Titre : Chasse au loup
Rating : M
Genre : UA Mystery Trio, slash, lemon à plot, angst, fluff, UST à donf
Pairing : Ford/Fiddleford/Stan
Commentaire : Cette fic a été écrite pour chonaku pour le meme d'écriture d'Halloween, sur les thèmes "créatures fantastiques", "Possession/Ensorcellement" et "Transformation/body horror"; elle sera en trois chapitres.
Nombre de mots : 10 510
Flirter avec le frère de son meilleur ami ne lui serait jamais venu à l'esprit, et encore moins tandis qu'ils. D'autant que le dit frère avait le même visage – ce qui était pour le moins déroutant.
Mais Stanley était un séducteur. C'était évident dans son allure, dans le moindre de ses gestes, le roulement de ses muscles, son sourire canaille, le mouvement de ses cheveux retombant sur son front, sa grâce féline...
C'était naturel chez lui. Fiddleford ne pouvait s'empêcher de l'observer, comme on admire, à distance respectable toutefois, un grand fauve au pelage luisant. Intouchable. Magnifique.
« Alors, enfin seuls, hm ? », lança Stan en lui donnant un coup de coude.
Fiddle sursauta et le halo de sa lampe torche tressauta dans le noir.
- Sois pas aussi nerveux, je ne vais pas te manger !, s'exclama Stan, avec peut-être une once d'amusement dans la voix.
Fiddleford frissonna. La voix rauque et à l'accent voyou de Stanley Pines lui donnait des idées peu recommandables. Du genre qu'il entendrait volontiers susurrer à son oreille durant la nuit, après une étreinte torride sous les draps.
- Je ne suis pas nerveux !, se défendit Fiddle.
Stan rit, et ce son riche fit naître une chaleur agréable dans le ventre de Fiddleford, qui se répercuta dans son entrejambe.
- Tu as l'air nerveux, dit Stanley en enroulant son bras autour de ses épaules, le sourire aux lèvres.
Fiddleford remonta ses lunettes sur son long nez, s'apprêtant à dire quelque chose – il ne savait pas encore quoi – lorsqu'un hurlement canin retentit dans les bois.
Les deux jeunes hommes se figèrent dans l'obscurité, soudain tendus. Stan prit d'autorité la lampe des mains tremblantes de Fiddleford.
- On dirait qu'on l'a trouvé, déclara-t-il tout à fait sérieux à présent.
Il se plaça devant Fiddleford, le protégeant inconsciemment avec son corps.
Fiddle ne pouvait empêcher ses jambes de flageoler sous lui. L'angoisse lui serrait la gorge.
Il voulut retenir Stan. Lui dire de rester avec lui.
Certes, ils étaient venus pour le trouver, mais à présent, Fiddleford réalisait que c'était de la folie, et il avait peur pour Stan – et pour lui-même.
Un grondement terrifiant retentit juste en face d'eux. Puis il fut trop tard.
« STANLEY ! »
Stan ouvrit avec difficulté un œil, puis l'autre. Le visage inquiet de Stanford l'accueillit, et en retrait, un Fiddleford visiblement soulagé.
Avant qu'il puisse ouvrir la bouche, les bras de Ford l'étouffèrent.
- Stanley !
Stan, d'abord surpris, lui rendit son câlin maladroitement, en lui tapant dans le dos. Il grimaça.
Quand Ford s'écarta, il put constater que son bras était entouré d'un large bandage.
- J'ai été mordu ?, demanda-t-il.
Le silence mal à l'aise des deux autres lui servi de réponse.
- Eh ben...au moins, les poils, c'est viril. Même si ce n'est qu'une fois par mois.
- Hmm, en fait, techniquement, le pleine lune dure environ trois jours, précisa Fiddleford d'un ton hésitant.
Néanmoins Stan lui sourit en se redressant dans son lit. Il lui fit un clin d'oeil.
- Trois jours à me garder enfermer. Avoue que t'en rêvais...
Il éclata de rire en voyant Fiddleford devenir rouge pivoine.
Le bureau où Ford faisait ses recherches étaient son endroit favori de la maison. C'était petit, un peu étroit, mais il s'y sentait chez lui, et lorsqu'il se sentait d'humeur taciturne, lorsqu'il avait besoin de se retrouver seul, il s'isolait ici.
Il était heureux que Stanley ait reprit connaissance. Fiddleford et lui n'avait fait qu'attendre depuis que le médecin était venu traiter ses blessures. Ils lui avaient dit qu'il s'agissait d'une attaque d'animal sauvage – ce qui était assez proche de la réalité.
Pensif, Ford examina le tube qui renfermait les poils de loup-garou, qui avait été le fruit de cette aventure. Ça et le fait que Stan soit désormais atteint de lycanthropie. Mais Ford ne désespérait pas de trouver un remède.
Toutefois, quelque chose d'autre le tracassait.
Il était content de retrouver Stan, vraiment. Il avait passé des heures abominables à devoir le ramener ensanglanté et inconscient à la maison, à traiter ses blessures autant qu'il le pouvait tandis que Fiddleford appelait les secours.
Il pouvait honnêtement dire qu'il avait eu la peur de sa vie.
Cependant, il y avait une chose qui le gênait, et dont il ne pouvait pas parler – surtout pas maintenant.
Il n'aimait guère l'attitude de Stan avec Fidds.
Évidemment, il était content qu'ils s'entendent bien...mais Stanley était un peu trop familier avec lui. Il le connaissait bien : Stan ne pouvait pas s'en empêcher, c'était plus fort que lui. Il fallait qu'il séduise, qu'il se fasse bien voir. Ford savait bien que ce n'était qu'une façade pour cacher un cœur de guimauve.
Mais il voyait bien que Fidds n'était pas insensible à son charme, et ça le dérangeait. Il réfléchit, s'interrogeant sur les raisons de son malaise.
Il avait rencontré Fiddleford à l'université. Ils avaient les mêmes centres d'intérêt, la même curiosité pour les phénomènes étranges. C'était tout naturellement qu'ils s'étaient liés d'amitié, et quand Stanford avait emménagé à Gravity Falls avec sa bourse de fin d'étude, Fidds l'avait immédiatement suivi pour poursuivre leurs recherches.
Stan s'était joint à eux plus tard. Toujours perdu entre deux petits jobs, traînant dans son sillage quelques casseroles – et une ex-femme – Stanley ne savait plus où vivre. Ford et lui avait reprit contact peu après la fin de ses études, et Ford lui avait proposé de l'assister, de venir vivre ici. Le maison était grande, elle pouvait bien accueillir un habitant en plus.
Étonnamment, Stanley s'était montré d'une aide précieuse. Efficace, endurant, Stanley n'avait pas froid aux yeux et c'était grâce à lui qu'ils avaient réussi à obtenir plusieurs spécimens rares – en pensant à cela, Stanford jeta un coup d'oeil ennuyé au bocal contenant ce qu'il avait surnommé des bat-eyes.
Il n'avait ainsi pas manqué d'attirer l'attention de Fiddleford. Et Stanford n'aimait pas ça.
Il se rendit compte que sa pensée avait tourné en rond sans approfondir ce sentiment. Il retira ses lunettes et se frotta les yeux pour essayer de réfléchir. De petits triangles apparurent en surbrillance sous ses paupières, et il fronça les sourcils. Cependant, avant qu'il en ait réellement conscience, ils avaient disparu.
- C'est pas vrai..., soupira-t-il en enfouissant son visage dans ses mains.
C'était pourtant évident. C'est juste qu'il ne voulait pas voir ce qui lui pendait au nez.
Il avait le béguin pour son meilleur ami. Et celui-ci avait le béguin pour son frère jumeau, le tombeur de la famille Pines – et accessoirement loup-garou, enfin peut-être. Certainement.
- Oh misère...
Toute la journée du lendemain, Fiddleford l'avait passé avec Stanford – là ils étaient en train d'étendre le linge dehors. C'était reposant de ne pas être en compagnie de Stanley, du fait que celui-ci doive rester tranquille pour guérir de ses blessures.
Non pas que Fiddle n'apprécie pas sa présence – au contraire – mais il se sentait coupable.
Stanley l'avait protégé. Il s'était jeté sur la bête lorsque celle-ci était sortie des fourrées, toutes griffes dehors. Il l'avait roué de coups, et bien qu'elle ait réussi à prendre l'avantage, il avait continué de la frapper. Même à terre, et quand la créature failli lui arracher le bras en le mordant, il avait continué à lui crier de s'enfuir...
- Fidds ?
L'interpellé descendit de son nuage.
- Pardon, tu disais ?
- Je disais qu'à partir de la salive extraite des poils, on pourrait peut-être déterminer l'origine du virus, expliqua Ford.
- Hmmm...cela signifie que, tout comme les chats, les loups-garou se nettoieraient avec leur langue ?
Ford se frotta le menton.
- En effet. Ce n'est pas un comportement commun chez un canidé. Cela mériterait plus amples observations empiriques. J'aimerais beaucoup les voir dans leur milieu naturel...et puis je me demande s'ils vivent en meute...
Fiddle était déjà en train de prendre des notes dans un carnet. Ford eut un sourire attendri en le voyant faire. C'était exactement ce qu'il aimait chez Fidds : son opiniâtreté et sa passion, sa manière de faire toujours les choses avec sérieux...
- Cette fois c'est toi qui est dans la lune, fit remarquer Fiddleford.
Stanford secoua la tête pour s'éclaircir les idées.
- Désolé. Je...je me disais juste qu'il y a encore tant de choses que l'on ignore sur cette ville et sur ses habitants...tant de choses à explorer...
- Mais il va falloir que l'on soit davantage prudent, chuchota Fiddleford comme pour lui-même.
Ford hocha la tête, tout à fait d'accord.
- Je ne peux pas me permettre de perdre l'un d'entre vous.
Fidds sourit en rosissant.
Depuis la fenêtre du grenier, Stanley avait assisté à la scène. Il soupira et se rassit sur son lit. Il en avait marre de rester ici. Il voulait sortir.
Il posa la main sur son bandage. La morsure mettait plus de temps à cicatriser que le reste. Il avait beau jouer la bravade, il n'avait pas envie de devenir un monstre assoiffé de sang les soirs de pleine lune.
Il avait peur de perdre le contrôle. De faire du mal à quelqu'un.
Il tenait à Stanford plus qu'à la prunelle de ses yeux. Et il aimait bien Fidds aussi : c'était un garçon un peu étrange, un peu distant, assez timoré. Il y avait quelque chose de triste, de las, chez lui, qui donnait envie à Stan de le dérider.
Il avait toujours l'air de croire qu'une catastrophe était sur le point d'arriver. Un vrai pessimiste.
Si Stan les accompagnait dans leurs péripéties, c'était pour faire en sorte que ces deux nerds s'en sortent parmi les dangers dont regorgeaient cet endroit. Toutefois, si Stan devenait l'un de ces dangers, alors son rôle ne servirait plus à rien.
Or il ne voulait pas ça. Il voulait rester ici. C'était devenu sa maison, son foyer.
Il avait quitté sa famille très jeune, à la suite d'un concours de circonstances malheureux. Il s'était brouillé avec son frère.
Avec le temps, la rancœur et la colère s'était affadie, laissant un vide, une peine que rien ne pouvait combler. Il avait fini par passer ce satané coup de fil. Il avait fait une entorse à son orgueil, et il avait appelé Ford.
Ils s'étaient réconciliés. Ça avait été dur. Il y avait eu des cris, et même quelques coups. Stan était physiquement le plus fort, mais Ford se débrouillait pas mal. Il avait grandi, s'était étoffé. L'absence de son jumeau, étrangement, lui avait fait gagner en autonomie et en confiance en soi.
Stanley remarquait bien évidemment ses changements : une part de lui en était très fière...quant à l'autre...
Elle regrettait qu'il soit le seul à nourrir une affection sans borne à son frère. Pourtant, peu importe que le sentiment soit mutuel ou non, il ne lâcherait jamais Ford. Pas tant qu'il aura besoin de lui à ses côtés.
Et si un jour vient où il doit partir...ce sera déchirant, alors il préfère ne pas avoir à y penser.
On toqua à sa porte, ce qui le sortit de ses pensées moroses.
- Entrez !
Fiddleford passa timidement le nez dans la chambre.
- Je t'apporte ton déjeuner. Saucisse et œufs brouillés – je t'épargne les tentatives ratées de Stanford pour faire des toasts. Il a fini par démonter le grille-pain...
Stanley rit, tandis que son visiteur déposait sur ses genoux un plateau repas.
- Stanford n'a jamais eu sa place dans une cuisine...
« Ni ailleurs. », ajouta-t-il en pensée « Enfin, sauf dans une foutue université de renom à l'autre bout du pays. ».
- Mais il a essayé, répliqua Fiddleford.
Il posa une main compatissante sur l'épaule de Stan.
- Il s'inquiète beaucoup pour ton état...
Stan enfourna une bouchée et marmonna en mâchonnant :
- Et toi, tu ne t'en fais pas, c'est ça ?
Il savait exactement quelle réaction il allait obtenir en disant ça, et il ne fut pas déçu : Fiddle rougit et agita les mains devant lui.
- Oh mais-mais si voyons ! Bien sûr que je me suis inquiété ! Beaucoup même ! Et encore maintenant ! Je veux dire...
Stan écarta le plateau pour le reposer sur la courtepointe du lit. Il se leva.
- Alors tu t'inquiétais pour moi, taquina-t-il en se rapprochant.
Fiddleford baissa la tête.
- Oui, bien sûr. Bien sûr ! Tu...tu m'as sauvé la vie !
- Oh, c'est juste pour ça alors ?, murmura Stan d'une voix douce.
Fiddle releva la tête, le regardant dans les yeux. Il fronça les sourcils.
- Je n'aurais jamais pu te remercier...
- Tu peux le faire maintenant, dit simplement Stan en touchant son bras.
Fidds se statufia sur place. Stan en profita pour se pencher, et l'embrassa.
Derrière la porte, Ford se figea, comme hypnotisé par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il referma lentement le battant sans rien dire. C'était comme si son cœur s'était changé en plomb.
Les recherches ce jour-là n'avancèrent pas beaucoup. Fiddleford était plongé dans un océan contemplatif et Ford dans une humeur grognonne qui n'encourageait aucun de ses compagnons à l'approcher. Il avait fini par se cloîtrer dans son bureau une grande partie de la journée.
Néanmoins, lorsqu'il sortit enfin de sa tanière pour se servir un peu de café dans la cuisine, il tomba sur la dernière personne à qui il avait envie de parler.
- Ford, tu as une minute ? J'ai besoin de me gratter à deux endroits à la fois, et avec mon bras...
- Débrouille-toi !, coupa Stanford en l'évitant pour atteindre la cafetière.
Son frère se tourna vers lui, surpris par l'agressivité qu'il percevait dans le ton de sa voix.
- Heu, tu as un problème ? Tu veux en parler ?
- Non, répondit laconiquement Stanford en prenant une gorgée brûlante pour ne pas avoir à parler.
- Oh !
Les jumeaux braquèrent leurs yeux sur le nouveau venu : Fiddleford se dandina sur le seuil, mal à l'aise.
- Il reste du café ?
- Demande à Monsieur Tête de Pioche ici présent, grommela Stanley.
Ford le fusilla du regard. Fiddle soupira avant de faire un pas dans la cuisine pour tirer une chaise. Il s'assit le plus loin de Stan possible, ce qui réchauffa le cœur de Ford. Ce qui était idiot, mais il n'y pouvait rien. Il pouvait voir la gêne sur le visage de son ami.
Un peu de tension quitta ses épaules et il prit la peine de servir un nouveau mug – le préféré de Fidds, en forme de raton-laveur – qu'il tendit à son propriétaire.
Fiddleford esquissa une moue étonnée, le remercia puis prit une gorgée.
- Vous le buvez toujours sans sucre ?, fit Stan.
- L'effet de la caféine est meilleur...enfin je crois, répondit Fiddle.
- Je n'aime pas le sucre, marmonna Ford.
- Avant tu aimais ça, contre-attaqua Stan. Je me souviens d'une fois où...
Ford reposa brutalement sa tasse, faisant tinter la porcelaine.
- Je vais me coucher, annonça-t-il.
- Mais nous n'avons même pas dîné !, s'exclama Fiddleford.
- Je n'ai pas faim, répliqua Ford en se dirigeant vers la sortie.
Stan fit râcler sa chaise et attrapa Ford par l'épaule. Celui-ci se dégagea vivement.
- Ford, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu t'es comporté comme un trouduc toute la journée !
- Et tu t'y connais en conduite de trouduc, hein ?
- Allons, arrêtez, arrêtez de vous disputer !, intervînt Fiddleford en s'interposant entre eux deux.
- Je ne me dispute pas ! C'est lui qui se comporte comme un connard !, s'indigna Stan.
- Je ne...oh et puis zut, pense ce que tu veux !
- Tu vois !?, rétorqua Stan en désignant Ford à Fidds.
Celui-ci s'approcha de Ford.
- Tu as été...bizarre aujourd'hui. Est-ce que...est-ce que c'est à cause de ce qui est arrivé hier ?
- Ça n'a rien à voir avec hier, marmonna Stanford.
- Alors qu'est-ce que c'est ?
Ford regarda Fiddleford, qui le fixait d'un air soucieux. Puis il regarda son frère. Il baissa les yeux.
- Rien du tout. Pardon.
Il tourna les talons avant de craquer et de dire ce qu'il avait sur le cœur.
- Mouais, fit Stan. Je ne suis pas trop convaincu là.
- Quelque chose ne va pas...il faudrait qu'on sache quoi, déclara Fiddleford en se rongeant l'ongle du pouce.
- Il faudrait...mais qu'est-ce que tu veux y faire ? Il est têtu comme une mule. Il ne répondra pas...
Alors brièvement, Fiddleford se dit que ce serait vraiment bien qu'il existe une machine pour lire les pensées de Stanford.
Le lendemain, Ford avait plus ou moins repris ses esprits. Il savait que son attitude n'était pas constructive et qu'il ne pouvait pas rester à bouder jusqu'à la fin des temps. Quoiqu'il en pense, Stan et Fidds vivaient ici, et il allait devoir faire avec, bon gré mal gré.
Cependant il n'était guère difficile pour un œil avisé de constater certains changements : par exemple, il faisait en sorte de ne jamais se retrouver seul avec Stan. Par contre, il était toujours là quand Fiddle et Stan se trouvaient dans la même pièce.
Fiddleford ne comprenait rien. Et il ne pouvait même pas en parler avec Stan, vu que Ford se trouvait toujours dans les parages.
En plus, il n'osait pas se retrouver en tête à tête avec lui depuis le baiser qu'ils avaient échangé. Il ne savait toujours pas quoi en penser.
Après l'avoir embrassé, Stan s'était contenté de sourire sans rien ajouter, et puis ils n'en avaient plus reparlé depuis. Même si Fidds en rêvait toutes les nuits, ça ne changeait rien : il y avait très peu de chance que cela se reproduise un jour. Mais l'espoir fait vivre.
Stan n'y réfléchissait pas trop. Il écoutait ses tripes. Et elles lui disaient que quelque chose clochait.
Il avait traversé la moitié du continent pour rejoindre son frère, et à présent il ne pouvait même plus lui parler en privé. C'était comme si, tout doucement, il érigeait un mur entre eux.
Malheureusement, Stan, dans son état actuel, ne pouvait pas y faire grand chose. Habituellement, il aurait bousculé Ford, il l'aurait forcé à lui parler. Mais la situation était compliquée, il n'était pas libre de ses mouvements...et il avait des angoisses.
Il aurait voulu en discuter avec Ford. Il stressait de plus en plus à mesure que les journées filaient, le rapprochant inexorablement de la pleine lune. Il ignorait encore s'il allait se transformer ou non. Il priait pour que ça n'arrive pas, tout en sachant que les prières étaient inutiles.
Il aurait bien eu besoin de son frère à ses côtés. Sauf qu'il ne pouvait pas lui demander en ce moment.
Ils étaient coincés.
« Chhhh. », souffla la voix rauque de Stan à son oreille, pendant que son corps ferme se pressait contre son dos.
Fiddle se cambra en geignant.
- Stan...
La main brûlante de Stanley s'aventura entre ses cuisses, dans son pantalon de pyjama...
- Hmmmm, ouiiii..., gémit Fiddleford dans son sommeil.
Il commença à onduler lentement, frottant son entrejambe contre la boule que formait les draps.
- ...Lee-y, hoqueta-t-il avant de se raidir et de jouir dans son slip.
Soudain il était éveillé. Il n'ouvrit pas tout de suite les paupières, essayant de rattraper les bribes de rêve qui le fuyaient à mesure qu'il reprenait conscience. Mais l'humidité dans son sous-vêtement le tira de ses rêveries et il soupira en constatant les dégâts.
Il se leva, enfila ses chaussons, et se dirigea vers la salle de bain.
Il devait être dans les 2h du matin. Stan détestait se lever au milieu de la nuit, mais la douleur l'avait réveillé. Il tâtonna son bras et s'assura que son bandage était toujours en place. Il lui arrivait de s'appuyer sur sa blessure en roulant sur le flanc – c'était son côté préféré pour dormir.
Il se rendit alors compte qu'il avait envie de pisser. Grommelant dans sa barbe quelques jurons, il quitta l'abri accueillant de ses couvertures et frissonna dans l'air glacé. Normalement il n'y aurait pas fait attention – il était du genre à se promener en marcel et caleçon. Mais depuis qu'il avait été mordu, ses sens étaient légèrement plus sensibles.
Il quitta sa chambre au grenier et rejoignit la salle de bain. Quelle ne fut sa surprise de trouver Fidds devant la porte de celle-ci, avec dans la main ce qui semblait être un slip.
- Wow, fit Stanley tandis que Fiddleford tournait la tête vers lui, les yeux écarquillés. Cette situation est vraiment inconfortable.
Fiddle s'empressa de cacher le sous-vêtement souillé derrière son dos. Il était mort de honte.
Stan haussa un sourcil en détaillant les traits de Fidds dans l'obscurité. Sa vision s'était également améliorée et il voyait mieux dans le noir à présent.
C'était rare de voir Fiddleford sans ses lunettes.
- Ah heu...
- Un petit rêve mouillé ? T'inquiète, on en fait tous...
Il regarda Fidds piquer un fard, les yeux rivés sur ses chaussettes. Quelque part, c'était vraiment agréable de vivre avec ces deux nerds : Stanley se sentait plus fort à leur côté. Il pouvait jouer son rôle de mec assuré, et même y croire par moment. Quand il voyait Ford ou Fidds être si fragiles, si peu confiants en eux-mêmes, ça lui donnait envie de gonfler le torse, de tout faire pour les protéger.
Il avait toujours été comme ça. Il savait que cet instinct provenait de son enfance, quand il devait défendre Ford contre les bullies de l'école. Mais il ne pensait pas que ça le ferait se sentir mieux dans ses baskets une fois adulte ; il ne pensait pas être un héros. Il n'était pas à la hauteur.
Toutefois il s'efforçait d'essayer. Pour Ford. Et pour Fidds.
- Hey...
Il lui fit relever le menton. Se rapprocha en sentant confusément la tension dans l'air, l'électricité qui semblait le parcourir, hérissant les poils de ses bras.
- Sta...Stanley..., murmura Fiddleford d'une voix faible.
Dans un grondement bestial, Stan le plaqua contre le mur et se jeta sur sa bouche.
Malgré l'heure tardive, Ford était encore en train de travailler dans son cabinet.
Des feuilles étaient étalées un peu partout sur son bureau et sur le sol. Pourtant, il n'arrivait pas à trouver la solution. Il avait fait des analyses, mais rien ne concordait avec ses attentes.
Mortifié par son propre échec, il se passa la main dans les cheveux. La pleine lune approchait à grand pas.
Il jeta un coup d'œil morne au calendrier accroché sur le mur. 10 jours. C'est tout ce qui leurs restait avant que Stan ne se transforme en créature assoiffée de sang.
Il devait le sauver à tout prix !
Néanmoins, même avec la meilleure volonté du monde, il ne pouvait pas rester éveillé indéfiniment. La fatigue commençait à le rattraper, et il dodelinait de la tête sur ses notes. Les lignes manuscrites se brouillaient sous ses yeux. Il avait l'impression de s'endormir sur place.
« Salut génie ! »
Ford se réveilla en sursaut. Il regarda autour de lui, mais il n'y avait personne.
Le matin suivant, une douce odeur de pancakes poussa Ford jusqu'à la cuisine. Il se rendit compte que son estomac criait famine.
Traînant des pieds, il suivit le délicieux fumet, guidé seulement par ses narines, les paupières à demi-fermés. Il était tôt, et il avait peu dormi, alors son corps était lourd, mourant d'envie de se recoucher.
Stan était aux fourneaux. Sa blessures ne le gênait pas pour cuisiner, et il faisait cuire des petites crêpes dans une poêle, les empilant dans une assiette.
Un flot de salive envahit la bouche de Stanford. Ça lui rappelait des souvenirs. Ça lui rappelait la maison.
- Oh, bonjour !, s'exclama Stan en se retournant.
Ford n'avait tout simplement pas l'énergie de lui faire la tête plus longtemps. De plus il était découragé par le manque d'avancement de ses recherches. Il s'affala sur une chaise.
- Fiddleford n'est pas encore réveillé ?
Les oreilles de Stan se mirent à rougir et, bien qu'il lui tourne le dos, Ford décela une tension dans les muscles de ses épaules.
- Non. Il dort encore.
Ford se servit un verre de jus d'orange frais qui trônait sur la table dans un pichet.
- J'ai été désagréable avec toi ces temps-ci, dit-il en pesant ses mots. Je m'excuse.
La poêle heurta le bord de la gazinière et Stan siffla de douleur entre ses dents. Ford se leva immédiatement, par réflexe.
- Hey, est-ce que ça va ? Attends...
Il lui saisit la main et la plaça d'autorité sous le jet d'eau froide du robinet.
- Fais donc un peu plus attention. Tu es déjà blessé, inutile d'en rajouter...
- Ford, attends, viens voir !
Stanford, qui était en train de couper le gaz, se retourna. Stan lui montra sa main. La brûlure sur sa paume se racornie, puis elle disparut purement et simplement.
- Nom d'une licorne ! Fais voir ça ?!
Stan laissa diligemment son frère s'emparer de sa main et l'examiner sous toutes les coutures. Il caressa l'endroit où aurait dû se trouver la plaie, mais la peau était déjà lisse.
- C'est incroyable, murmura-t-il pour lui-même.
- Tu penses que c'est lié à la morsure ? Je suis en train de me transformer ?
Ford releva le nez pour regarder son jumeau avec attention. Il ne s'en était pas aperçu au premier abord, mais à présent il pouvait dire que Stan était nerveux.
Cependant il devait être honnête.
- Tu n'es pas en train de te « transformer » à proprement parler. Mais tu es en train de changer, ça ne fait aucun doute.
Stan lui retira sa main en grimaçant.
- Génial, grogna-t-il.
- Stan...on va trouver un remède. Je suis certain que tout va aller pour le mieux.
- Tu n'en sais rien. Si jamais...si jamais on ne pouvait rien faire...il faudra que je parte.
Cette déclaration fit un tel choc à Stanford que ce fut comme si un poids venait de lui tomber dans l'estomac.
- Tu...tu veux partir ?
- Je ne veux pas partir, dénia Stanley. Mais si c'est le seul moyen pour que vous soyez en sécurité, alors je DOIS le faire.
- Tu ne peux pas partir. Je t'ai dis qu'on trouverait un moyen.
- Oui, mais si on ne trouve RIEN, hein ?, s'emporta Stan. Si jamais je me métamorphose en monstre et que je vous attaque, toi et Fidds ? Tu imagines ? Je ne peux pas permettre ça !
Son frère l'agrippa, tentant instinctivement de le rapprocher de lui.
- Tu n'as pas à partir. Tu ne nous feras pas de mal...
Stanley baissa la tête, répétant à nouveau :
- Tu n'en sais rien...
- Si. Parce que si on doit en arriver là, je m'assurerais que tu sois enfermé quelque part à l'abri.
La main de Stanford se posa sur son épaule ; il le fixa dans les yeux, l'air déterminé.
- Je ne laisserais rien de mal arriver. Je te le promets.
Une ombre de sourire joua sur les lèvres de Stan et se répercuta sur celles de Ford. Ses doigts serrèrent un peu sur l'épaule, ainsi l'espace d'un instant, ils avaient retrouvé cette complicité fraternelle qu'ils avaient partagé étant enfants, alors qu'ils partageaient tout. Une époque lointaine où les choses étaient simples, où leurs sentiments l'un envers l'autre étaient clairs.
- Hmmm, j'ai senti une bonne odeur !, s'exclama Fiddleford en baillant, debout sur le seuil. Je prendrais bien un pancake ou deux !
Le ton de sa voix paraissait un peu forcé. Stanford remarqua qu'il rougissait...et Stanley aussi.
Il les regarda alternativement, tandis qu'ils évitaient de se regarder.
Il s'était définitivement passé quelque chose entre eux...mais quoi ?
Assis sur sa chaise, Fiddleford grignotait son pancake, mille et une pensées tourbillonnant à cent à l'heure dans sa tête.
Cette fois, pas d'erreur, il pouvait objectivement conclure que Stanley était attiré par lui.
Il sentait encore dans un frisson la chaleur moite de sa bouche sur la sienne, son corps contre le sien et ses mains larges en train d'empoigner vigoureusement ses fesses.
Il avait glapi à ce moment-là. Pas parce qu'il avait peur, mais parce qu'il avait pris par surprise. Il avait eu envie le toucher en retour, de s'accrocher à son cou, de simplement répondre à son baiser.
Mais au lieu de cela, il était resté immobile, se laissant docilement faire comme une poupée de chiffons.
Stan s'était lentement écarté, trop tôt à son goût mais pas assez pour qu'il en ressente le manque. Son nez avait caressé doucement le sien, et la voix rauque de Stanley lui avait murmuré, son souffle s'écrasant sur les lèvres encore brûlante de Fiddle :
- J'y vais le premier, ok ?
Et avant même que ses paroles ait atteint le cerveau de Fiddleford, Stan s'était glissé dans la salle de bain...et avait même tiré le verrou derrière lui, dans un cliquetis signifiant clairement la fin de leur échange.
Alors oui, Stanley l'avait embrassé, et tripoté un peu partout, et ç'avait été l'un des instants les plus excitants de sa vie...mais à présent il ne savait plus du tout où s'en tenir avec lui !
Est-ce qu'il devait faire comme si rien ne s'était passé ? Est-ce qu'ils sortaient ensemble ? Est-ce que Stanley voulait une « amitié améliorée » ? Fidds avait déjà entendu parler de ça...et pour être honnête avec lui-même, si Stan lui avait proposé, il aurait même été d'accord pour ça aussi.
Il détestait seulement l'ambiguïté de leur situation actuelle. Tout plutôt que cette incertitude embarrassante.
- Ça va ?
En relevant le nez de son assiette, Fidds croisa le regard de Ford. Toujours aussi calme, il le regardait avec attention, et Fiddleford se sentit comme un insecte sous la lame d'un microscope.
- Oui, murmura-t-il en jetant vérifiant que Stan ne les écoutait pas.
Celui-ci était occupé à faire la vaisselle. Les yeux de Fidds ne purent s'empêcher de s'attarder sur son petit fessier bien moulé par le jean...
- Oh mon dieu, grogna-t-il en levant les yeux au ciel, agacé par sa propre réactivité en présence de Stanley.
Son entrejambe tressaillit d'intérêt. Il se mordit la lèvre.
- Quoi ?, demanda Ford.
- Rien, rien, marmonna-t-il en réponse.
Stanford finit par lâcher l'affaire. Mais Fiddle voyait bien dans ses yeux qu'il ne comptait pas en rester là.
C'était une question délicate, alors autant l'aborder de front, comme un homme. C'était le début de soirée, ils se trouvaient dans leur salle de travail quand Ford passa à l'action.
- Il s'est passé quelque chose avec Stanley ?, demanda Stanford en tournant la page de son livre sans même la quitter des yeux.
La surprise fonctionna à merveille et Fiddleford s'étrangla tout seul.
- Quoi ? Non !
- J'ai cru. Tu n'arrêtes pas de le regarder avec, excuse-moi pour cette expression, « des yeux de merlan frit ».
Il perçut plus qu'il ne vit Fiddle s'agiter sur sa chaise.
- Je ne...je ne fais pas ça. Tu as dû imaginer.
- Et il flirte avec toi, ajouta Ford d'un ton égal, sans paraître apporter plus d'attention que ça à la conversation.
« Si tu savais ! », répondit Fiddleford dans sa tête. Il chassa de son esprit le souvenir des mains fermes de Stan glissant sur sa taille, sur sa peau nue...
- C'est plutôt dans son caractère, non ?
- J'ai le sentiment que tu lui plais.
- Ah bon ?, marmonna Fidds, la bouche sèche. Je n'ai pourtant pas eu cette impression.
- Est-ce...est-ce qu'il te plaît ?, interrogea alors Stanford.
Il arrêta soudain d'écrire, figé. La question lui importait vraiment – et la réponse plus encore. Il avait peur de l'entendre, mais il fallait qu'il l'entende.
Fiddle s'aperçut de son changement d'attitude. Il interpréta cela comme une inquiétude légitime envers son frère. Cela le rendit d'autant plus nerveux.
- Je ne vois pas pourquoi nous avons cette discussion. C'est ridicule.
Ford leva la tête et riva son regard au sien, particulièrement intense.
- Je ne pense pas que c'est ridicule. Je ne te jugerais pas si c'est le cas.
Cette fois Fiddle rougit.
- Mais enfin Ford, qu'est-ce qui te prend ? Depuis quand t'as envie de parler de...de ce genre de sujets ?
Stanford croisa les bras, sur la défensive. Il n'aimait pas la tournure que prenait la conversation. Il aurait préféré que Fidds soit honnête, qu'il lui dise réellement ce qu'il ressentait.
Peut-être que cela lui permettrait de passer à autre chose et ne plus ressentir ce pincement au cœur quand il voyait Fiddleford et Stan ensemble – quand il voyait combien Fidds le désirait, et ne remarquait pas son propre regard sur lui.
- Tu es mon ami. C'est ce que les vrais amis font...non ?, répondit-il avec froideur.
- Je ne me souviens pas t'avoir jamais vu t'intéresser à ma vie sentimentale du temps de la fac !, s'exclama Fiddleford sur un ton un peu plus aigu. Et pourtant, j'ai eu plusieurs aventures, avec des FILLES, figure-toi. Mais bizarrement, là, ça ne t'intéressait pas quand j'en parlais. Peut-être parce que ça ne concernait pas TON frère.
- Ce n'est pas...je n'ai pas voulu dire..., balbutia Ford, blêmissant.
- Oui, j'ai entendu, Ford. Tu ne me jugeras pas. N'empêche que je te trouve soudain très curieux, alors qu'en vérité ça n'a RIEN à faire avec toi !, s'exclama Fiddle en se levant.
- Fidds, attends !, lança Ford en quittant sa chaise, cherchant à le retenir.
- J'ai besoin d'aller prendre l'air, déclara sèchement Fiddle en lui tournant le dos.
Il quitta la pièce sous le regard désolé de son meilleur ami.
La colère de Fiddleford fondit au moment où il passait le seuil de la maison. Toutefois, par orgueil, par crainte peut-être, il ne revînt pas en arrière. Il s'éloigna dans la cours plongé dans l'obscurité, tourna autour de la bâtisse, et finit par trouver une souche, sur laquelle il décida de s'asseoir.
Il était encore contrarié, mais pas complètement envers Stanford. Il s'était conduit de façon puérile et il le savait.
De toute évidence, Stanford avait réussi à le percer à jour ; cela signifiait donc qu'il n'était pas aussi subtil qu'il le croyait. C'était d'une part assez vexant.
Cependant, en plus de ça, il avait peur. Peur de la réaction de Ford, qui ne laissait rien paraître mais qui n'en pensait pas moins. Il avait déjà l'impression que celui-ci le considérait comme une sorte d'assistant moins intelligent que lui – il s'y était adapté, parce qu'il appréciait vraiment Ford, parce qu'il était passionné par ce qu'ils faisaient ensemble.
Il ne voulait pas que Ford pense du mal de lui et le traite différemment. Il ne voulait pas que Ford croit qu'il essayait de lui voler son frère. Fiddleford savait combien ç'avait été dur pour Stanford de se réconcilier avec Stanley ; il avait vu combien cela avait aussi rendu Ford heureux quand Stan avait accepté de venir vivre avec eux. Il ne l'avait pas dit, bien sûr, parce que c'était Ford et qu'il n'était pas du genre à parler de ses sentiments. Mais Fiddle le connaissait trop bien pour passer à côté.
Il ne voulait pas s'interposer entre eux alors qu'ils étaient en train de reconstruire leur relation, petit à petit.
Ce qui était arrivé n'était pas que de sa faute. Et le désir qu'il éprouvait se renforçait davantage à cause de ce qui s'était produit entre Stan et lui.
Donc il ressentait une grande frustration envers Stan...et maintenant, un peu de colère aussi.
Pourtant, c'était envers lui-même qu'il était le plus en colère, pour être si facile à déchiffrer, pour être si facile à manipuler, à exciter.
Il soupira lourdement en se prenant le visage dans les mains.
« Crétin, crétin, crétin... »
- Qui est un crétin ? Pas moi j'espère ?
Fiddle se redressa vivement. Stan fumait une cigarette à côté de lui, debout.
Fidds s'assombrit. Il ne répondit rien et regarda droit devant lui, tentant de voir à travers les arbres de la forêt.
- Tu me fais la gueule ?
- Je ne fais pas la gueule !
Stan esquissa un sourire goguenard, la clope au bec.
- Ouais, si tu le dis.
Sans le vouloir, les yeux de Fiddleford se retrouvèrent attirés par la silhouette massive de Stanley. Il le détailla attentivement, s'attardant sur les muscles de ses épaules, ses bras...
Il leva la main et toucha son bandage. Une vague de culpabilité le submergea.
- Tu as mal ?
Stanley souffla sa fumée dans l'air nocturne et regarda Fidds avec douceur.
- Non, ça va, souffla-t-il. C'est juste un peu gênant pour dormir, mais...
Sa voix s'étrangla et il porta vivement sa cigarette à sa bouche pour reprendre contenance. Il sentit la main de Fiddleford s'emparer de la sienne.
- Ne t'inquiète pas, on trouvera un remède. Stanford est un génie, il découvrira forcément quelque chose d'utile dans peu de temps...
- Tu es vraiment confiant, hein ?, grogna Stan, légèrement narquois.
- Oui, je le suis. Stanford est l'esprit le plus brillant que j'ai jamais rencontré. Je ne l'ai jamais vu rencontré un problème qu'il ne pouvait résoudre.
Stanley prit un air un peu interloqué ; il ne s'était pas attendu à une telle dévotion de la part de Fiddleford. Il savait bien entendu qu'ils étaient très amis – et Ford n'en avait pas beaucoup – mais il ne s'était pas attendu à ça.
- Tu l'admires beaucoup on dirait...
- Parce que toi non ?, rétorqua Fidds.
- C'est un idiot, déclara Stan en jetant son mégot par terre pour l'écraser sous sa semelle.
Fiddle allait répliquer, quand Stan se pencha lentement sur lui.
- Il ne voit même pas ce qu'il a sous les yeux, chuchota-t-il avant de poser ses lèvres sur les siennes.
Cette fois, Fidds l'agrippa par le col pour l'empêcher de s'éloigner. Et cela convenait parfaitement à Stanley.
Cela faisait des heures que Stanford compulsait les ouvrages de références, les données collectées et les résultats d'analyse, sans succès.
De rage, il finit par envoyer valser le livre qu'il tenait dans les mains.
Celui-ci percuta une pile de feuilles qui se renversa. Dans un grognement de contrariété, Ford se pencha pour ramasser.
Il en avait assez, et en même temps il ne pouvait pas s'arrêter. Pourtant une part de lui avait envie de laisser tomber, et cela le faisait culpabiliser parce qu'il se disait que peut-être cette part de lui n'était en fait que de la jalousie pure et simple.
Le fait étant qu'il n'avait toujours pas trouvé de solution. La pleine lune se rapprochait, Stanley commençait déjà à changer physiologiquement. Bientôt ce serait trop tard.
Comment faire ? Il ne pouvait pas abandonner. Mais il lui fallait dormir...sauf que chaque minute perdue à dormir était une minute en moins qu'il restait à Stanley.
On ne savait même pas si, une fois métamorphosé, il pourrait redevenir humain. Qu'est-ce qui se passerait s'il restait un monstre après ? Ou si la transformation influait sur sa personnalité ? Ils ne savaient rien de la lycanthropie, de son influence sur l'organisme, de ses effets sur le cerveau !
- Seigneur !, jura Ford, à quatre pattes sur le plancher.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Il ne s'était jamais senti aussi désemparé et aussi seul. Il était en train de perdre Stan. Il était en train de perdre Fidds.
Son regard se posa sur ses mains difformes. Au moins ne serait-il plus le seul monstre de la famille.
Cette pensée lui arracha un rire bref comme un sanglot, qui fit hoqueter sa poitrine.
Soudain ses yeux se posèrent sur un vieil ouvrage qu'il n'avait pas encore lu.
Sur la couverture en cuir, il y avait un symbole : un triangle orné d'un œil en son centre.
- Je n'ai jamais fait ça avant, avoua Stan.
- Moi non plus, haleta Fiddleford en l'embrassant derechef.
Il se moquait bien d'être inexpérimenté. Il voulait plus.
- On pourrait monter dans ta chambre, proposa Stan à brûle-pourpoint.
- D'accord, répondit aussitôt Fidds.
Les pages du livres étaient piquetées de taches d'humidité et le papier était fin, si fin que Ford avait peur de le toucher. Il tournait délicatement les pages, se faisant l'effet d'un archéologue entrant dans une grotte restée inexplorée où figurait de magnifiques peintures rupestres.
Le contenu du livre était fascinant. Il était empli de diverses explications sur les aberrations géographiques et historiques qui avaient conduit Gravity Falls à être le point névralgique de toutes les forces surnaturelles.
Et sur chaque page, il y avait toujours ce symbole du triangle avec un œil.
Ford ne pouvait plus s'arrêter de lire.
A peine arrivée dans le chambre de Fiddleford, Stan défit prestement sa ceinture en embrassant son compagnon.
Fidds était nerveux, mais trop émoustillé pour y penser. Il n'avait plus qu'une envie.
Lui retirer toutes ses fringues.
Stanley le poussa brutalement, le faisant tomber sur le lit. Il s'abattit sur Fidds et le coinça sous lui en continuant de l'embrasser, dans le cou cette fois. Les mains de Fiddleford tirèrent sur son jeans et finalement, le pantalon finit par glisser. Les jambes de Stan se débattirent avec jusqu'à ce qu'il tombe par terre.
Stanley se redressa, le temps de faire passer son t-shirt par dessus sa tête et Fidds le dévora des yeux. Son torse était définitivement viril, musclé et couvert de poils. Mais ça ne le dérangeait pas – ça l'excitait d'une certaine manière. C'était nouveau pour lui et l'expérience lui faisait d'autant plus envie.
Il ne pouvait pas voir ses cicatrices dans la pénombre, cependant il savait qu'elles étaient là et voulait les toucher. Il tendit les bras, sentant l'entrejambe gonflée de Stanley contre ses cuisses serrées, et Stan revînt sur lui, le regard brillant d'une faim insatiable.
Fidds gémit lorsqu'il lui mordilla l'oreille.
Pris d'une frénésie fiévreuse, Stanford traça au fusain un cercle et des symboles sur le plancher. Il était habitué au dessin, fort heureusement, et il recopia habilement la page du livre qu'il avait posé devant lui. Puis il alluma quelques bougies – il y en avait dans un placard de son bureau, au cas où il y aurait une coupure de courant.
L'endroit, placé en sous-sol, était parfaitement silencieux et idéal pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Ainsi, si cela échouait, les autres ne seraient pas au courant.
Fidds cria quand les dents de Stan appuyèrent un peu trop fort contre la jointure de son cou et de son épaule. Toutefois il s'agrippa à lui comme à une bouée de sauvetage, enroulant lascivement sa jambe autour de sa taille. Il était encore habillé, mais ça n'avait pas la moindre importance, car il était tellement brûlant et dur qu'il pouvait très bien jouir comme ça, rien qu'à cause du frottement et des baisers de Stan.
Celui-ci gronda :
- Pardon.
Les mains de Fidds parcoururent avidement son dos, tâtant les cicatrices laissés par son affrontement avec le loup-garou, mais aussi par une vie de labeur et de galère qui l'avait conduit jusqu'ici. Fiddleford ne connaissait pas tous les détails mais il avait appris que Stanley avait eu maille à partir avec la justice, en créant des arnaques pour essayer de s'en sortir.
Au début de son arrivée à Gravity Falls, il avait eu des appréhensions. Mais Stan était un véritable charmeur, on ne pouvait pas lui retirer ça.
- J'ai trop envie de toi, chuchota Stanley d'une voix rauque en insinuant sa main large sous sa chemise froissée.
La température dans le corps de Fidds grimpa automatiquement de deux degrés.
Ford éteignit les lumières et se plaça au centre du pentacle. Les triangles formant les branches, ornés chacun d'un œil, semblaient l'observer et se moquer de lui.
Il s'assit en tailleur et ferma les yeux. C'était compliqué de se détendre pour son esprit tournant à plein régime ; mais la fatigue aidant, il réussit rapidement à tomber en transe. Il savait qu'il s'était endormi et il se sentait flotter dans l'immensité vertigineuse de l'univers. Autour de lui il y avait des livres, des parchemins, des graphiques, des équations et des esquisses...il se sentait étrangement bien. Cet environnement lui était familier, comme une cachette secrète où il pouvait se réfugier et qui resterait stable, qui maintiendrait son équilibre interne quoiqu'il arrive.
"Yellooow !"
Il se retourna brusquement vers le son de cette voix. Et il ne s'attendait certes pas du tout à ce qu'il découvrit.
Rendu impatient par le désir, Stanley avait déchiré sa chemise. Fidds aurait bien protesté mais...comment pourrait-il, alors que la bouche brûlante de Stan couvrait son torse pâle de baisers humides, descendant toujours plus bas, tandis que ses mains s'attelaient à la dure tâche de lui enlever son pantalon sans regarder.
- Staaaaan..., souffla-t-il en crispant ses doigts sur le drap, ne pouvant l'enlacer sans gêner ses mouvements.
Stanley releva la tête et Fiddleford sursauta.
Ses yeux luisaient d'un éclat rouge dérangeant.
- NOM DE DIEU !, hurla brusquement Fidds en s'empressant de reculer contre le montant du lit, se cognant la tête contre le mur.
- Qu'est-ce que...?
- Ne m'approche pas, NE M'APPROCHE PAS !, s'écria Fiddleford en se relevant pour essayer de mettre le plus de distance entre lui et le loup-garou.
- Quoi ?, s'exclama Stanley en s'asseyant sur ses talons. Merde Fidds, t'as quand même pas changé d'avis ?
Fiddleford le montra du doigt en tremblant.
- Tu...tes yeux...ils...
Stan fronça les sourcils.
- De qu...
- Ils étaient rouges !
- T'as rêvé !, répliqua aussitôt Stanley.
- Non je n'ai pas rêvé !
Stan serra le poing.
- Oh, ça va, j'ai compris. T'as la trouille ? Très bien !
Il ramassa son t-shirt et descendit du lit. Fiddleford se détendit un peu.
- Où est-ce que tu vas ?
Stan récupéra son jeans, qu'il enfila à la va-vite.
- Dans ma chambre !, aboya-t-il.
Et il sortit en claquant la porte.
La créature avait la forme d'un triangle doré, avec un gigantesque œil en son centre, un nœud papillon et un chapeau haut de forme noirs, assorti d'une paire de bras et de jambes squelettiques.
Ford eut un mouvement de recul, effrayé, mais la voix s'éleva à nouveau – alors que le triangle ne disposait pas de bouche.
« Cela fait longtemps que je t'attendais ! Je n'ai pas reçu de visiteur depuis bien longtemps. Tiens, assieds-toi, prends donc une tasse de thé... »
Un siège apparu et cogna son rebord contre les jambes de Ford pour qu'il s'assoit dedans. Une tasse de thé et une théière surgirent de nulle part dans les airs.
La tasse ainsi que sa coupelle se posèrent sur les genoux de Stanford. Ce dernier, désemparé, suivit du regard la créature.
- Je...je suis venu chercher de l'aide.
- Et je peux te l'apporter. Mon nom est Bill. Bill Cipher.
- Je suis...
- Stanford Pines, oui je sais. Je sais qui tu es, Ford. Comme je te l'ai dis, je t'attendais.
Le jeune homme écarquilla les yeux.
- Mais comment connaissez-vous mon nom ?
- Je sais beaucoup de choses. Beauuuucoup de choses, déclara Bill tandis que des images trop rapides défilaient dans son œil comme sur un écran.
- Alors...pouvez-vous m'apporter les réponses dont j'ai besoin ?, demanda Ford.
La voix étrangement ironique de Bill s'éleva :
- Je pourrais...mais pour cela, nous devons d'abord conclure un accord.
- Quoi, comment ça un accord ?, s'inquiéta Ford.
- On n'a rien sans rien. Mais inutile de nous presser. Faisons connaissance...
Il fit sortir un échiquier de nulle part.
- Tu as un esprit hors norme, Stanford Pines. J'ai hâte que nous devenions amis, toi et moi...
Ford rosit en souriant, flatté. C'était la première fois que l'on cherchait à gagner son amitié et cela le faisait se sentir exceptionnel – mais dans le bon sens du terme, cette fois.
- Les blancs commencent, dit-il en buvant une gorgée de thé.
Fiddleford regardait le plafond. Il avait mis du temps à se calmer, et à présent il se repassait en boucle ce qu'il s'était passé. Il se sentait tellement idiot, c'était affreux.
Peut-être qu'après tout, il avait imaginé les yeux rouges. Et à cause de ça, il avait tout gâché.
Stanley devait être furieux contre lui. Il s'était sacrifié pour lui, et voilà comment il le remerciait. Bientôt, Stan risquait de se transformer en monstre ; et à cause de ça, il devait être très angoissé. Fidds n'était pas un expert en psychologie humaine, pourtant il avait bien vu que Stan était devenu nerveux quand ils avaient commencé à parler de sa blessure.
C'était en partie sa faute si Stanley avait été blessé. Ils n'auraient pas dû partir en expédition sans arme, ç'avait été complètement imprudent. Portés par leur enthousiasme, ils avaient simplement pensé observer, sans approcher les créatures, et ils n'avaient pas réfléchis aux risques qu'ils encourraient.
Ils s'étaient montrés stupides.
Frustré, Fiddle se redressa dans son lit. Il regarda la porte en hésitant.
Il devait s'excuser. Cependant, il pouvait attendre demain, que les choses se tassent. Stanley avait l'air si furieux contre lui – à raison d'ailleurs.
Seulement il était impossible qu'il parvienne à s'endormir après ça ; il se sentait trop mal, trop coupable.
Il savait qu'il était lâche. Il savait qu'il n'était pas brillant comme Ford, ou fort comme Stan. Il vivait avec ces deux-là grâce à un concours de circonstances inouïs, et il devait être reconnaissant pour chaque moment passés ensemble. Il détestait savoir les deux frères en froid avec lui. D'ailleurs il s'excuserait auprès de Ford dès demain matin...
Quant à Stan...il lui suffisait de venir toquer à la porte de sa chambre, au bout du couloir. Ce n'était pas si loin.
Il lui fallait juste réunir un peu de courage. Il n'était pas à sa place ici, mais il pouvait faire des efforts. Il pouvait au moins essayer de se montrer à la hauteur des deux autres occupants de la maison.
Pinçant les lèvres en une moue décidée, il glissa ses pieds dans ses pantoufles et sortit de sa chambre. Le cœur battant à tout rompre, il se dirigea à pas de loups vers la porte du grenier.
Le miroir renvoya à Stanley le reflet d'un jeune homme fatigué et un peu déprimé. Il eut beau scruter ses pupilles de près, la couleur de ses iris n'avait pas changé.
Fiddleford avait sans doute rêvé. Il se le répétait encore et encore, en essayant aussi fort qu'il pouvait d'y croire.
Sa plaie sous le bandage le grattait terriblement. En début de soirée, il avait regardé dessous.
Des poils gris avaient commencé de pousser tout autour ; ça ressemblait à de la fourrure de loup.
Terrifié, il était sortit fumer une clope dehors...et c'est là qu'il était tombé sur Fidds.
Ses sentiments pour lui étaient ambigus. Fidds était d'une compagnie habituellement facile à vivre. Modeste, naturellement gentil et attentif, c'était quelqu'un de sympathique avec qui on pouvait discuter aisément pendant plus d'une heure sans voir le temps passer ; contrairement à Ford qui était relativement monomaniaque sur certains sujets, Fiddleford savait parler de tout. Il était maladroit, un peu timide, et ça amusait énormément Stan de le taquiner. Mais il aimait Fidds, il aimait leur relation, et il avait encore plus aimé le mettre dans tous ses états, et le faire couiner...et puis il aurait sans doute aimé davantage le faire jouir et crier son nom, et s'accrocher à lui pendant que...
Stan secoua la tête pour éliminer les images qui lui venaient à l'esprit. C'était trop tard pour ça.
Mais son entrejambe n'avait vraisemblablement pas reçu le mémo.
Dans un grognement exaspéré, Stanley s'installa sur son lit et se débarrassa à nouveau de son jean. Il ferma les yeux et repensa à l'expression effrayée de Fiddleford. Au lieu de le refroidir, cette vision l'excita.
Il fourra sa main dans son caleçon et en sortit son érection à demi érigée. Il commença lentement à se branler, régulant sa respiration, les paupières frémissantes. Il repensait aux gémissements mignons de Fidds, à la douceur de ses lèvres, au désir ardent traduit dans ses gestes, dans ses caresses. Sa main dans les cheveux de Stan, sa voix haletante murmurant son nom...
- Gnn...
La porte était entrouverte. Ordinairement, Fiddle aurait frappé. Mais quelque chose le poussa à n'en rien faire ; il l'ouvrit tout doucement pour jeter un œil à l'intérieur.
Il put ainsi voir Stanley sur son lit, en train de se masturber, et une vague de chaleur l'engloutit.
Les yeux de Stan se rouvrirent et se plantèrent sur lui. Cette fois Fiddle fut certain d'y avoir aperçu une lueur rouge. Néanmoins il ne bougea pas. Sa bouche s'emplit de salive, pourtant il ne dit rien.
- Bordel !, s'exclama Stan en roulant le coin de sa couverture contre son entrejambe pour tenter de le cacher. Fiddleford, qu'est-ce que tu fous là ?
- Je...je voulais m'excuser...
- Personne ne t'a appris à frapper avant d'entrer ?
Fidds pénétra dans la chambre en refermant la porte dans son dos. Stanley lui jeta un coup d'oeil intrigué.
Fiddleford ne savait pas trop ce qu'il faisait. Il savait qu'il n'avait aucune courage. Il savait qu'il n'arriverait pas à satisfaire ses désirs. C'était inutile pour lui d'essayer.
Pourtant son corps continuait d'avancer vers le lit, le guidant malgré lui, comme un somnambule.
- Fidds...
- Chhhh, ordonna Fiddleford en posant la main sur la poitrine nue de Stan, les yeux baissés.
Il n'arrivait pas à croire à ce qu'il était en train de faire.
- Fidds ?, répéta quand même Stan, implorant.
Fiddleford l'observa dans les yeux. Stanley avait les yeux grands ouverts et ils étaient humides. Il y avait de la peur. Et aussi une part de désir qui brillait indubitablement dans ses prunelles envahies de noir.
- Je suis désolé, chuchota Fiddleford.
- Tu n'as pas à...
Fidds lui prit le menton et l'embrassa tendrement sur la bouche.
Les bras de Stan l'entourèrent immédiatement pour le serrer contre lui.
Ford avait du mal à se concentrer sur la partie, et Bill était un adversaire redoutable. C'était la première fois qu'il hésitait aussi longtemps avant de bouger une pièce – et pourtant, Fidds était loin d'être mauvais.
- Tic Tac, l'horloge tourne..., fit remarquer Bill Cipher d'un ton amusé.
Le jeune homme se sentit rougir. Il quitta le plateau des yeux et contempla la créature. Il l'avait d'abord trouvé repoussante, mais à présent qu'il était un peu plus habitué à sa présence, il devait admettre qu'elle était surtout bizarre, et d'aspect assez inoffensif. En fait, elle lui faisait penser à une sorte de jouet un peu aberrant, sur lequel on aurait collé un œil pour le rendre un peu plus transgressif.
Il se demandait si Bill allait vraiment l'aider.
- Je vais t'aider, assura le triangle en réponse à ses interrogations. Je veux juste une minuscule faveur en échange...
- Et quelle est-elle ?, fit Ford en bougeant sa reine.
- Tu es sur tes gardes, et c'est normal. Je t'admire beaucoup, tu sais ? Peu d'humain sont capables d'atteindre cette dimension. On l'appelle le Paysage Mental. C'est mon domaine, expliqua Bill. C'est d'ici que j'observe votre planète, et tout ce qui s'y déroule. Car je peux être à plein d'endroits à la fois...
Ford ouvrit la bouche, hébété.
- Vous...comme...comme une sorte de dieu ?
- Je n'irais pas jusque-là, tempéra Bill. Mais j'ai accès à un nombre infini de connaissances. Cependant, comme tu le sais, il existe cette loi fondamentale dans l'univers qui empêche de créer quelque chose à partir de rien. Si je te donne les réponses que tu veux, sans rien en échange, l'équilibre de l'univers pourrait bien se retrouver menacé...
- Mais...ce n'est pas de la matière que je veux. Juste des informations...
- Même les informations ont leur poids...leur prix, déclara la créature. Tu n'imagines pas ce qu'un seul mot, prononcé par moi, peut avoir comme impact sur le monde entier. Je ne peux pas me permettre de jouer avec les règles. Après tout, ce n'est pas moi qui les ais créé...
Ford crut percevoir une once de sarcasme, mais peut-être était-ce simplement le timbre de cette voix étrange qui lui donnait cette impression. Il haussa les épaules, les sourcils froncés.
- Je te donnerais tout ce que tu veux en échange de ce que je cherche.
- Ah oui ?, fit la créature. Ma foi, ta requête reste assez modeste, alors la mienne le sera tout autant.
Stanford posa sa tasse sur la petite tablette à côté de son fauteuil.
- Alors que veux-tu ?, s'exclama-t-il, le corps tendu.
Bill le regarda, l'air pensif. C'était étonnant de constater que malgré son absence de visage, il était excessivement expressif.
- Trois jours, finit-il par répondre.
Ford ne comprit pas tout de suite.
- Pardon ?
- Je veux trois jours, Stanford, dit Bill – et Ford entendait presque l'excitation palpable dans sa voix, ou bien est-ce qu'il l'imaginait ? Trois jours de ta vie, qui pourront certainement me servir bientôt.
Cela laissa Ford pantois.
Ils étaient nus l'un contre l'autre. Stanley n'aurait jamais cru qu'un truc pareil lui arriverait : il était en train de coucher avec le meilleur ami de son frère.
Une alarme résonnait dans sa tête, lui indiquant qu'il était en train de faire une connerie, mais il l'enterra bien vite. La peau de Fidds avait un goût unique qu'il n'arrivait pas à décrire ; il aimait embrasser son cou, là où son odeur était la plus forte.
Il pouvait sentir son sang battre sous la surface, sur sa langue, et il devait se contenir pour ne pas y plonger ses griffes. Sauf qu'il n'avait pas de griffes.
Fidds était doux, et chaud, et accueillant, et il se laissait toucher, caresser, il se laissait lécher, et mordiller partout. Stan aimait sa docilité, son envie de lui plaire, sa façon d'onduler des hanches, de l'inviter. Alors ça n'avait pas d'importance qu'il soit un homme, ou qu'il soit le meilleur ami de son frère : il était sa proie, point.
- Stanley...Sta...Stanle...Lee-y...
Stan le regarda. Fiddleford avait les yeux embués par le plaisir, les joues brûlantes. La main de Stan lui caressa gentiment le visage.
- Quoi ?
- J'ai envie...j'ai envie qu'on le fasse...
- C'est pas déjà ce qu'on est en train de faire ?, se moqua Stanley, un sourire lui montant aux lèvres.
Fidds ne prit même pas la peine de noter sa remarque.
- Je veux...je veux que tu me prennes...ah.
Il cacha aussitôt son visage dans l'oreiller – ce qui était une mauvaise idée : il sentait l'odeur de Stan. Tout sentait Stan et ça l'excitait, ça l'excitait tellement qu'il était sur le point d'exploser. Mais il voulait aller jusqu'au bout.
Un grondement rauque et animal résonna contre son oreille, le faisant frissonner.
- D'accord, répondit Stan.
Il s'écarta et Fiddleford remarqua qu'il tremblait légèrement. Il étendit le bras pour atteindre sa table de chevet, dont il ouvrit le tiroir. Dedans, il y avait des capotes...et un tube de lubrifiant.
- On va avoir besoin de ça, prévînt-il.
Et Fidds déglutit. Néanmoins il se sentait prêt.
- Trois...jours ?, répéta Ford.
- Oui, trois jours, acquiesça Bill. Trois jours, qu'est-ce que c'est quand on est jeune ? Je ne te demande pas la lune. Je ne te demande pas d'être mon esclave ou quelque chose de douteux dans ce genre-là, non non non ! Tu n'auras même pas besoin de faire quoique ce soit pour moi. Je veux juste que tu me donnes ce temps que tu possèdes déjà.
- Dans quel but ?
- Ça, mon biquet, ce sont mes affaires, susurra la créature. A moins que ce soit pour cette information que tu sois venu jusque-là ?
Stanford secoua la tête.
- Alors c'est tout ? Et comment on procède, si je suis d'accord ?
Bill lui tendit la main.
- Il te suffit de la prendre, souffla-t-il tandis que Ford hésitait.
Il repensa à son frère lorsqu'il avait été blessé. La large morsure sur son bras, les griffures sur son torse...et le sang qui coulait sans discontinuer alors qu'il tentait de le réveiller en vain.
C'était sa faute si c'était arrivé. Trop impatient, trop insouciant. Il avait entraîné son frère, son propre jumeau – avec qui il était resté fâché pendant des années pour une querelle désormais lointaine – dans une chasse au monstre qui avait bien failli lui coûter la vie.
Et qui risquait encore de le faire s'il ne prenait pas une décision.
- J'accepte, déclara-t-il en serrant la main de Bill.
- Excellent !, s'écria la voix de la créature dont l'œil s'enflamma ; une flamme bleue glacée parcourut son bras et embrasa leur main jointe.
L'alliance était finalement scellée.
- AH !, glapit Fiddleford en écartant les cuisses pour essayer de s'accommoder à la grosseur qui l'envahissait progressivement.
Stan essuya sa main couverte de lubrifiant sur le drap et l'embrassa sur les lèvres. Fidds glissa ses doigts dans ses cheveux et ouvrit la bouche. Il geint dans la sienne lorsque Stanley décida de pousser un peu. Son sexe dur se fraya un chemin à l'intérieur, écartant lentement les chairs étroites et suintantes ; malgré la préparation minutieuse de Stan, la pénétration restait tout de même un peu laborieuse, et il tentait d'avancer précautionneusement, malgré son instinct premier qui lui criait de prendre ce qu'il voulait, de prendre ce qui lui appartenait sans se soucier des conséquences. Ou de Fidds.
Mais il était désormais trop attaché à cet adorable nerd pour se comporter en connard. Il caressa sa verge entre ses doigts, et il sentit les muscles de Fiddleford se détendre peu à peu, lui permettant de s'enfoncer, de bouger plus facilement en lui.
- Comment c'est ?, murmura-t-il.
- B...bizarre, répondit Fidds. R...rien à voir avec...ah...avec une fille.
Le cœur de Stanley fit un bond. Une fille. Évidemment, il avait été naïf.
Fidds avait déjà connu des filles ; il avait été candide de croire que, sous prétexte qu'il était assez timoré et semblable à son frère, il était forcément puceau.
Il enfonça sa tête dans l'oreiller près de la tête de Fiddleford, agacé de s'être fait avoir et s'en voulant pour ça.
Fidds lui caressa la nuque.
- Hey, ça va ?
- Moui, marmonna Stan, la voix étouffée dans l'oreiller.
- Alors tu voudrais bien...tu voudrais bien bouger, supplia Fidds.
Stan se redressa. Fiddleford l'implora du regard.
- Bouge, souffla-t-il lascivement. J'ai besoin que tu bouges, sinon je vais mourir de frustration !
Stan sourit. Ses crocs brillèrent dans l'obscurité.
- D'accord.
Et il donna un grand coup de rein, lâchant la bribe à la bête qui sommeillait en lui...
Un rire strident et maléfique retentit.
Stanford se réveilla. Les yeux jaunes, la pupille étroite.
Et puis il cligna, il était de nouveau lui-même.
Il se redressa. Contempla les bougies fondues à ses pieds.
Il avait enfin la solution.
