Jour 1.

Je voulais simplement survivre, ne pas voir le temps passer. Je voulais une vie simple et sans remous. Je devais l'avouer que j'étais une solitaire malgré moi, je n'avais pas d'amis, je me retrouvais souvent seule. Cette sensation d'être continuellement rejeté par les autres était terrible, particulièrement à la période de l'adolescence, on avait l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, on ne faisait pas partie de la masse, on était différentes. Pour les adultes, c'était bien de sortir du lot mais pas pour nous, on avait besoin de la reconnaissance des autres. Je voulais être comme les autres, partager des moments ensemble, rire, parler, être simplement avec quelqu'un…une amie…j'aimerai tellement en avoir une…connaitre cette sensation…de pouvoir me confier et me reposer sur quelqu'un et d'offrir réciproquement cette chance à l'autre.

J'allais en cours la boule au ventre, j'essayais toujours d'arriver pile à l'heure, ainsi je n'aurai pas à attendre tout de seule devant la porte de ma classe, de plus, les surveillants n'appréciaient pas qu'on traine dans les couloirs. De plus, les autres savaient que j'étais seul, je savais qu'ils parlaient derrière mon dos, qu'ils avaient pitié de moi, pourtant, ils ne venaient jamais me parler. C'était devenu normal cette situation, pas de mon côté.

J'entendis les élèves rires et discuter bruyamment, je tournais la tête par curiosité, je vis ce qui les mettaient de si bonne humeur. Shizuru Viola, une étudiante de dernière année, la plus populaire du lycée. Brillante élève, belle, sportive, elle avait tout pour faire rêver. Elle n'avait pas de petit ami, cependant, de nombreux garçons s'étaient proposés à ce rôle, il semblerait qu'elle les avait tous repoussée car elle se consacré pour le moment à ses études, elle voulait devenir juge, rien que cela. Elle était toujours entourée, aimée des élèves et des professeurs, je la jalousais intérieurement. Je ne la détestais pas, non, je me demandais ce que ça faisait d'être à sa place…elle se mit à sourire, ses yeux pétillaient de joie. Nos regards se croisèrent un bref moment. Je déglutis, je regardais derrière moi, il n'y avait personne d'autre dans les environs. C'était la première fois qu'on se voyait 'réellement'. Elle reprit aussitôt le fil de sa conversation. Voilà la réaction que je provoquais généralement auprès des autres. Un simple moment d'inattention puis on reprenait ses bonnes vieilles habitudes. J'entendis la sonnerie retentir. Je rentrais dans la salle de classe, j'avais ma place attitrée, tout au fond près de la fenêtre, toute seule. Je pris le cours en attendant la fin de l'heure.

C'était la pause déjeuner, je n'allais pas à la cantine, malgré que mes parents m'eussent payé les repas. C'était simplement humiliant de manger dans son coin. J'avais l'impression d'être une plante verte qui décorait les environs. En général, on prenait les chaises qui m'entouraient, j'avais une grande table pour moi toute seule. Donc je préférai manger à l'extérieur, loin de cette foule étouffante qui ne m'atteignait par leur présence mais indifférence. Je pris place à mon endroit et j'entendis comme des hoquettements. Je ne devais pas me montrer curieuse, je repris mon repas.

« Ils sont tous des hypocrites ! Je les hais ! Ils me dégoutent ! » Tonna une voix qui me mit en sursaut. Je renversais sur moi mon soda. Merde ! Jurais-je entre mes dents. Mais qui était cette folle qui hurlait ainsi ? Heureusement que je n'étais pas cardiaque. J'étais toute collante avec ce sucre sur mon chemisier blanc, heureusement que je buvais de la limonade, sinon j'aurai eu une tâche sur moi.

« Calmes-toi Shizuru, tu dois continuer de faire semblant de les apprécier. Après tu ne les reverras plus. Serre les dents et souris comme tu sais très bien le faire. Tu dois te faire aimer par eux, c'est ce qu'ils souhaitent tous, n'oublie pas, ce ne sont pas tes amis. Aucuns d'entre eux ne l'est. Tu le sais parfaitement, ils t'utilisent. » Shizuru ? Comme Shizuru Viola ? Non, ce n'était pas possible, ce n'était pas elle. J'entendis le bruissement des branches, je me précipitais derrière un arbre, je ne savais pas pour quelle raison je me cachais de la sorte. Je n'avais rien fait de mal. Peut-être un instinct de survie ? Je vis que c'était bien Shizuru qui était là, elle avait les larmes aux yeux.

« Pourquoi personne ne me comprend ? Je ne cherche pas à être populaire, adulé, seulement à avoir des amis…un ami me suffirait amplement. Il faut que j'arrête de parler tout de seule, on va me prendre pour une folle et me fuir comme la peste. Shizuru, respire, il ne reste plus que quelques moins, et tu partiras d'ici. » La nommée s'essuya les larmes qui dégringolaient sur ses joues, elle força un sourire qui semblait presque être comme d'habitude. Je compris qu'il était faux et elle s'en alla.