J'espère que vous me suivrez dans cette aventure, je ne sais pas si elle sera vraiment longue. J'avais le choix entre attendre d'en avoir plus et poster un long One Shot comme avec Fruits of Chaos, ou poster petits bouts par petits bouts. Comme je pense que la deuxième option me motivera à écrire, je m'en remets à vous.
Bonne lecture j'espère.
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Les règles du jeu
Première saveur
Je ne saurais vous dire quand tout a basculé. Auparavant, j'avais pris l'habitude de filer à cent à l'heure sur l'autoroute de ma vie sans trop me retourner, parce que c'était dans la logique des choses. Auparavant, j'avais appris à être humain, à être un homme, à faire la cour aux femmes. J'avais appris la vie, du moins le croyais-je.
Je menais mon existence tranquillement, si l'on peut véritablement la qualifier de tranquille. J'allais par monts et par vaux avec le groupe, et tout semblait marcher comme sur des roulettes. Je peaufinais mes accords, entrainais toujours plus sévèrement mes doigts. Je faisais de mon mieux pour ne pas rater la mesure, pour garder le bon tempo, puisque les progrès des autres me poussaient toujours plus à donner le meilleur de moi.
Puisque la musique était tout ce qui m'était cher.
Je ne saurais vous dire quand l'équilibre a commencé à faire des siennes. Pendant les concerts nous avions tous une fougue quasi animale, comme si l'électricité de nos corps s'apprêtait à disjoncter notre système. Seulement même si c'était à en crever on continuait de vivre de ces putain de secousses vibrant dans nos chairs, et on faisait partager notre passion à ceux qui avaient l'oreille assez proche du cœur.
On était jeunes, plus encore qu'on ne l'est maintenant. On était jeunes, on avait ça dans le sang. On ne demandait rien de plus, juste à continuer de donner naissance à tous ces sons. Puisqu'il y a des notes partout dans l'atmosphère et que les assembler harmonieusement est un des challenges les plus excitants qu'on pourrait imaginer.
Puisqu'aussi loin que je me souvienne, Bill avait toujours chanté, et que j'avais toujours voulu l'accompagner.
Je ne saurais vous dire quand les limites de la folie me sont apparues, ni quand j'ai senti pour la première fois que je les franchissais. Un monde a tremblé cette fois-là, le mien. Vous n'auriez pu le sentir, vous n'auriez pu l'imaginer.
La sueur, l'oubli, l'enchevêtrement des corps, scène d'orgie innocente, entre deux sursauts de sa voix, tout ça il aurait fallu que vous le voyiez pour comprendre. Nous quatre sur scène ça explosait les mœurs, ça sortait des concepts figés de l'adolescence douloureuse. On était jeunes, ouais, et comme Bill le chantait, ça faisait déjà quelques temps qu'on était passés à toutes ces choses interdites au moins de dix-huit ans, ça faisait longtemps qu'on avait commencé à vivre, comme des grands.
Tout nous semblait normal, des hurlements hystériques des filles aux questions stupides des journalistes. Pas qu'on pensait le mériter, non, ni que ça nous était dû. Simplement parce qu'on savait que le monde est ainsi fait, et qu'on s'y accommodait. Jusqu'à ce que la donne change, et que le moindre détail de nos vies sorte de la norme, du politiquement correct.
Je ne saurais vous dire quand tout a changé. Seulement, le soleil s'est levé avec le voile qui couvrait nos existences et rien n'a plus été pareil. Nous avons osé respirer à saouler nos poumons de l'air du monde et nous avons plongé dans un avenir abyssal, sans espoir de retour.
Bill et moi, nous nous aimions.
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