tellement serrée qu'il avait du mal à déglutir. Mais il devait se rendre à l'évidence, son col n'y était pour rien. Il était juste nerveux. Non. Il avait peur. Un petit sourire triste se dessina sur ses lèvres. Lui, l'ancien membre des forces spéciales, l'ex-agent de la CIA, qui s'était déjà introduit derrière les lignes ennemies, combattu des régiments entiers et vaincu une Intelligence Artificielle surpuissante, était terrifié à l'idée de ne pas être à la hauteur d'un événement mondain. Pourtant, sa formation d'espion international lui permettait d'infiltrer tous les milieux. Mais ce soir, c'était différent. Il ne s'agissait plus de faire illusion. Il devait être à la hauteur et ne pas décevoir son mari…

Un bruit derrière lui, le tira de sa rêverie. Il se tourna lentement et vit Harold, lui aussi vêtu d'un très élégant smoking noir, arranger son mouchoir de poche pourpre, seule touche de couleur dans son ensemble strict. L'agent sourit. Il le reconnaissait bien là: classique mais avec une touche d'excentricité très excitante. Il s'appuya nonchalamment à la baie vitrée, un large sourire aux lèvres et une lueur malicieuse dansant dans ses yeux gris.

Cette attitude ne manqua pas de faire réagir Finch qui lui lança un regard étonné avant de demander avec un soupçon d'inquiétude :

-Quelque chose ne va pas ?

D'un mouvement souple des hanches, l'agent se détacha de la paroi vitrée et s'avança tel un félin vers son époux. Il eut la satisfaction de voir un éclair de désir traverser les prunelles bleues de son conjoint. Le jeune homme avait parfaitement conscience de son pouvoir de séduction. Impeccablement vêtu d'un smoking coupé sur mesure qui épousait ses formes et qui mettait en valeur sa silhouette athlétique, ses cheveux, pour une fois, parfaitement disciplinés, l'homme était la tentation à l'état pur.

-Oui… répondit John d'une voix traînante en s'avançant vers Finch.

Il ne s'arrêta que lorsqu'il sentit leurs pantalons s'effleurer. Ils étaient si proches que John pouvait sentir le parfum musqué et distingué de son compagnon ainsi que son souffle sur sa joue. Il leva la main et tira sur le nœud papillon de Finch, le dénouant avec lenteur et sensualité tout en se penchant pour déposer un baiser dans le creux de son cou, juste en dessous du lobe de son oreille.

Satisfait de sentir son amant frissonner, l'agent s'approcha encore un peu, plaçant ses hanches contre celles de Finch, lui faisait ainsi clairement comprendre ce qu'il attendait de lui.

-John…non…, bredouilla lamentablement le reclus d'une voix lourde en posant ses mains sur le torse de l'agent dans une veine tentative pour le repousser.

Mais l'homme ne l'écoutait plus, tous ses sens en éveil, dirigés vers la satisfaction de son désir et de celui de son partenaire. Car oui, à l'évidence, Finch était tout aussi embrasé que lui. Reese laissa ses mains dériver sur les fesses du reclus, les caressant, palpant avec sensualité leur galbe parfait. Il avait toujours trouvé cette partie de son anatomie particulièrement désirable. Puis d'un geste un peu brusque, il plaqua l'autre homme contre lui afin de lui faire sentir l'intensité de son désir.

-Allons Harold, tu en as autant envie que moi…chuchota-t-il de sa voix rauque et lourde de désir en laissant ses lèvres dériver jusqu'à la bouche entrouverte de son amant.

Leur baiser fut fiévreux et remplis de promesses. Les mains de Reese déboutonnèrent le pantalon de son partenaire avant de s'aventurer sans complexe dans l'ouverture à la recherche de l'objet de toutes les convoitises. Mais, alors qu'il s'autorisait d'audacieuses caresses, Finch se raidit avant de se reculer.

-Non…nous allons être en retard…Balbutia le reclus, les joues rouges et le regard embrumé de désir.

Loin de se laisser démonter par ce refus qui manquait sérieusement de conviction, Reese attrapa Finch par les hanches et le ramena contre lui, le plaquant plus étroitement, provoquant instantanément une flambée de désir chez les deux hommes.

-Je sais être rapide et efficace, ronronna l'agent en se passant la langue sur les lèvres et en laissant sa main à nouveau descendre vers l'entre-jambe de son compagnon, ne laissant planer aucun doute sur ce qu'il comptait faire.

Mais la massive horloge à balancier qui trônait dans la salle à manger trouva opportun de casser l'érotisme du moment en sonnant dix-neuf heures. Les dix-neuf gongs réguliers et lancinants firent l'effet d'une douche froide chez Finch. Ils étaient en retard !

-Non ! s'écria-t-il d'un ton plus ferme en repoussant brutalement son partenaire avant de se détourner de lui en réajustant son pantalon.

John le regarda s'éloigner en silence, mais l'insolent sourire qui flottait sur ses lèvres montrait qu'il avait parfaitement remarqué que Finch en avait autant envie que lui. Sûr de son charme et de sa capacité à faire vaciller la volonté de son amant, le jeune homme le suivit vers leur chambre et s'accouda au chambranle de la porte. Il l'observa refaire son nœud papillon avant de passer les mains dans ses cheveux comme pour effacer toutes traces de la passion que son partenaire avait si facilement su allumer en lui.

-Ta bouche dit non mais ton corps tient un tout au discours, murmura Reese en quittant son poste d'observation avant de s'approcher de Finch, tel un prédateur, un sourire suffisant sur les lèvres et les yeux brillants de convoitise.

John eut la satisfaction de voir l'autre homme s'empourprer violemment avant de se ressaisir.

-Je ne nie pas en avoir envie mais nous avons des obligations, déclara d'un ton péremptoire l'informaticien en boitant vers leur lit.

Lui tournant ostensiblement le dos, Finch se posta devant l'un des chevets. Sentant qu'il ne pourrait pas, cette fois-ci, faire flancher son partenaire qui avait visiblement décidé de ne pas céder à la tentation, John s'avança vers lui et l'enlaça tendrement. Il posa son menton sur son épaule et regarda avec curiosité ce qu'il était en train de faire. Et ce qu'il vit lui glaça le sang.

-Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il d'une voix blanche en ne quittant pas des yeux l'annulaire gauche désormais nu de son compagnon.

Finch posa son alliance sur le chevet avant de se retourner lentement. Les yeux baissés, ne souhaitant visiblement pas affronter le regard de son mari, Finch déglutit péniblement avant d'expliquer d'une voix hésitante, comme s'il cherchait soigneusement les mots qui ne blesseraient pas son conjoint.

-Harold Wren n'est pas marié.

Reese se sentit pâlir. Son regard passa de l'anneau, abandonné sur la table de nuit, au visage neutre que s'était composé son conjoint. A cet instant précis, il se prit à détester ce beau visage, si neutre, si froid, si implacable. Même s'il se doutait que la décision de Finch était irrévocable et qu'il avait sans doute déjà en tête une myriade d'arguments à lui opposer, Reese tenta de le convaincre de garder son alliance, la preuve de leur amour et de leur union.

-Il aurait pu se marier récemment, avança-t-il d'une voix douce, presque timide, en le forçant à relever la tête pour plonger son regard dans le sien.

-Il aurait pu…consentit Finch avant de reprendre froidement, mettant ainsi fin aux espoirs de l'autre homme, mais cela engendrerait trop de désagréments.

John recula comme s'il venait de recevoir une gifle.

-De…désagréments, répéta John d'une voix étonnamment calme alors qu'il commençait à sentir une colère sourde grandir en lui.

Finch le regarda par-dessus ses lunettes et expliqua avec la froideur méthodique propre aux génies comme lui :

-Oui, voir Mr Wren porter une alliance ne manquerait pas de susciter des questions et je n'ai aucune envie de m'exposer à ce genre d'interrogatoires.

Reese n'était absolument pas convaincu par cette explication, pour la simple et bonne raison qu'il connaissait Finch par cœur. Il savait l'homme courageux au point de tenir tête à Samaritain et à ses agents, suffisamment intelligent pour éviter les pièges tendus par des questions trop indiscrètes et assez charmant pour rembarrer les curieux avec tact mais fermeté. Une main de fer dans un gant de velours en somme.

-Tu as déjà fait face à plus dangereux que des snobs endimanchés qui bavent devant des croutes qu'ils ont eux-mêmes baptisé œuvres d'art, ricana le jeune homme, très fier de son trait d'humour.

Mais à l'évidence, Finch ne partageait pas son avis. Il lança à Reese un de ses regards acérés qu'il lui réservait au début de leur collaboration. D'instinct, John su qu'il avait touché une corde sensible et retint son souffle, attendant le cœur battant, l'estocade de son compagnon, qui ne se fit pas attendre. Finch releva le menton dans un geste de défi et répliqua d'un ton cinglant :

-Sache que je suis sensible à cet art que tu dénigres et à ces gens que tu méprises.

Sur ce, le reclus tourna les talons et quitta la chambre sans un regard pour son époux. Le beau sourire de John mourut sur ses lèvres. Cette dispute. Il l'avait redouté dès le jour où il avait réalisé ses sentiments pour son patron. Ils étaient tellement différents, tellement contraire, que jamais il n'aurait cru que Finch puisse ressentir les mêmes sentiments que lui. Et contrairement à ce qu'il avait espéré, s'être avoué leurs sentiments puis s'être marié, n'avaient absolument pas apaisé ses craintes. Bien au contraire. Son amour pour Finch semblait croître de jour en jour, et avec lui, son lot de souffrances. La jalousie, la possessivité, la dépendance, la peur de le perdre faisaient entrer un peu d'enfer dans son paradis.

Ils étaient tellement différents. Finch était cultivé, intelligent, solitaire, casanier, timide et secret alors que lui…Il était juste beau, expert en armes et en combat donc dangereux et violent…Tu parles de qualités…Certains diraient qu'il est aussi courageux mais c'est faux. Il avait déserté, ce qui n'était pas très glorieux puis avait sombré dans l'alcoolisme, une sorte de suicide à petits feux…Non, en réalité, il était lâche…

John mit un certain temps à réagir, son esprit bloqué sur les reproches de son conjoint. Ce n'est qu'en entendant la porte du placard de l'entrée s'ouvrir qu'il réalisa que Finch était sur le point de partir…sans lui ! Il se précipita dans le couloir et constata, qu'effectivement, l'homme était en train de passer son long manteau noir.

-Je suis désolé, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire…, commença l'agent en s'approchant de son conjoint.

Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Finch le coupa sèchement.

-Mais tu le pensais.

John ne pouvait dire le contraire. Oui, il pensait que ce monde n'était pas le vrai monde, qu'il était superficiel, faux, bourrés d'intellectuels pédants qui se croyaient supérieurs à tous ceux qui ne partageaient pas leurs idées. Son silence, ressemblant fortement à un aveu, acheva de convaincre Harold. Une lueur de tristesse très semblable à celle que ressentait l'agent apparut furtivement dans ses yeux bleus alors qu'il se coiffait de son chapeau de feutre. Mais comme à son habitude, le reclus préféra se réfugier dans une fuite solitaire plutôt qu'affronter une discussion.

-Tu peux rester là si cette soirée te pèse à ce point, annonça-t-il dans un murmure avant de se tourner pour quitter l'appartement.

Cette proposition fit instantanément réagir John. Non, il ne le laisserait pas se rendre seul à la réception.

-Non, je viens.

La réponse claqua comme un coup de fouet. La main sur la poignée de la porte, Finch se retourna pour contempler Reese qui passait à son tour son long manteau noir. Les yeux dans les yeux, les deux hommes semblaient se jauger, tous deux victimes et bourreaux.

-Comme tu veux, répliqua le reclus en fusillant du regard son compagnon.

-Oui je le veux, répondit John en soutenant son regard sans ciller.

-Bien.

Mais alors que Finch s'apprêtait à sortir, John demanda d'un ton qui se voulait détaché mais qui flirtait allégrement avec l'insolence :

-Tu ne verras donc pas d'inconvénient à ce que je suive ton exemple.

Interloqué, le reclus se retourna et son cœur loupa un battement en voyant John retirer à son tour son alliance avant de la poser sur la console en verre à côté de la porte d'entrée. Seul le cliquetis cristallin de l'or sur le verre troubla le silence de mort qui régnait désormais dans l'appartement. Finch lança à Reese un regard polaire avant de rétorquer d'un ton froid et presque indifférent :

-Fais comme il te plait.

Sur ces paroles prononcées d'un ton délibérément blessant, il tourna le dos et quitta rapidement le logement pour se diriger vers l'ascenseur. Mais malgré l'indifférence affichée, Finch était au supplice. Il ne savait pas qui était le plus à blâmer dans cette dispute : John qui s'évertuait à ne pas entendre ses arguments ou lui, dont la réserve devenait de plus en plus difficile à justifier, tant elle frôlait le déraisonnable.

Car malgré tout l'amour qu'il pouvait éprouver pour Reese, Harold n'était pas prêt à s'afficher publiquement à ses côtés. Même s'il mourrait d'envie de marcher dans la rue en lui tenant la main, de passer sa main dans ses cheveux pour les décoiffer encore un peu plus, de l'embrasser dans le cou lorsqu'il penchait un peu trop près, il se l'interdisait. Pourquoi ? Lui-même n'était pas très sûr d'en connaître la réponse…La timidité y était sans doute, pour une large partie, responsable mais pas seulement. Il y avait aussi la peur, la peur de dévoiler aux yeux d'un monde plus ou moins hostile la réalité de leur relation. Peut être y avait-il également un peu de honte…

La honte qu'un homme comme lui ait épousé quelqu'un comme Reese. Finch n'arrivait toujours pas à comprendre comment son compagnon pouvait éprouver des sentiments pour lui, un reclus, la cinquantaine bien tassée, au physique guère attrayant, associable, préférant la compagnie des livres à celles des hommes, ayant peur des armes et de toutes formes de violence et, pour couronner le tout, handicapé. Ils étaient aussi différents que le jour et la nuit. John était lumineux, séduisant, à l'aise avec les gens, arborant une force tranquille et une assurance à toute épreuve. Il était son exact opposé et leurs différences le terrifiaient…

Inconsciemment le reclus leva les yeux et croisa le regard de John qui l'avait suivi sans un mot dans la cabine. Sa gorge se serra à la vue du spectacle magnifique qu'offrait son époux en classique mais très élégant smoking. Il était la perfection faite homme. L'agent incarnait tout ce qu'il n'était pas : la jeunesse, la beauté, la confiance, l'audace… Que pouvait-il bien lui trouver? Même si John lui avait dit et répété, même s'il lui avait prouvé à de multiples reprises, par des gestes tendres ou de petites attentions, combien il l'aimait, Finch ne pouvait s'empêcher de douter.

Dans combien de temps Reese finirait-il par se lasser de lui ? Dans combien de temps prendrait-il conscience que leurs différences sont inconciliables ? Combien de temps allait-il mettre pour réaliser que ce qu'il prenait pour de l'amour n'était en réalité que l'expression de sa gratitude pour l'avoir sauvé du caniveau ? Combien de temps avant qu'il ne le quitte pour quelqu'un de plus jeune, de plus beau, de plus intéressant?

Le reclus sentit sa gorge se serrer et les larmes lui monter aux yeux. La sonnerie de l'ascenseur suivie de l'ouverture des portes lui permit de se soustraire au regard aiguisé de John qui ne le quittait pas depuis leur altercation dans l'appartement. Ces yeux qui en disaient beaucoup plus que des mots. Car John était un homme de peu de mots, préférant souvent les actes aux longs discours. Mais juste avant de fuir, le reclus avait eu le temps de voir de la colère mais aussi de la tristesse troubler les prunelles d'acier de son compagnon.

Le trajet, pourtant très court, qui reliait leur appartement de la 5ème avenue au Solomon R. Guggenheim museum, situé sur la même artère, s'effectua dans un silence de cathédrale. Assis à l'arrière d'une limousine affrétée par le musée, les deux hommes ne desserrèrent pas les dents, chacun regardant, sans réellement le voir, le paysage urbain nocturne qui défilait derrière les vitres fumées du véhicule. Finch s'en voulait d'avoir été blessant. Il savait que son conjoint souffrait de sa timidité même s'il respectait sa réserve. John, quand à lui, était perdu quelque part entre le remords d'avoir réagi aussi violemment et la tristesse de se sentir une nouvelle fois rejeté.

Lorsque la voiture s'immobilisa devant le musée d'art moderne de New York, les deux hommes ne perdirent pas une minute pour descendre du véhicule, pressés de respirer un peu d'air frais après l'atmosphère étouffante et confinée de l'habitacle. Finch ne s'attarda pas sur l'architecture insolemment originale du bâtiment blanc tout en courbes et en rondeurs sortie de l'imagination de Franck Lloyd Wright en 1959 et s'engouffra directement dans le hall du musée. Reese le suivit sans un mot, comme une ombre, à la fois menaçante et rassurante.

Ils pénètrent dans le gigantesque vestibule immaculé où se pressaient les centaines de privilégiés qui avaient reçu le précieux sésame pour assister à cette réception ultra sélecte, point d'orgue pour tous les amateurs d'art contemporain. Pendant que Finch présentait leurs cartons d'invitation à l'une des hôtesses à l'accueil, Reese, toujours à ses côtés, balaya du regard l'endroit, renouant avec ses réflexes d'agent de la CIA. Une foule cosmopolite et bigarrée d'artistes, de journalistes spécialisés, d'amateurs d'art et de mécènes déambulaient au milieu des œuvres. Il repéra rapidement les issues de secours puis son regard fut immédiatement happé par l'immense rotonde en verre qui surplombait la rampe en forme de spirale qui partait du sommet et qui descendait en courbes gracieuses vers le rez-de-chaussée. Même s'il était novice en la matière, John fut immédiatement séduit par l'originalité du bâtiment et sa simplicité. D'un blanc immaculé, l'intérieur du musée était élégant et paradoxalement apaisant malgré l'agitation ambiante.

Sa rêverie fut brutalement interrompue par un serviteur en livret aux armoiries de la fondation Guggenheim qui vint se poster devant lui pour le débarrasser de son manteau. Il ne put retenir un soupir en pensant au supplice qu'allait être cette soirée mondaine. Mais pour Finch, il serait capable d'aller jusqu'en Enfer…

Mais alors que les deux hommes confiaient leurs effets au domestique, une voix masculine, suave et clair s'éleva dans leur dos :

-Mr Wren, je suis ravi de vous voir ! Je sais que vous êtes un homme très occupé et je suis vraiment touché que vous vous donniez la peine de venir.

Le principal intéressé se retourna, aussitôt imité par Reese pour découvrir qui les interpellait de cette manière, même s'ils avaient déjà un petit doute sur son identité…

-Mr Malevitch, je n'aurai raté ce vernissage pour rien au monde, répondit Harold en serrant chaleureusement la main de l'hôte.

L'agent se raidit imperceptiblement en découvrant devant lui un jeune homme blond d'une trentaine d'années en costume trois pièces beige très élégant, bien loin de l'image de hippie baba cool qu'il s'était fait du peintre. A mesure que la poignée de main se prolongeait, chaleureuse et amicale, l'agent sentit grandir en lui une bouffée de violence. Fort heureusement, Finch mit poliment fin aux salutations en se reculant légèrement.

-Appelez-moi Frédéric voyons, depuis le temps que nous nous faisons affaire ensemble, proposa le jeune homme avec un sourire éblouissant.

John eut une furieuse envie d'effacer à coups de poing ce sourire et de rendre beaucoup moins séduisant ce beau visage…Mais l'agent ne laissa rien paraître de son trouble et afficha un calme olympien comme il savait si bien le faire. Mais la réponse de Finch ébranla sa posture stoïque.

-Très bien, Frédéric, dans ce cas, appelez-moi Harold.

Puis le reclus se tourna vers la jeune femme qui se tenait aux côtés de l'artiste.

-Miss Malevitch, salua très cérémonieusement Finch en prenant la main que la jeune femme lui tendait pour lui faire un baisemain en bon et dû forme.

-Mr Wren, répondit sur le même ton poli bien que légèrement snob la demoiselle.

John remarqua aussitôt la ressemblance entre les deux jeunes gens devant lui : les mêmes cheveux blonds légèrement bouclés, les mêmes yeux bleus, le même physique racé et élégant…A l'évidence, ils étaient frère et sœur. Et même s'il avait du mal à se l'avouer, ils étaient très beaux voir magnifiques dans leurs tenues de soirée. Si l'homme avait opté pour le classique mais très chic costume, la demoiselle portait un époustouflant fourreau en satin doré qui épousait tellement ses formes parfaites qu'il laissait peu de place à l'imagination.

Et ce qu'il redoutait arriva, Reese se sentit à l'écart, exclu de ce monde d'art et de culture. Lui, qui avait grandit dans l'état rural de Washington, qui avait été contraint d'arrêter ses études très tôt pour subvenir aux besoins de sa famille à la mort de son père avant de s'engager dans l'armée pour éviter la prison, n'avait jamais été sensible à la littérature ou à l'art en général…Tout l'inverse de Finch…Et cette différence, dont il avait déjà pleinement conscience, le frappa à cet instant précis aussi douloureusement qu'une balle en plein cœur.

Totalement inconscient au malaise qui commençait à naître chez son compagnon, Finch se tourna vers lui pour le présenter :

-Je vous présente John Rooney, mon gestionnaire de fortune.

La jeune femme se tourna vers l'agent et le détailla de la tête aux pieds, appréciant visiblement son physique avantageux.

-Enchantée, dit-elle d'une voix sensuelle en tendant sa main.

-De même, répondit poliment le jeune homme en se pliant de bonne grâce au cérémonial du baisemain tacitement exigé.

-Veuillez m'excuser, je vais accueillir les autres invités, annonça la jeune femme avant de s'éclipser dans un tourbillon de satin.

John se redressa et se tourna vers l'artiste, qu'il considérait déjà comme un rival.

-Bonsoir, Mr Rooney, annonça le jeune homme qui, parfaitement inconscient des émotions violentes qu'il inspirait à son interlocuteur, tendit la main.

-Bonsoir, répéta poliment Reese en lui serrant la main, exerçant une pression volontairement trop forte sur la main délicate et fine du jeune artiste.

Le visage de Frédéric se crispa légèrement de douleur. Une sorte de combat silencieux commença alors entre les deux hommes. La poignée de mains dura beaucoup plus longtemps que nécessaire, chacun testant la résistance de l'autre. Car passé la surprise, l'artiste répondit avec une force et une agressivité égale à celles de l'agent. Il parut alors évident pour John que le jeune homme avait des vues sur Finch. Et cette situation lui fut d'autant plus insupportable que Mr Wren et Mr Rooney étaient officiellement célibataires…Il allait donc devoir assister, sans rien dire sous peine d'envenimer encore plus leur relation, à la cour du séduisant peintre sur son mari.

Lorsque les deux hommes se lâchèrent, Frédéric arbora un petit sourire triomphant qui fit instantanément fulminer Reese. Et comme s'il avait compris l'état de rage contenue de l'agent, l'artiste prit un malin plaisir à le provoquer. Lui tournant ostensiblement le dos, il reporta son attention sur un Finch complètement inconscient du duel qui se jouait entre les deux hommes.

-Avez-vous jeté un coup d'œil au catalogue ? demanda-t-il d'un ton aimable qui tranchait avec l'agressivité dont il avait été capable quelques instants auparavant.

-Non pas encore, répondit le reclus en ouvrant le petit livret que les hôtesses d'accueil lui avaient offert à son arrivée.

Mais il n'eut pas le temps de le feuilleter que le jeune homme le saisit par le bras en lui annonçant avec enthousiasme.

-Parfait, ce que je voulais absolument vous montrer est une œuvre originale pour laquelle j'ai beaucoup de tendresse. Je pense que vous y serez sensible

Et sans un regard pour John, le jeune peintre entraîna le reclus vers les ascenseurs qui se situaient en centre du hall. Car, en plus de son architecture hors du commun, le musée Guggenheim avait comme particularité de se visiter du haut vers le bas. Les visiteurs devaient donc prendre les ascenseurs qui menaient au sommet de l'édifice, puis, descendre la rampe en forme d'hélice pour contempler les œuvres exposées dans des petites alcôves. Le rez-de-chaussée ne correspondait donc pas au début mais à la fin de la visite.

Resté planté au milieu d'un vestibule bondé, entouré d'inconnus qui l'ignoraient superbement, l'agent regarda les deux hommes s'éloigner, la gorge nouée. Il serra les dents quand il vit Frédéric Malevitch saisir deux coupes de champagne du plateau d'un valet et en offrir une à son conjoint.

Mais il ne pouvait rien dire, rien faire. Il resta donc là, seul, prisonnier de sa jalousie, étouffer par sa colère, terrassé par sa douleur…

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Musée Guggenheim, New York

23h00

Cela faisait maintenant plus d'une heure que Finch avait disparu avec Frédéric Malevitch. Malgré le calme et la sérénité qu'il affichait, John était fou de rage et mort d'inquiétude. Il enchaînait les coupes de champagne pour s'occuper les mains, se donner contenance au milieu de ses gens qu'il vomissait et surtout pour essayer d'atténuer sa souffrance. Mais ses années d'alcoolisme l'avait rendu trop résistant pour sombrer dans l'ivresse. Il était donc parfaitement conscient d'être seul et d'avoir été abandonné par son compagnon…

-Vous affichez une mine bien sombre.

L'homme se retourna et se retrouva face à la sœur de l'artiste.

-Miss Malevitch.

- Appelez-moi Déborah…John…Je peux vous appeler John ? Demanda innocemment la jeune femme en buvant une gorgée de champagne.

-Bien sûr, répondit le jeune homme, indifférent aux marques de séduction de son interlocutrice.

Un silence inconfortable s'établit entre les deux jeunes gens. Si John ne souhaitait pas spécialement entamer la conversation, ce n'était visiblement pas le cas de la demoiselle qui demanda, inconsciente de remuer le couteau dans la plaie, d'une voix mielleuse :

-On dirait que votre patron vous a abandonné.

Reese tressaillit, perturbé d'être involontairement mis à nu. Malgré son malaise qui lui nouait les entrailles, il se composa un visage indéchiffrable avant de répondre :

-Je suppose que votre frère cherche à lui faire acheter une nouvelle œuvre, déclara-t-il avec désinvolture, en affichant un insolent sourire.

-Je ne suis pas sûre que mon frère s'intéresse à son portefeuille.

La remarque fusa tellement vite que Reese se demanda s'il avait bien entendu. Après quelques secondes de silence, il osa enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres, priant de toutes ses forces pour avoir mal compris le sous-entendu :

-Comment ça ?

L'agent se félicita d'avoir réussi l'exploit de conserver une voix neutre et calme. Car une inquiétude sourde teintée de jalousie commençait à s'insinuer dans son esprit. La jeune femme but une nouvelle gorgée de champagne avant de répondre d'un ton désinvolte:

-Je connais bien mon frère, je vois tout de suite quand il est intéressé par quelqu'un…En revanche, pour vous, pas besoin de bien vous connaître pour voir que vous ne vous intéressez pas à l'art.

La jeune femme lui offrit un sourire resplendissant comme pour effacer l'insulte à peine voilée qu'elle venait de lui assener. Mais John ne se laissa pas démonter. Il balaya d'un regard méprisant les œuvres abstraites exposées sur les murs ivoire du musée et soupira:

-Tout dépend de ce qu'on appelle…Art.

-Oui, c'est évident que les toiles de mon frère ne sont pas accessibles à tout le monde.

Reese ne répondit pas à la provocation et se contenta de lui sourire insolemment. La jeune femme se méprit sur le sens de ce silence et se rapprocha un peu plus de l'agent jusqu'à ce que sa longue robe de satin effleure son pantalon noir. Elle se hissa sur la pointe des pieds et lui murmura à l'oreille d'une voix sensuelle et provocante :

-Mais ce serait dommage de laisser un bel homme comme vous s'ennuyer…Que diriez-vous de nous isoler pour mieux…nous connaître ?

Elle laissa sa main s'égarer dans le creux des reins de John. Ulcéré, l'agent se raidit avant de saisir fermement la main baladeuse. Il avait toujours eu conscience de sa beauté, de son physique attrayant et de son pouvoir de séduction qui exerçaient une sorte de fascination chez les gens. S'il avait déjà utilisé ces atouts dans le cadre de ses missions, lorsqu'il était à la CIA, ou tout simplement pour son bon plaisir, l'âge avançant, il en avait aujourd'hui assez d'être considéré comme une jolie coquille vide, une enveloppe agréable et séduisante dont on se contre-fichait des sentiments ou des états d'âme. On aimait la forme sans se soucier du fond. Seul Finch s'était intéressé à l'homme au-delà de l'apparence physique et c'était une des raisons pour laquelle il était tombé amoureux de lui.

-Désolé mais ça ne m'intéresse pas, répondit-il d'une voix menaçante en serrant un peu trop fort la main de la jeune femme dont le beau visage se crispa légèrement sous le coup de la douleur.

Mais loin d'être impressionnée, ou même d'avoir peur, la demoiselle insista, comme si la brutalité dont Reese faisait preuve, rendait la proposition encore plus excitante.

-Vraiment ? S'obstina la demoiselle avec un sourire charmeur et des yeux pétillants.

-Certain, assura le jeune homme en la fixant droit dans les yeux, un sourire mauvais aux lèvres.

Il se pencha alors un peu plus vers elle pour l'intimider. Contre toute attente, Déborah baissa les yeux, signifiant par ce simple geste, sa défaite. Mais au lieu de s'éloigner, elle tourna soudainement la tête, comme si son attention avait été attirée par quelque chose.

-Tiens, Tiens, regardez qui voilà.

John regarda dans la direction indiquée par la jeune femme et se figea. Postés devant une peinture, Harold et Frédéric étaient visiblement en grande conversation. Son désarroi devait être clairement visible sur son visage puisque Déborah posa une main sur son bras avant de se pencher pour lui murmurer à l'oreille :

-Pourquoi ne pas faire comme votre patron et prendre un peu de bon temps ?

L'agent était tellement concentré sur son conjoint qu'il ne réalisa pas tout de suite que son interlocutrice revenait à la charge. Scrutant les moindres gestes, les moindres regards échangés entre le mécène et son artiste, John ne réagit pas non plus quand Déborah déposa un baiser sur sa joue. Et c'est évidemment à ce moment précis que Finch tourna la tête dans leur direction.

Malgré la distance qui les séparait, John vit clairement la surprise se refléter sur le visage de son compagnon avant de redevenir aussi froid que le cristal de la coupe de champagne qu'il tenait. Le jeune homme s'écarta alors brutalement de Miss Malevitch mais il était déjà trop tard, le mal était fait.

De l'autre côté du grand hall du musée, Finch était aussi pâle qu'un mort. Cette soirée était devenue une véritable torture et son pire cauchemar semblait se concrétiser, ici, sous ses yeux, sans qu'il ne puisse dire ou faire quoique se soit…

-Harold ? Vous êtes souffrant ? Demanda Frédéric en posant sa main sur son bras.

L'intéressé tressaillit puis cligna des yeux plusieurs fois comme si ce petit contact lui faisait brutalement reprendre pied avec la réalité.

-Non…Non…Tout va bien, merci, balbutia Finch en quittant John des yeux pour offrir un timide sourire au peintre pour le rassurer.

Mais ce dernier ne semblait pas convaincu. Il se pencha vers le reclus pour mieux l'observer, la mine inquiète.

-Vous êtes très pâle. Allons prendre l'air, cela vous fera le plus grand bien.

Et à nouveau, le jeune artiste le prit par le bras et l'entraîna d'autorité vers un balcon sans même attendre sa réponse. Mais au final, Finch lui en fut reconnaissant car dès les portes fenêtres franchies, il se sentit mieux. Il inspira profondément l'air frais de ce début de soirée de printemps et s'approcha de la balustrade qui surplombait la Vème avenue. A cette heure tardive, l'artère était peu fréquentée et l'ambiance était apaisante. Il posa son verre et s'appuya sur la rambarde pour reprendre ses esprits.

-Vous allez mieux ? demanda Frédéric, toujours posté à ses côtés, visiblement encore soucieux.

-Un peu mieux, merci, répondit le reclus en se redressant qui contempler la vue apaisante de Central Park de nuit.

Le regard dans le vague mais l'esprit obstinément occupé par l'image de John et de Déborah, si jeunes, si séduisants, si semblables, Finch avait l'impression qu'on lui avait arraché le cœur et qu'on l'avait allégrement piétiné.

Indifférent aux questions qui tourmentaient son mécène, l'artiste s'adossa à la rambarde, but une gorgée de champagne avant de déclarer avec un sourire rêveur :

-Il semblerait que ma sœur ait des vues sur votre gestionnaire de fortune.

Le reclus garda le silence, la gorge tellement nouée que respirer lui devenait terriblement pénible. Frédéric décida alors d'enfoncer un peu plus le clou en demandant :

-Vous n'y voyez pas d'inconvénient ?

Finch se redressa et fixa l'autre homme, mi-étonné, mi horrifié par la question. Comment paraitre détaché quand la question le mettait au supplice ? Il déglutit péniblement avant de prendre une profonde inspiration.

-Pourquoi en aurai-je ? Demanda-t-il d'une voix qu'il espérait détachée alors que son cœur tambourinait douloureusement dans sa poitrine, lui rappelant ainsi insidieusement que non, la jalousie ne lui avait pas arraché cet organe.

Le peintre fit tourner pendant d'interminables secondes, son champagne dans sa coupe avant de répondre :

-J'ai vu comment vous le regardiez.

Harold n'arrivait pas bien à définir le ton de l'artiste : menaçant ? Ironique ? Triste?

-Il est mon gestionnaire de…

-Allons, à d'autres, Harold, coupa brutalement Frédéric en se tournant subitement vers Finch le foudroyant de ses yeux bleus désormais froids et sardoniques. Qui croyez-vous tromper ? Vous n'êtes pas le premier riche homme d'affaires à avoir un …bien séduisant… passe-temps.

Harold fut tellement abasourdi qu'il resta un moment muet, son cerveau bloqué sur le sous-entendu scabreux. Une fois la surprise passée, il hésita longuement quant à la conduite à tenir, oscillant entre la colère, la honte et l'humiliation.

Il reprit la flûte qu'il avait abandonnée quelques instants auparavant sur la rambarde et la porta avec une lenteur calculée à ses lèvres. Il savoura la douceur du vin pétillent sur sa langue avant de l'avaler, appréciant sa chaleur qui le réchauffait. Il comprenait maintenant mieux John : sa réticence à venir à cette soirée, sa douleur et sa colère lorsqu'il se sentait rejeté par les autres ou par lui, par timidité ou par pudeur.

Une violente bouffée de colère grandit en Finch à mesure qu'il réalisait à quel point il s'était fourvoyé. Il mesurait à présent combien il avait été injuste et combien il avait fait souffrir son compagnon. Cette réalisation, et tout ce qu'elle impliquait, fut, pour le reclus, extrêmement libératrice, comme si un incommensurable poids lui avait été retiré. Et à cette liberté retrouvée s'ajoutait une assurance et un aplomb qu'il n'aurait jamais soupçonné trouver en lui.

Il se tourna vers Frédéric, lui lança un regard méprisant avant de rétorquer d'une voix glaciale, articulant chaque syllabe pour être sûr de bien être compris :

-Vous avez raison, Mr Malevitch.

Le jeune homme sourit, visiblement très fier d'avoir découvert l'honteux secret de Mr Wren.

-Dans ce cas, vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que ma sœur s'amuse un peu avec lui…

-Je crains que ce ne soit pas possible, rétorqua Finch d'un ton toujours aussi mordant.

-Oh… Je vois…murmura le jeune homme d'un air entendu.

Son petit sourire en coin ne laissait planer aucun doute sur ses pensées. Finch se prit à haïr cet artiste pourtant talentueux. Il n'était pas adepte des armes à feux mais il avait une furieuse envie de coller une balle entre les deux yeux de ce jeune homme froid, manipulateur, vulgaire et dégoulinant de suffisance. Mais le génie savait qu'il y avait une arme bien plus efficace et destructrice que les révolvers. Il se redressa pour le toiser de son regard acéré et rétorqua avec mépris :

-Elle ne serait pas digne de lui cirer ses chaussures…et vous non plus d'ailleurs.

Alors qu'il lui jetait un dernier regard rempli de dégoût, Frédéric le saisit brutalement par le bras et le ramener vers lui.

-Vous pensez que vos millions vous rendent supérieur à nous ? Demanda l'artiste entre ses dents, la colère déformant son beau visage.

Finch tenta de se libérer mais Frédéric le maintint d'une poigne de fer. Voyant qu'il ne pouvait pas lutter physiquement contre un jeune homme en pleine force de l'âge, il décida de changer de stratégie. Il cessa de lutter et fit volte-face, soutenant son regard sans ciller et redressant le menton dans un geste de défi.

-Honnêtement, je ne sais pas si je vous suis supérieur, commença-t-il doucement, mais la seule chose dont je sois certain est que lui, l'est. Il vous est supérieur en tout point et je ne suis même pas sûr de le mériter. Mais je vais m'empresser de le rejoindre pour lui montrer à quel point je l'aime.

La tirade, incisive et violente, surprit tellement Frédéric qu'il n'insista pas quand Finch, d'un violent mouvement d'épaule, se dégagea de son emprise. Le reclus tourna alors les talons et le laissa planté là, seul, au milieu du gigantesque balcon décoré de ses toiles.

Sans un regard pour l'artiste, Harold traversa le hall du musée en jetant des coups d'œil anxieux à droite et à gauche pour essayer de repérer son compagnon. Malgré une foule plus clairsemée qu'en début de soirée, il ne trouva aucune trace de John. En revanche, il ressentit une bouffée de jalousie en apercevant Déborah Malevitch, en grande conversation avec un autre beau jeune homme. Décidément, la jeune femme n'avait pas froid aux yeux et ne comptait pas rentrer seule chez elle ce soir…

Au bout d'un quart d'heure de recherches intensives dans l'immense vestibule, Harold se résolut à pousser ses investigations plus loin. Il s'avança vers le buffet puis inspecta les différentes alcôves où quelques amateurs d'art s'extasiaient toujours sur les œuvres exposées. Son périple était laborieux. Il devait slalomer entre les groupes d'invités toujours présents malgré l'heure tardive tout en vérifiant chaque recoin du musée. Même si le Guggenheim était beaucoup moins grand que le Metropolitan Museum, Harold commençait à ressentir des douleurs de plus en plus persistantes à la hanche. Mais le désir…Non… Le besoin… De voir son compagnon était si fort qu'il passait outre les souffrances physiques.

Mais malgré tous ses efforts, ses recherches se soldèrent par un cuisant échec. C'était comme si l'agent s'était volatilisé. Une angoisse sourde l'envahit à mesure qu'il scrutait avec les allées du musée. Se pourrait-il que John soit rentré sans lui ? Se pourrait-il qu'il soit parti ? Se pourrait-il qu'il l'ait quitté ?

Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine et une boule se forma dans sa gorge, l'empêchant de respirer. Il étouffait. C'est alors qu'il vit sur un mur, un panneau indiquant la présence de toilettes au fond d'un couloir. Il décida qu'un peu d'eau fraîche sur le visage lui permettrait de reprendre ses esprits, du moins, l'espérait-il. Il boita péniblement vers les sanitaires puis poussa la porte battante. L'endroit, d'un blanc immaculé, était d'une telle propreté qu'on aurait pu y manger par terre. Mais Finch ne s'attarda pas sur le décor épuré de l'endroit, sur l'étonnante et très incongrue odeur de jasmin qui venait lui chatouiller les narines ni sur les bouquets de fleurs fraiches qui trônaient entre chaque lavabo. En revanche, son regard fut instantanément attiré par la haute silhouette qui lui tournait le dos.

Les mains posées à plat sur le plan en marbre, de part et d'autre d'un lavabo, John contemplait, d'un air absent, son reflet dans le miroir…miroir d'ailleurs fêlé, comme si quelqu'un lui avait assené un violent coup de poing. L'agent ne ressemblait plus à un élégant gestionnaire de fortune. Ses cheveux étaient en désordre, son nœud papillon était défait et pendait autour de son col désormais ouvert. Les yeux de Finch glissèrent vers ses mains cramponnées au marbre et constata ce qu'il savait déjà : il était blessé. Les jointures de sa main gauche étaient entaillées. Mais l'agent n'en avait visiblement que faire. Il n'avait même pas pris la peine de se nettoyer et le sang coulait lentement dans le lavabo laissant sur la céramique immaculée une traînée écarlate.

-John…, murmura le reclus, la gorge serrée par cette vision d'un homme blessé, dans les deux sens du terme.

Lentement, le regard de John passa de son reflet à celui de Finch dans le miroir.

-Tu devrais partir, Harold, on risquerait de se faire des idées, murmura le jeune homme d'un ton sarcastique qui cachait mal sa douleur.

-Je me fiche de ce que les autres pensent, répondit le reclus en s'avançant vers lui.

-Tiens, c'est nouveau…, rétorqua Reese avec un petit rire sans joie, toujours sur la défensive.

-Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, souligna Finch en se postant à côté de lui.

Après une seconde d'hésitation, Harold posa sa main sur celle, blessée, de Reese. Il poussa un discret soupir de soulagement en constatant que John ne le repoussait pas. Il la saisit alors délicatement puis la plaça sous le robinet. Il l'ouvrit. Un mince filet d'eau enleva l'excédent de sang et nettoya les plaies. Après avoir coupé l'eau, il prit son mouchoir de poche pourpre et enveloppa soigneusement la main entaillée en improvisant un pansement. L'ambiance était lourde. La gêne était perceptible.

Reese regardait en silence son amant le soigner avec des gestes précis et extrêmement doux. Finalement, il consentit à parler en premier. Sa voix était basse, rauque, hésitante :

-Tu n'es pas un imbécile...

-Je l'ai été, coupa Finch d'un ton brusque. J'ai été idiot. J'ai été blessant et égoïste. Pour quoi ? Par timidité, pour respecter des convenances auxquelles je n'adhère pas, pour intégrer un monde qui finalement ne voit pas l'homme que je suis…ni celui que tu es…

Emporté par son élan, il porta la main de Reese à ses lèvres et y déposa un baiser.

-Je me suis trompé de priorité…rajouta-t-il d'une voix à peine audible.

John se tourna alors vers Finch mais ce dernier garda la tête baissée, rongé par la honte et la culpabilité. Il plaça alors une main sous son menton et lui releva doucement la tête pour plonger son regard dans le sien.

-Et quelle est désormais ta priorité ? Demanda-t-il doucement en essuyant les larmes qui roulaient silencieusement sur les joues d'Harold.

-Nous, répondit simplement Finch dans un souffle.

Tous les signes de souffrances chez Reese disparurent miraculeusement : son beau visage se radoucit, ses yeux retrouvèrent leur éclat et son corps tout entier se redressa, comme si ce petit mot avait eu le pouvoir de balayer tous ses maux.

- Prouve-le-moi, ordonna-t-il doucement en glissant la main dans les cheveux de son compagnon dans une tendre caresse.

Finch ne se fit pas prier. Il empoigna les revers du costume de Reese et prit brutalement possession ses lèvres. Il l'embrassa éperdument et passionnément. Mais il y avait tellement de choses derrière ce merveilleux baiser: la culpabilité et le pardon, la tendresse et la férocité, la passion et l'amour.

Ils se séparèrent à bout de souffle. John haussa un sourcil étonné et murmura d'une voix faussement scandalisée :

-Voyons, Mr Finch, quelle impudeur ! Que se passerait-il si quelqu'un venait à entrer ?

Si le ton était choqué, le regard de John le mettait clairement au défi de continuer.

-Au diable les autres, murmura le reclus en tirant doucement sur la fine bande de tissu de satin noire pour la faire sensuellement glisser autour du col de la chemise de smoking de Reese avant de la laisser tomber au sol, il n'y a que nous qui compte…

Reese frémit face au regard décidé et affamé de son compagnon. Finch repoussa la veste de smoking qui rejoignit rapidement le nœud papillon au sol avant de s'attaquer aux boutons de sa chemise. Il embrassa chaque centimètre de peau découvert jusqu'à ce que ses lèvres ne rencontrent l'obstacle de sa ceinture. Alors, avec des gestes un peu brusques qui traduisaient son impatience, il arracha, plutôt qu'il n'ôta, le vêtement afin de faire disparaître la dernière barrière qui l'empêchait de savourer la chaleur de sa peau.

Désormais torse nu, appuyé contre le plan en marbre, Reese s'offrait sans pudeur au regard fiévreux, aux baisers avides et aux caresses sensuelles de son amant. Plus rien ne comptait qu'eux, leur amour que cette épreuve n'avait fait que renforcer, leur désir qui devait être assouvi et comblé. Mais John se contint, conscient que Finch avait besoin de prendre les initiatives, comme pour se rassurer que tout était bien pardonné.

Positionné entre les cuisses légèrement écartées de son amant, le tenant fermement par les hanches comme s'il craignait qu'il ne s'éloigne une nouvelle fois de lui, Finch l'embrassa avec une ardeur, une passion et une fièvre toutes nouvelles. Il mordilla la base de son cou, y laissant une petite marque rouge, avant de laisser ses lèvres dériver sur sa poitrine, suçant et léchant chaque téton avant de descendre encore plus bas. Reese inspira violemment quand la petite langue rose du reclus s'attarda sur son nombril. Sentant qu'il ne pourrait plus rester passif très longtemps, John saisit la tête de son compagnon entre ses mains et le força à se redresser.

Une fois face à face, les yeux dans les yeux, l'agent demanda d'une voix enrouée et lourde de désir :

-Jusqu'où es-tu prêt à aller ?

Il voulait savoir. Il devait savoir si Finch avait réellement changé, s'il était capable de faire fi des convenances, du danger d'être surpris par des inconnus et de ses propres réserves, qui étaient sans nul doute, l'obstacle le plus important.

-J'irai jusqu'en Enfer, répondit sans une once d'hésitation Finch, une lueur décidée dans le regard.

Cette réponse spontanée fit sourire l'agent. Il posa sa main blessée sur la joue de Finch et la caressa tendrement en murmurant :

-Je ne t'en demande pas tant…

-C'est pourtant le cas, expliqua d'une voix tremblante le reclus en saisissant la main de Reese avant de la porter à ses lèvres pour y déposer quelques baisers, plus jamais je ne te repousserai…

Sur cette déclaration qui sonnait comme une promesse, Harold captura les lèvres de son amant avec passion, laissant ses mains dériver lentement sur son torse puissant avant de s'attaquer à l'attache de son pantalon. Avec des gestes précis et impatients, il le déboutonna et abaissa la fermeture-éclair avant de glisser une main dans l'ouverture. John retint son souffle quand les doigts agiles de Finch exercèrent un ensorcelant mouvement de va-et-vient à travers le fin tissu de son caleçon. Le corps de l'agent, déjà passablement excité par les baisers fiévreux et les caresses sensuelles de son partenaire, s'embrasa instantanément.

Mais, des rires et des bruits de pas dans le couloir dégrisèrent immédiatement Reese. Des gens arrivaient ! Ils allaient les surprendre…en plein ébat ?! Malgré le désir qui lui nouait le bas-ventre et lui torturait l'esprit, il repoussa doucement mais fermement Finch qui poussa un petit gémissement frustré. Toujours perdu dans les limbes du plaisir, l'informaticien n'avait absolument pas remarqué que des invités approchaient. Rapidement, l'agent ramassa ses effets qui trainaient par terre et entraîna son partenaire dans un des toilettes avant de fermer la porte à clé derrière eux.

A cet instant, un groupe d'hommes passablement éméchés entra bruyamment dans les sanitaires. Pendant qu'ils faisaient leurs petites affaires, ils continuaient à rire, à discuter ou à boire leur champagne, pensant vraisemblablement être seuls.

Tenant fermement Finch dans ses bras, Reese mit son index sur sa bouche, lui intimant de garder le silence. Plaqué contre la poitrine nue de son amant, le reclus savourait comme il se doit ce contact intime en laissant ses mains dériver sur sa peau surchauffée. L'agent respira lourdement en lançant un regard mi-courroucé mi excité au tentateur qui prenait un malin plaisir à le provoquer.

-Seriez-vous devenu subitement timoré, Monsieur Reese, chuchota Finch, un petit sourire en coin et les yeux pétillants de malice.

L'éloquence de ce regard fit frissonner John Il avait rarement vu son partenaire aussi téméraire et entreprenant. Il se sentait comme le héros de Mary Shelley, quand le docteur Frankenstein fut dépassé par sa création…Mais il n'avait pas crée Harold. Loin de là. Il se demandait même dans quelle mesure ce n'était pas plutôt l'inverse qui s'était produit…En tout cas, si Finch ne l'avait pas crée, il lui avait permis de se reconstruire, de se réconcilier avec lui-même, de l'apaiser…

Enfin, pas à cet instant où, loin de le calmer, le reclus s'employait à le chauffer.

-Je préférerais que cette soirée ne se termine pas au poste pour attentat à la pudeur, répondit John avec difficulté car la main de Finch venait de se faufiler dans son caleçon.

-hum…hum, répondit distraitement l'informaticien, intéressé par autre chose que la conversation.

Car au lieu de se tenir tranquille et d'attendre que les intrus ne quittent les lieux, comme le suggérait John, Finch empoigna sa virilité dressée et entreprit de la caresser doucement d'abord, puis, plus franchement.

Reese haleta de surprise avant de se mordre la lèvre. Il était piégé, prisonnier de la situation et de l'emprise de son partenaire, qui prenait visiblement beaucoup de plaisir à le torturer. Comme s'il comprenait le dilemme de son amant, Harold afficha un insolent sourire avant de se pencher pour déposer une multitude de baisers sur sa poitrine nue. Avec précaution, il s'agenouilla pour embrasser son ventre puis descendit encore plus bas.

-Harold…supplia John d'une voix rauque en glissant les doigts dans les mèches brunes de son compagnon pour le retenir…ou l'accompagner, il n'était pas très sûr.

Mais Finch ne pouvait pas lui répondre, car sa bouche avait remplacé sa main. Elle s'employait avec gourmandise à donner du plaisir à son amant. Les soupirs de John étaient pour lui, le plus fiable des indicateurs. Il caressa, suça et titilla de sa langue le membre de son partenaire, guidé par ses silences, ses grognements ou ses gémissements. Le reclus sourit intérieurement. Si John était un homme peu bavard, dans le feu de la passion, il était plutôt bruyant et démonstratif. Harold adorait entendre sa voix rauque, lourde et gutturale lorsqu'il se cédait au plaisir.

-Oh, mon dieu, gémit l'agent en s'adossant à la paroi de la cabine, ses jambes subitement aussi faibles que du coton.

Il avait oublié le groupe d'inconnus qui discutaient tranquillement derrière la porte, à seulement quelques mètres d'eux. Plus rien ne comptait que Finch, ses mains et sa bouche qui le rendaient fou.

John bougea sensuellement les hanches, accompagnant les mouvements de Finch, souhaitant se perdre dans cette bouche accueillante. Mais bientôt, les vagues de plaisir devinrent trop fortes, trop incontrôlables. Tout son corps se tendit puis trembla, comme s'il sentait qu'il ne pourrait plus se contenir encore très longtemps. Il était résistant mais tout de même… Cette bouche était diabolique, cette langue ensorcelante, et surtout, il aimait éperdument l'homme qui lui prodiguait cette affolante torture…

Il saisit alors la tête de son compagnon pour l'éloigner mais, à sa grande surprise, Harold résista, faisant preuve d'une force étonnante, et continua à amener son amant jusqu'aux cimes du plaisir. Et une fois n'est pas coutume, John déposa les armes. Ses doigts toujours perdus dans les mèches brunes de son compagnon, il ferma les yeux et s'abandonna à l'orgasme que Finch lui offrait comme cadeau. Un cri étouffé lui échappa quand tout son corps se raidit sous l'effet de la jouissance.

Au bout de quelques minutes, une fois les brumes du plaisir dissipées, Reese rouvrit les yeux et un sourire paresseux illumina son beau visage. Finch s'était relevé et contemplait son époux avec amour.

-Qui êtes-vous monsieur ? Qu'avez-vous fait de mon époux ? demanda l'agent en déposant un baiser mutin sur les lèvres rouges et gonflées de son compagnon.

-Il a décidé de faire ce qu'il voulait, sans s'occuper des autres, répondit Finch en haussant un sourcil provocateur.

-Oh…Et… Que veut-il à présent ? Demanda John en jouant négligemment sur le nœud papillon de son compagnon.

Il était prêt à tout pour satisfaire son compagnon, répondre à ses moindres désirs pour lui offrir le même plaisir qu'il venait d'avoir quelques instants auparavant. Finch lui offrit un sourire charmeur avant de répondre d'une voix rauque :

-Je veux te prendre, je veux me fondre en toi, faire plus qu'un avec toi, pour être sûr de ne plus jamais être séparés.

Durant toute la déclaration, Reese avait retenu sa respiration. Une boule s'était formée dans sa gorge en voyant le regard intense de Finch derrière ses lunettes. Ce fut surtout le caractère irrévocable de sa tirade et l'amour absolu qu'il lut dans les prunelles bleues qui le terrassèrent. Il prit alors brutalement conscience qu'il avait failli le perdre, ne plus revoir ses traits, ne plus entendre sa voix douce, capable de remarques froides ou de murmures caressants.

Incapable de se retenir, John prit son visage entre ses mains, l'attira vers lui et l'embrassa comme si l'idée même d'être séparés lui était insoutenable. Il l'embrassa avec une avidité désespérée tout en le serrant dans ses bras. Il poussa en gémissement quand il sentit les mains d'Harold sur ses fesses, le plaquant contre lui. Son désir était palpable. L'agent repoussa légèrement son compagnon, abaissa son pantalon et son caleçon puis pivota sur lui-même. Tournant le dos à Finch, positionnant ses avant-bras contre la paroi de la cabine, le jeune homme s'offrait littéralement, le cœur battant la chamade dans sa poitrine et son corps frémissant d'anticipation.

Car l'endroit pour le moins insolite, le danger d'être surpris à tout moment, lui, quasiment nu, une partie de ses vêtements abandonnés au sol et son pantalon aux chevilles alors que Finch portait toujours son élégant smoking, rendaient le moment extrêmement excitant.

Il tressaillit quand les mains de l'informaticien caressèrent son dos, redessinant ses muscles, s'attardant sur ses cicatrices et descendant vers les deux fossettes au creux de ses reins. Bientôt ses lèvres prirent le relais de ses doigts, embrassant, mordillant et léchant l'épiderme moite malgré la fraicheur de l'air conditionné. Il haleta quand il sentit les doigts de Finch s'égarer entre ses fesses. Il ferma les yeux. Sa respiration devint laborieuse. Mais il n'était pas satisfait. Ce n'était pas les doigts d'Harold qu'il voulait en lui.

Comme si Finch lisait dans ses pensées, il retira sa main et se redressa. John l'entendit dégrafer son pantalon puis le sentit se presser contre lui. Il pouvait sentir à quel point le génie avait envie de lui. Harold se pencha et murmura contre son oreille avant de s'enfoncer lentement en lui :

-Je t'aime et t'aimerai toujours.

Les poings serrés contre le mur, John ne put retenir un gémissement. Ce n'était pas un cri de douleur mais plutôt une libération, la sensation intensément belle et puissante d'être enfin plein et entier. Le rythme imprimé par Finch était lent et profond. Il embrassait et mordillait la nuque de John dont la respiration devenait de plus en plus saccadée. Puis, il passa ses bras autour de son torse puissant et le serra fort, comme s'il ne voulait faire plus qu'un avec lui. Jamais deux êtres et deux âmes n'avaient été aussi proches et aussi connectés qu'à cet instant précis.

Mais Reese n'était toujours pas satisfait. Sentant le désir renaître en lui, il voulait plus.

-Plus fort… Harold…Haleta-t-il en allant au devant des mouvements de hanches de Finch.

Finch grogna et nicha son visage dans le cou de son amant. Il agrippa John par les hanches et accéléra ses va-et-vient, excité par les gémissements rauques de John, par les claquements secs de leurs corps l'un contre l'autre et par les vagues de plaisirs qui montaient de son bas-ventre pour irradier tout son corps. Ses coups devinrent de plus en plus rapides, de plus en plus courts et frénétiques.

De son côté, John avait l'impression de flirter avec la folie. A chaque coup de reins de Finch, de violentes décharges électriques le traversaient, partant de son ventre et rayonnant dans tout son corps, le conduisant inéluctablement de plus en plus loin, jusqu'au point de non-retour.

Dans un ultime coup, Finch atteint la jouissance en criant le prénom de son amant dans la libération. Il s'accrocha aux épaules de John pour ne pas s'effondrer. Il tremblait. Il était essoufflé, épuisé, vide mais heureux. Jamais il ne s'était senti aussi comblé car il avait la sensation merveilleuse d'avoir totalement lâché prise.

John se retourna et le prit dans ses bras. Posant un baiser sur ses cheveux humides de sueur, il demanda :

-Ça va ?

-Je ne me suis jamais senti aussi bien, avoua Harold en se lovant contre son compagnon.

Reese sourit devant le visage transfiguré par l'orgasme et l'amour de son époux. L'ambiance était détendue, comme si les deux hommes avaient acquis la certitude que plus rien désormais ne troublerait leur avenir. John ne put s'empêcher de renouer avec ses habitudes et entreprit de taquiner son compagnon qui reboutonnait tranquillement son pantalon.

-On verra si tu te sens toujours aussi bien quand tu devras affronter les regards scandalisés des invités juste de l'autre côté de la porte.

Finch se figea. Mais, alors que John s'attendait à le voir s'empourprer violemment voir même paniquer, le reclus réajusta tranquillement son smoking puis haussa les épaules avec désinvolture.

-Eh bien ils verront simplement deux hommes sortir d'un même toilette, comblés, heureux et amoureux.

L'informaticien attendit que John soit présentable pour ouvrir la porte de la cabine. Il soupira intérieurement en constatant que les sanitaires étaient vides. Le groupe avait dû partir pendant leurs ébats. Qu'avaient-ils entendu ? Tout, sans doute. Mais bizarrement, Harold ne ressentit ni honte ni gêne. Il était tout simplement heureux et ne souhaitait pas ternir ce moment de plénitude par des doutes qui n'avaient pas lieu d'être. Il avait assez perdu de temps en questions et conjectures. Il devait simplement apprécier le bonheur que la vie lui donnait, au jour le jour.

Alors que les deux hommes marchaient dans les allées maintenant désertes du musée Guggenheim, John posa la main sur son bras de son compagnon pour l'arrêter. Interloqué, le reclus lui lança un regard interrogatif.

-Tu n'oublies rien ? Demanda Reese qui arborait à nouveau un smoking impeccable.

Personne n'aurait pu imaginer qu'il venait de vivre l'une des plus érotiques expériences de toute sa vie, si ce n'est un nœud papillon légèrement de travers et des cheveux complètement en désordre.

Harold se tourna vers son mari et ajusta son nœud tout en réfléchissant à ce qu'il avait bien pu oublier. Avait-il égaré un vêtement ? Non, il ne s'est même pas déshabillé…

-Non…Je ne crois pas, répondit-il, légèrement mal à l'aise devant le regard intense de son compagnon.

L'agent le lâcha et fouilla dans la poche de son pantalon. Il en ressortit deux anneaux en or. La bouche de Finch devint subitement très sèche. Sans quitter des yeux son conjoint, John mit son alliance puis saisit la main gauche de Finch. Il fit lentement glisser l'anneau à son annulaire, comme il y a deux ans, comme le jour de leur mariage.

-Ne la retire plus jamais. Je t'aime et t'aimerai toujours, murmura le jeune homme en regardant son mari droit dans les yeux, comme s'il prononçait à nouveau des vœux.

Ses sentiments pour Finch étaient tellement puissants, tellement violents qu'ils l'étourdissaient, et parfois même, lui faisaient peur. Aucun mot n'était assez fort pour les exprimer. Il y parvenait avec des actes, des caresses ou des baisers.

Et justement, pas besoin de mots, les deux hommes scellèrent ce nouvel engagement par un baiser à la fois passionné mais également apaisé, tout comme leur relation.

FIN