Bonjour et bonne année 2017 !
Je vous offre un petit texte hivernal pour commencer l'année, un petit texte pas complètement inédit pour certains car il a été écrit pour le calendrier de l'avent Fan'ventures dont tous les textes méritent vraiment un peu d'attention, même après Noël. Pleins d'artistes fan d'Aventures réunis dans des petites vidéos sur Youtube, ça vaut bien le coup.
Toute cette publicité tardive et non rémunérée (quel sacrifice que d'être un fan créateur ;) ) pour dire que cet OS m'a inspiré et qu'il est donc le 1er d'une série de quatre textes. Le second sur BOB est terminé et est bien plus long, voilà voilà.
Bonne lecture !
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Les Saturnales : Bleu Eau
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La nuit tombait, silencieuse, sur le Cratère endormi.
Silencieuse ? Pour une oreille humaine sûrement, mais le pan de réalité qui échappe aux mortels est sans limite et les rumeurs de cette nuit si spéciale ne faisaient pas exception.
Pourtant, pour les rares élus aux veines parcourues de magie, l'air frémissait et vibrait, produisant des notes qui faisaient écho à leur nature profonde, les révélant pour une nuit.
Dans les villes et les bourgades, les habitants fermaient les portes et les volets, s'isolant de cette sensation que quelque-chose se produisait sans qu'ils puissent le comprendre. S'isolant de cet inconnu qui les effrayait. Devant chaque maison, une chandelle fendait la noirceur de la nuit de sa faible lueur, constituant sans le savoir, de nouvelles constellations sur le sol du Cratère, comme si ciel et terre se confondaient.
Dans les forêts les êtres magiques étaient de sortie, accomplissant des rites vieux de plusieurs millénaires.
Une paix temporaire s'était instaurée entre les peuples, juste pour ces quelques nuits, juste pour ces quelques soirées où la magie prenait un dernier souffle avant de s'assoupir le temps de la froide saison.
Élémentaires et démons, mages et marcheurs de rêves, vampires et fées, chaque créature était là pour célébrer les saturnales et rendre hommage à la nuit, source de la plus pure des magies.
Parmi eux, un peuple dont le sang ne pulsait pas à unisson avec les étoiles, un peuple humain incapable de percevoir la musique des cieux mais dont le cœur pouvait en ressentir les effets.
Partout dans le Cratère, les clans druidiques s'étaient joints à l'effervescence ambiante pour partager en quelques nuits les secrets de la magie.
Et, sous les yeux curieux du petit Shinddha, le clan Kory n'avait pas fait exception.
Drapés sous de lourdes capes, chaque adulte du clan avait ce sourire si spécial, ce sourire qui faisait penser qu'ils détenaient le secret de la vie. Hommes et Femmes s'étaient tressés les cheveux, y plaçant quelques feuilles de houx dont les baies rouges empoisonnées brillaient sous l'éclat de la lune.
Le jeune garçon papillonnait d'un bout à l'autre du camp, observant les druides qui sculptait des figurines à l'effigie des incarnations de la magie. Un peu plus loin, les autres enfants tressaient en osier des poupées humaines, glissant en leur cœur une plume ou une pierre. C'était un travail méticuleux que les anciens supervisaient d'un air sérieux qui ne pouvait cacher la joie de ces préparatifs. Au cycle dernier il était parmi eux, mais cette année c'était différent. Cette année il ne regarderait pas les aînés du camp disparaître plusieurs nuits durant car cette année il n'aurait pas à brûler les effigies au retour des adultes pour clore la période de fête. Non. Car cette année il partait avec eux, célébrer le sommeil de la magie, danser dans les flammes des figurines une journée durant et raconter des légendes aux enfants.
Après cette nuit il ne serait plus le petit Shinddha, fils de la meilleure archère du clan, non, après cette nuit il serait Shinddha l'archer, Shinddha le druide, Shinddha l'Aîné.
Une main familière se posa sur son épaule. Il leva la tête vers son père, druide spécialisé dans les onguents révélateurs de rêves. Il n'avait pas un rôle important dans le clan contrairement à son aimée, mais sa gentillesse avait gagné le cœur de la plus courtisée d'entre toutes et la naissance de leur fils qui ressemblait tant à sa mère avait donné raison à son obstination.
Il lui passa une main dans les cheveux pour en ôter la neige qui s'y était glissé et rabattit le capuchon sur ses yeux. Le jeune garçon leva un visage impatient vers son père.
- C'est bientôt l'heure, dis ? On va où ?
- Tu verras bien, on va partir.
Le manque d'information fit froncer le nez à Shin avant que l'excitation ambiante prenne le pas sur son début de bouderie. Un souffle le fit tourner la tête alors que l'ancienne sortait de la plus grande tente du campement. Derrière la Vénérable, à sa gauche, le druide guérisseur et à sa droite, reconnaissable entre toute à son immense arc gravé de runes bleues, sa mère.
Le cœur de l'enfant se serra de fierté, un jour il serait fort comme elle et chacune de ses paroles invoquerait le respect.
L'ancienne, dans sa cape blanche comme la neige, ouvrit la marche et sans un mot chaque membre du clan la suivit parmi les arbres. Les enfants virent cette colonie de silhouettes brunes, vertes ou bleues éclairées par les flammes disparaître dans la nuit. Après quelques soupirs d'envie ils se pelotonnèrent dans leur tente et s'endormirent à la lueurs des dernières braises sous la garde des animaux du camp.
De leur côté, les aînés marchèrent longtemps, bien trop longtemps pour le jeune Shinddha qui rouvrit les yeux dans les bras de son père. Bercé par le rythme de ses pas, il se rendormis jusqu'à qu'une main fraîche dégage les mèches ébènes qui s'étaient égarées sur son front.
- Shin ? La magie ne t'attendra pas.
Le rire dans la voix le fit battre des cils, devant lui les yeux limpides de sa mère. Il sursauta et descendit des bras paternels pour se joindre à la réunion.
Il n'y avait pas que le camp Kory, des druides qu'il n'avait vus auparavant s'étaient joint à eux. Y avait-il un clan de plus ou deux ? Il était incapable de le deviner mais une chose était sûre, il n'avait jamais vu autant de monde et encore moins d'inconnus.
Rares étaient les autres humains qu'ils croisaient dans les forêts. Quelques voyageurs surtout, des gens venues demander de l'aide pour un proche, et parfois un elfe ou une harde de centaures était aperçu, d'après sa mère. Mais les inconnus étaient la dernière de ses préoccupations.
Ils étaient tous regroupés autour d'un étang au dessus duquel dansait un serpent de vapeur blanche qui s'échappait des rebords enneigés. La lune tombait dans l'eau et sa lueur bleutée donnait une aura surnaturelle à la scène.
Tous s'agenouillèrent, Shin se sentait un peu gauche mais il s'empressa de les imiter, l'unité d'un tout qu'il ne comprenait pas et qui se déroulait sous ses yeux encore embrumés lui dictait ce qu'il fallait faire.
Des chants s'élevèrent, et sans les avoir appris Shin avait la sensation de les connaître. Ils restèrent ainsi longtemps, emportées par cette musique qu'ils ne pouvaient entendre mais qu'ils servaient depuis toujours, les yeux fixés sur ce ballet étrange et hypnotique entre la vapeur et la lune.
Et soudain ce fut comme si la lune s'élevait et venait rejoindre sa jumelle dans les cieux, entraînant derrière elle sa traînée d'étoiles. Peinant à en détacher les yeux, Shin réussit tout de même à jeter un coup d'œil à l'étendue d'eau.
Elle était complètement noire et dans le ciel la lune et son reflet entamaient une valse sur cette musique inaudible qu'est la magie.
En un battement de paupières, s'en était fini.
Le reflet avait rejoint sa place au creux de l'eau et la fumée blanche s'était évaporée.
Comme s'ils avaient rêvés.
Ils se relevèrent, secouant leurs capes de la neige qui avait commencé à les recouvrir.
Les nuits suivantes seraient danse et présent, joie et retrouvailles, mais cette nuit s'était différent, aucune parole ne saurait rendre grâce à ce moment partagé.
Sur chaque visage, un sourire, celui complice des témoins du miracle de la magie.
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Première douceur de la nouvelle année, on se retrouve bientôt pour le second OS, j'espère que bien que court celui-ci vous plait.
