New York, New York
Chapitre un
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Clarke regarda une dernière fois sa liste. Elle vérifiait si elle avait tout. Si elle rentrait sans les céréales préférées de sa colocataire elle allait se faire écharper. Mais son panier était bien rempli et avec tout ce qu'elle devait prendre. Elle pouvait passer en caisse et enfin rentrer chez elle pour se reposer un peu. Depuis une semaine elle passait son temps à la bibliothèque pour se remettre peu à peu dans le bain. La rentrée approchait et elle passait en master ce qui voulait dire, plus de travail, plus de cours, plus de stage et plus de stress. Des fois elle regrettait de ne pas avoir fait le même choix qu'Octavia. Puis elle revoyait sa colocataire revenir encore et toujours bredouille de ses entretiens d'embauche, hormis le dernier, et se rappelait que la médecine était toute sa vie. Celle de sa mère et de son grand-père avant elle. C'était une Griffin. Depuis trois générations les Griffin pratiquaient la médecine. Heureusement que son père était tombé amoureux d'une étudiante en chirurgie sinon il aurait brisé cette lignée. Donc la médecine était toute sa vie. C'était dans ses gènes. Et elle devait se montrer digne de ses gènes. Même si cela la pesait parfois.
-Mademoiselle ?
Elle sursauta. Perdue dans ses pensées elle n'avait pas vu que la caissière lui tendait son ticket. Elle la remercia et sortit avec ses paquets. L'air frais de ce début de soirée l'étonna presque lorsqu'elle mit le nez dehors. Il faisait une chaleur horrible à sa sortie de la bibliothèque pourtant. Elle regarda le ciel marqué par quelques nuages et se mit à réfléchir. Quel temps pouvait-il faire, là-bas, peu importe l'endroit où il était ? Elle sourit et se dirigea vers son immeuble pour enfin rentrer chez elle. Le silence qui y régnait était étrange. D'ordinaire le son de la chaine hi-fi emplissait l'appartement et elle pouvait voir sa colocataire déambuler en sous-vêtement en lisant toute sorte de romans dont elle ne comprenait rien pour certains. Elle était plutôt scientifique que littéraire. Mais ce soir-là, rien. Elle posa ses clés sur le meuble à l'entrée et traversa le petit couloir pour aller ranger ses courses. Sauf qu'arrivée dans le salon, elle lâcha les dites-courses en retenant un cri de surprise.
-Putain O' t'es sérieuse ?!
-Clarke ?! s'écria son amie. Mais tu devais rentrer à 19heures !
-Regardes l'heure qu'il est ! Et par pitié, habillez-vous. T'as une chambre Octavia sérieux…
-Pardon, pardon. On n'a pas vu l'heure passer.
La blonde soupira et se pencha pour ramasser ses achats. Au moins la tête penchée elle ne voyait plus sa meilleure amie et son « petit-ami » se débattre avec leurs vêtements.
-Au fait, salut Clarke. Sympa les lunettes. Je ne t'avais jamais vu avec. Ça te donne un air encore plus… intello.
-Trop gentil Atom vraiment. Tu pourrais finir de remettre ton t-shirt ? Notre appartement n'est pas un site de voyeurisme. Et vous n'avez pas un boulot qui commence dans maintenant… 30 minutes vous deux ? Demanda-t-elle
Octavia finissait de fermer sa mini-jupe quand elle se jeta sur le poignet de sa colocataire pour regarder sa montre. Clarke avait raison et elle n'était absolument pas prête !
-Putain on va être en retard ! Atom dépêches-toi !
La brune se précipita vers les escaliers qui menaient aux chambres en lui ordonnant de descendre l'attendre dans la voiture. Clarke en profita pour contourner le canapé, qu'elle se promit de nettoyer pour faire oublier toute présence des fesses de ce garçon sur le cuir blanc, et alla enfin poser ses paquets sur le comptoir de la cuisine.
-Pas de panique chérie. Tu oublis que je suis le barman. Le bar ne marche pas sans moi.
-Peut-être mais le patron peut se trouver un autre « fabuleux » barman et malheureusement te remplacer non ? Ironisa Clarke.
-Tu es peut-être intelligente mais le sarcasme ne te va pas au teint Blondy.
C'était souvent comme ça. Depuis que Octavia lui avait présenté ce garçon trois semaines auparavant Clarke n'avait jamais réussi à l'apprécier. Et lui non plus apparemment. Mais elle se moquait bien de ce petit jeu de « celui qui lancera le plus de piques à l'autre » entre eux. Il s'arrêtera lorsque la brune arrêtera son petit jeu « mon nouveau fantasme s'appelle Atom ». Le barman récupéra sa veste en cuir et lui adressa un dernier sourire avant de quitter l'appartement.
-Clarky je t'emprunte ton blouson rouge ! Je ne trouve plus le mien !
Octavia dévalait les escaliers sur ses talons hauts, le tout en finissant de s'attacher les cheveux et en tenant entre les dents le blouson en question. La blonde admirait les capacités de sa meilleure amie.
-Pas de soucis mais la prochaine fois que tu me fais un coup comme ça…
Octavia vint s'appuyer sur le comptoir en marbre alors que Clarke rangeait les tomates cerises qu'elle venait d'acheter dans une boite en plastique.
-Allez, ce n'est pas comme si tu n'avais pas testé chaque recoin de l'appart avec « monsieur je sais tout ».
-Faux. On n'a pas fait ta chambre.
La brune se mit à rire et lui piqua une tomate au passage.
-Il est cool Clarke. Soupira-t-elle.
-Il peut être cool, il sort avec une magnifique jeune femme qui vit dans l'Upper West Side, bien loin de son terrain de chasse habituel.
-C'est bon, t'as fini de râler ?
-C'est bon oui.
-Tant mieux ! Je vais bosser et je te promets qu'Atom n'apparaîtra plus devant tes yeux jusqu'à ce que tu m'en donnes la permission. Si de ton côté tu ne me forces pas à déjeuner avec Collins dans trois jours.
-O' ! J'ai prévu ton repas préféré !
-Je sais et tu ne m'achèteras pas avec de la nourriture, vile personnage ! Puis d'abord qui a la primauté des déjeuner du mardi ? Mais je t'aime, à tout à l'heure !
La blonde sourit lorsqu'elle déposa un baiser sur sa joue et fila vers la sortie. Bien sûr elle savait qu'Octavia l'aimait. Elle l'aimait aussi et pour preuve, elles supportaient toutes deux le petit-ami de l'autre. Sauf que la brune supportait Finn Collins depuis bien plus longtemps qu'elle n'avait à croiser le chemin d'Atom. Et Clarke ne remercierait jamais assez sa meilleure amie pour les efforts qu'elle faisait. Sauf que la blonde aurait largement préféré que les deux s'entendent. Elle soupira une nouvelle fois, en réfléchissant à quelle excuse inventer pour annuler le déjeuner du mardi avec Finn. Non pas qu'elle ne veuille pas passer du temps avec lui ! Mais le déjeuner du mardi était un peu comme une tradition. Une tradition qui remontait à leur plus tendre enfance, à Octavia et elle. Le mardi était souvent le jour de repos de sa mère. Elle s'arrangeait toujours pour venir les chercher à l'école et leur préparait un vrai petit repas de fête. Elles évitaient ainsi quelques fois la nourriture infecte de la cafétéria scolaire. Peu à peu en grandissant elles avaient gardé cette tradition. Se préparer un bon déjeuner le mardi dès que leurs emplois du temps à l'université le permettaient. Clarke avait voulu faire participer son petit-ami à cette tradition, petit à petit sans brusquer sa colocataire. Après tout plusieurs personnes y avaient déjà participé et cela comptait énormément pour Clarke. Mais même le garçon le plus gentil de la Terre ne lui ferait pas rater un déjeuner du mardi avec sa meilleure amie. Il fallait s'y faire. Lorsqu'on sortait avec Clarke Griffin, on sortait un peu avec Octavia Blake en quelque sorte. Et inversement. C'est pourquoi une fois les courses rangées elle alla récupérer son portable dans son sac et composa le numéro de son petit-ami qui ne mit pas longtemps à répondre.
-Ma princesse ne peut plus se passer de moi c'est ça ?
-Il est vrai que ton corps m'est quasiment devenu indispensable mais pas toi malheureusement. Répliqua-t-elle en riant.
-Tu veux me briser le cœur ?
-Je ne me permettrais pas ! Mais je voulais plutôt… annuler quelque chose.
-Le déjeuner du mardi ?
-Sérieux ? Comment tu fais ?
-Je te connais. Quand tu prends des pincettes c'est que ça concerne Octavia. Elle ne veut pas me voir ?
-Ce n'est pas du tout ça. Mais je viens de presque jeter son gars de chez nous alors tu vois… c'est donnant/ donnant quoi. Désolée Finn.
-Je ne comprendrais jamais les femmes je crois…
-Mais on se voit toujours mercredi soir ! Enfin si tu y tiens.
-Clarke, je suis en plein cœur de la cambrousse, au fin fond du Texas. Bien sûr que je tiens à te voir quand je rentre ! Tu me manques trop... rajouta-t-il dans un soupir.
Cette dernière phrase la fit sourire. Sa relation avec Finn avait mis longtemps à s'installer mais maintenant elle ne pouvait plus se passer de ses petits mots, de ses petites attentions. Même si elle de son côté avait du mal à laisser paraitre ses sentiments comme le jeune homme.
-On pourra passer la nuit chez toi mercredi. O' m'a trainé dans différent magasins la dernière fois et j'y ai acheté deux trois ensembles qui…
-Tu veux me faire craquer par téléphone c'est ça ? Clarke je suis censé aller aider ma grand-mère à cuisiner là.
Elle se mit à rire et s'excusa, promettant d'arrêter. Ils parlèrent rapidement des vacances du jeune homme puis elle raccrocha, son sourire toujours accroché aux lèvres. Elle se décida tout d'un coup à aller « ranger » la chambre de sa meilleure amie. Peut-être qu'elle retrouverait le fameux blouson rouge qu'Octavia cherchait et par la même occasion elle pourrait piquer une tenue un peu plus sexy que ce qu'elle portait d'ordinaire, pour fêter son retour.
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Octavia fit un clin d'œil au client et retourna au bar prendre la commande. Ce petit boulot n'était pas ce qu'elle cherchait en arrêtant ses études, mais il fallait bien vivre et elle ne voulait plus dépendre d'Abby Griffin, elle avait déjà bien assez fait pour les deux jeunes femmes. Même si les rêves d'indépendance de la belle brune ne se passaient pas comme elle l'aurait souhaité, elle s'en accommodait. C'était une Blake. Les Blake surmontaient tout. Du moins la nouvelle génération. Rien ne lui faisait peur. Enfin rien ici à New York. Elle soupira après avoir posé son plateau sur le comptoir et fit signe à Atom qu'elle allait prendre l'air. La nuit était fraiche, elle avait bien fait de prendre de quoi se couvrir surtout pour le chemin du retour. Car son lieu de travail était bien loin de l'Upper West Side. Mais la fabuleuse invention qu'était le métro lui permettait de rentrer vite fait chez elle. En s'installant sur le couvercle de la poubelle, elle la nettoyait chaque soir alors sa tenue ne craignait pas grand-chose, elle leva les yeux au ciel. Rien dans cette ville immense ne l'effrayait. Ce qui lui faisait peur se trouvait à des milliers de kilomètres de là.
-Je voudrais retourner voir les étoiles…
-Tu parles toute seule chérie ?
Atom. Il l'avait suivi pour une pause fumette. Après avoir roulé son joint il l'alluma et il s'approcha d'elle et la força à écarter les jambes pour se placer entre elles.
-Je déteste cette odeur, dégages Atom.
-Pourtant tout à l'heure tu me voulais contre toi. En toi.
-Tout à l'heure c'était tout à l'heure. Dégages, tu pus !
-Tsss, deviens pas aussi chiante que ta copine O'.
-Pa… Pardon ? Questionna-t-elle, le sourcil relevé et le doigt pointé vers elle-même
-Tu me fais une scène là. C'est pas comme si tu n'avais jamais fumé avec moi.
-Et donc ? Parce que j'ai arrêté les conneries je deviens chiante ? T'étais bien content de l'avoir sur les cuisses ta chiante tout à l'heure !
-Hé ! Qu'est ce qui t'arrive là !
-Et ne redis jamais que Clarke est chiante ! Elle est tout, sauf chiante et si t'es pas capable de le voir c'est que t'es un crétin !
Elle descendit de son perchoir et planta un de ses talons dans le pied de son petit-ami au passage. La fin du fantasme que Clarke espérait semblait bientôt arriver. Elle se dirigea vers la porte de service pour retourner travailler mais Atom la prit par le poignet, la forçant à se retourner.
-C'est quoi ce cinéma ! Je vais croire que tu couches avec à la fin !
-Et alors ? Je suis certaine qu'elle est meilleure au lit que toi de toute façon !
-T'as pas bientôt fini !?
-C'est toi qui dis des trucs dégueulasses ! C'est quoi, un fantasme peut-être ? Voir deux filles ensemble ça t'excite ?
-T'es une grande nympho toi !
-Laisses-moi aller bosser Atom. Lâches-moi !
Mais le barman resserra sa poigne sur son bras et la regardait d'un air mauvais. Sauf qu'il ne connaissait pas assez bien Octavia pour savoir qu'elle n'allait pas se laisser faire. Et surtout pas par un garçon comme lui. Au moment où elle s'apprêtait à le taper ils entendirent une voix au fond de la rue. La brune tourna la tête et tomba sur des types louches, qu'elle avait déjà vu parler avec Atom au bar. Il se décida enfin à la lâcher en maugréant et lui précisa qu'ils n'avaient pas finis cette conversation. Octavia tourna les talons et préféra ne pas lui répondre pour rentrer dans le bar. De rage elle jeta le blouson sur une chaise près du bar et plaqua son front contre la surface froide, cela la calmerait peut-être.
-Dure soirée ?
Elle tourna la tête tout en la gardant contre le comptoir, histoire de jeter cette personne et de remettre ce qu'elle faisait de mieux, c'est-à-dire râler. Mais un petit sourire s'afficha sur son visage. Sourire auquel le client répondit.
-Tu sembles prête à tuer quelqu'un. Reprit-il
-Seulement mon petit-ami ce n'est rien. Enfin je sais même pas si je dois encore l'appeler comme ça. Bref ! Comment allez-vous ce soir ?
Le client en question était un habitué. Elle travaillait dans ce bar depuis un mois et il venait presque tous les soirs alors elle s'était pris d'affection pour lui. Enfin d'affection. La jolie brune le détailla un instant. Son t-shirt laissait apparaitre ses bras musclés couvert par des tatouages tribaux sur les biceps et le col en V semblait être comme une invitation à découvrir ce qui se cachait sous le tissu, de découvrir cette peau mate et ce corps de rêve qu'elle réussissait à deviner. Elle se demandait souvent ce qu'un canon comme lui pouvait bien faire dans un endroit comme celui-ci. Pour la jeune femme un homme comme lui, célibataire était tout simplement impossible ! Elle passa alors derrière le bar pour lui servir le cocktail habituel, tout en continuant à discuter avec lui. Sa seule présence lui avait redonné le sourire.
-Comment un garçon peut faire quelque chose qui t'énerve ?
-Parce que vous pensez réellement que tous les hommes sont comme vous, des gentlemen un peu étranges ?
-Lorsqu'on est en couple avec une si jolie fille on fait tout pour ne pas se la mettre à dos. Et « un peu étrange » ?
-Étrange dans le sens que je ne comprends pas votre présence ici quasiment toute la semaine. Vous devriez sortir, voir du monde ! Des filles quoi ! Ou des garçons, comme vous préférez.
Il eut un rire franc qui la fit sourire de plus belle. Sourire qu'elle perdit lorsqu'elle vit Atom réapparaître. Le client remarqua son regard voilé et tourna la tête pour en comprendre la cause. Il lui fit alors signe de se pencher. Octavia s'exécuta, approcha son visage du sien. Elle tourna légèrement la tête en sentant son souffle contre son cou.
-A vrai dire, je suis en mission top secrète. En mode infiltration. Ce qui explique ma présence ici.
Il venait de lui chuchoter à l'oreille, la faisant rire. Elle tourna une nouvelle fois la tête pour plonger ses yeux verts dans le regard noir du jeune homme et lui répondit sur le même ton.
-Je comprends mieux alors. Ça doit être exténuant comme boulot.
Derrière lui elle voyait très bien Atom la dévisager. Elle se mordit la lèvre inférieure et reprit sa contemplation.
-Octavia ! Tes clients attendent !
Elle sursauta. Sa contemplation avait dû durer plus longtemps que prévue car Atom se trouvait maintenant à côté d'elle, en train de préparer des boissons. Elle lui tira la langue et ramassa son plateau pour s'exécuter mais non sans lancer un dernier sourire à son client préféré. En se dirigeant vers les tables elle se dit qu'elle irait réveiller Clarke en rentrant. Histoire de lui parler de son nouveau fantasme.
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