Nouvelle incursion au far-west, pays des cowboys sexy, pour cette fic qui j'espère vous plaira. Elle est écrite en entier, la publication sera donc régulière comme d'habitude, je ne suis cependant jamais contre un peu d'encouragement par quelques messages de votre part. Je suis heureuse de partager ceci avec vous, quoi que nerveuse, comme à chaque fois ;) A vous de m'aider à rendre cette aventure aussi belle que celles que vivent ces personnages qu'on aime tant.
Bonne lecture et à très vite pour la suite.
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Chapitre 1.
Le cri de la femme raisonna, si strident qu'il lui en aurait percé les tympans, tandis que le regard désormais vide de l'enfant le fixait comme s'il avait pu le tuer sur place. Et Vasquez se réveilla tout à coup, se redressant d'un bond, encore tout étourdi par son cauchemar. Il prit quelques instants pour se souvenir où il était, tandis que les battements de son cœur fou se calmaient peu à peu. D'une main tremblante, il essuya la sueur sur son front et ferma les yeux en tentant de retrouver une respiration plus calme.
Il avait horreur de se réveiller ainsi, il se sentait tellement vulnérable, faible, dans ces instants. Heureusement, cela lui arrivait de moins en moins souvent. Avant, c'était ainsi toutes les nuits, à tel point qu'il avait peur d'aller se coucher et ne s'écroulait que lorsqu'il était à bout de forces. A présent qu'il se sentait un peu plus serein dans sa vie, cela allait mieux. Il avait des amis, un compagnon et s'il ne pouvait effacer le passé, au moins parvenait-il à composer avec la plupart du temps.
En fait, ce n'était que depuis qu'il passait ses nuits auprès de Josh que les cauchemars s'étaient faits plus rares. Et c'était parfait ainsi, il n'aurait pas voulu réveiller l'autre homme chaque nuit par ses cris, surtout que celui-ci avait aussi ses propres démons pour le tenir éveillé plus qu'à son tour. Quand cela arrivait encore pourtant, Josh ne disait rien, ne se plaignait pas, se contentant de le prendre dans ses bras jusqu'à ce qu'il se calme. Ce n'était qu'au petit matin qu'il l'interrogeait, patiemment. La raison pour laquelle quelques mois plus tôt, Vasquez s'était décidé à se confier à lui. Il avait longtemps hésité avant de le faire, craignant par-dessus tout la réaction de l'homme qui comptait plus que tout. Comme il l'avait espéré, Josh avait réagi avec respect et inquiétude, ne le jugeant pas, se contentant plutôt de le plaindre. Après ses révélations, l'Irlandais l'avait serré contre lui, lui murmurant un chapelet de paroles douces. Cette nuit avait changé beaucoup de choses entre eux. Même s'ils étaient là l'un pour l'autre depuis le début, chacun veillant sur l'autre quand le besoin s'en faisait sentir, c'était à cette occasion qu'ils avaient compris, sans pour autant jamais oser le formuler à voix haute, qu'ils étaient bien plus que deux compagnons de route. Des âmes sœurs avait réalisé Vasquez.
Il n'aurait pu être plus reconnaissant pour cette réaction et les conséquences qui en avaient découlé, l'apaisant plus que jamais. Bien sûr, c'était totalement réciproque, renforçant du même coup ce lien précieux qui les unissait. Lui-même était là chaque fois que Josh doutait, flippait, chaque fois que ses angoisses le reprenaient au cœur de la nuit. Parce qu'il était marqué lui aussi, autant dans sa chair que dans sa tête. Et si devant tout le monde ils préservaient les apparences, dans l'intimité de leur chambre, ils pouvaient se laisser aller à leurs traumatismes. Cela les avait rapprochés autant que cela leur avait fait du bien à chacun.
Lorsqu'il eut recouvré totalement ses esprits – ce qui pouvait s'avérer long en fonction de l'intensité du cauchemar, une raison de plus de détester ces réveils nocturnes – Vasquez ressentit le malaise de l'absence de Joshua près de lui. Il n'avait plus l'habitude de se réveiller seul et lorsque cela arrivait, ce n'était jamais bon signe. Il toucha les draps à côté de lui pour constater qu'ils étaient froids. Josh s'était levé depuis un moment, ce qui était encore moins bon signe. Son malaise n'en fut que plus profond.
Vasquez n'était pas accro au point de ne plus supporter d'être éloigné de son amant un seul instant. D'accord, il était accro, mais tellement d'années à ne pouvoir compter que sur lui-même lui avait permis de relativiser l'importance de Josh dans sa vie. C'était aussi bien. Cependant, ils avaient leurs petites habitudes. Dormir ensemble était l'une d'elles. Officiellement, c'était pour économiser le prix d'une seconde chambre et ça se tenait. Ils étaient pourtant certains que Sam au moins, quand ils reprenaient la route avec leurs amis le temps de quelques missions, soupçonnait qu'il y avait d'autres raisons, il n'en disait cependant rien. Leur groupe fonctionnait ainsi, pas de jugement, pas de question, cela facilitait bien des choses.
Si Josh avait jugé utile de quitter leur lit, leur chambre même, au beau milieu de la nuit, ce n'était pas pour aller à la pêche. Une fois de plus il allait mal et cela n'aurait pu davantage inquiéter le Mexicain. Car Josh dormait mal depuis Rose Creek. Non pas qu'avant il avait eu un sommeil particulièrement serein, ni que Vasquez ait passé beaucoup de temps avec lui pour en juger pleinement, puisqu'ils n'avaient partagé que dix jours ensemble avant l'attaque de Bogue. Mais dans un moment de faiblesse, l'Irlandais avait admis que c'était pire depuis qu'il s'était remis de ses nombreuses blessures. Il s'en excusait souvent, alors même que Vasquez ne s'était jamais plaint. Même quand, pendant certaines périodes plus difficiles sans qu'il n'y en ait d'explications, c'était chaque nuit qu'il devait l'aider à affronter cauchemars et crises d'angoisse, il s'y prêtait volontiers, plus préoccupé par son compagnon que ses heures de sommeil perdues. C'était quelques chose que Josh concevait difficilement, parce que tout comme lui, il n'avait pas l'habitude qu'on se préoccupe de son sort.
Vasquez se leva, se contenta d'enfiler seulement son pantalon et traversa la chambre pour se rendre sur le petit balcon, luxe qui leur avait justement fait choisir cet établissement à leur arrivée en ville. Comme il l'avait espéré, Josh était bien là, appuyé à la balustrade, une cigarette au coin des lèvres, le regard perdu dans le vague, l'air grave et pensif. Cette vision serra douloureusement le cœur du Mexicain. Bien qu'il ait vite compris que c'était en grande partie un rôle qu'il jouait, Vasquez avait été séduit par le Faraday fantasque, jovial et rieur. Un homme capable de répondre à ses bons mots avec une répartie pleine de bagou. Un homme à l'humeur toujours égale, même si bien souvent l'alcool n'y était pas étranger. Ce Faraday existait toujours, mais c'était plus que jamais un masque, qu'il tombait régulièrement avec lui, pour apparaître alors sinistre et triste, torturé. Vasquez n'aimait pas ce Faraday. Pas pour son propre petit confort, car s'il aimait être l'amant de cet homme, il appréciait également être le compagnon compréhensif et patient, toujours à l'écoute et prompt à consoler. Car c'était aussi cela la base d'une relation saine, pas seulement les rires et le sexe. Dans ces conditions, et malgré les craintes exprimées par Josh, jamais il n'avait même envisagé s'éloigner de lui.
Non, s'il était peiné par ce nouveau Faraday, c'était avant tout pour Faraday lui-même. Parce que celui-ci souffrait et cela c'était intolérable pour l'homme qui l'aimait. Alors Vasquez l'entourait d'affection quand c'était nécessaire, le secouait à d'autres moments, notamment en lui donnant des responsabilités que l'Irlandais ne se croyait plus capable d'assumer. C'était une nouvelle dynamique dans leur relation et cela fonctionnait plutôt pas mal la plupart du temps. En même temps, il n'avait pas connu grand-chose d'autre, ne passant finalement que si peu de bons moments avec lui avant que les cauchemars ne commencent.
A Rose Creek, pendant l'attaque de l'armée de Bogue, Josh avait pratiquement été tué. C'est Vasquez, lorsque les affrontements avaient cessé, qui avait filé dans ce champ où il l'avait trouvé à l'article de la mort. Les jours suivants avaient été incertains, mais ce bonhomme plus coriace que tout autre s'était accroché à la vie. Et dieu sait s'il avait eu du mérite. Outre les quelques balles, qui certaines avaient fait de sérieux dégâts, l'explosion avaient laissé des traces, pour la plupart encore visibles aujourd'hui. Son torse et son cou brûlés, en guérissant, avaient laissé des grandes cicatrices disgracieuses. Josh vivait avec parce qu'il n'avait pas le choix, mais souvent il dissimulait mal la honte qu'il éprouvait pour ce corps qu'il apprenait encore à accepter, surtout lorsqu'il était nu. Vasquez n'avait jamais été rebuté parce cette apparence, caressant, embrassant sans fin cette peau abîmée chaque fois qu'ils faisaient l'amour, une façon de signifier à son amant qu'il était toujours aussi attirant.
Plus problématique, en plus d'être à moitié sourd d'une oreille, l'Irlandais avait perdu dans l'explosion l'index et le majeur de sa main droite. Au quotidien, pour les gestes de tous les jours, il avait appris lentement, patiemment, à s'en passer, sollicitant davantage les autres doigts et sa main gauche. Mais utiliser ses revolvers restait un problème. Ne pouvant plus utiliser sa main dominante, il était moins efficace, un peu moins précis également. Il s'entraînait beaucoup pour retrouver cette capacité, compensant par une agilité qu'il travaillait beaucoup. Vasquez continuait cependant à voir en lui un tireur hors pair et lui confiait sa vie sans hésiter quand c'était nécessaire. Mais Faraday doutait beaucoup, remettait sans cesse en question sa légitimité au sein de leur petite équipe de mercenaires.
Ce soir, c'était cela qui l'obsédait très certainement. C'était leur dernière nuit ici, le lendemain ils devaient prendre la route pour retrouver Sam et leurs comparses pour une nouvelle mission. Quand il l'avait appris, Josh avait commencé par refuser et Vasquez avait dû faire preuve de trésors d'ingéniosité pour le faire changer d'avis, rappelant notamment que c'était avec lui à ses côtés qu'il était le plus en sécurité quand ça chauffait trop. C'était ce dernier argument qui l'avait fait céder, parce que s'il y avait bien une constante chez Josh, c'est qu'il voulait plus que tout savoir son compagnon ne pas risquer sa vie pour rien. Un sentiment réciproque, ce qui les rendait aussi efficaces ensemble dans le feu de l'action.
Sans un mot, Vasquez sortit à son tour et entoura son compagnon de ses bras, déposant un baiser sur sa joue avant d'appuyer son menton sur son épaule. Josh se laissa aller contre lui avec un petit soupir de contentement. S'il avait perdu une partie de sa confiance en lui alors qu'il n'acceptait pas encore son nouveau corps marqué, au moins ne repoussait-il jamais son amant quand celui-ci lui témoignait de la tendresse. C'était déjà une victoire pour Vasquez.
Au début, cela avait été loin d'être évident. Quand les blessures physiques s'étaient refermées, celles de l'âme étaient apparues plus béantes encore, laissant Josh pétri de doutes et d'hésitations. Chaque fois que Vasquez se permettait un compliment, il le repoussait, doutant de sa sincérité. Le Mexicain, compréhensif, avait dissimulé sa peine, mais cela n'avait pas été facile pour lui non plus. Et lorsque Josh avait été suffisamment remis pour avoir à nouveau une vie intime, pendant des mois il avait tenu à rester aussi habillé que possible quand ils faisaient l'amour, se refusant dans le même temps à toucher son amant avec cette main dont il avait tellement honte.
Le temps avait fait son œuvre, la patience de Vasquez avait porté ses fruits et Josh avait lentement mais sûrement retrouvé la plupart de ses marques. Mais des moments de doutes comme ce soir existaient encore régulièrement. Josh ne parlait jamais de leur contenu, Vasquez n'insistait pas, il savait que c'était inutile, que cela viendrait en temps voulu comme tout le reste.
- Encore un cauchemar ? s'enquit Faraday.
Vasquez hocha doucement la tête, touché qu'il s'inquiète de son sort alors que lui-même était au plus bas.
- Ça faisait longtemps, crut-il bon de rappeler, autant pour se rassurer lui-même que son compagnon. Et toi ?
- Non. Mais je n'arrivais pas à fermer l'œil. J'avais peur de te réveiller, alors je me suis levé.
- Querido, n'hésite jamais à me réveiller quand tu ne vas pas bien. J'ai l'impression de te le répéter toutes les semaines alors que j'aimerais que ça coule de source.
- Mais je vais bien.
- A d'autres ! Je te connais trop bien pour me faire encore avoir.
Faraday se retourna pour lui faire face et planta son regard dans le sien.
- Je vais bien ! dit-il d'une voix plus forte. Je suis juste inquiet de ce qui risque d'arriver quand on fera ce pourquoi Sam nous a appelés. Je ne suis plus très utile au milieu d'un champ de tir et je ne voudrais pas être un poids pour un seul d'entre vous. Surtout pas toi.
- Puta madré Josh ! Tu n'es pas un poids ! Tu restes un très bon tireur, à qui je n'hésite pas à confier ma vie. Et j'aimerais ne pas avoir à te le rappeler chaque fois que la situation t'impose d'avoir confiance.
Faraday eut un sourire reconnaissant et Vasquez se réjouit de voir passer dans ses yeux cet éclat de malice qui lui allait si bien.
- Ça va aller, l'encouragea-t-il encore une fois.
Cette fois, son compagnon hocha la tête avant de l'embrasser doucement.
- Merci d'être toujours là, souffla-t-il contre ses lèvres avant de l'embrasser plus franchement.
Vasquez resserra son étreinte, mêlant sa langue à la sienne en frissonnant. Ce n'est que lorsqu'il sentit des doigts taquins, la main gauche évidemment, tenter de se frayer un chemin dans son pantalon, qu'il se souvint où ils étaient.
- Arrête, pas ici, grogna-t-il en s'écartant.
- Tu n'en as pas fantasmé la première fois qu'on a vu ce balcon ?
- Crois-moi, il n'y a pas un endroit où je ne rêve pas de te faire l'amour, mais tu sais qu'on doit rester prudents.
Faraday eut un soupir de frustration, il n'insista pourtant pas, s'il aimait vivre sur le fil du rasoir, ressentir l'excitation du danger, il savait lui aussi où étaient les limites.
C'est main dans la main qu'ils rentrèrent dans la chambre, Vasquez heureux de sentir son compagnon un peu plus apaisé, même s'il y avait toutes les probabilités que le malaise revienne rapidement. Qu'importe, il serait là la fois suivante également.
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Quand les deux hommes descendirent dans le hall de l'hôtel le lendemain matin, pour y prendre le petit-déjeuner comme chaque jour, ils remarquèrent immédiatement l'atmosphère lourde. Il n'y avait pas grand monde à cette heure matinale, le patron, sa serveuse et deux clients attablés, et tous arrêtèrent dans l'instant ce qu'ils faisaient pour les fixer avec tout sauf de la bienveillance. Vasquez se tendit et porta la main à son arme, prêt à réagir dans la seconde s'il le fallait. Il faisait confiance à son instinct, c'est celui-ci qui lui avait permis de survivre aussi longtemps dans ce coin de pays pas toujours accueillants pour un étranger, recherché pour meurtre de surcroît. Il avait cru pourtant qu'ici ils seraient tranquilles. Ils étaient arrivés la semaine précédente, cow-boys anonymes comme tant d'autres, et s'étaient faits discrets. Ils se faisaient embaucher à la journée là où on voulait bien d'eux et passaient leurs soirées au saloon, Faraday agrandissant leur pécule de parties de poker en paris douteux. Ils ne faisaient pas de vagues et auraient pu rester quelques jours de plus si Sam ne leur avait pas fait parvenir un message leur demandant de le rejoindre à Blue Spring. C'était à deux jours de cheval et Vasquez se réjouissait par avance de ce voyage.
Si Josh aimait le tumulte de la ville, le bruit et le monde, parce qu'il se faisait alors l'impression de ne pas avoir à penser, trop sollicité de toute part qu'il était, lui n'appréciait rien davantage que ces longues chevauchées à travers des terres sauvages où ils ne croisaient pas âme qui vive. C'était dans ces moments-là qu'il pouvait se permettre de relâcher un peu son attention, lui qui passait son temps à ne dormir que d'un œil, essayant d'éviter tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un représentant de la loi.
A ce sujet, vu l'ambiance ici, il craignait avoir été dénoncé par un habitant du coin, qui l'aurait reconnu sur un avis de recherche, aussi peu ressemblants soient ceux-ci. Il avait beau avoir ses torts et les reconnaître volontiers, il ne se rendrait pas sans tout tenter avant. Il regrettait juste que Josh, qui prendrait sa défense à n'en pas douter, se retrouve mêlé à tout cela.
C'était l'une des raisons pour lesquelles il s'était toujours refusé à tomber amoureux avant lui, il ne voulait imposer son mode de vie à quiconque, le forçant à devenir un complice. Mais Joshua s'était imposé dans sa vie sans lui demander son avis et il en était heureux, même s'il se serait bien passé de devoir s'inquiéter de son sort à lui aussi.
Le patron fut sur eux quand ils arrivèrent au bas de l'escalier, sur les traits un air hostile qu'ils ne lui avaient jamais vu encore tandis qu'il les fusillait l'un puis l'autre du regard.
- Vous devez partir ! On ne veut pas de gens comme vous ici !
Si cela les concernant tous les deux, cela n'avait rien à voir avec le statut de hors-la-loi de Vasquez. Il s'autorisa donc à respirer un peu plus sereinement. Il n'avait pas l'intention rester dans le flou cependant, mais Faraday se chargea de régler la question.
- Et qu'est-ce qui ne va pas, grand-père ? L'argent qu'on te donne chaque jour ne te convient plus ?
- Vous savez très bien à quoi je fais allusion. L'une des filles du bordel vous a vu cette nuit sur le balcon. C'est un établissement de bonne réputation ici, je ne veux plus de vous sous mon toit. Vous avez de la chance, chacun de nous ici est non-violent, mais quand la rumeur aura fait le tour de la ville, et connaissant Loretta et les autres filles ça ira vite, certains risquent de ne pas être aussi tolérants. Ils vont être plus d'un à vouloir vous expliquer leur façon de penser. Je ne veux pas de ça ici. Alors partez !
- Qu'ils essayent, grogna Faraday. Vous croyez qu'on va se laisser impressionner par quelques paysans armés de fourches ?
Disparu l'homme qui la veille doutait de ses capacités d'as de la gâchette. C'était toujours ainsi quand il était dans le feu de l'action, la raison pour laquelle Vasquez ne se faisait pas de souci à ses côtés. Pourtant, cette fois ce n'était ni le lieu, ni le moment. Dans ce but, il posa une main qui se voulait apaisante sur son épaule.
- Laisse tomber, dit-il à voix basse. Rassemblons nos affaires et on y va.
C'était la voix de la raison, même si sa fierté l'aurait poussé à agir autrement s'il l'avait écoutée aveuglément. C'était une option qu'il ne pouvait se permettre. Les hommes comme eux n'étaient les bienvenus nulle part et quand ils étaient découverts il avait tendance à leur arriver des bricoles. Il ne voulait pas prendre ce risque. Pas avec la moitié de la ville qui risquait de leur tomber dessus dans l'heure. Cela risquait de finir dans un bain de sang et eux avec une corde autour du cou, comme c'était arrivé à nombre de leurs semblables.
- Josh, appela-t-il un peu plus fort en voyant que l'autre n'était pas décidé à l'écouter. On y va !
- Oui, écoute ton basané, grogna leur interlocuteur d'un ton méchant.
Vasquez éprouva autant de rage que de tristesse à cette double attaque pour ce qu'il était, surtout de la part d'un homme qui jusque-là s'était montré particulièrement amical à leur égard. Il garda pourtant son sang-froid et incita d'un regard son compagnon à faire de même.
Il ne leur fallu pas longtemps pour rassembler leurs quelques effets, faire de rapides courses à l'épicerie pour prendre ce qui leur manquait pour le voyage… Ils se seraient volontiers passés de cette étape tant ils furent le centre d'attention et cela n'avait rien d'agréable. Les nouvelles allaient décidément vite dans le coin. Quand ils allèrent ensuite récupérer leurs chevaux à l'écurie de la ville, le propriétaire en profita pour doubler le tarif convenu, sa taxe spéciale monstres de foire comme il l'appela fièrement avec un rire gras. Parce qu'il ne voyait pas quoi faire d'autre sans provoquer une catastrophe qu'ils regretteraient tous, Vasquez paya sans un mot, gardant un œil sur Faraday tant il craignait sa réaction.
Enfin, ils furent seuls sur la route, la tension refluant peu à peu. Ils chevauchèrent une bonne heure côte à côte sans rien dire. S'ils avaient agi au mieux en filant sans demander leur reste, il leur fallait à présent gérer ce qui venait de se passer. Ce n'était pas la première fois, ni pour l'un ni pour l'autre, mais ce n'était jamais facile à encaisser. Etre juger pour ce qu'on était, qui on aimait, ce n'était jamais facile. Surtout que ce n'était rien qui aurait dû concerner qui que ce soit. Ce qu'ils faisaient, ils le faisaient dans l'intimité de leur chambre, sans rien imposer à personne. Ils s'aimaient, qu'y aurait-il dû avoir de répréhensible ? Avec le bien que cela leur avait fait à tous deux, Vasquez avait tendance à voir cet amour comme la meilleure chose au monde. Et les voilà pourtant obligés de fuir quand il était révélé… Un beau gâchis, mais qu'auraient-ils bien pu y faire ?
Ils auraient pu se disputer bien sûr. Vasquez reprochant à son compagnon d'avoir été trop entreprenant sur ce balcon, alors que lui-même avait été le premier à le prendre dans ses bras. Faraday aurait pu lui en vouloir pour sa passivité à l'égard de tous ceux qui venaient de leur manquer de respect, alors que cela avait été la meilleure chose à faire. Mais se disputer n'avait pas de sens, parce que dans ces moments-là ils ne pouvaient vraiment compter que l'un sur l'autre. D'où l'intérêt de préserver cette relation qui venait de les mettre pourtant dans l'embarras. Et pour l'instant ils avaient l'un et l'autre besoin de digérer.
Ils n'étaient certainement pas d'incorrigibles romantiques, tristes à l'idée de ne jamais pouvoir se promener main dans la main. La discrétion, le secret, leur correspondaient mieux, ainsi ce n'était qu'ensemble qu'ils tombaient le masque. Mais tout de même, c'était dur d'être considérés comme pire qu'un animal si par malheur ils étaient percés à jour. Comme s'ils faisaient quelque chose de mal, alors que cela les rendait simplement heureux. Certains hommes frappaient leurs femmes, d'autres se payaient les faveurs de toutes jeunes filles et pourtant c'était eux les monstres, alors qu'ils se contentaient de s'aimer, de se respecter. Le monde n'aurait pu être plus hypocrite !
Vasquez avait horreur de cela, qu'on le fasse se sentir minable alors même que son mode de vie n'était pas facile à assumer. Plus jeune, quand ces désirs avaient fait surface, il avait eu bien du mal à les accepter, ne comprenant pas pourquoi il n'était pas comme les autres. Alors il s'était nié, avait tenté d'oublier ses désirs. Dans ce but, il s'était fiancé, espérant devenir normal par cette relation. Cela avait été l'une des périodes les plus tristes de sa vie. C'était ce qui l'avait poussé à quitter le Mexique, sa famille… Un nouveau départ, même si ça n'avait pas toujours été facile. Quand il voulait avoir un homme, il devait être prudent, patient, pour être certain que celui-ci partageaient ses pulsions. Avec Josh, pour la première fois, cela avait été facile, évident. Dès le premier jour, la première heure, ils avaient flirté ensemble sans se poser de question. Avec lui, Vasquez se sentait enfin normal et pour un homme tel que lui, il n'avait aucun regret quant à ce qu'il était.
Voilà pourquoi il avait horreur qu'on lui renvoi cette anormalité, qu'il parvenait enfin à oublier, en plein visage. Le jugeant, les jugeant, pour quelque chose qui n'aurait pu leur apparaître comme plus naturel.
Et par-dessus tout, il détestait savoir Josh malheureux. Celui-ci avait déjà bien assez à devoir gérer ses traumatismes, leur relation devait être l'élément stable et sain de sa vie. Cela n'avait pas été le cas ce matin. Et Josh ne méritait réellement pas cela. A plus forte raison que Vasquez ne savait pas quoi lui dire pour tenter d'arranger les choses. Alors il supportait tant bien que mal ce silence pesant. Et il dura plusieurs heures.
Et tout à coup, telle une bouffée d'air salvatrice, à ses côtés Faraday éclata de rire. Après ce long silence, ce n'était pas la réaction à laquelle s'était attendu le Mexicain.
- Ça y est, tu es devenu loco querido ?
- J'étais juste en train de me faire la réflexion combien ces idiots s'étaient fatigués pour rien. Ils se sont embêtés à nous sortir le grand jeu alors que de toute façon on serait partis une heure après.
Cela n'avait en fait rien d'amusant, cela apparaissait même d'autant plus humiliant à la réflexion, puisqu'ils en étaient arrivés au résultat initialement prévu mais en partant sous les quolibets, et Vasquez soupçonnait son compagnon d'en être tout aussi conscient que lui. Malgré tout, si sa remarque pouvait détendre l'atmosphère, alors il entrerait dans le jeu sans hésiter.
- J'ai soupçonné dès notre arrivée qu'ils n'aimaient pas les étrangers, acquiesça-t-il donc, ils voulaient juste encaisser notre argent. On n'a pas dû en faire assez à leurs yeux. En même temps, ils ne transpiraient pas l'intelligence.
- Tu ne crois pas si bien dire. J'ai laissé une note chez le barbier et je devais de l'argent à un adversaire de poker. Oups !
Cette fois, ils rirent tous deux de bon cœur. Cela leur fit le plus grand bien. Faraday rapprocha son cheval du sien et se pencha un instant pour poser sa main sur sa cuisse.
- Ils doivent penser qu'on est contagieux. Ils feraient mieux de se laisser contaminer si tu veux mon avis, parce qu'ils ne savent pas tout le bien qu'ils perdent avec leur pudeur hypocrite.
- Pas sûr qu'ils auraient su ce qu'ils perdaient, je n'avais aucune intention de te prêter à eux, souffla Vasquez.
Le sourire étincelant qu'il obtint en retour fut la plus belle des conséquences à ce badinage.
- Quel flatteur ! Mais j'apprécie.
- Et tu sais que je suis honnête. Alors laissons-les à leur ignorance, on n'a pas besoin d'eux. On n'a besoin de personne.
C'était tellement vrai. La raison pour laquelle Vasquez préférait à chaque fois ces quelques jours qu'ils passaient sur la route à leurs séjours en ville. Ils se suffisaient à eux-mêmes, n'avaient de comptes à rendre à personne. C'était cela, la vraie liberté.
- Je confirme, on a tout ce qu'il nous faut, dit Faraday avec un petit sourire canaille.
Et sous le regard interrogateur de son compagnon, il fouilla dans une de ses sacoches et en sortit une bouteille d'alcool pleine.
- J'ai piqué ça pendant que tu payais nos quelques achats. Ils nous le devaient bien pour leur taxe spéciale monstres.
Il ouvrit la bouteille et en avala une bonne rasade sous l'œil désapprobateur du Mexicain. Si celui-ci avait une descente facile le soir venu, il n'aimait pas boire pendant la journée, préférant garder les idées claires. Il ne dit pourtant rien, en ce moment Josh avait besoin de tout sauf qu'on lui fasse la leçon. Vasquez le savait, son amant buvait quand il n'était pas heureux. Il ne s'en réjouissait pas, mais faire son bonheur s'avérait plus compliqué qu'il ne l'avait pensé et il ne s'en sortait pas vraiment bien la plupart du temps. Surtout quand le contexte, comme ce matin, jouait contre eux.
- J'ai jamais été aussi fier d'être un monstre de foire que depuis que tu es dans ma vie, continuait Faraday en levant la bouteille bien haut comme pour trinquer avec quelqu'un que lui seul voyait, avant de la reporter à ses lèvres.
- Merci cariño, souffla Vasquez, sincèrement touché.
C'était bien le genre de l'Irlandais ça, lui dire combien il comptait sans avoir l'air d'y toucher. Mais après tout, lui-même ne fonctionnait-il pas de la sorte également ? C'était là-dedans qu'ils étaient les meilleurs. La conséquence d'une vie entière à devoir dissimuler ce qu'ils étaient.
- Ça n'empêche, reprit-il pour aborder un sujet qui lui semblait important, ce qu'il pouvait se permettre à présent que la tension était retombée, il faut vraiment qu'on se fasse plus discrets. Ça fait deux fois que ça nous arrive. Tôt ou tard, ça finira par mal se passer.
- Je sais, soupira Faraday. Je sais. Je ne veux pas la permission de me faire sauter au beau milieu de la rue, mais si on pouvait juste nous foutre la paix ! C'est injuste que je sois avec le cow-boy le plus sexy du coin mais que personne ne le sache jamais.
- Je pense la même chose, tu le sais bien.
- Quant à cette fille… De mon temps, elles savaient garder pour elles ce genre d'indiscrétions. Au pire, elle nous aurait fait chanter au lieu de nous dénoncer. Sans honneur et pas maligne.
- Et tu sais de quoi tu parles, bien sûr. Habitué de ce genre de filles ?
Vasquez n'était pas jaloux à proprement parler, il s'était toujours douté que la concurrence devait être rude étant donné le bonhomme, mais plutôt curieux. Après tout, lui-même avait un passé tout sauf prude.
- Crois-là ou non, je n'ai jamais eu besoin de payer pour ça.
- Oh, ça j'ai aucun mal à le croire, confirma Vasquez.
- Mais elles m'ont appris pas mal de choses et c'est à certaines de ces filles que tu dois l'homme plein de talent que je suis dans un lit.
Il but une nouvelle gorgée en s'amusant du regard surpris du Mexicain.
- Quoi ? On n'en a jamais parlé ?
- Je peux te confirmer que non.
- Oh Vas, il y a tellement de choses sur moi que tu ignores encore.
- Apprends-moi.
C'était un progrès, Josh parlait peu de son passé alors s'il pouvait l'encourager dans cette voie, il n'allait pas s'en priver.
- Et révéler tous mes petits secrets ? Voyons, tu aimes ma part de mystère, s'amusa Faraday.
Ce n'était pas complétement faux. Vasquez aimait apprendre régulièrement, patiemment, une nouvelle chose sur son compagnon, découvrir une autre facette de sa personne. D'autant qu'à chaque fois c'était une bonne surprise, un trait de caractère qui ne le faisait l'aimer que davantage. Et puis c'était agréable de savoir qu'il y avait toujours plus à apprendre, que le mystère demeurait, c'était excitant. Faraday l'avait bien compris et en jouait, autant pour obtenir de lui tout ce qu'il voulait que pour se refuser à aborder les sujets qui l'ennuyait, comme cette fois manifestement. Soit, puisque leur bonne humeur était revenue, il entendait bien qu'ils la conservent, aussi n'insista-t-il pas.
A suivre…
