- Tu peux encore tout abandonner Cissy. Il n'est pas trop tard ; du moins pour l'instant. Alors je t'en prie quitte cette fichue réception avec moi avant qu'elle n'ait lieu.
- Je ne peux pas, tu le sais très bien. Tu es comme moi, la famille passe avant tout. Je ne m'imagine pas une seule seconde partir et tout laisser derrière moi. Ils ne comprendront pas.
Pourtant il lui suffit de fermer les yeux pour s'imaginer quitter la manoir retenant à grande peine ses talons de claquer sur le marbre noir. Elle vois ses longs cheveux blonds balayer les épaules de l'homme aussi grand qu'elle à chacun de ses pas chaloupés.

Il imagine aussi bien qu'elle cette évasion. Il sent presque ses doigts se mêler aux siens pendant qu'ils tentent discrètement de partir de cette réception cruelle. Il imagine les cheveux, aussi dorés que l'or, de celle qu'il aime se mêler aux siens, aussi noir que le marbre qui pave d'un linceul morne le sol du manoir des Black.

- Je suis sûr qu'en leur parlant ils pourraient comprendre. Après tout je suis Sang-Pur, un bon partit tout comme lui. Ce n'est pas comme ta soeur.
- Ne parle pas d'elle. Elle avait sorti sa phrase d'un ton dédaigneux et agacé, montrant toute l'estime qu'elle portait à sa soeur tant chérie autrefois, maintenant reléguée au rang de traître à son sang. Et tu sais bien que c'est faux, je suis trop âgé et toi si, si … tu viens juste de quitter Poudlard.
Oui ce n'est qu'un enfant, il est tellement plus jeune qu'elle.
La société ne comprendrait pas qu'une femme de 23 ans s'amourache d'un homme de 18 ans tout juste.
Elle est trop vieille, ça ne se fait pas. Et chez eux le poids des traditions dicte leur conduite dans ce monde froid et policé.

Et pourtant, elle se sent si bien avec lui. Elle aime leurs conversations. Ils ont les mêmes valeurs. En même temps tout est plus simple pour eux. Tout deux rejetons cadets de la noble et grande famille Black. Tout les deux Black jusqu'au plus profond de leur âme et de leur éducation. Ils sont prêts à tout pour l'honneur de leur famille.
C'est justement là que le bas blesse. Ils sont du même sang. Et même si au final leur famille n'est qu'un incroyable maillage de mariages entre gens qui ont tous un lien de parenté, à un degré plus ou moins proche, eux, ils sont cousins au premier degré. Les arbres généalogiques des Vingt-huit sacrés ne sont qu'un fouillis de branches qui se rejoignent en tout sens. Mais leur branche est trop proche. Et nul ne voudra ignorer que les parents de Regulus sont eux mêmes cousins, au deuxième degré certes, ce qui reste acceptable. Mais, que leur fils souhaite épouser sa cousine !Cela est inimaginable.

- Cissy. Il prononce ce surnom, que seule sa famille utilise, avec une tendresse qui lui est propre. Tout en chuchotant son nom comme s'il est trop précieux pour que quelqu'un d'autre l'entende il passe ses mains autour de sa taille afin de rapprocher son corps si fragile contre le sien que le Quidditch avait musclé malgré sa silhouette si sèche.

Elle se sent si bien contre lui, emprisonnée dans ses bras, la tête de Regulus nichée contre sa clavicule.
Il n'est pas aussi grand que Lucius qui la domine de sa taille et de son arrogance. Regulus peut seulement atteindre son épaule pour y poser sa tête, mais elle ne sent pas son menton se planter dans ses chairs comme le fait celui pointu de Lucius lorsqu'il appuie sa tête sur le sommet de son crâne.
Non les gestes de Regulus sont plus doux. Il à tout le temps cette lueur de rêveur tapie au fond des yeux. Son masque de Sang-Pur n'arrive jamais à cacher totalement sa douceur pour qui s'attarde sur ses prunelles sombres. Une douceur qu'il ne laisse paraître au grand jour qu'avec elle. Comme elle, il cache tout au fond de lui, dans le plus profond de son être, ce qu'il est réellement pour laisser apparaître son masque figé d'aristocrate guindé et sûr de lui. Ce masque qui se brise seulement dans leurs étreintes.
Elle a envie de rester là dans ces bras pour toujours. Mais dans les entrailles de la demeure la fête va bientôt commencer.

La représentation va avoir lieu et elle devra tenir son rôle et jouer avec application l'heureuse future fiancée.
Ce soir lorsque la fête touchera à sa fin Lucius conviera son père dans son bureau. Là assit dans les coûteux et immondes fauteuils en chintz ils parleront affaires. Pendant la conversation Malefoy se vantera de comment ses affaires et placements ont fait fructifier la fortune familiale déjà colossale. Puis, il demandera à Cygnus Black de bien vouloir lui accorder la main de sa fille.
Peut être que par principe son père fera mine de réfléchir alors que leur futur mariage est déjà convenu depuis longtemps.
Lucius lui a parlé des ses projets il y'a une semaine pendant une des nombreuses promenades qu'organise sa mère pour elle. Des promenades et autres amusements réalisés dans le but avoué qu'elle puisse passer du temps en tête à tête avec le prétendant que ses parents ont choisis pour elle.
Ses parents ne sont pas encore au courant des projets de Lucius qui compte surprendre ainsi son futur beau-père.
Elle peut encore tout annuler, déjouer ses projets en demandant à Regulus d'aller lui aussi parler à son père. Ainsi Lucius se retrouvera en compétition avec Regulus Black pour sa main.
Son cœur, lui, n'est plus à prendre et, il ne l'aura jamais. Il appartient à l'homme qui l'emprisonne dans ses bras.
Il doit l'a sentir flancher ; il arrive si bien à décrypter ses émotions que parfois ça l'effraie.
Dans un murmure il continue sa séduction.
- Cissy part avec moi. Tu n'es pas encore fiancée. Je peux encore demander ta main à ton père. Il me connaît, il sait ma valeur.
- Je ne sais pas. Depuis qu'elle... Après un temps d'hésitation Narcissa renonça à prononcer ce nom tabou... qu'elle est partie ,se reprit-elle, ils ont décidé de choisir mon futur mari afin de redorer le blason. Je n'aurai pas le choix comme ce fut le cas pour Bella. De plus, j'ai 23 ans, je vais devoir me fiancer, ils n'attendront pas plus longtemps. Ils ne te laisseront pas le temps de prouver ta valeur.
Les quelques années de liberté avant leur mariage accordées aux filles de leur illustre famille ne sont données qu'afin de permettre au futur gendre de prouver sa valeur, de faire prospérer sa fortune et de remplir sont carnet d'adresse. Mais passés 25 ans et aucun mariage à l'horizon, les gens se posent des questions.
Et encore plus faiblement, comme si elle ne veut pas croire à ses mots et au fond d'elle elle sait qu'elle aimerait y croire à ces mots que chuchote le jeune homme à son oreille, elle continue sa tirade.
- Lucius, et ce qu'il offre, intéresse plus mes parents. Il est riche, il vient d'une illustre famille. Tu n'as que ton nom à offrir et c'est le même que le mien.
- Je suis un Mangemort Cissy. Et tu sais comme moi que ta famille révère les idéaux de Lord Voldemort. Je me bats pour les valeurs de nos familles et, cela est inestimable. Et puis, ce n'est pas Lucius qui pourra rivaliser avec moi. C'est un pleutre qui ne rejoindra nos rangs que s'il y trouve un intérêt pécuniaire ou un certain prestige.
- Je ne sais pas. Je ne sais plus quoi faire. J'aimerai tant que tu ailles voir mon père et qu'il te donne ma main. Mais au fond de moi je sais qu'il ne le fera jamais.
J'irai Cissy. Je me battrai pour nous.
Emporté par sa fougue il s'éloigne d'elle et se tient prêt à s'élancer au dehors de la pièce afin d'entretenir son oncle de son voeu le plus cher.
Pourtant, à peine a-il fait quelque pas qu'il se retrouve à nouveau près de sa douce qui l'attire à lui.
- Reste ! n'y va pas. ça ne pourrait que mal tourner.
- Je reste. Mais je ne m'en fais pas. Souvient-toi comment tout à commencé.
Et avec un sourire nostalgique il dépose un baiser sur son épaule dénudée avant de l'enlacer .
Un frisson la parcourt sous la caresse qui avait été une des première qu'il lui a donnée.

Ils n'avaient jamais été très proches ; les sœurs black étant plus âgées que les deux frères. Cela faisant, même en étant invités chez l'un ou l'autre et se croisant à de nombreuses réceptions, ils ne s'étaient que peu liés. Le même sang coule dans leur veine et ça leur suffisait.
Elles étaient partis à Poudlard alors que lui et Sirius n'étaient que des enfants.

La fois où lui et Narcissa s'étaient pour la première fois réellement adressé la parole, hors des formules d'usages, était lorsqu'il était rentré à son tour à Poudlard.
Il avait 11 ans, Narcissa était en dernière année. Fière de lui, elle était venu le féliciter d'avoir sût tenir son rang. Elle était sûre que sa répartition à Serpentard allait redorer le blason familial que son frère s'était acharné à salir depuis qu'il était à Gryffondor. Continuant sur sa lancée elle lui avait proposé son aide si jamais il voulait qu'elle soit en quelque sorte son mentor pour sa première année.
Jamais quelqu'un n'avait compris toute la souffrance qu'il endurait à cause de Sirius. Mais elle, elle savait, elle souffrait aussi. Sa sœur l'avait abandonnée et elle se retrouvait à rattraper ses erreurs pour l'honneur de la famille. Ce jour-là Narcissa était loin de se douter que cette main tendue à son cousin allait les lier.
Un simple geste de deux personnes qui vivent pour leur famille et l'honneur. Une bouée de sauvetage pour deux êtres à la dérive face aux devoirs qui pèsent sur leur épaules. Dernier rejeton d'une grande lignée qui devait réparer les fautes de leur aînés.
C'était la première fois que les cousins se parlaient vraiment et cette discussion allait cristalliser dans le cœur tout jeune de Regulus les premiers sentiments tendres qu'il portait à sa si belle cousine.

Après cette première rencontre où leur masque s'était fissuré face aux devoirs qui les submergeaient d'autres avaient eu lieu. Pendant sa dernière année Narcissa avait tenté d'épauler son cousin. Mais elle se montrait distante. Lucius Malefoy la retenait souvent auprès d'elle ; il ne cachait pas son dessein de l'épouser une fois sort de Poudlard. Et puis il y avait les cours, et Regulus avait déjà réussi à montrer son intelligence auprès de Slughorn. Elle ne s'en faisait pas pour lui, il n'avait pas besoin d'elle pour briller. Plus jamais ils s'étaient retrouvés seuls tout les deux à Poudlard. La dernière année de la jeune femme s'était terminée et l'occasion de se livrer une nouvelle fois sans leur masque avait pris fin.

Oui c'était il y à longtemps ; sept ans c'est peu et pourtant cela leur paraissait une éternité. Le poids du secret pesait sur leur épaules avec la lourdeur du temps qui passe.
Chaque jour la peur de perdre l'autre déchire un peu plus leur cœur.
Elle l'aime, ne veux pas le perdre et pour cela Narcissa se refuse à ce qu'il fasse ce dont elle rêve : demander sa main.
Il l'aime, veux passer sa vie à ses côtés, Regulus ne souhaite qu'une chose, l'épouser.
Ils se cramponnent l'un à l'autre comme deux naufragés qui n'attendent plus rien de la vie. Leur vie est morte le jour même ou ils sont nés.
Ils suivent un chemin qu'on trace pour eux sans jamais s'écarter de cette voie pavée d'honneur, d'or et de sang.