PARTIE I Chapitre 1 :

« Il est capable d'exagérer la menace dans le seul but d'emmerder le Ministère ! »

Les flammes oranges léchaient les bûches avec application, projetant sur les murs leurs ombres fantasmagoriques. Heather, les yeux dans le vague, se perdit dans la contemplation de cette danse d'ombres chinoises teintées de rouge.

Autour d'elle, les conversations s'étaient faites plus douces, de moins en moins perceptibles. Au dehors, le ciel était d'un noir d'encre, et la lune éclairait faiblement le parc de sa face blafarde. Il se faisait tard ; il serait bientôt temps de regagner le confort des dortoirs.

Elle devina plus qu'elle n'entendit la Préfète en Chef rappeler à l'ordre les plus jeunes ; des lits bien chauds les attendaient. Et sous les couvertures, les rêves les plus fous. Ils angoissaient certainement à propos du lendemain le premier jour de cours était toujours déstabilisant. Sans doute s'imaginaient-ils le pire comme le meilleur à propos de leur nouvelle école, en conversant à voix basse avec leurs voisins de dortoir. Frissonnaient-ils malgré l'épaisse couverture, à l'idée des cachots humides où ils passeraient de longues heures ? S'imaginaient-ils jouer parmi l'équipe de Quidditch ? Avaient-ils, cachée sous l'oreiller, une photo de leurs parents souriants, pour combler l'absence de cette première séparation?

Les uns n'osaient parler, un peu honteux de tout ignorer de ce monde magique dont-ils n'avaient jamais soupçonné l'existence ; ils venaient de familles moldues. D'autres se pavanaient dès le premier soir : un grand frère, une cousine était en septième année, et ils savaient tout ce qu'il y avait à savoir sur ce grand et effrayant château. D'autres sanglotaient doucement, effrayés par les ombres aux fenêtres, les grincements des portes et la prestance angoissante de ces vieux murs. Mais la plupart souriaient dans le noir, émerveillés de savoir qu'ils vivaient le début de ce qui serait la plus belle période de leur vie.

Et peu importait d'être loin de leur famille, de ne revenir que pour les vacances de Noël puis celle d'été. Ici, dans leur nouvelle Maison se formerait une autre famille, plus nombreuse – parfois plus aimante – que celle qu'ils avaient connue jusque là.

Sept ans à Poudlard, cela n'avait aucun équivalent.

La lumière dans la Salle Commune baissait, mais la jeune sorcière, la tête posée sur le dossier du canapé défoncé au velours aux couleurs de sa maison, ne s'en était pas rendu compte. Les yeux perdus dans l'encre du ciel, elle n'entendit pas la Préfète en Chef s'approcher.

- A quoi tu penses ?

Heather sourit, se retourna en s'étirant comme un chat.

- Tu n'imagines pas comme c'est bon de retrouver Poudlard.

Lily ne s'offusqua pas de cette réponse détournée et lui rendit son sourire.

- Si, j'imagine très bien. Rien n'est comparable à Poudlard… murmura-t-elle, songeuse, ses mains fines jouant distraitement avec le plaid rouge qu'elle venait de replier sur le canapé.

Heather prit enfin le temps poser les yeux sur Lily Evans. Comme elle avait changé durant ces quatre années de séparation ! Elle avait grandi, mûri, et cela se lisait sur les traits réguliers de son visage parsemé de tâches de rousseur où luisaient deux émeraudes flamboyantes. Pourtant, et malgré le sérieux et l'intelligence qui se dégageait de tout son être, brillait dans ses pupilles une lueur enfantine. Un rien d'espièglerie et de malice qui faisait tout le charme de cette femme en devenir.

- Oh tu sais, Prazky hrad est une école tout aussi belle. Très différente, mais vraiment magnifique.

- Je n'en doute pas, c'est ce que tu laissais entendre dans tes lettres, sourit Lily. Mais nous en parlerons plus tard si tu veux bien. Il est tard, je dois faire ma première ronde de l'année, et demain je me lève tôt pour assister à la réunion des Préfets dans le bureau de McGonagall.

Heather ne protesta pas, et bondit sur ses pieds. Accompagnant Lily jusque dans le couloir où la jeune fille allait faire ses trente minutes de ronde, elle lui demanda qui étaient les préfets cette année, et qui était le second Préfet-en-chef.

- C'est Sally-Anne Parkinson, de Serpentard, répondit Lily d'un air mitigé. J'aurais préféré ne pas bosser avec cette Maison... Mais elle a l'air sérieuse, et moins stupide que certains. Et ce n'est pas le travail qui va nous manquer, d'année en année, les Maraudeurs semblent trouver de plus en plus d'idées pour enfreindre les règles et nous rendre la vie impossible.

Heather haussa un sourcil interrogatif. Les Maraudeurs ?

- Ah, ils ne se donnaient pas encore ce surnom lorsque tu es partie. Potter, Black, Lupin et Pettigrow. Des gosses dans des corps de presque adultes. Parfois je me rassure en me disant qu'ils ne sont pas méchants. Parfois je n'y arrive même pas.

Heather se rappelaient des vedettes de leur Maison. Mais le ton un peu désabusé de Lily l'étonnait. Il en fallait beaucoup pour épuiser sa patience, et il semblait bien que la bande à Potter en ait épuisé les stocks depuis belle lurette. Quelle était la nature de leurs frasques pour rendre la Préfète en chef si soucieuse ?

Mais Lily la rassura d'un sourire et d'un haussement d'épaules qui reléguait le problème au lendemain. Les couloirs étaient sombres et froid, il ferait meilleur dans la tour. Heather lui offrit un dernier sourire d'encouragement et regagna bien vite le dortoir.

Les trois autres filles avec qui elle partageait dormaient déjà. L'horloge au mur affichait 23h43. Étouffant un bâillement, Heather se débarrassa de son uniforme pour se blottir dans un pyjama tout doux. La lune inondait la pièce de sa lumière blanche. S'appuyant contre la vitre froide, Heather se perdit une nouvelle fois dans la contemplation du parc. Tout était calme, inerte. Au loin, la Forêt Interdite formait une tache sombre et indistincte. Menaçante. Elle frissonna.

Jill Higgs émit un gémissement, et rabattit violemment sa couverture sur elle, faisant sursauter la jeune noctambule. Cela n'avait pas réveillé ni Alice Smith ni Hannah Robins. Elle ne gardait qu'un souvenir flou de ces trois filles. Quatre ans auparavant, elles n'étaient pas très amies. Qu'en serait-il cette année ? Chassant une multitude d'autres questions de sa tête, Heather tira les rideaux et sauta dans son lit délicieusement tiède.

Sa septième et dernière année d'étude commençait le lendemain.

« Bienvenue à toutes et à tous pour cette nouvelle année scolaire. Avant de vous laisser savourer ce repas tranquillement, je voudrais vous dire plusieurs choses.

Tout d'abord, Mr Rusard tient à ce que je rappelle divers points du règlement : la Forêt Interdite est, comme son nom l'indique, interdite. Non pas pour vous ennuyer ou vous empêchez de vous amuser, mais tout simplement parce que vous êtes encore bien jeunes pour être confrontés aux créatures qui s'y tapissent depuis la création de Poudlard.

Ensuite, n'oubliez pas qu'il est formellement interdit de parcourir les couloirs durant la nuit - hormis pour rejoindre la tour d'Astronomie ou avec l'accord d'un professeur.

Le couvre feu est prévu à 21h30, merci aux Préfets et Préfètes en chef de veiller à sa bonne application. Pour finir, le tout nouveau règlement est affiché à chaque étage du château, et je vous invite à le consulter dans votre propre intérêt.

Ce n'est pas tout. Je pense que ce que je vais vous dire ne vous surprendra guère. Et si c'est le cas, pardonnez d'assombrir quelque peu ces retrouvailles.

Il marqua un temps d'arrêt, et l'ensemble de la Salle fit de même, soudainement parfaitement attentif.

« Je suis convaincu, -et jamais je n'ai tant souhaité me tromper- que nous allons connaître une période sombre et difficile. Certains, dans cette salle, savent déjà de quoi je parle, et ont déjà eu à souffrir directement des agissements de celui qui s'est nommé Lord Voldemort. »

Dans la salle, des murmures, et parfois des cris, agitèrent les quatre maisons. Les plus jeunes ignoraient tout de ce dont parlait le directeur. Les plus âgés se lançaient des regards entendus. D'autres grimaçaient, les visages se tendaient, parfois les yeux remplis de larmes. Dumbledore attendit patiemment que le calme revienne.

« Soyez rassurés. A ce jour, Poudlard est probablement l'endroit le plus sûr du Royaume-Uni. J'ai personnellement veillé à vous offrir un cadre d'étude exempt de tous dangers. Nul ne pénétrera ici sans mon autorisation. Seulement, je ne peux ni ne souhaite vous protéger de la vérité du dehors.

Le Ministère ne souhaite pas que j'évoque cette menace, pour un tas de bonnes et de mauvaises raisons. Mais je crois qu'il est important que vous sachiez, et que vous vous prépariez. Les mois - les années - à venir ne seront pas faciles, et je voudrais vous rappeler que la division sera notre faiblesse. Il en est qui, par peur, par lâcheté, iront dans le sens de ces idées terribles qui lézardent les murs de notre communauté. Ne les écoutez pas. Ne laissez pas les sirènes de la peur vous guider. Il est normal d'avoir peur, et sans elle il n'existe guère de courage. Mais trouvez force dans ceux qui vous entoure. Regardez autour de vous. Regardez vos camarades, les anciens et les nouveaux. Regardez aux tables voisines. Vous n'êtes pas seuls, vous ne le serez jamais.

Au dehors, rien en change. La force vient dans l'union, la confiance, le partage, le respect de l'autre et de ses différences. Je compte sur vous pour ne pas l'oublier. »

Les plus âgés acquiescèrent aux derniers mots de leur directeur, et alors que ce dernier regagnait sa place, les plats apparurent sur les tables, chassant rapidement la peur qui s'était furtivement introduite dans les cœurs. Heather resta songeuse, un peu troublée. Lily sembla s'en apercevoir, et pressa doucement la main de son amie.

- Ne t'inquiète pas, Dumbledore a toujours été un peu fantasque, il est capable d'exagérer la situation dans le seul but d'emmerder le Ministère !

« Merlin, faites que Lily ait raison… »

Heather s'endormit.