Bonsoir,

Voici un petit texte sur Roxanne Weasley et Lysander Dragonneau.

J'espère qu'il vous plaira ^^

Bisous et bonne lecture,

Jess-Lili


Ce sont les rails qu'elle regarde depuis de longues minutes. Elle regarde autour d'elle. Il n'y a personne. Il serait si facile de plier les genoux et de sauter, d'un bond prodigieux. Elle a toujours été bonne pour les longs sauts périlleux. Un… Deux… Trois… Elle a si souvent rêvé de ses rails, la petite Roxanne. À vingt ans, elle se dit que c'est le moment. Elle a déjà trop vécu. Elle se sent déjà vieille dans l'âme. Alors il vaut mieux en éteindre la flamme.

Cela fait plusieurs minutes qu'elle fixait ces rails. Ceux qui lui donneraient un billet en direction de la liberté de son âme. Elle n'en peut plus de souffrir. Elle souffre d'un cancer de l'âme, la petite Roxanne. Elle veut éteindre sa flamme. Un… Deux… Trois… Personne ne va la retenir. Son père et sa mère ne seront pas tristes. Ils ont encore Fred. Les Weasley sont une si grande famille qu'ils ne vont pas remarquer son absence. Qui remarquerait l'absence d'une personne sans pouvoir magique ?

Ce sont les rails qu'elle regarde avec envie. Elle sait qu'un dernier train arrive à une heure et quinze. Elle n'a plus que cinq minutes pour se décider. Elle entend presque le train arriver. Un… Deux… Trois… Elle plie les genoux. Elle se prépare au grand saut. À l'ultime saut. Elle ne pourra plus reculer. Qui pleurera Roxanne Weasley ? La Cracmole. Personne, elle en est persuadée. Personne ne va la pleurer puisqu'elle n'est personne. Qu'un être invisible parmi d'autres personnes si flamboyantes.

Cela fait plusieurs minutes qu'elle est sur ce quai. Elle n'a plus de temps à perdre. Le train sera là dans deux minutes. Elle fixe ces rails. Ceux-là même, où elle sera étendue, dans quelques minutes ; dans quelques secondes. Il est trop tard pour la sauver, elle en reste persuadée. Un… Deux… Trois… Une longue inspiration. Elle plie les genoux, prête à s'élancer. Un grand écart et tomber. Tout compte fait, les cours de danse qu'elle a pris pendant des années lui auront été utiles.

Ce sont les rails qu'elle regarde avec avidité. Bientôt, dans moins d'une minute, son corps y dormira pour l'éternité. Elle se prépare à se propulser. Un pied devant l'autre, les genoux pliés. Une grande inspiration, comme lorsqu'elle se prépare à faire un mouvement risqué. Elle a repassé cette chorégraphie en boucle dans sa tête, depuis des semaines. Elle a même laissé une lettre. Une seule phrase pour expliquer son départ. Un… Deux…

- Roxanne ! Non ! Tu ne peux pas faire ça !

Elle veut avancer d'un pas, mais un bras se pose sur le sien. Elle tente de se dégager, sans succès. Le train balaie ses cheveux brun-roux. Peu importe qui est cette personne, elle lui a fait manquer les rails de la liberté. Parce que Roxanne sait : elle n'aura plus le courage de réessayer. Lentement, elle se retourne. Deux yeux bleus la fixent sans ciller ou presque. Elle ouvre la bouche pour parler, mais aucun son ne sort.

- Que crois-tu que tu allais faire, Roxanne Weasley ? Tu voulais sauter ? Tu voulais te fracasser au sol ? Un grand écart et une dernière révérence ? Tu croyais que j'allais te laisser faire l'idiote ? Gâcher ta vie parce que tu as décidé qu'elle n'en valait plus la peine ?

Le train est parti. Roxanne n'a pas pu sauter. Elle sent presque ses genoux encore pliés. Elle ne sait pas si elle doit être soulagée ou furieuse. Lysander lui a fait rater sa liberté. Elle lui en veut, mais en le regardant, elle se demande comment elle aurait pu le quitter, lui. Il est le seul à réellement voir qui elle est. Elle est Roxanne. Elle n'est pas : la fille de…, la petite-fille de…, la nièce de… Elle est Roxanne Weasley, la danseuse. Elle est Roxanne la Cracmole, mais cela ne fait pas d'elle une mauvaise personne. Cependant, personne n'a voulu le contraire. Alors elle s'est laissé envahir par un cancer. Celui de son âme, de son cœur, de son être tout entier.

- j'aurais pu être libre, Zander ! Tu as tout fait rater ! Je te déteste ! Va-t'en ! Laisse-moi seule !

Les yeux remplis de larmes, elle se tourne vers les rails et elle les fixe avec colère et tristesse. Elle s'effondre dans les bras de Lysander. Il l'a compris, lui. Il a compris qui elle était réellement. Elle ne le déteste pas, elle l'aime. Lentement, il essuie les larmes qui coulent sur son visage. Elle le regarde enfin. Elle arrête de fixer ces rails. Les yeux verts dans les yeux bleus.

- Reste… Ne m'écoute pas… Je devrais te dire merci… La méchante Cracmole… L'affreuse Cracmole… Je ne suis même pas foutue de réussir mon suicide. Ramène-moi à la maison, Zander…

Elle jette un dernier regard à cette voie ferrée. Elle a une dernière pensée pour ce train qui aurait pu la tuer. Tout compte fait, elle est heureuse de ne pas avoir réussi. En voyant Lysander, elle sait qu'elle doit vraiment le remercier. Ce ne sont pas ces rails qui lui auraient donné sa liberté. Elle est la seule pouvant avoir ce droit. Elle doit arrêter de se dénigrer et de penser qu'elle ne vaut pas la peine d'exister. La petite Roxanne, la petite Cracmole…

Quinze ans plus tard, elle fixe les mêmes rails qu'il y a quinze années. Cela lui semble à une éternité du moment présent. Elle sent le regard de Lysander sur elle. Lui aussi, il doit se rappeler de cet événement. L'horloge indique dix heures quarante. Elle reporte son attention sur la main qui tire sur sa manche.

- Maman ! Allez ! Je ne dois pas manquer le train pour Poudlard !

La petite Roxanne, la petite Cracmole. Elle a donné naissance à une magnifique petite fille qui a onze ans maintenant. Elle qui avait si peur d'avoir des enfants et de leur donner son gène déficient. Elle a donné naissance à deux enfants. Melody entre à Poudlard, tandis que son petit frère commence à peine à démontrer des aptitudes magiques.

Le train est parti et Roxanne fixe ces rails. Sa petite fille est partie. Lysander, en tenant leur fils dans ses bras attire son attention. Aucune parole n'est nécessaire. Roxanne sait. Elle sait qu'elle n'aura plus jamais le courage de plier les genoux pour sauter sous un train. Parce qu'elle a l'impression d'être enfin quelqu'un, depuis de nombreuses années maintenant.

- Merci, Zander… Je t'aime.

Aucun autre mot est utile en ce moment. Tout est dit en cinq mots et en un baiser échangé, dans une gare qui aurait pu vivre avec le fantôme de Roxanne Weasley.