Paint it red !

Coucou, j'espère que tout le monde passe un bon début d'année !

J'avais pas prévu d'écrire ce truc, mais plusieurs idées (qui à priori n'avaient rien à faire ensemble) se sont échappées de mon tiroir Projets de fics abandonnées et se sont mélangées pour donner cette histoire un peu spéciale… Histoire qui a commencé à m'obnubiler au point que j'ai du me résoudre à l'écrire !

Bon cela ne devrait pas dépasser 2 chapitres, je pense...

Disclaimer : les personnages appartiennent à CLAMP et « Paint it, black » aux Rolling Stones.

J'ai choisi cette chanson car je trouvais que les paroles collaient bien à Fye. Voici un lien pour la découvrir (enlever les espaces) :

http:/ www. youtube. com/watch?v= 8BhHTA6Gzn0

Note : c'est Yui le jumeau de notre FYE.

Résumé : UA. Lors de sa rupture mouvementée avec Ashura, Fye rencontre Kurogane. Comment les choses vont-elles évoluer entre eux ?

POV FYE

Hello, je m'appelle Fye Flowright, j'ai 19 ans et je suis en première année à l'université de Nagoya. Dans cette ville, je peux marcher dans la rue sans que les gens ne détournent les yeux à mon passage. Au contraire mon physique, pas du tout couleur locale, aurait plutôt tendance à attirer les regards.

Je tiens mes cheveux dorés et mes yeux bleus de mon père, suédois, mais je ne l'ai jamais connu. C'est de ma mère, américano-japonaise, que me viennent mon teint de fleur de cerisier et la finesse de mon corps.

Son mari l'avait abandonné avant qu'elle ne donne naissance à de vrais jumeaux : Yui et moi. Malgré cela nous avons vécu paisiblement au pays du soleil levant, jusqu'à ce qu'un accident m'arrache à la fois ma mère et mon autre moi, Yui…

J'avais 14 ans et suite à ce drame, pendant un an je n'ai plus voulu sortir de ma chambre. J'étais devenu un hikikomori (un reclus) et la branche japonaise de ma famille m'ayant recueilli, qui habitait dans une petite ville de province, vivait cela comme une honte. Ils ne savaient pas quoi faire de moi et la plupart du temps m'ignoraient. Le déménagement m'avait coupé de tous mes anciens amis, j'étais donc seul au monde…

Je m'étais muré dans mon désespoir… En ce lieu où personne ne serait venu me chercher, j'aurais pu me consumer lentement dans mes propres ténèbres, si un rêve où mon frère me criait Tu n'es pas encore mort, tu dois vivre… d'abord pour moi si pour l'instant tu ne peux le faire pour toi… ne m'en avait sorti brusquement.

Je m'étais alors dit :

« Peut-être qu'il existe quelqu'un, quelque part, qui a besoin de moi ? Quelqu'un que je pourrais aimer et qui m'aimerait ? Peut-être que cela vaut le coup d'essayer, après tout que me reste t-il à perdre ? De toute façon si je ne sors pas de mon immobilité, rien ne changera ! Et si c'est la seule chose que je peux faire pour Yui… »

J'avais alors repris mes études, mais peu après mon arrivée dans mon nouveau lycée, de vilaines rumeurs avaient commencé à circuler sur mon compte. Je soupçonnais une fille, très imbue de sa personne, avec qui j'avais refusé de sortir, d'en être l'origine. Les rumeurs disaient que j'étais gay, ce qui était vrai en théorie mais je ne l'avais jamais mis en pratique, et que je me prostituais auprès d'hommes d'affaire. Ce n'était pas faux que de nombreux types, attirés par mon allure d'ange, m'abordaient dans la rue, seulement l'unique partie de mon corps qu'ils expérimentaient alors c'était mon poing.

Après une année noire, j'ai vécu des années grises. On me considérait comme une sorte de paria, d'abord au lycée, puis petit à petit dans la ville. Le risque de voir leurs réputations en prendre un coup, décourageait tous ceux qui auraient voulu me fréquenter normalement. Tandis que ceux qui osaient, étaient le plus souvent mal intentionnés. Alors j'avais beau être sorti de ma réclusion j'étais toujours aussi isolé.

Mais je m'en fichais, tout cela me paraissait tellement dérisoire après la perte que j'avais vécue.

Je me concentrais sur mes études, qui semblaient être le moyen le plus sûr de m'assurer un autre avenir, loin de cet endroit étriqué. Ma famille, qui regrettait le temps où je m'enfermais dans ma chambre, fut soulagée que je me rende à Nagoya pour passer les concours d'entrée à l'université.

Dans cette ville où personne ne me connaissait, j'allais pouvoir prendre un nouveau départ et je l'espérais, faire des rencontres intéressantes.

Cela avait commencé avec Ashura O, qui m'avait guidé alors que je cherchais mon chemin, perdu dans cette métropole. Etant représentant pour un laboratoire pharmaceutique et comme moi je me destinais à des études de chimie, on avait bien sûr discuté de plein de choses. Il m'avait laissé ses coordonnés et invité au resto pour fêter mon admission dans la fac de mon choix.

Il avait 10 ans de plus que moi, ce que je trouvais rassurant. Son air sérieux, la beauté de son teint pâle et de sa longue chevelure noire, m'attiraient. De son coté, il était clair que je l'intéressais, mais il a su se montrer patient, devant mes hésitations à m'engager dans ce genre de relation…

On sort ensemble depuis un mois maintenant.

J'ai l'impression de revivre peu à peu, je fais des études qui me plaisent, j'ai un appart, un petit boulot sympa dans une pâtisserie : je suis enfin maitre de mon destin !

Et je suis content d'avoir trouvé quelqu'un ayant pu m'accepter, même si Ashura a bien sûr des défauts. Entre autres : considérer sa chevelure comme la huitième merveille du monde ou vouloir faire au lit des trucs dont un novice de l'amour tel que moi, ne veux pas entendre parler. Mais je suis bien conscient que personne n'est parfait et que dans une relation il faut composer avec. Seulement ce qui devient de plus en plus embêtant c'est qu'il est également assez possessif et jaloux, au point d'être très réticent au fait que je sorte avec des amis.

Mais en tant qu'ex hikki, j'attendais depuis longtemps le moment où je pourrais enfin me faire de vrais amis.

L'université CLAMP que je fréquente, regroupe de nombreuses filières. Moi j'ai choisi la chimie qui m'avait toujours attirée, car je trouve que c'est un peu comme faire de la magie.

J'ai rapidement compris que les étudiants étaient intimidés, à la fois par mes résultats (j'avais fini premier du concours d'entrée de ma section) et par mes origines étrangères. J'avais beau arborer un sourire avenant, ils n'osaient pas m'aborder. À part certains pour des propositions bassement intéressées, et j'avais été très clair sur le fait que je n'étais pas libre.

J'ai donc décidé d'y aller lentement mais sûrement. La personne la plus évidente avec qui entrer en contact c'était Watanuki, mon binôme de TP. Ce brun à lunette, lui, faisait de la chimie comme on fait de la cuisine. On s'est vite bien entendu. Sans compter qu'on est du même bord : il a un petit ami, le flegmatique Domeki, en section ethnologie.

Ils sont marrants tous les deux. De comportements très différents, ils n'arrêtent pas de se chamailler et pourtant ils se complètent parfaitement. Je les envie, car moi je n'ose pas taquiner Ashura, il est trop sérieux pour ça.

Et puis j'ai fait la connaissance de Shaolan, le frère de Watanuki. Ce sont des faux jumeaux qui ne se ressemblent pas du tout. Déjà physiquement, Shaolan a les cheveux châtains et il est calme, posé. Il rêve de devenir archéologue, tandis que sa copine Sakura, une fille pétillante aux yeux verts, étudie la biologie.

Je me suis tout de suite senti à l'aise avec eux. Alors quand ils m'ont proposé de se retrouver tous pour un repas un soir, j'ai aussitôt accepté.

Mais dès que je l'ai mentionné à Ashura, il s'est montré très suspicieux et m'a demandé de décliner.

De quoi il se mêle, ils sont tous en couples, à part une amie que Sakura a dit vouloir inviter : je ne la connais pas car elle étudie dans une école de stylisme, mais c'est une fille !

Le fait d'être inquiet et un peu jaloux, c'est normal dans une relation amoureuse je suppose, mais à ce point ça m'énerve vraiment. Il sait combien il lui a été difficile de me mettre dans son lit, alors il est le mieux placé pour comprendre que je ne suis pas le genre à céder au premier venu !

Hier, irrité par son attitude, j'ai mis brusquement fin à notre rendez-vous. Aujourd'hui, après avoir terminé mon boulot à la pâtisserie, je marche en direction de l'appartement d'Ashura.

Il fait bon en cette après-midi de fin avril. Les filles commencent à porter des tenues d'été et même pour quelqu'un comme moi, c'est agréable à voir.

Depuis peu j'ai le double des clés et mon plan est de préparer un bon repas pour ce soir. En plus ma patronne, Mme Chitose, m'a offert des tartelettes aux fraises… Miam

Faire le diner, ce n'est pas dans le but de m'excuser, mais seulement pour créer une atmosphère propice au dialogue. Le fait qu'il ne doit pas régenter ma vie est une clause non négociable.

J'ai beau avoir l'air très sympa, toujours souriant, je ne suis pas quelqu'un dont on peut faire ce que l'on veut. A propos de mon sourire, je sais en mon fort intérieur qu'il est feint, car depuis la perte de ceux qui m'étaient si chers, je n'ai pas encore réussi à sourire vraiment… même quand je suis avec Ashura… mais il m'a dit qu'il aimait mon sourire, alors je suppose que ça va…

Me voilà devant la porte de son appartement… un très mauvais pressentiment m'étreint… Ashura doit encore être au boulot et ce n'est pas la première fois que je m'incruste chez lui de cette façon mais j'ai l'impression que je vais trouver quelque chose de fort déplaisant derrière cette porte noire…

Seulement je ne fuirais pas… quoi qu'il puisse y avoir : je ne dois pas l'ignorer et y faire face !

J'entre donc pour découvrir Ashura en compagnie de deux autres types au milieu du salon… ne me demandez pas ce qu'ils sont en train de faire…

Je lui hurle de ne plus jamais m'approcher, je balance tout ce que j'ai dans les mains à travers la pièce, puis prends la fuite le plus vite possible… le plus loin possible…

Je ne m'arrête de courir que lorsque je suis hors d'haleine…

L'ENFOIRE !

Face aux circonstances d'une telle trahison, ce que j'éprouve n'est pas de la douleur ou un espoir de sauver notre relation, mais une rage monumentale ! Contre lui et encore bien plus contre moi : comment j'ai pu perdre un mois de ma vie avec ce type ? Beurk, beurk, beurk…

Rendez-moi mon innocence !

J'ai envie de sang (non je ne suis pas un vampire), de détruire quelque chose… Alors afin d'évacuer ma colère d'une manière non dangereuse pour moi ou les autres, j'entre dans une salle de jeux. Les taupes qu'il faut taper, les zombies et les extra-terrestres à dégommer… tout y passe !

Bam… scrouitch… splatch…

Je me démène dans tous les sens, écrabouillant les taupes, explosant monstres et martiens… j'obtiens à chaque fois des scores de champion… ma méthode infaillible ? Imaginer qu'ils ont la tronche d'Ashura ! Niark

Je ponctue mes exploits d'insultes peu appropriées à mes pauvres victimes :

« Pervers… Face d'endive… Crétin chevelu… Puisses-tu devenir chauve ! »

Une fois le massacre terminé, je me sens nettement mieux et j'ai même réussi à amuser une poignée de gamins désœuvrés qui trainait par là.

Or maintenant c'est l'heure où les couples commencent à envahir les rues. Retraite dans mon appart, j'ai envie d'être seul…

Mon appart, situé dans un immeuble récemment rénové et proche du campus, est un studio de style occidental. On entre dans un coin kitchenette, la pièce principale contient un divan convertible, une table basse et un bureau avec mon ordi. Les murs sont blancs, les meubles en métal, le canapé et les rideaux bleus : ce sont mes couleurs et le rendu est sans doute un peu froid. Détail important pour moi, j'ai la chance d'avoir une vue dégagée, on peut voir le ciel par la fenêtre.

En tout cas, c'est une bonne chose de ne pas avoir de souvenirs particuliers d'Ashura liés à ce lieu (c'était toujours moi qui allais chez lui), il n'a pas non plus le double des clés.

Après avoir pris une douche, j'allume l'ordi qui est à la fois un outil de travail et ma principale source de distraction, pour écouter un peu de musique.

Je choisis « Paint it black » des Rolling Stones, cette chanson a si souvent correspondu à mon état d'esprit :

"I see a red door and I want it painted black

No colors any more, I want them to turn black

I see the girls walk by dressed in their summer clothes

I have to turn my head until my darkness goes

I see a line of cars and they are painted black

With flowers and my love, both never to come back

I see people turn their head and quickly look away

Like a newborn baby, it just happens every day"

(J'ai vu une porte rouge et je la voulais peinte en noir Plus une seule couleur, je veux que tout devienne noir J'ai vu des filles marcher, habillées dans leurs tenues d'été J'ai du détourner la tête jusqu'à ce que mes ténèbres s'en aillent J'ai vu une ligne de voitures et elles étaient peintes en noir Des fleurs et mon amour, aucuns ne sont revenus J'ai vu les gens tourner la tête et rapidement regarder ailleurs …)

Je connais les paroles par cœur, et je chante en même temps, ça m'aide à me calmer…

"I look inside myself and see my heart is black

I see my red door, I must have it painted black

Maybe, then, I'll fade away and not have to face the facts

It's not easy facing up when your whole world is black

No more will my green sea go turn a deeper blue

I could not foresee this thing happening to you

If I look hard enough into the setting sun

My love will laugh with me before the morning comes"

(J'ai regardé à l'intérieur de moi-même et j'ai vu que mon cœur est noir J'ai vu ma porte rouge, j'aurais du la peindre en noir Peut-être alors je pourrais disparaître et ne pas avoir à faire face à la réalité Ce n'est pas évident de faire face quand tout est noir Pas plus que ma mer verte ne deviendra d'un bleu profond Je n'ai pas pu prévoir que cette chose t'arrive Si je fixe assez le soleil couchant Mon amour rira avec moi avant que le matin arrive)

Combien de fois ai-je voulu faire ça : disparaitre, fuir la réalité, me fondre dans les ténèbres ?

"I want to see it painted! Painted black

Black as night! Black as coal!

I wanna see the sun blotted out from the sky!

…"

(Je veux voir ça peint ! Peint en noir ! Noir comme la nuit, noir comme le charbon Je veux voir le soleil effacé du ciel…)

Mais plus maintenant ! Je ne me complairais plus dans mon malheur, en attendant que le temps passe.

Je le sais trop bien, si je recommence à me replier sur moi-même, cela ne me mènera nulle part. Quelque soit la douleur et le vide que je puisse ressentir, même si je vais avoir encore plus de mal à faire confiance aux autres, je ne vais pas compromettre ma nouvelle vie à cause de cette ordure, surtout pas ! C'est une question d'honneur et je dois aussi le faire pour Yui.

Je ne me laisserais pas abattre !

D'un coup, je lance une résolution farfelue :

« Je peindrai tout ce qui est noir en rouge, na ! »

En y réfléchissant, j'ai d'ailleurs commencé en jetant mes tartelettes à la fraise sur le canapé en cuir noir d'Ashura, tout à l'heure. Mes pauvres tartelettes… soupir… j'espère que votre sacrifice n'aura pas été vain et que son canapé est foutu.

Et si je ne craignais pas de me retrouver face à lui, je continuerais ma mission en taguant des insultes à la peinture rouge… sur sa porte, la carrosserie noire de la voiture de sport à laquelle il tient tant…

Ce serait bien fait pour lui, car il y a eu vice de forme sur notre relation… quand je pense qu'il voulait m'interdire de rencontrer des amis… alors que lui… si ça se trouve quand on était ensemble, il a pratiqué plusieurs fois cette forme de vice…

AHHHH ! (Cri d'agonie mental)

Je secoue ma tête dans tous les sens comme pour la vider de toutes ces horribles images !

Le mieux c'est encore de ne plus y penser du tout…

Gargouillis…mon estomac rappelle à mon bon souvenir que lui est bien vide : j'ai les crocs ! Mais mon frigo ne contient rien pouvant calmer ma fringale. Je crois que j'avalerais une pizza avec autant d'appétit qu'une Tortue Ninja. Tiens en parlant de pizza et de ninja, des filles à la pâtisserie cet après-midi parlaient d'une boutique nommée Pizza-ninja. Elles disaient que le livreur était un canon comme en on voit rarement, tout en se lamentant de prendre des kilos à force de commander des pizzas juste pour le mater.

Voilà une bonne idée : une énorme pizza aux champignons pour mon estomac et un beau livreur comme festin pour mes yeux. Seulement pour mes yeux, je n'ai aucunes arrière-pensées. Après ce qui vient de m'arriver, je serais encore plus réticent à m'engager dans une relation amoureuse…

En attendant, mon esprit divague : ce type, sous le couvert de livreur de pizza, est-il en réalité un ninja qui sillonne la ville sur son scooter noir pour défendre la veuve et l'orphelin ?

Oui je sais, j'ai l'imagination débordante, mais c'est des fois l'apanage des gens qui vivent seuls et cela ne coûte rien.

Je continue mes fantasmes : ce serait bien si ce livreur ressemblait à Kuro… mon idéal masculin ! Ce grand brun à la carrure impressionnante, en deuxième année section sport, est le plus beau mec du campus. Je ne connais pas son nom en entier à part qu'il a du Kuro dedans, ce qui lui va bien car question fringues c'est the man in black. Il est très grand même par rapport à moi qui suis déjà au dessus de la moyenne dans ce pays. Si on ajoute son air dur et le fait qu'il soit ceinture noire dans de nombreux arts martiaux, il est plutôt intimidant. Mais je pense qu'il est plus gentil qu'il n'y parait au premier abord. En tout cas le matin où le l'ai vu arriver en moto à la fac, moulé dans un pantalon de cuir noir et un blouson assorti à bandes rouges : j'ai du verser un litre de bave sur le trottoir… Malheureusement, il ne s'intéresse pas aux garçons… enfin rien ne m'interdit de l'admirer de loin. Jusqu'à présent je m'en sentais coupable car je sortais avec Ashura, mais dorénavant je ne vais plus me gêner !

J'ai d'ailleurs cru comprendre que Shaolan le connaissait, donc à la première occasion j'essaierais d'en apprendre plus sur lui.

Fye, votre mission, qui doit rester secrète, est de récolter des informations sur « Man in black », à commencer par son nom complet…

Ding ! Ça c'est ma pizza aux champignons : il est rapide ! Normal pour un ninja…

Oups, c'est moi qui aie été un peu trop rapide pour ouvrir la porte car en guise de champignon, c'est un coprin chevelu que je trouve sur mon pallier, mais un vénéneux : Ashura !

« Fye, je crois qu'il a eu comme un petit malentendu entre nous » commence t'il avec son sourire de serpent.

Pardon, dites-moi que j'ai mal entendu !

« Je n'ai rien à dire à part : DEGAGE ! »

« Fye… tu es si mignon quand tu es en colère » tente t'il.

Rahh, ce type est bouché, je vais lui montrer moi que mignon ça rime aussi avec gnon ! Mais mon bras droit, fatigué d'avoir trop frappé sur des substituts d'Ashura, préfère attraper une bouteille de ketchup posée sur le plan de travail de la cuisine…

Splach !

Hi hi hi la tronche d'Ashura tartinée de ketchup vaut son pesant d'or ! Éberlué, il passe une main dans ses cheveux et la fixe, un frisson glacé me parcoure alors : je viens de profaner sa sacro-sainte chevelure et d'un coup il m'apparaît comme un psychopathe couvert de sang…

DANGER ! Je bondis en arrière pour refermer la porte avant qu'il ne se jette sur moi quand BANG impact soudain de l'asperge au ketchup avec un coup de poing volant non identifié…

« Mon poing a glissé » lance, le plus naturellement de monde, un grand type en uniforme noir labélisé Pizza-ninja, à Ashura avant qu'il ne tombe dans les pommes.

Ça alors, dites-moi que je rêve, ce livreur qui frappe plus vite que son ombre, c'est Kuro : the Kuro ! C'est la première fois que je le vois d'aussi près, il a de magnifiques yeux rubis… tandis que je me perds dans leur contemplation, mes mains se serrent inconsciemment… et le reste de la bouteille va finir sur son T-shirt noir…

WAHHH !

Comme la vie est étrange, mes élucubrations se sont réalisées : le livreur est bien Kuro, il a défendu l'orphelin (moi) et j'ai repeint son T-shirt en rouge…

En conséquence de quoi, après m'être confondu en excuses, avoir abandonné Ashura (ressemblant assez à une pizza écrabouillée) sur mon paillasson, je suis maintenant en train de laver le T-shirt de Kuro. Et si vous me suivez bien, cela veut dire qu'il est torse nu dans ma salle de bain ! Hyuuu…

Je ne peux que confirmer : il est vraiment bien foutu… miaou… tout musclé mais ce n'est pas de la gonflette, la peau halée mais ce n'est pas des UV… c'est de l'authentique… miam, miam…

Une minute, c'est une pizza que j'ai commandée pour le diner, pas le livreur !

Il pourrait être dans une colère noire, mais bizarrement il prend la situation plutôt bien… Oh bien sûr il a grogné un peu…

« Rupture mouvementée ? » commente t'il les bras croisés, le dos appuyé contre le mur de ma salle bain, dont je ne regrette pas du tout la taille exigüe pour le coup.

« Ouais, il m'a trompé… » dis-je tout en savonnant son T-shirt le mieux possible dans le lavabo.

Ah sa coiffure aux mèches rebelles que je trouve si classe, son regard de braise sous des sourcils froncés… je crois que je vais fondre…

« Tu t'appelles Fye Flowright et tu es en première année de chimie, c'est ça ? »

Il me connaît ? Devant ma stupéfaction, il ajoute :

« J'ai eu ces infos par Sakura, c'est la meilleure amie de ma cousine Tomoyo »

Il a interrogé Sakura à mon sujet ! J'ai l'impression que des ailes ont poussé dans mon dos et que je suis en train de voler… Redescend sur terre Fye !

« Et toi tu es… Kuro… » je bafouille.

« Kurogane Suwa » finit il un brin vexé.

« Tu es en deuxième année de sport, Kuro-sama »

« Kurogane » il n'en revient pas que j'ai le culot de lui donner un surnom, moi non plus c'est la première fois que j'en donne un à quelqu'un.

J'attrape mon sèche-cheveux dans le but d'enlever un maximum d'humidité au T-shirt… mais dès que j'ai terminé, je me rappelle soudain qui m'a offert cet appareil… et dans un éclair de rage je l'envoie rendre l'âme sur le carrelage !

Zut maintenant Kuro va officiellement penser que je suis dingue…

« Un cadeau de ton ex ? »

« Comment t'as deviné ? Trop fort »

Finalement on éclate de rire tous les deux…

Un petit coup de fer à repasser et je lui rends (à regret) son haut. Ensuite je paye en le forçant à accepter un pourboire.

« Tu vas vraiment manger tout ça ? » demande t'il sarcastique en jaugeant la circonférence de la pizza et la finesse de ma taille « Ou tu attends quelqu'un… » L'air de rien, on dirait qu'il voudrait en savoir plus.

« Non, personne… je ne vais sûrement pas tout manger… tu veux m'aider ? » Même si je n'ai qu'une chance sur mille, je veux la tenter.

« Je bosse, j'en ai encore pour une demi-heure » Il ne refuse pas, mon cœur bat la chamade. Je m'empresse d'ajouter très nerveux :

« Tu veux revenir plus tard, m'aider à finir la pizza et boire un coup… pour m'excuser et te remercier de… » Un cri dans le couloir m'apprend qu'un des voisins a du prendre Ashura pour un cadavre ensanglanté. Il est encore là l'animal ? « … ton aide »

« Ok, je repasse tout à l'heure, n'ouvre pas à n'importe qui » me met en garde Kuro avant de sortir. Il lui suffit de faire craquer ses mains et Ashura s'enfuit sans demander son reste.

Après avoir mis des cannettes de bière au frais et la pizza au chaud, j'essaie de calmer mon excitation.

Je vais passer la soirée avec Kuro… Kyaa j'aurais même pas imaginé ça en rêve…

Je tente de me remémorer tout ce que je sais déjà sur lui : il ne se lie pas facilement mais c'est quelqu'un sur qui on peut compter… malgré son physique, ce n'est pas un coureur de jupons… Hum, j'ai comme l'impression d'avoir oublié un détail important… Boïng je sursaute brusquement :

Il a une copine !

Comment ai-je pu oublier ça ? Elle s'appelle Soma je crois, une fille très jolie qui a beaucoup de tempérament… Bon cela veut dire qu'il n'avait aucunes intentions cachées en acceptant mon invitation… ou plutôt s'il en montre : ce sera la porte ! Je n'ai nullement envie de faire à cette fille ce qu'Ashura m'a fait.

Soupirs… Dans tous les cas, je dois me résigner à ne le voir que comme un ami potentiel.

Moins d'une heure plus tard, un coup de la sonnette me fait me précipiter vers la porte, je demande au travers :

« Kuro-chan ? »

« C'est Kurogane ! » Comme mot de passe on ne pouvait pas faire mieux.

Il s'est changé, même s'il est toujours en noir, avec un haut orné d'un dragon rouge… graouh !

On se retrouve assis en tailleur autour de la table basse. La pizza est délicieuse, surtout partagée avec lui…

On discute d'abord de choses générales, de nos études, de Shaolan et Sakura, qu'en effet il connaît bien… Tomoyo, sa cousine, est donc la fameuse amie styliste…

Soudain il déclare, en me fixant de ses yeux inquisiteurs :

« Hé ton sourire ! Si t'en as pas envie, ne te force pas ! »

Hein ? Il ne me connaît presque pas mais il vient de me démasquer. Il ajoute :

« Ce n'est pas à cause des récents événements, à la fac aussi tu as toujours ce sourire »

Huh ! C'est qu'il est très fort ce Kuro !

« Je ne veux pas être l'objet de pitié, alors je préfère sourire, même si le cœur n'y est pas… »

Il hoche la tête, je comprends qu'il approuve le premier point mais pas le second.

Je ne me suis jamais étendu sur mes drames passés face à Ashura. Il savait que j'avais perdu ma famille, mais pour lui j'étais quelqu'un qui avait surmonté cette épreuve. Il m'avait plus d'une fois félicité d'être si parfaitement autonome à mon âge.

En fait si je n'avais pas essayé de passer pour plus fort que je ne le suis... cela n'aurait rien changé à la nature d'Ashura, mais peut-être n'aurait il pas osé me tromper avec autant d'audace…

« Pour moi sourire c'est comme une armure, qui me protège, mais c'est aussi une arme à double tranchant… enfin bon je ne vais pas t'ennuyer avec mes problèmes ! »

« Hé ! Je ne suis pas venu dans le but de profiter d'un repas gratis. J'ai bien compris que tu n'appelleras jamais Watanuki ou Sakura pour te confier, alors vas-y vide ton sac » sort il avec son air toujours grognon. J'en étais sûr, il est très gentil mais ne veux pas le monter. C'est étrange comme il me met en confiance, j'ai l'impression de le connaître depuis longtemps.

Je pose bruyamment ma cannette sur la table basse et m'écrie avec détermination :

« OK, Ashura va avoir les oreilles qui sifflent ! »

Et voilà, je me retrouve à lui raconter ce que je n'ai jamais dit à personne, la mort de ma mère et de Yui, mon passé d'hikki, les rumeurs au lycée, et la trahison d'Ashura…

A mon grand soulagement, Kurogane ne porte aucun jugement.

Et il m'apprend que lui aussi est orphelin. Il a perdu ses parents et c'est sa grande sœur qui l'a élevé. Je me sens rassuré que les confidences ne soient pas à sens unique.

« Si je ne l'avais pas eu, elle, et ma famille proche, je crois que j'aurais pu mal tourner. Toi tu étais tout seul… »

« Hum… quand j'étais enfermé dans ma chambre, j'ai fini par comprendre que personne ne viendrait m'aider… j'étais comme une princesse prisonnière que tout le monde aurait oublié… il fallait que je m'en sorte seul… »

Pourquoi il se marre d'un coup ?

« Ok, j'aurais pas du dire princesse… » je concède vexé.

« Pardon… mais j'étais en train d'imaginer de quoi tu aurais l'air, enfermé en haut d'une tour avec des cheveux démesurés » explique t'il en réprimant un fou rire.

Style Raiponce ?

« C'est pas drôle, en plus je ne veux pas entendre parler de cheveux pour le moment ! » je grogne et soudain j'ai la vision d'une sombre tour dans un désert glacé… mon frère jumeau est là aussi… on est deux enfants squelettiques avec de très longues chevelures…

Brrr… j'ai de telles images dans mon subconscient moi ? Ça fait peur…

Kurogane note immédiatement mon changement d'humeur :

« Ah désolé, je ne voulais pas me moquer de toi… » s'excuse t'il en effleurant ma joue. Il doit croire que j'ai mal pris sa plaisanterie, mais ce n'est pas le cas.

« Non c'est rien » je souris faiblement mais sincèrement, touché par sa sollicitude.

« Tu sais Watanuki et les autres sont des gens auxquels tu faire confiance, d'accord ? Tu veux bien me croire ? »

« Oui, merci »

Je serre la main qu'il a posé sur ma joue… et je ferme les yeux … que c'est agréable, je pourrais rester ainsi pour l'éternité…

Ah non, ça ne va pas du tout, il est proche, trop proche… je me rappelle mes résolutions : il faut que je trace une limite entre lui et moi… Je peux la faire en pointillés ? C'est joli, les pointillés…

Tout en fustigeant ma faiblesse, je me dégage et je lance :

« Toi tu as une petite amie, Soma, c'est ça ? » Mes zygomatiques ont retrouvé instantanément leur mauvaise habitude.

Mais voilà que sa réponse me scotche sur place :

« En fait, on n'est plus ensemble depuis environ un mois »

Quoi ?

« J'ai toujours été agacé par les filles. Quand c'était pour prendre soin d'elles comme des petites sœurs, par exemple Tomoyo et Sakura, ça allait. Mais les filles qui voulaient sortir avec moi m'horripilaient. Finalement il y a quelque mois j'ai enfin décidé de me déclarer à Soma, la meilleure amie d'Amaterasu, la sœur ainée de Tomoyo. Je la connaissais depuis longtemps, elle était très jolie, mature, avait du caractère et était championne en arts martiaux… Sur certains points elle me rappelait ma grande sœur »

Il n'aurait pas une sorte de sister-complex ?

« Elle avait un an de plus que moi, mais a tout de suite accepté. Avec elle j'étais à l'aise car elle a un côté garçon manqué. Pourtant dès qu'on a commencé à sortir ensemble, j'ai noté un changement d'humeur de la part de ma cousine Amaterasu. J'ai pensé qu'elle se sentait mise à l'écart par notre relation, mais la vérité s'est révélée bien plus complexe. Il y a un mois Soma m'a avoué qu'en fait elle était amoureuse d'Amaterasu. Elle l'avait réalisé avant qu'on sorte ensemble, mais comme cela l'effrayait d'avoir ces sentiments envers sa meilleure amie, elle s'était dit que si elle devait sortir avec un garçon, ce serait moi. C'était pour cela qu'elle avait accepté ma proposition… Au final la situation, lui avait révélé qu'Amaterasu était aussi amoureuse d'elle. Elles avaient enfin pu se déclarer l'une à l'autre mais étaient horriblement désolées pour moi… Aucune n'avait voulu se jouer de moi, ce n'est pas comparable à ce qu'a fait ton ex »

« Cela a quand même du être un choc pour toi » Je trouve lâche qu'une partie de moi-même se réjouisse qu'il soit libre…

« Au début oui, mais finalement, je n'étais peut être pas autant amoureux de Soma que ça… je l'admirais plus que je ne l'aimais vraiment… »

« À la fac tout le monde est persuadé que vous sortez encore ensemble »

« Ah ce n'est pas parce que j'ai été blessé dans ma virilité et que je ne veux pas qu'on sache que j'ai été largué pour une fille… c'est pour les protéger des rumeurs, car Amaterasu est issue d'une bonne famille »

« Je sais ce que c'est, j'ai assez souffert des ragots. Tu as accepté de leur servir de couverture »

« Cela m'arrangeait aussi, de ne pas me faire harceler pas des filles du jour au lendemain au prétexte que j'étais célibataire »

Je comprends maintenant, mais une question reste en suspend : est-ce que par hasard, il s'intéresse à moi ? Il veut peut-être essayer de sortir avec un garçon car son ex l'a largué pour une fille ?

Le suspense est insoutenable et je ne vois qu'un moyen d'être fixé tout de suite. Et si ça marche je ne serais pas tout seul cette nuit, ce que j'appréhende beaucoup…

Je m'approche doucement de lui et pose mes lèvres sur les siennes…

Cela n'a pas l'air de l'enchanter, donc je vais vite enclencher mon plan B (Ah ah ah c'était une blague…)

Mais avant que je ne puisse le faire, il rétorque sérieusement :

« Je ne veux pas brûler les étapes avec toi… »

« Ah moi non plus, mais je ne voulais pas me retrouver tout seul cette nuit alors… si j'avais pu te garder ainsi… »

« Idiot, si tu veux que je reste ici cette nuit, c'est possible, même sans faire ça »

« Tu es un gentil petit toi ! » et hop il devient écarlate. Je peux aussi peindre Kuro en rouge de cette façon… hi hi…

« Mais c'est qu'il est tout gêné le Kuro-chan »

« Kurogane ! Fais rentrer ça dans ta cervelle »

Je me sens léger comme jamais. On continue à se chamailler comme des gamins… cela fait tellement de bien ! Mon coté taquin fait partie de ma nature, mais depuis la mort de Yui, je n'ai pu l'exercer sur personne. Kurogane, qui est si mignon quand il s'énerve, est le candidat idéal.

J'ai du m'endormir dans ses bras je crois…

Il me semble aussi que j'ai rêvé de mon frère, il me disait que j'avais trouvé la bonne personne…

À suivre…

Merci de votre lecture !

Le prochain chapitre nous détaillera plus le point de vue de Kurogane et verra débarquer sa grande sœur (avez-vous deviné son identité ?).

Note :

Hikikomori (diminutif hikki) : Au Japon, ce terme désigne les personnes, qui suite à un traumatisme, s'enferment chez elles en refusant le contact des autres.

Coprin chevelu : Long champignon blanc, classé comme comestible.