Note de l'autrice : (remaniée le 09/10/18) : Bonjour à tous,

Cette fic sera longue et aura de multiples POV. Il y aura des OCs, dont certains seront particuliers. Non non non non, ne partez pas, bon sang _. Ces OCs, ils ont un background, une histoire, et ne sortent pas de nulle part. Ils sont issus de Gaïa comme tout autre personnage, quoi. Ils n'influent en RIEN sur ce que l'on sait de l'histoire de FF VII dans son intégralité. La seule chose qu'ils apportent, c'est juste un nouveau regard. S'ils doivent avoir un rôle important, c'est en parallèle, et après les événements de Dirge of Cerberus. J'espère que c'est clair.

Je sais la guerre que livrent certains lecteurs et auteurs contre les OCs. Je n'ai pas la prétention de vous dire que les miens sont géniaux, mais je vous assure qu'ils se rapprochent le plus de n'importe quel personnage de FF VII. Laissez de côté vos préjugés. De plus, j'insiste sur un point : signalez-moi si mes OCs commencent à faire n'importe quoi, à faire tache. Par contre, je n'accepterai aucune critique méchante non justifiée.

Une dernière chose : je n'évoque que très peu Sephiroth et les Incarnés. Ils ne sont pas du tout le centre de cette fic, qui se base plus sur le reste, en fait. L'univers de FF VII est tellement riche que je me suis permis cette fantaisie – ouh, le beau jeu de mots. Bon, OK, je sais où est la porte XD.

Sur ce, bonne lecture.

PS: L'anamnèse (en grec « souvenir ») est le récit des antécédents. Il a divers sens en psychologie, en médecine, en liturgie et en ésotérisme.

PS2 : La chronologie… Quelle vaste blague. Il n'y en a PAS UNE SEULE qui s'accorde. Alors ne m'en veuillez pas si celle que je sers ici est bizarre. J'ai fait au mieux. Je me suis toutefois énormément basée sur la chronologie proposée par le forum « les ailes immortelles ». Tapez ça suivi de « FF VII » sur google, vous trouverez facilement.

Voici quelques repères quand même (en me basant sur les différentes chronologies trouvées sur Internet et sur celle de « La légende de FF VII ») :

1976 : naissance de Genesis

1977 : naissance d'Angeal

1978 : naissance de Sephiroth

2000, c'est là que débute Crisis Core pour moi (non, je ne repars pas à zéro en « era 0000 ». J'ai eu assez de mal à me dépatouiller les différentes chronologies, je préfère ne pas m'emmêler les pinceaux davantage _!)

2007, c'est là que commencent les événements du jeu FF VII.

2009, ce sont les événements de Advent Children.

2010, les événements de Dirge Of Cerberus.

PS3 : au cas où des petits malins me feraient remarquer que je ne respecte pas les espaces avant les points-virgules : je n'ai pas le choix. Sinon, le site me les mange ! Croyez-moi bien que ça m'horripile...

Voilà.

Dernier point pour les lecteurs et lectrices qui suivent le fandom Kingdom Hearts et/ou qui aiment les crossovers (les autres, passez directement à la lecture de la fic) : Je la publie sous mon compte « Cihanethyste » mais sachez que certains passages auront aussi leur place dans mon projet sur les Légendes du Multivers, dont les fics sont publiées sur mon compte « Cihanethyste 2 ». Elle fera partie du cycle "Cœur's Tale", qui concentrera les fics dont les événements se passeront avant « Hikari no Kage », et « Filii ex Nihilo ». Elles relateront le passé de certains personnages dans leur première vie, avant qu'ils ne se réincarnent au Jardin Radieux, aux Îles du Destin – Cloud, Squall, Laguna, Aerith… On retombera sur le principe du « POV » par chapitre. Le POV sera coupé en deux chapitres si l'histoire du personnage est trop longue, bien sûr.


Aucun personnage de Square Enix, ni de Disney ne m'appartient, de même que les lieux.


Chapitre 1 : Anamnèse

2500 ans avant les événements de Crisis Core

Un ciel gris et maussade accueillit la svelte jeune femme aux courts cheveux roux lorsqu'elle sortit d'une petite habitation toute en os et en coquillages. Jadis, une sous-espèce céphalopode, cousine de l'ammonite, siégeait au sein de cette étrange architecture, dans la dernière loge. Deux millions d'années plus tôt, des êtres vivants comme celui-ci régnaient sur Gaïa. Ils possédaient la particularité d'être anormalement grands, ce qui s'expliquait par le potentiel magique fort élevé de la Planète. Ce n'était pas un hasard que la Rivière de la Vie eût choisi de s'y réfugier quelques milliers d'années plus tard.

Ce fragment d'histoire oublié, les Cetras l'avaient déterré grâce à leurs recherches et leur savoir. Ces nomades, qui venaient de l'espace, avaient voulu s'établir sur Gaïa dix mille ans plus tôt. Ils s'étaient rebaptisés de cette manière après avoir pris la décision de rester sur la Planète. Leur peuple racine, les Cristalyns, s'était divisé en plusieurs groupes, dont le leur. D'autres, qui s'étaient renommés les Invokeurs, avaient suivi leur exemple sur un monde appelé Héra. Ce n'étaient pas les seuls, bien sûr (1).

Tant de connaissances... mais rien qui pût l'aider. La jeune femme qui avait pour nom Jade serra les poings. Son cœur, petite chose si fragile, eut quelques ratés. C'était toujours comme ça lorsqu'elle était en proie à des émotions comme l'angoisse.

Elle s'arrêta quelques instants, la main sur sa poitrine, le temps qu'il se calmât. La plus grande magie ne parvenait pas à guérir ce mal dont elle souffrait. La chirurgie n'avait donné aucun résultat. Son organisme détruisait son nouveau cœur aussi rapidement que l'ancien (2). Cette maladie les dépassait tous... Malgré de nombreux examens, aucun médecin n'avait su expliquer pourquoi son corps réagissait ainsi. Finalement, la biologie leur réservait encore bien des secrets, eux qui pensaient tout connaître d'elle.

La jeune Cetra rouvrit les paupières; ses yeux d'un vert pâle fixèrent la route qui la conduisait à la sortie d'Ajito. Elle serait aisée jusqu'aux Falaises de Gaëa. Ensuite, elle ne voulait pas y songer. Une de ses mains serra la bandoulière de son sac. Elle réussirait, il le fallait. Cette quête était sa seule et unique chance de vivre.

De ses lèvres jaillit cette prophétie, énoncée par le mage Erhis, environ cinq cents ans avant sa naissance :

Lorsque la guerre des bêtes mènera le monde à sa perte,
La déesse descendra des cieux.
Les ailes de lumière et d'ombre se déploieront au loin et
Elle nous guidera vers la félicité de son don éternel.

Ah, une vie éternelle... Même si ce n'était pas vraiment ce qu'elle désirait, Jade préférait cette fatalité plutôt que de mourir trop tôt.

Son regard se fana. Quand en plus de problèmes cardiaques, on ne pouvait procréer, une existence sans fin pouvait paraître douce.

Sa silhouette habillée d'un sari vert d'eau s'évanouit entre les troncs blancs des arbres qui protégeaient Ajito. La Forêt Endormie l'accueillit quelques battements de cœur plus tard. La jeune Cetra utilisa son affinité avec la Terre afin de se repérer et prendre le bon chemin pour aller jusqu'aux Falaises Gaëa, renommées ainsi par son peuple; c'était Gaïa, mais pas tout à fait. Les montagnes qui les bordaient recelaient un immense potentiel magique, qui attirait malheureusement des énergies pas toujours bénéfiques.

La jeune femme n'avait pas peur : Gaïa veillerait sur elle. Elle était peut-être fragile, mais savait user de la magie pour se défendre, comme tous ses pairs.

oOo

O

Jade était épuisée par tous les efforts qu'elle avait fournis pour arriver à ce plateau enneigé. Il ne lui restait que quelques mètres avant de parvenir jusqu'à cette grotte. Ensuite, un voyage souterrain commencerait afin d'atteindre le Cœur de Gaïa.

Endroit qui deviendrait plus tard le Cratère nord.

Durant son périple, elle avait accepté la compagnie de plusieurs personnes. Là, dans ces contrées éloignées, elle était de nouveau seule. Les falaises de Gaëa étaient considérées comme maudites. Néanmoins, Jade pressentait que le dénouement de sa quête se trouverait au-delà de ces dernières. La Déesse lui avait envoyé une épreuve, alors elle devait absolument la remporter ! Tant pis pour les conséquences !

Elle sortit une petite galette de pain fabriqué avec des plantes qu'ils cultivaient dans Ajito. D'une belle couleur dorée, l'aliment lui mit l'eau à la bouche. Pourtant, elle devait faire attention à ses réserves jusqu'à être parvenue à sa destination finale.

Tandis qu'elle mâchonnait un morceau, elle entendit des bruits de pas dans son dos. Méfiante, elle s'arrêta, posa la galette, et se saisit d'une dague cachée sous ses vêtements en fourrure de Béhémoth – seule matière qui protégeait suffisamment du froid. Une voix familière s'éleva derrière elle alors qu'elle le sortait, à la fois amusée et lasse :

— Si je voulais te tuer, tu ne serais déjà plus de ce monde, Jade...

La jeune femme se releva et soutint le regard bleu de l'homme aux longs cheveux noirs raide qui lui faisait face. Il était aussi chaudement habillé qu'elle, ce qui prouvait beaucoup de choses.

— Tu m'as suivie depuis le début.

Il hocha la tête, puis franchit les derniers pas entre eux avant de l'attirer contre lui. Jade hésita, le cœur en proie à diverses émotions, mais finit par lui rendre son étreinte. Elle nicha son visage dans son torse.

— Sharken... Tu sais que tu ne peux pas rester avec moi. Ma quête…

— Je ne veux plus te laisser ! s'offusqua-t-il. Tu es ma femme, Jade !

Un sanglot s'échappa de la gorge de celle-ci.

— Je n'en ai plus pour longtemps ! J'ai déjà failli m'évanouir plusieurs fois au cours du trajet...

— Raison de plus pour que je t'accompagne jusqu'à la Vitæ de Gaïa, souffla-t-il d'une voix étranglée.

Ce nom désignait simplement le Cœur de la Planète. Jade leva ses mains vers le visage de son mari.

— Écoute. Nous ne pouvons demeurer ensemble. Guide-moi jusqu'à l'entrée de la grotte, mais ensuite, je devrai me débrouiller. Je le sens au plus profond de moi. C'est une quête que je dois entreprendre seule.

— Tu cours après la vie éternelle, mais n'est-ce pas pire que de savoir que tu peux retourner à la Planète n'importe quand ? Voir les gens mourir autour de toi, alors que tu restes figée dans le temps, n'est-ce pas un supplice bien plus insupportable ?

La gorge serrée, Jade baissa la tête. Elle avait commencé cette quête. Elle devait l'achever maintenant, peu en importait le prix. Après tout, elle avait déjà tout perdu, y compris son mari, même s'il l'ignorait encore.

— Jade...

Les mains du jeune homme cueillirent le visage de sa bien-aimée.

— Je t'accompagnerai jusqu'à la grotte. Je respecterai tes désirs, même si cela me coûte, parce que je t'aime.

Il la relâcha pour qu'elle terminât son maigre repas, ce qu'elle s'empressa de faire. Elle boucla son sac, puis leva les yeux vers le pic qui semblait les narguer. Pourtant, elle savait qu'il restait seulement deux jours de voyage si elle ne prenait pas trop de pauses. La froideur piquante de la neige faillit la persuader de demeurer encore un peu ici, au chaud, vers ce feu qu'elle avait eu du mal à allumer. Sharken se chargea de l'éteindre, puis la serra contre lui quelques secondes.

Les pieds gourds malgré l'épaisseur de leurs bottes se mirent en route avec peine. Lorsqu'ils quittèrent le plateau enneigé, ils se retrouvèrent ensevelis jusqu'aux genoux. Jade étant sensible aux climats extrêmes et à l'effort physique, son compagnon la porta sur son dos. Il ignorait ses protestations.

Un mince croissant de lune perça les ténèbres de la nuit environnante. Sa seule lumière les guida jusqu'à un chemin ascendant.

oOo

O

Il était temps pour eux de se quitter. Pourtant, c'est avec des larmes aux yeux que Jade se rhabilla en silence. Sharken s'était endormi, même s'il avait cherché à veiller pour guetter son départ. Au moins, il avait pu goûter à la douceur de sa peau une dernière fois avant de peut-être la perdre pour toujours. Ils s'étaient unis au sein de cette grotte, où la chaleur du feu avait eu raison de leur frilosité. Leur séparation les avait aussi poussés à manifester une ultime preuve d'amour.

Lorsqu'elle noua le lacet de sa seconde botte, Jade se releva et fixa son mari. Ses lèvres qui exhalaient un souffle paisible. Ses yeux qui bougeaient sous ses paupières, signe qu'il rêvait. Ses traits néanmoins tendus. Ce n'était pas un sommeil calme... mais cette fois, elle ne pourrait rien faire pour lui.

Doucement, elle se détourna de lui et entreprit de s'enfoncer dans le boyau de la grotte, après avoir pris ses affaires. L'achèvement de sa quête était pour bientôt... ou pas. Son cœur avait du mal à suivre. Il se serrait de nouveau d'angoisse. Parfois, la jeune femme ressentait de légers pincements au sein de sa poitrine.

Guidée par son seul instinct de Cetra, elle emprunta divers chemins et couloirs naturels pour rejoindre la Vitæ. Son attention était tournée tout entière vers la complainte de la Planète. C'était lui qui lui permettait de savoir si elle s'éloignait ou se rapprochait de son but.

Jade ne croisa aucun monstre durant son périple, contrairement à l'extérieur. L'explication était simple : ils ne s'aventuraient pas dans ces tunnels. Gaïa laissait émaner une protection qui les repoussait – œuvre malheureusement détruite quand la Calamité des Cieux échoua sur cette contrée, deux mille cinq cents ans plus tard.

La jeune femme fit de nombreuses pauses, dont trois pour dormir. Heureusement, la température demeurait supportable.

Une légère odeur piquante lui chatouilla les narines au bout d'un moment, même si elle ne savait pas exactement de quoi il s'agissait. Du soufre volcanique ? Des effluves d'algues, de mousse, de végétaux qui ne s'épanouissaient qu'ici, dans les entrailles de la terre ? Un peu tout cela à la fois ? Un hoquet franchit ses lèvres lorsque son cœur s'agita trop vivement, et elle tomba à genoux en cherchant son souffle.

L'air qu'elle respirait ne lui convenait pas. Pourtant, elle devait continuer pour achever sa quête ! C'était stupide, elle en avait conscience, mais son instinct d'Élue lui hurlait de poursuivre. Elle avait beau se battre contre ce dernier, elle ne pouvait pas s'en empêcher, comme si une partie d'elle n'était plus du tout sous son contrôle !

Combien de temps resta-t-elle là, à attendre que cela se calmât ? Assez longtemps pour que la faim se fît ressentir de nouveau, en tout cas, alors qu'elle arrivait au bout de ses réserves. Jade parvint à s'asseoir, but quelques petites gorgées d'eau et mangea une bouchée de galette. Elle devait à tout prix être proche de la Vitæ. Sinon...

Avec beaucoup de peine, elle se força à se relever en fixant son attention sur les murs bruns et légèrement recouverts d'humidité, à peine éclairés par le cristal qu'elle transportait en guise de source de lumière. Il provenait du sol d'Ajito, et il fallait simplement le recharger à l'aide de la magie. Elle fit un, deux pas, et plusieurs autres – elle arrêta de compter dès qu'elle avisa une lueur blanche au loin. Son cœur se remit à battre de manière frénétique, mais la jeune Cetra semblait hypnotisée par ce phénomène qui la tirait en avant. Au sein d'elle, cette partie qu'elle ne contrôlait pas soupira de soulagement. Ses yeux vert pâle brillèrent de cet héritage qu'elle ne se doutait pas de porter.

Le morceau de Cristal (3) originel scellé en elle réagit plus fortement au fur et à mesure de son avancée.

Soudain, la douleur à sa poitrine fut tellement insupportable qu'elle lui coupa le souffle. Sa vision vacilla, puis se teinta de rouge. Elle cédait. Elle n'en pouvait plus. Jade hoqueta. Si près du but…

Des spasmes gagnèrent son corps éprouvé par les derniers efforts fournis. Elle ne se rappela plus quand elle ferma les yeux, mais sentit les ténèbres la dérober à la lumière sans demander leur reste.

oOo

O

Lorsqu'elle sortit de la grotte une semaine plus tard, Jade eut un faible sourire tout en posant la main sur son ventre; sa quête était achevée, ainsi que sa maladie et tous ces mystères qui l'entouraient depuis sa naissance ! Sharken devait sans doute l'attendre non loin de là.

Les larmes dévalèrent sur son visage encore amaigri par toutes les épreuves qu'elle avait subies. Lorsqu'elle avait cru mourir, une douce chaleur avait enrobé son être et calmé ses tourments. Ce fut avec le sentiment d'être légère comme tout qu'elle avait rouvert les yeux, noyée dans les ténèbres et ces filaments de couleur bleu-vert autour d'elle. Elle avait marché pendant quelques minutes sans percevoir de changements, puis Minerva était apparue devant elle.

Jade était tombée à genoux en tremblant. Au fond d'elle, la vérité avait éclaté comme une bulle trop fragile : le but de sa quête était erroné. Cependant, elle l'avait accompli sans faillir, ou presque. Minerva l'avait regardée, puis avait attendu qu'elle réfléchît vraiment aux paroles de la prophétie d'Erhis.

Elle avait fondu en larmes lorsque la Déesse lui avait révélé que la solution à ses problèmes se trouvait en elle. La maladie qui la rongeait avait été le point de départ de son périple, et c'était ce qui l'avait caractérisée en tant qu'Élue. Elle avait remporté l'épreuve parce qu'elle avait été jusqu'au bout et avait été soignée par Gaïa, mais elle devait découvrir le Don qui lui avait été vraiment offert.

Jade caressa de nouveau son ventre, et fixa son mari qui courait vers elle avec un sourire jusqu'aux oreilles. Minerva lui avait révélé que c'était ses problèmes cardiaques qui étaient à l'origine de sa stérilité. Les paroles d'Erhis avaient alors pris tout leur sens. Oui, elle avait déjà tout ce dont elle pouvait rêver... sauf le droit d'être mère. Don qui lui était accordé, maintenant qu'elle était guérie.

Ce n'était pas la Vie Éternelle qu'elle devait porter au sein d'elle.

— Sharken..., souffla-t-elle au creux de l'oreille de son compagnon. J'ai réussi... et nous serons bientôt trois.

Son mari se raidit de surprise, puis la serra davantage contre lui pour la faire tournoyer dans les airs. Leurs prières avaient finalement été entendues. La quête de Ai no nai (3) n'avait ni été inutile ni piégeuse ! Il n'avait jamais cru complètement à cette prophétie ni à cette histoire d'Élus de Minerva.

Jade se sépara de lui avec un soupir, puis sortit un petit carnet de voyage de la poche interne de son manteau. En silence, elle relut la sentence d'Erhis sous les yeux perplexes de Sharken. Il la vit marquer « Prologue » juste au-dessus du quatrain, puis « Acte 1 » à la suite. Après tout, le Cetra n'était pas un des Élus. Ce n'était qu'un mage qui avait annoncé la venue de ces derniers – dont elle faisait partie.

Sous la plume en graphite qu'elle avait fabriquée à l'aide de la pierre, d'une penne de Phénix et d'encre de saphoria (5), ces quelques mots se dévoilèrent :

Le don de la déesse est un mystère infini
Pour l'atteindre nous prenons notre envol
Des rides se dessinent à la surface de l'eau
L'âme errante ne connaît aucun repos.

Son compagnon lui demanda :

— Que vas-tu en faire ?

— Tout comme Erhis jadis, je vais le graver sur une des tablettes mystiques. Le prochain Élu tombera dessus et partira effectuer sa quête à son tour. Il se trompera également dans son interprétation, et ensuite... advienne que pourra.

— Est-ce nécessaire qu'il se fourvoie ?

— Oui, répliqua-t-elle d'un ton ferme.

Il n'insista pas. Jade lui en sut gré. Elle avait encore tant de choses à lui dire, mais avant, il fallait rentrer. Révéler à son mari qu'elle était porteuse d'un fragment du Cristal Originel – source de toute vie – risquait de le déstabiliser. Pourtant, ce n'était pas un hasard qu'elle possédât le nom d'un joyau !

Elle se souvint aussi la demande de la Déesse avant qu'elle ne la renvoyât parmi les vivants. Elle rangea son carnet dans sa poche interne, puis sortit une matéria de couleur ambrée. Elle avait comme appellation « Vitale », et d'après Minerva, c'était une clé à insérer le moment venu. Il en existait sept, et chacune était associée à un Élu. Lorsqu'ils auraient tous accompli leur quête d'Ai no nai, ces matérias se « réveilleraient ».

Jade n'en savait pas plus, mais ce n'était pas sa préoccupation. Désormais, elle pouvait enfin mener une vie paisible. Il fallait juste qu'elle ramenât la matéria vers ses six autres consœurs. Chaque Élu devrait répéter ce processus un peu mystérieux, avec la matéria clé qui lui serait propre; un cheminement logique aux yeux de Minerva.

Elle la cacha de nouveau sur elle, puis fixa son compagnon. Le regard azuré de ce dernier brillait de curiosité, mais il respectait le désir de son âme sœur de ne rien dire pour le moment. Le plus important était qu'ils étaient ensemble, avec leur rêve le plus cher de réalisé.

oOo

o

Banora, 1984

La bibliothèque était modeste, mais remplissait tout de même tout un pan de la grande salle de lecture. Une baie vitrée laissait entrer les rayons chauds et doux d'un soleil estival. Les lourds rideaux en velours violet étaient attachés. Les murs, d'un brun clair rehaussé de boiseries, permettaient à la pièce d'être lumineuse et conviviale. Un tapis d'une couleur rouge était posé sur le plancher. Plusieurs divans et fauteuils étaient disposés çà et là pour tout lecteur venu chercher son bonheur.

Planté devant les rayonnages, un petit garçon de huit ans aux cheveux roux semblait indécis. Il avait lu toutes les histoires pour enfant que ses parents lui avaient achetées déjà, et ce des dizaines de fois. Il en avait un peu assez. De plus, elles racontaient toujours la même chose…

Ses yeux d'un bleu tirant sur le vert refirent un tour d'horizon, pour de nouveau s'arrêter devant la tranche d'un livre rouge; en lettres dorées, il y était écrit « Loveless ». Depuis tout à l'heure, celui-là l'intriguait au plus haut point. Il choisit de le prendre.

Genesis se leva sur la pointe des pieds, puis après avoir grogné contre sa petite taille, parvint à se saisir du livre. S'il voulait devenir Soldier plus tard, il faudrait vraiment qu'il mange plus de soupe ! Enfin ça, c'étaient ses parents qui ne cessaient de le lui dire. Comme s'il allait gober leurs âneries ! Il savait qu'il fallait qu'il se nourrisse de manière équilibrée, cela suffisait !

Il s'empressa de fixer l'ouvrage; aussitôt, une émotion de ravissement s'empara de lui : il était beau, comme les livres anciens ! Il caressa la couverture de ses mains d'enfant. Dévoré par la curiosité, il entreprit de l'ouvrir. La première chose qu'il vit, ce fut la disposition des mots. Il se rendit compte qu'il avait affaire à un long poème en tournant les autres pages.

N'importe quel gamin aurait pu être déçu; toutefois, ce n'était pas le cas de Genesis. Il aimait bien les poésies apprises à l'école, et il fallait avouer qu'il adorait en entendre. « Loveless » semblait être un poème pour adultes – pas dans le sens « interdit au moins de dix-huit ans », bien sûr ! –, mais ce n'était pas grave. Il saurait le comprendre et l'apprécier s'il était beau.

Sans faire de bruit, il quitta la salle de lecture pour aller s'enfermer dans sa chambre et découvrir ce nouveau trésor sur lequel il avait mis la main. Tant pis si ses parents le disputaient. Ils n'allaient tout de même pas se fâcher parce qu'il adorait lire, non ? Ce serait la meilleure !


(1) : Références aux autres mondes de Final Fantasy.

(2) : Pour moi, les Cetras étaient très évolués technologiquement aussi avant l'arrivée de Jenova. Un peu comme les Nox de Stargate. Des êtres en harmonie avec la nature, pacifiques, qui ont l'air primitifs, mais qui en réalité ont une puissance technologique énorme et cachée, en plus de connaissances magiques très poussées.

(3) : Pour les connaisseurs de Final Fantasy, à quelques exceptions près, un des pivots principaux des jeux est une quête en rapport avec le Cristal (ou ses fragments). Dans FF VII, j'ai voulu réintégrer cette notion, même si c'est plus ou moins fait déjà avec la cristallisation de la Rivière de la Vie, les Matérias...

(4) : « Loveless », en japonais (ici, en Cetra).

(5) : Plante utilisée pour créer des colorants ou des encres. Elle est de mon invention.