Fairy Tail et son univers appartiennent à Hiro Mashima.


Chapitre 1: Mission à 100'000

Vide, désespérément vide...

Levy referma la boîte métallique et la redonna à Droy.

« On te l'avait bien dit... » soupira ce dernier, assis à côté d'elle, autour d'une des tables de la guilde.

Toutes les économies de la Shadow Gear s'étaient envolées, en l'espace d'une nuit. Bien sûr, pas toutes seules : un mécréant s'était emparé de son contenu et avait filé sans laisser d'adresse entre lundi et mardi.

Jet l'avait découvert le matin-même, et avait tout de suite alerté toute la guilde, hurlant au vol. Mais ça n'avait rien arrangé : personne à Fairy Tail n'était capable de démasquer le coupable ou de faire réapparaître les Jewels perdus.

Droy était arrivé peu après, et dès qu'il avait appris la nouvelle, reprocha à son collègue d'être trop négligent. Ce dernier, déjà sur les nerfs, lui répondit assez méchamment en des termes des moins élogieux, et seule l'arrivée de Levy avait empêché une bagarre.

« Qu'est-ce qu'on va faire ? On voulait aller au festival d'Amaranthe dans deux semaines, mais sans argent, ça ne va pas être possible... »

Sa voix se brisa. Alors que les deux tiers masculins de l'équipe bouillonnaient de rage, la mage, elle, ne ressentait qu'un terrible sentiment de d'injustice et de dégoût. Ça faisait des années qu'ils économisaient (Jet et Droy n'avaient jamais cessé de mettre un peu d'argent de côté, même pendant les sept ans de Tenroujima) pour un projet qui leur tenait à cœur, et tout venait de tomber à l'eau. C'était rageant !

« J'aimerais bien attraper celui qui a fait le coup. J'aime pas le dire, mais c'est sûrement un de la guilde, vu qu'aucun étranger ne peut s'approcher des casiers à moins de trois mètres ! » grogna Droy en balayant la salle du regard, à la recherche du coupable. Seulement, en ce mardi, la taverne était déserte, hormis quelques habitués, comme Macao, Wakaba ou encore Kinana et Mirajane, qui faisaient, pour ainsi dire, partie du décor.

« Ça va nous prendre des années avant de récupérer tout ce qu'on a perdu ! Même si on met la totalité de l'argent qu'on a, et celui qu'on gagnera dans la prochaine mission, on n'arrivera jamais à avoir assez pour tout ce qu'on voulait faire au festival! »

Levy baissa la tête, pour dissimuler ses yeux qui s'embuaient déjà. Mais ses deux coéquipiers la connaissaient trop bien pour ne pas s'en rendre compte. Ils oublièrent momentanément leur colère et tentèrent de la consoler.

« -T'inquiète pas, Levy-chan ! On va retrouver le voleur, et même avant la fin de la semaine!

-Et si c'est pas le cas, un million, c'est vite gagné !Suffit de prendre deux trois missions un peu plus difficiles mais mieux payées. Après tes sept ans d'absence, il est grand temps de te montrer à quel point on a progressé, Droy et moi ! »

Elle sourit devant leur enthousiasme, et se sentit ridicule de s'être laissée si facilement abattre. S'il y avait un endroit au monde où on ne pouvait pas déprimer, c'était bien dans la guilde la plus controversée de Fiore : avec les liens forts qui unissaient tous les membres entre eux, les délires sans fin de quelques mages un peu plus hyperactifs, et la bonne humeur permanente, les seules larmes qu'on pouvait verser, c'étaient celles de rire.

Elle essuya ses yeux humides, avant que quelqu'un d'autre que ses camarades ne se rendît compte de son malaise. A l'extérieur, les cloches de la cathédrale annonçaient neuf heures du matin.

Comme ils avaient une journée entière devant eux, Droy proposa d'entreprendre de suite dans une nouvelle mission, si possible bien payée et hors de Magnolia, histoire de se changer les idées. Cette fois-ci, c'était au tour de Levy de choisir ladite mission, parmi les annonces épinglées au panneau près du bar.

De sa démarche légère et sautillante, elle traversa la taverne, renversa à moitié Macao qui essayait de prouver à Wakaba que « Non, je tiens bien l'alcool, la preuve, j'arrive à marcher droit après avoir bu cinq bières avant dix heures du mat' ! », trébucha sur un sac alors qu'elle se retournait pour s'excuser, fit un signe à ses compères en se relevant pour leur assurer que tout allait bien, et atteignit enfin le panneau en liège, sous le regard inquiet de Mirajane qui essuyait des choppes derrière le comptoir.

Du choix, y'en avait incontestablement... Depuis qu'une grande partie de la guilde était revenue après sept ans d'hibernation, de multiples commanditaires dont on n'avait jamais entendu parler s'étaient manifesté, avec les offres les plus diverses et farfelues. Beaucoup n'avaient pas l'air très sérieuses : il s'agissait sûrement de « tests » pour voir si la guilde était à nouveau aussi active (et folle) qu'avant.

Levy parcourut rapidement toutes les feuilles, éliminant les petites récompenses, les missions trop bizarres (« Potier cherche mage pour défendre magasin d'attaques de garçon blond habillé en vert »), ou trop osées (« Cherche Bunny Girl pour animer soirée estudiantine »), trop longues (« Quatre mois en mer, chasse au Kraken ») ou encore trop vagues (« Besoin mage pour mission »).

La porte de la guilde claqua, et le courant d'air qui vint à l'intérieur agita les billets collés sur le panneau. L'un d'entre eux faillit se décrocher, et attira ainsi l'attention de la jeune mage. Elle lut rapidement l'essentiel des informations. On s'occuperait des détails plus tard.

Mission n°1835844

Lieu : ville de Lilium

Récompense : 100'000 Jewels

Commanditaire : M. Aikawa

Type : capture de criminels

Elle était là, la mission idéale !

Levy se mit sur la pointe des pieds, pour essayer d'arracher la punaise qui maintenait l'annonce en place. Sans doute que cela venait de son amour pour les livres, mais elle détestait déchirer du papier.

Une immense ombre apparut alors contre le mur, et une main se plaqua contre la feuille qu'elle voulait prendre. Surprise, la mage poussa un petit cri, et fit volte-face. Elle découvrit Gajeel, penché en avant, en train de détailler la même annonce. Il dominait la bleue de quelques bonnes dizaines de centimètres, et semblait ne pas l'avoir remarquée. Il n'allait quand même pas lui piquer son job, si ?

Elle ne le permettrait pas! D'un geste décidé, Levy lui arracha la feuille sous le nez, ignorant son aversion pour le « crrr » du papier déchiré.

Le Dragon Slayer la remarqua enfin :

« -Oï, crevette, qu'est-ce que tu fabriques ?

-Désolée, mais cette mission est déjà prise ! lui répondit-elle, décidée à ne pas se laisser impressionner par sa carrure.

-Tu veux dire que c'est toi qui vas... Non, tu déconnes ? »

Il lui arracha la feuille des mains, et lut à haute voix quelques passages :

« Démasquer et arrêter criminels...Mafia... Vols, agressions, vandalisme,... Dangereux ! Besoin de mages expérimentés, si possible groupe. »

Il ramena ses yeux vers elle, en lui montrant lesdits passages sur le papier.

« -Tu crois que t'as le niveau pour ça ?

-Bien sûr que oui ! Je ne vois pas ce qui t'en fait douter ! »

Elle se sentait beaucoup moins sûre d'elle : en réalité, elle avait tellement fait attention à la récompense que tout le reste avait passé au second plan.

Et Gajeel avait sûrement entendu cette pointe d'hésitation dans sa voix. En fait, aucun doute n'était possible là-dessus : ses sens de Dragon Slayer lui permettaient de percevoir beaucoup plus que le commun des mortels.

Se justifier ne servirait à rien, sauf à s'enfoncer encore un peu plus. Mieux valait en finir le plus vite possible. Elle récupéra la feuille des mains de Gajeel.

Enfin, elle voulut récupérer. Tout de suite, il leva la feuille juste assez haut pour la mettre hors de portée de la mage (ce qui, il faut l'avouer, ne demandait pas un effort considérable).

Pourtant, il l'avait sous-estimée. Déterminée à aller jusqu'au bout, elle sauta sur l'annonce, et réussit à en agripper le bas, et à le lui arracher des mains.

Malheureusement, rien de plus.

La feuille s'était déchirée, et chacun en tenait à présent une moitié.

Mirajane était très sérieuse quant à son travail de gestionnaire des missions, et n'accepterait sûrement pas qu'on lui donnât seulement une partie de l'énoncé avant de partir. Gajeel et Levy le savaient très bien.

La première surprise passée, chacun tenta d'en finir au plus vite.

« -Bon, rends-moi cette feuille, j'ai pas toute la journée.

-Pas question, j'étais là la première ! »

Ils ne se lâchaient pas du regard, et si celui-ci pouvait tuer, l'un d'eux aurait déjà été K.O. depuis un moment.

Gajeel avança d'un pas, obligeant Levy à reculer contre le panneau. Un frisson lui parcourut le dos : de là, elle n'avait aucune échappatoire. Elle se sentait de plus en plus mal à l'aise, même si elle savait qu'il ne lui ferait pas de mal, cette fois-ci.

Cette position lui rappelait leur première rencontre, dont les événements venaient encore la hanter la nuit, parfois. Elle frissonna rien qu'en y pensant.

Sans s'en rendre compte, ils avaient attirés l'attention générale. Presque tous dans la guilde s'étaient tus et les observaient.

« Un problème, Levy-chan ? »

Ses deux coéquipiers n'avaient pas tardé à venir à la rescousse. Gajeel se retourna, quittant momentanément des yeux sa « rivale ». Cette dernière en profita pour s'échapper, et rejoignit Jet et Droy.

« Ouais : deux gêneurs qui viennent se mêler de ce qui les regarde pas. »

La tension montait entre les trois hommes, et la réponse du Dragon Slayer n'avait rien arrangé. Levy se préparait à intervenir avant qu'ils n'en vinssent aux mains.

« -Jet, Droy, vous en faites pas pour moi ! Je m'en occupe, et on part tout de suite après ! pipa-t-elle en s'interposant doucement.

-T'avais l'intention d'y aller avec eux, en plus ?! »

La jeune femme pressa sa main contre le bras de Jet, le plus prompt à la bagarre. Sans ça, il se serait déjà rué sur le colosse. Le geste n'échappa à personne.

Heureusement pour le bien de tous, la barmaid vint mettre fin à cette altercation. D'un claquement de doigt, elle fit disparaître les deux moitiés de l'annonce, qui réapparurent magiquement dans ses mains, recollées. Elle lut attentivement ce qui était noté, sans faire attention aux regards tournés vers elle : arbitre, elle aurait le dernier mot.

« Et pourquoi vous ne feriez pas la mission ensemble, vous deux ? » dit-elle à l'intention de Gajeel et de Levy, à la fin de sa lecture.

On n'aurait su dire qui avait l'air le plus surpris : Jet et Droy, scandalisés Gajeel, sceptique ou Levy, abasourdie.

Mira continua en argumentant :

« Vos magies respectives se complètent bien, même si c'est pas toujours évident au premier coup d'œil. Ça s'est d'ailleurs assez bien passé sur Tenroujima, non ? Voilà maintenant une bonne occasion de renouveler l'expérience. Et aussi, vous vous entendez plutôt bien dans le fond, je me trompe ? »

Elle n'avait pas tort. Avec du recul, leurs disputes tenaient plus de taquineries que de réels conflits. Si chacun y mettait un peu de bonne volonté, ils n'auraient aucun problème à passer quelques jours ensemble à Lilium. (Enfin, avec de la chance aussi, en plus de la bonne volonté, car les situations délicates ne manqueraient sûrement pas, et c'étaient bien elles qui risquaient de mettre le feu aux poudres.)

Oui, c'était une bonne occasion de revoir ce dont ils étaient capables en unissant leurs forces. Et ça leur permettrait de se rapprocher un peu, seuls tous les deux... Levy rougit à cette pensée, et la chassa le plus vite possible.

La mage lança un regard de Gajeel. Si elle était prête à accepter, ce n'était peut-être pas le cas du Dragon Slayer, et elle ne voulait pas donner son accord avant sa réponse. Surtout ne pas dire « oui » d'une manière trop enthousiaste, qui laisserait transparaître son envie « suspecte » de rester avec lui.

Le visage de ce dernier ne laissait rien paraître. Réfléchissait-il aux pour et aux contre de mener une mission avec elle, à une bonne excuse pour ne pas accepter, ou à autre chose ? Aucune idée.

Enfin, il lâcha, un peu hésitant :

« Ouais, pourquoi pas...Faut bien quelqu'un pour la surveiller... »

En arrière plan, Jet et Droy mimaient une décapitation, ou un autre type de mise à mort atroce. Toutes les mimiques étaient bonnes pour dissuader leur amie d'accepter. Surtout quand on voyait son sourire épanoui, ses yeux pétillants, et ses lèvres articulant déjà une réponse affirmative. C'était le dernier moment pour l'en empêcher, quitte à se rendre ridicules.

Mirajane, elle, avait adopté ce sourire qu'elle réservait à ses séances de ragots, particulièrement ceux qui concernaient les aventures amoureuses. Son sixième sens lui indiquait qu'elle n'avait plus à intervenir. Tout irait très bien tout seul, à présent.

En effet, Levy se tourna vers celui qui, pour la prochaine semaine, serait son coéquipier officiel :

« Ce sera avec grand plaisir, monsieur Redfox ! »