FMA ne m'appartient pas.
Je suis faible.
Voilà ce que j'ai ressenti lorsque cette balle a atteint ma poitrine.
Dans la nature, il existe une chose nommée sélection naturelle. Il en vaut que seuls les plus forts survivent, au détriment des faibles.
On a tous pensé que tout cela changerait, avec toutes nos inventions, comme la médecine, actuellement.
Les gens sont stupides. Peu importent nos espoirs, nos illusions, la réalité nous rattrapera toujours. Ne serait-ce pas là le principe de l'équivalence ? Nous pourrions dire que les forts aspirent les faibles. Décidément, cette fichue loi ne sera pas uniquement valable pour l'alchimie. Elle existe partout. Ne serait-ce que pour créer un gâteau : vous dépensez de l'argent pour acheter les ingrédients requis en échange des sourires des enfants qui le mangeront.
Des enfants...
Je me suis toujours demandé ce que cela faisait d'être mère. De tenir sa réplique en version miniature dans ses bras, lui donner son biberon, le tremper dans son bain... Toutes les mères de famille sont radieuses. Je les vois se rendre au parc, le dimanche, avec leurs enfants et leur mari, radieux lui aussi, il pousse la poussette où est installé le dernier-né, tous sourient.
Au fond de moi, je les ai toujours enviés. J'ai vingt-sept ans, je suis encore capable de fonder une famille. Pourtant je ne peux pas. Je n'ai jamais pu. C'était mon choix, si je dois maudire quelqu'un, il ne peut s'agir que de moi-même.
Les faibles peuvent rallonger leur durée de vie en se cachant derrière les plus forts. C'est exactement ce que j'ai fait. 'Je vous suivrai jusqu'en Enfer, s'il le faut'. Voilà ce que j'ai dit. Je t'ai promis de te protéger. C'est stupide. Je ne le pourrai pas ni ne le pourrai jamais. Pourtant, j'y ai cru pendant un moment. Ce jour où Scar a attaqué les frères Elric, je t'ai protégé. J'ai réellement cru que je valais quelque chose. Au fond, je me suis voilé la face depuis le début.
Faible un jour, faible toujours.
On dit qu'au moment de mourir, notre vie défile devant nos yeux. Cependant, ce n'est pas mon cas. Sans doute parce que ma vie est sans intérêt. Je ne vois que ton visage. Tes cheveux d'ébène, ton sourire, tes yeux noirs au loin...
Je t'aime.
C'est idiot, jamais tu ne m'as regardée. Pas même maintenant. J'ai beau t'appeler, attirer ton attention, tes yeux regardent dans le néant. Ils sont magnifiques, d'un noir profond. Je souhaiterais qu'ils se posent sur moi, ne serait-ce qu'un instant, au moins une fois dans ma vie insignifiante.
Or, tu n'aimes pas les femmes comme moi, n'est-ce pas ? Tu préfères ces poufs affriolantes qui tombent devant toi comme des mouches, ai-je tort ? Au final, je suis la seule à te tenir tête. Tant mieux, je préfère conserver un semblant de dignité. Ces filles avec qui tu sors sont sans doute faibles, comme moi. C'est probablement la raison pour laquelle je ne peux pas les détester. Je devrais sans doute te haïr, toi, pour te servir d'elles ainsi, les jeter comme des mouchoirs.
Mais après tout tu fais partie des forts. Je l'ai senti le jour où nous nous sommes rencontrés, chez mon père. C'était il y a quinze ans, tu te souviens ? J'avais douze ans, toi quinze. J'ai eu une sensation étrange à l'instant où je t'ai vu. De la crainte, je crois. Et du respect. Parce que je suis faible, mon père en a profité pour exploiter mon dos, se servir de moi comme un cahier. J'ai senti ta révolte, le jour où je t'ai dévoilé mon tatouage. N'y pense pas, je n'en vaux pas la peine, crois-moi. Après tout, c'est le destin qui en a voulu ainsi.
J'ai voulu devenir comme toi. Forte, déterminée. J'ai pensé que l'on pouvait changer le cours des choses. Alors je suis devenue ton ombre. Je me suis attribué un peu de ta gloire. Cela n'aura néanmoins servi à rien.
On me considère comme un bon soldat, docile. Petite, mes professeurs racontaient souvent : bonne élève, studieuse avec un fort caractère. Ira loin.
Y a-t-il des niveaux chez les faibles ? Comme faibles forts, faibles moyens, faibles faibles ? Peut-être suis-je au plus haut, puisque j'ai aussi mon don au tir. Il s'agit encore de l'un de mes vœux inutiles. Seront-ils jamais entendus ? J'aurais désiré vivre plus longtemps... Même si tu ne me regardais pas, on s'est bien amusé, avec toute l'équipe. Havoc, Fuery, Falman, Breda, vous étiez de véritables amis. Rebecca et Maria aussi, vous allez me manquer... J'étais heureuse d'avoir des amies comme vous.
Et toi... Sache que mon cœur t'appartiendra toujours. Prend-le, si tu le désires, ou laisse-le à sa place tant qu'il bat encore. Si tu décides de l'emporter avec toi, je t'en prie, ne le fais pas souffrir.
Non, mais où suis-je pour te donner ces ordres ? Pardonne-moi, et agis comme tu le souhaites. Mais je nourris vraisemblablement trop de faux espoirs. J'aurais tant espéré pouvoir te dire un jour combien je t'aime...
Autour de moi se tiennent à présent des flammes. Pourquoi du feu ? Il n'était pas là quelques instants plus tôt... Je ne vois personne devant moi. Où est le tireur ? Et toi, où es-tu ? Je lève les yeux. Tu es là, ta tête au-dessus de moi, je suis allongée. Tu pleures. Pourquoi pleures-tu ? C'est stupide. Tu sembles parler, hurler, supplier. C'est inutile, je n'entends plus rien, je vois de plus en plus mal. La douleur est si forte que je ne la sens plus. Tu me tiens dans tes bras. Pourquoi ? Je ne parviens pas à te le demander.
Je suis heureuse que ton regard se soit posé sur moi. Je l'ai attendu durant quinze ans. Je suis triste tout autant. Je ne supporte pas que tes beaux yeux soient si brillants et humides.
Tu ne veux plus aucune mort, encore moins de ton équipe. Car, au fond, nous sommes ta famille. Tu n'as plus aucun parent, toi non plus. Tous les deux, nous sommes seuls. Cela t'a fait mal lorsque Havoc a eu cet accident durant son combat contre Lust. Depuis, ses jambes sont devenues inutiles, même des automails ne parviendraient pas à les remplacer. J'ai souffert, moi aussi. Or, étant faible, je n'ai rien montré. Seuls les forts peuvent se permettre le luxe d'exhiber leurs sentiments.
Tu es incroyablement fort. Tu deviendras führer. Mais pour cela, il faut des sacrifices. On le sait pertinemment, tous les deux. Ishbal, Hughes, Havoc... Il semblerait que je sois la prochaine sur la liste. Ne te méprend pas. J'ai été heureuse. Quand bien même je n'ai jamais attiré ton regard de feu, t'avoir à mes côtés, savoir que tu comptais sur moi valait tout l'or du monde. C'est avec plaisir que j'ajoute mon nom à cette liste de personnes. Ne t'attarde pas, va de l'avant.
Attend.
Il y a une chose que je souhaiterais avant de rejoindre ma famille : même si j'en ignore la raison, ne pleure pas. Laisse-moi te graver une dernière image de moi : si je ne peux pas parler ni bouger ni entendre, alors je vais sourire. Rien que pour toi.
Tu es au courant que je ne souris jamais. Alors je veux que tu saches à quoi je ressemble dans ces moments-là.
J'étire les lèvres. Tu es surpris. Tellement que tes larmes ne coulent plus. A mon grand étonnement, tu me le rends.
Merci.
C'est bien le plus beau cadeau que l'on m'ait jamais fait. Dommage que tu ne me l'offres que maintenant... Si la réincarnation existe, j'espère être forte dans ma nouvelle vie, afin de pouvoir être à tes côtés, et, peut-être, que tu tomberas amoureux de moi.
On se mariera. On aura de beaux enfants. Nous nous promènerons, le dimanche, au parc, tous ensemble. Je sourirai. Tu souriras. Nos enfants souriront. Nous sourirons tous ensemble. La vie sera sans doute meilleure qu'elle l'est actuellement. Je te dirai tous les matins en me levant que je t'aime. Tu me le diras aussi. Tu me donneras mon baiser matinal jusqu'à ce qu'on entende du vacarme dans la cuisine : les enfants ont encore cassé une assiette et paniquent. J'atteindrai la salle en première et les réprimanderai gentiment. Ayant des remords, ils baisseront la tête en marmonnant des excuses. Je sourirai avant de les embrasser chacun sur le front. Ils m'aideront à nettoyer puis partiront jouer. Tu arriveras seulement à ce moment-là en demandant ce qu'il s'est passé puis tu prépareras du café.
Dis-moi, combien aurons-nous d'enfants ? Trois, quatre, cinq ? Quatre me semble un bon chiffre. Deux filles et deux garçons. Ils joueront tous ensemble. La maison sera animée. Il faudra une grande maison pour eux, aussi.
C'est une belle vie, n'est-ce pas ? La souhaites-tu tout autant que moi ?
Tu te retiens de pleurer à nouveau, je le vois bien. Tu conserves cependant ce magnifique sourire. Je suis heureuse qu'il me soit destiné. Tu te penches doucement vers moi. A quelques centimètres de mes lèvres, tu sembles hésiter. Puis, enfin, elles se rencontrent, se touchent.
Tu m'embrasses tendrement, avec douceur. C'est agréable. J'ai envie que cela dure. Je suis juste heureuse.
Serait-ce possible que tes yeux se soient quand même posés sur moi, uniquement lorsque mon dos était tourné ?
Dis-moi, pourquoi ne m'as-tu rien avoué ? Parce qu'un faible a le droit d'aimer un fort, mais c'est très dévalorisant dans le sens inverse ? Pourquoi tu t'en fiches des règles, des impressions des gens. De quoi avais-tu peur ? Ne me dis pas de moi, car je ne te croirai pas. Me prendrais-tu pour une forte depuis tout ce temps ? Achète-toi des lunettes ou un cerveau, pour changer, car ton sens du jugement est entièrement faussé. Peut-être devrais-je quand même accepter ce compliment de ta part...
Nos lèvres se séparent. Déjà les tiennes me manquent. Bien que je n'entende plus rien, il me semble que tu me murmures à l'oreille : ''je t'aime''. J'aurais atteint le nirvana avant de mourir. J'aurais souhaité te répondre. Mais ma voix m'a quittée. Je te regarde avec amour.
Je sais que tu as compris. On parle avec nos regards, entre nous. C'est notre moyen de communication, personne ne nous l'enlèvera. Je te le promets. Dans une prochaine vie, nous nous reconnaîtrons par ce moyen. Cette vie-là n'est pas la bonne, dommage.
Ma vue se brouille. Ma conscience se perd.
Adieu.
J'ai été plus heureuse que n'importe qui. Grâce à toi.
Je t'aime.
La douleur est partie. Je ne sens pas bien mon corps. Je me trouve sans doute au Purgatoire. Ils doivent hésiter entre le Paradis, où la douleur n'existe pas, et l'Enfer, où l'on souffre sans fin. En raison d'Ishbal, Saint Pierre est sans doute réticent à m'ouvrir les portes menant à Dieu. Toutefois, je n'ai fait qu'obéir aux ordres, et j'ai œuvré pour un monde meilleur. Satan ne voudrait sans doute pas de moi non plus.
Mes yeux sont encore fermés. A quoi ressemble cet endroit ? Je n'ai plus rien à perdre, autant regarder. Je sens une pression sur ma main gauche. C'est chaud. Mes yeux d'une couleur rouge s'ouvrent lentement. Ils mettent du temps avant de s'habituer à la lumière. Pourquoi est-ce si lumineux, si clair ? Ce n'est pas le Paradis, ma poitrine me fait mal à l'endroit où la balle m'a atteinte.
Je vois flou, je cligne des yeux. Une forme noire se dessine devant moi. Je ne comprends pas. Ses traits deviennent plus nets.
C'est toi.
Que fais-tu ici ? Es-tu mort, toi aussi ?
Je regarde autour de moi. Tout est blanc, des appareils entourent le lit sur lequel je suis allongée. Un hôpital... Je ne suis donc pas morte ? Mes yeux se posent à nouveau sur les tiens. J'entrouvre la bouche mais ne sait quoi dire. Que dire ? Et ai-je rêvé cette scène, ce baiser ? Non, cela s'est bien produit. Voyant qu'aucun son ne sortirait de ma gorge, tu décides de prendre la parole.
Tu m'annonces que Falman a appelé une ambulance peu après que je me sois fait blesser, et on a réussi à me mettre hors de danger. Tout ira bien, désormais, m'as-tu dit. Nos yeux ne se quittent pas. Tu sais que je le pensais réellement. Je sais que c'est le cas pour toi aussi. Tu tiens fermement et doucement ma main, ton pouce la caresse. C'est agréable. J'aime cela.
Dis-moi, pourquoi m'aimes-tu ? Je ne parviens pas à te le demander. Je ne sais même plus comment t'appeler. Colonel ? Roy ? Monsieur Mustang ? Dois-je te tutoyer ou continuer à te vouvoyer, lorsque je m'adresse à toi ? Je ne sais pas quoi dire du tout. C'est gênant. Tu as l'air de remarquer que je commence à être mal à l'aise. Ton autre main atteint mon visage et met ma mèche derrière mon oreille. Puis tu me caresses la joue. Tu souris. J'en fais autant, je ne sais que faire d'autre.
Tu t'approches à nouveau. Je ne sais combien de temps je suis restée évanouie, il n'en est pas moins que tes lèvres m'ont manquée. Je les accueille avec plaisir, cette fois je répond à ton baiser. Il dure longtemps. Nos mains se serrent, celle qui est libre passe dans ta nuque, passe dans tes cheveux. Celle qui me caressait la joue continue.
Ma blessure m'élance soudain, je brise notre étreinte avec une grimace. D'abord surpris, tu comprends que c'est cette fichue balle qui m'a forcée à faire cela. Je t'aime, ne crois pas que je te rejette. Je plisse un œil, avant de poser une nouvelle fois mon regard sur toi. Je ne nous laisse pas le temps de sourire ou parler, et emprisonne tes lèvres aux miennes.
Je ne suis pas faible. Je suis encore vivante, cela en est la preuve. Je suis forte. Peu importe, au fond, je suis si bien, tant que tu m'aimes.
