Hensley, Arkansas.

« …tu plaisantes, Mr Smith a carrément faillit tourner de l'oeil…

quelle chochotte ce type, il est déjà nul en tant que prof mais en plus il vaut rien en tant qu'homme !

ouais, c'est clair, quand tu penses que c'est lui qui va nous chaperonner pour le bal de fin d'année, ça fait peur …

sauf s'il ne se remet pas de cette journée, tous ce sang, c'est sur il va partir en dépression…

Ça serait peut être pas une mauvaise chose…

ben dans tous les cas, j'aimerais bien savoir qui t'as fait cette mauvaise blague, j'veux dire c'est quand même stupide de mettre des aiguilles de couture dans une trousse d'école au milieu de tous tes stylos, t'aurais pu te faire encore plus mal !

j'ai ma petite idée là-dessus…

Claire, chérie, tu me raccroches tout de suite ce téléphone sinon je fais couper ta ligne perso…

Bon faut que je te laisse ou ma mère va péter une durite si j'explose encore le forfait de téléphone !

ouais, je comprends, la mienne est pareil… bon on se voit demain au lycée ?

ça marche, je te dirais mes suppositions sur qui est derrière ma blessure fatale !!

mouais… dors bien !

toi aussi ! tchao Milly ! »

Claire, assise en tailleur sur son lit, raccrocha le téléphone avec un sourire serein sur le visage. Sa main droite, bandée, témoignait de son agression mais ne semblait pas la gêner plus que de coutume.

Son amie d'enfance et elle ne pouvaient s'empêcher de s'appeler le soir malgré le fait qu'elles venaient de passer 8 heures ensemble dans le même lycée. Les rumeurs et les racontars ne pouvaient attendre une nuit entière pour des jeunes filles de 15 ans et le téléphone était probablement l'outil indispensable dans une chambre d'ado en mal d'amitié.

« Claire, je t'ai demandé de raccrocher ! » hurla une femme d'environ 45 ans en bas des escaliers, les mains sur les hanches et les sourcils froncés reflétant incontestablement le visage renfrogné d'une mère en charge d'une adolescente.

« c'est fait maman, depuis déjà 5 bonnes minutes ! » répondit sa fille sur un ton de défi, comme d'habitude.

« Alors comment expliques-tu que le téléphone du bas ne marche pas ?

Je te promets que j'ai raccroché, tu peux venir vérifier si tu ne me crois pas, ton phone doit déconner, voilà tout…

Ne parle pas comme ça ! je te préviens Claire, les soirées en n'en plus finir au téléphone avec tes copines, c'est terminé ! vous vous voyez toute la journée au lycée, il faudra t'en contenter pour papoter…

Ouais, ouais… » objecta Claire à voix basse comme si les propos de sa mère n'étaient que des paroles en l'air qui lui passaient bien au dessus de la tête.

Après quelques minutes à regarder un magazine où figurait sa chanteuse préférée, la jeune femme dut se résigner à bouger de son lit pour se préparer à aller se coucher. Elle rangea donc tous ses livres de classes qui traînaient ouverts sur ses couvertures ainsi que son bloc note totalement griffonné de petits dessins insignifiants qu'elle avait réalisé lors de son entretient téléphonique avec son amie.

Après un lavage de dents express et avoir souhaité, dans un soupir, une bonne nuit tout aussi rapide à ses parents, l'adolescente se décida tant bien que mal à se mettre au lit.

Il était environ minuit et demi et tout était calme dans la maison depuis environ 1 heure.

Claire, comme à son habitude depuis maintenant 3 jours, se tournait inlassablement dans son lit à la recherche du sommeil qui ne semblait pas vouloir venir. En plus de la chaleur incessante et de la lourdeur de l'air due aux orages environnants, sa main blessée lui grattait horriblement, ce qui l'empêchait de se détendre et de se reposer malgré le fait qu'elle ne dorme toujours pas.

Sa chambre était ornée de tableaux et posters divers accrochés aléatoirement sur des murs de couleurs gris perle dont on ne voyait d'ailleurs plus réellement les teintes. Juste à coté de son lit, se dressait un magnifique cadre d'environ 70 centimètres de hauteur dans lequel était peinte une femme d'une trentaine d'années aux cheveux blonds intenses qui regardait le ciel tout en tenant un bouquet de fleurs aux pétales d'un rose pâle captivant. C'était sans aucun doute le tableau préféré de Claire, on lui avait offert pour ses 5 ans et depuis elle ne s'en séparait jamais malgré les nombreuses fois où elle avait refait la décoration de sa chambre.

Un orage s'était rapproché rapidement et les éclairs semblaient illuminer la chambre de la jeune femme de façon continue à travers les rideaux en mousseline qui ne recouvraient qu'un soupçon de la petite fenêtre.

Claire avait les yeux fixés sur son tableau, elle l'admirait par à-coup et selon les caprices de l'orage. Une lumière plus vive vînt éclairer d'avantage la chambre de l'adolescente, et à sa plus grande surprise elle cru voir la femme peinte bougeait à l'intérieur de son cadre. La jeune fille se figea assise sur son lit à la recherche de l'interrupteur de sa petite lampe de chevet. Mais l'orage étant violent, l'électricité avait sauté.

Claire se cala contre le mur juste derrière elle, les jambes repliées et ses bras les entourant comme si elle avait froid dans cette chaleur torride. Toutefois elle ne pouvait retirer ses yeux du tableau qui ne semblait pas se soucier de la peur panique de la jeune fille.

Au fur et à mesure que les nombreux impacts de foudre éclairaient la chambre, les yeux verts émeraude de la femme de la peinture semblaient se tourner en direction de Claire.

Le vent paraissait s'abattre plus que nécessaire sur la maison faisant craquer les branches des arbres à l'extérieur de la battisse mais la force du souffle chassait quelques nuages et l'orage commençait donc à s'estomper au plus grand désarroi de l'adolescente. Les éclairs se devenaient rares et la pénombre s'installait peu à peu dans la petite pièce. La foudre ne s'était pourtant pas arrêtée totalement mais l'espace entre deux illuminations s'avérait une éternité pour la jeune fille. La tête de la femme peinte, qui paraissait tellement innocente quelques minutes auparavant, s'était tournée complètement de façon sournoise vers la jeune adolescente.

L'orage s'était maintenant éloigné à une vitesse vertigineuse ramenant avec lui grondement, éclairs et nuages noirs. En quelques secondes, un faible halo de lumière s'immisça dans la pièce à travers les doux rideaux, la lune semblait apaiser la nuit et apporta une once de luminosité dans cette pénombre macabre.

Les yeux de Claire s'étaient habitués à cette faible luminosité et elle pouvait à présent discerner quelques objets dans sa chambre et scruter parfaitement son tableau, qui à son grand tourment continuait de la fixer intensément.

Quelques larmes tièdes vinrent couler sur les joues blanchâtres de l'adolescente lorsqu'elle vit que la femme peinte commençait à esquiver un sourire malsain. Ses lèvres froides, bleuies par la pénombre, se tendirent peu à peu pour afficher un rictus des plus funeste qui fit frissonner Claire au plus profond de son être. La jeune fille se décida à bouger et sortit de son lit dans lequel elle ne se sentait plus du tout en sécurité. Elle pouvait percevoir les yeux de la femme la suivre à chaque pas qu'elle faisait, elle avait même l'impression que son corps commençait à sortir de son cadre. Au bout de deux mètres, Claire se stoppa, elle avait la sensation que le sol bougeait étrangement sous ses pieds. Lorsqu'elle baissa la tête pour essayer de voir ce qu'il en était, elle ressauta instantanément sur son lit. Des centaines de serpents s'étaient infiltrés dans sa chambre et recouvraient entièrement le vieux planché de la pièce lui donnant une impression de sable mouvant. L'adolescente voulu crier, seulement aucun son ne put sortir, quelque chose lui obstruait la gorge ; un boa d'un diamètre de plus de cinq centimètres commençait à sortir doucement de sa bouche ouverte. L'animal glissait aisément la tête la première en direction du sol toujours en mouvement. Les yeux de Claire, remplient de moitié par les larmes, étaient grands ouverts regardant avec effroi ce serpent monstrueux sortir de sa propre bouche. Au dessus d'elle des couleuvres et autres petites vipères tombaient du plafond pour atterrir dans ses cheveux longs. Après quelques hauts le cœur et un débattement féroce l'adolescente succomba à la terreur et son cœur s'arrêta, elle s'effondra sur son lit, son regard dépourvu d'âme.

La femme se redressa alors dans son cadre. Ses yeux s'étaient rétrécis jusqu'à ce qu'une fine amende laisse entrevoir la couleur verte assombris de vengeance scruter le corps sans vie de Claire, son sourire insidieux et perfide s'élargie, laissant transparaître l'entière satisfaction de la scène qui venait de se dérouler, puis ses traits redevinrent des plus banals en moins d'une seconde.