DISCLAIMER : Les personnages de cette fic (notamment Ryo, Hide, Kaori, Saeko et le préfet) sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo, comme l'est City Hunter dans son ensemble... Cela dit, le vieux Motoharu lui est à moi car ma création.

MOMENTS IN LIFE

PREFACE : BEFORE THEY MET

CHAP 1 : PERSONNE N'EST INDISPENSABLE

Assis sur le sol de la gare contre le mur face au tableau de message, il regardait les gens passer, pressés de rentrer chez eux après une dure journée de travail pour les uns ou traînant le pied pour ceux qui au contraire se préparaient à une dure nuit de labeur. Au fil du temps, il avait fini par les différencier, tout comme il avait apprit à reconnaître les gens qui étaient heureux des âmes en peines qui ne savaient pas vraiment ce qu'elles faisaient là, tout comme lui d'ailleurs. Cela faisait pourtant à peine six mois qu'il vivait ainsi que déjà il savait, rien qu'à regarder la démarche d'une personne qui passait devant lui, si elle était heureuse ou triste, si elle marchait sans but ou si elle avait une destination... Tant de chose que l'œil est capable de décrypter dans une démarche une fois habitué, entraîné peut-être, une fois que l'on sait où regarder même si on n'y fait pas vraiment attention. Il avait passé tellement d'années de cette manière que dorénavant il décryptait les gens sans même y faire attention, sans même les voir d'ailleurs, tout comme eux ne le voyaient pas, ne faisaient pas attention à lui.

Tant d'années perdues... Tant d'années à regarder sa propre vie lui filer entre les doigts, alors qu'il était en prison. Peut-être était-ce pour cela qu'aujourd'hui il avait cette faculté de lire les gens en les regardant passer, il avait appris à regarder la vie sans y participer, mais en restant capable de voir au travers. Et puis après tout, c'était là la seule chose qu'il pouvait faire, il n'avait plus rien, pas d'endroit où se dépêcher à rentrer le soir venu, pas de personne chère à l'attendre en s'inquiétant s'il avait du retard, pas d'employeur pour lui hurler dessus pour la même raison... Rien... Perdus eux-aussi au fil des années passées derrière les barreaux, car la vie elle, elle ne s'était pas arrêté de tourner sans lui. Après tout, personne n'était indispensable en ce monde. Personne ?... Non, personne... Il avait été une époque où plus jeune et plus naïf, il avait cru que si, que certaines personnes vous étaient indispensables pour vivre, mais il s'était trompé sur ce point. Non seulement il avait eu tort, mais en plus, c'était là la raison qui l'avait poussé à avoir une telle vie. Il y avait cru pourtant, il y avait cru que la famille, les amis, l'amour, toutes ces personnes qui comptent pour vous et pour lesquelles vous pensez compter, que toutes ces personnes étaient indispensables... Mais elles ne l'étaient pas...

Il y avait pourtant cru au point de voler... Au point de tuer... Au point de sacrifier sa vie pour essayer de préserver les personnes qui lui étaient chères, les personnes qui étaient chères à ses proches... Et il y avait tout perdu. Il ne comptait même plus le nombre d'années qu'il avait passé en prison pour sa naïveté et pour les crimes qu'il avait commis à cause de celle-ci, pour les personnes qu'il pensait lui être indispensables. Il s'était sacrifié pensant pouvoir faire leur bonheur, mais la vie, la vie avait toujours suivi son tracé, sans lui donner de carte prédéfinie à suivre, elle avait continué alors qu'il pensait avoir choisi le bon chemin... Mais il s'était trompé de voie. Il avait perdu sa route au fil du temps, et par la même occasion, il avait perdu les personnes qui auraient pu le lui montrer... Mais au moins, il avait apprit que personne n'était indispensable. Si vous vous arrêtez, ne serait que cinq petites minutes sur le tracé de la vie, celle-ci ne s'arrête pas à son tour pour vous attendre, elle continue sans vous, se moquant bien de si oui ou non vous aviez l'intention de poursuivre. Et si vous n'êtes plus là pour surveiller, elle frappe les personnes qui comptent à vos yeux, il l'avait apprit à ses propres dépends, mais quelque part au moins, il l'avait apprit : personne n'est indispensable dans la vie. Si vous tournez le dos et que vous perdez un être cher, vous en souffrirez, si c'est quelqu'un que vous aimez de tout votre cœur, vous aurez cette impression que vous n'arriverez jamais à surmonter cette douleur et pour certain, vous penserez peut-être même au pire...

Mais le lendemain, vous vous rendrez compte que la vie elle, elle continue, que cette personne ai compté pour vous ou non, le soleil se lèvera le lendemain comme si de rien n'était, les gens continuerons de vivre normalement, riant, pleurant, criant, ne sachant rien de votre douleur ou s'en moquant pour certain et bien que pour vous, les jours vous paraisse moins ensoleillés sans cette personne, vous vous rendrez un jour compte que vous continuez de vivre aussi même si vous ne le souhaitez pas plus que cela... Et plus le temps passera, plus votre peine au réveil se fera plus légère, jusqu'à ce qu'un matin vous repensiez à cette personne et vous sourissiez en vous souvenant d'elle. Et un jour, vous comprendrez qu'avec le temps, chaque petit moment, chaque petit détail que cette personne à passé avec vous, est gravé en vous, que se soit dans votre mémoire ou dans vos gestes. Oui, il avait apprit cela aussi en prison. Quand on lui avait apprit l'accident de la route qui avait emporté sa femme et son père alors que sa mère avait déjà succombé à la maladie, il avait cru que sa vie s'arrêtait là... Mais elle avait continué... Sans lui... Jusqu'à ce qu'il prenne conscience de cela, mais en prison, il n'avait pas pu rattraper le train de la vie... Et à la sortie, pourquoi l'aurait-il fait ? Il n'avait plus rien qui comptait, et il était déjà trop vieux pour essayer de se reconstruire une vie pour lui seul. Bien sur, il aurait pu essayer de se chercher un travail, mais qui voudrait d'un ancien détenu ? Et puis, il n'avait pas d'adresse non plus, et plus de famille pour l'aider. Les amis ? Disparus... Dans le monde dans lequel il avait été élevé, les amis sont comme de la famille, mais ils n'aiment pas que cela se sache qu'ils ont une connaissance qui est enfermée pour meurtre, alors ils ne vous rendent pas visites en prison.

L'homme d'une cinquantaine d'années que la vie avait vieillie au delà de son âge sourit machinalement en voyant le wagon du train s'arrêter pour évacuer sa nuée de lycéens. Si jeunes, gloussants et se disputant entre eux pour des broutilles, ils avaient la vie devant eux, mais ils ne se doutaient pas encore que la vie, pour la plupart d'entre eux ne serait jamais ce dont ils rêvaient. Et de quoi pouvaient-ils rêvaient d'ailleurs à leur âge ? Grommelant entre eux de ce que leurs parents leur faisaient subir, jeunes garçons parlant de mécaniques en feuilletant des magazines en cachettes dans les recoins, de peur que d'autres passant ne remarquent qu'à leur âge, ils ne devraient pas avoir de tels magazines en mains... Jeunes filles s'appuyant en bande contre un mur et parlant entre elle des derniers ragots, sûrement se rapportant à celles du groupe qui n'étaient pas présentes pour voir que ses amies parlaient sur son dos, mais après tout, l'absente avait sûrement du faire la même chose un autre jour, quand c'était une autre qu'elle qui n'était pas là. Celle qui apparaissait comme la meneuse du groupe avait apparemment un faible pour l'un des garçons qui lisait son magazine de voiture en attendant son tour au distributeur d'en cas de la gare et ses camarades lui racontait les dernières nouvelles qu'il y avait le concernant... Ce qu'il aurait aimé pouvoir revenir en arrière et avoir à nouveau leur âge, croire en la vie comme ils le faisaient, naturellement, sans même se poser de questions.

Le vieil homme, mentalement parlant car physiquement il était tout au plus un homme d'âge mur laissa son regard errer sur cette jeunesse qui n'avait pas encore peur, et assis comme il l'était par terre, il sursauta presque quand ses yeux rencontrèrent un regard noisette posé sur lui. Un instant, il fut tenté de baisser la tête, de détourner les yeux, par habitude qu'il avait gagné au cours des six derniers mois suite à sa libération, mais quelque chose le retint de le faire. Quelque chose dans ces yeux là était différent de tous les autres regards qu'il avait pu rencontré posé sur lui, un mendiant, jusqu'à ce jour, même s'il n'était pas capable de savoir quoi. Ou plutôt si justement, il savait, il reconnaissait la différence, mais il n'arrivait pas à comprendre. Les gens le regardaient avec pitié, voir avec mépris, quoique en ce lieux, ils ne faisaient pas vraiment attention à lui, juste assez pour prendre conscience de sa présence quand ils se servaient aux distributeurs à côté desquels il étaient installé, et assez pour jeter dans son écuelle les quelques pièces que ces mêmes distributeurs leur rendaient en même temps que leur commandes, pas assez pour eux pour que cela ait de l'importance, alors il lui jetait, s'amusant, si la pièce selon eux avait plus de valeur que les autres qu'il possédait déjà à la faire résonner en la lui lançant, de manière à ce que les autres personnes l'entende, et regarde l'âme charitable qui venait de donner l'aumône à un mendiant...

Il ne lui donnait pas parce qu'il n'avait pas de quoi se nourrir, mais parce qu'eux même, cela les valorisaient aux yeux des autres d'être assez clément et bons pour donner de l'argent à un moins que rien qui n'était bon à rien, pas capable de travailler, juste bon à faire la manche et à réclamer aux autres ce qu'il aurait dû devoir gagner en faisant comme eux et travaillant, plus ou moins dur. Le vieil homme le savait, il pouvait le lire dans leur regard plein de mépris : "je suis mieux que lui au moins", population imbus d'elle même dont les valeurs morales ne valaient rien, noyées sous leur vanité et leur arrogance. Il n'avait peut-être rien à lui mis à part son nom, mais lui au moins, il savait ce qu'il valait réellement, il ne pouvait pas en dire de même pour eux, tout ces hommes pressés qui ne savait même pas après quoi ils courraient ou pour qu'elle raison, si ce n'est le pouvoir et l'argent. Alors pourquoi le regardait-elle ainsi ? Sans mépris, sans préjugés, sans même prendre conscience apparemment qu'elle le fixait de manière ostentatoire... Elle se tenait là, appuyé contre le tableau des message et elle le regardait... Juste à le regarder... Le vieil homme sursauta quand un adolescent le bouscula, lui marchand presque dessus en se chamaillant avec ses amis et renversant au passage son écuelle, faisant rouler ses maigres pièces au sol. Il ne s'arrêta pas pour l'aider à ramasser, un instant, l'adolescent tourna sa tête vers lui pour voir ce qui l'avait presque fait tomber mais quand ses yeux rencontra le regard usé il haussa dédaigneusement les épaules avant de poursuivre sa route.

La jeune fille fronça les sourcils en regardant celui-ci partir mais le vieil homme ne le vit pas, trop occupé à essayer de ramasser ce que ces êtres "bons" avaient bien voulu lui donner dans la journée, il avait juste assez dans son assiette pour pouvoir acheter un sandwich à la boulangerie en face de la gare, ou assez pour s'acheter un café dans un des distributeur et un morceau de pain blanc à la boulangerie... Il ne savait pas encore, il n'avait encore choisit entre un sandwich complet ou du pain sec mais accompagné d'un boisson chaude... Il savait uniquement qu'il avait juste la bonne somme pour l'un ou l'autre, mais pas les deux, juste la bonne somme, il devait retrouver ses pièces, ou il n'aurait pas assez.

- Kaori !

Il lui manquait deux pièces... Il n'aurait même pas assez pour s'acheter un morceau de pain. Le vieil homme se baissa à quatre pattes par terre, entendant sans y prêter attention les gloussement de la bande de lycéenne qui se moquait de lui en se cachant derrière leurs mains, et ils les vits, blotties sur le sol contre le mur, ses deux pièces manquantes avaient roulé sous le distributeur du milieu. Tendant le bras, il essaya désespérément de l'attraper, mettant, toutes ses autres pièces en tas qu'il mis sous son autre main, il essaya de se servir de sa soucoupe pour tenter d'attraper les deux pièces, mais il n'y parvenait pas.

- Kaori !

Le vieil homme retint un hurlement quand quelqu'un lui marcha sur son autre main, continuant sa route sans même s'en être rendu compte, ou s'en moquant éperdument, il ne pouvait pas le savoir, et il abandonna. De toute manière, il le savait déjà, il n'avait pas le bras assez long, même avec son écuelle, pour atteindre ses pièces. Un instant, accroupit sur le sol, il fut tenter de se mettre à pleurer de rage... Il avait ramassé assez dans sa journée pour s'acheter de quoi caler son estomac jusqu'au lendemain... Il ne savait même plus quand était la dernière fois qu'il avait avalé une seule bouchée de pain. Le vieil homme se redressa pour s'asseoir par terre, appuyé le dos contre le distributeur coincé entre deux autres, il releva ses genoux pour poser son front contre ses poignets, sa main rougie gardant l'empreinte d'un talon de chaussure serrant dans sa paume les quelques pièces qu'il lui restaient.

- Kaori !

Le mendiant sursauta une seconde fois en sentant un mouvement près de lui, tournant la tête, il trouva agenouillée à côté de lui la jeune fille au regard noisette qui le fixait si étrangement quelque minutes plus tôt. Il se demanda ce qu'elle faisait là, agenouillée comme elle l'était sur le sol, sans se soucier du fait que sa jupe longue aux couleurs de son lycée ramassait la poussière laissée sur le carrelage de la gare par les gens qui y avait circulé toute la journée.

- Kaori ! Ta jupe !

Le vieil homme laissa son regard remonter le long des jambes de pantalons postées derrière la jeune fille. Le regard usé termina sa course le long du corps de l'homme qui se tenait derrière l'adolescente, un bras tentant de faire en sorte que celle-ci se relève, mais elle n'en avait apparemment cure, plus occupée à chercher quelque chose dans son cartable, sans même se soucier du fait que l'un de ses bras le touchait, lui, le mendiant. Et il fronça les sourcils, se souvenant avoir vu cet homme, ce jeune homme plutôt quelque part, mais il était trop fatigué, et il avait trop faim pour se souvenir du lieu où cette rencontre avait eu lieu. Sûrement quelqu'un qu'il avait l'habitude de voir passer dans cette gare le matin ou le soir.

- Ah !

Une fois de plus, son regard revint sur la jeune fille. Jeune fille, qui apparemment s'appelait Kaori, qui au vu de son uniforme allez au lycée à la sortie de Shinjuku, et qui brandissait fièrement en lui souriant une règle de 50 cm de long. Sans plus se soucier de l'homme qui tentait de la faire se relever, la jeune fille se dégagea de son emprise sur son bras et s'allongea presque par terre, la tête posée sur le sol pour regarder sous le distributeur contre lequel il était appuyé et se moquant apparemment éperdument de se retrouver par cette position les fesses en l'air au vu de tous. Des passants regardant la scène la montrait du doigt en gloussant alors que l'homme qui l'accompagnait rougissait d'embarras d'être ainsi le centre d'attention.

- Kaori ! Mais qu'est-ce que tu fabriques encore ?

Le vieil homme se posait la même question, mais la jeune fille ignora superbement son compagnon, se tortillant et se trémoussant sous le distributeur sans avoir conscience de l'attention qu'elle provoquait, ou peut-être n'en avait-elle cure, il ne pouvait le dire.

- Et voilà !

Sous son regard ébahi, la jeune fille se releva avant de se mettre debout pour se masser la nuque alors que l'homme lui, en était presque à se mettre à genoux pour épousseter son uniforme et le vieil homme en aurait presque rit s'il n'avait pas été à ce point fatigué. Mais une fois de plus, l'adolescente le surprit en se penchant sur lui et en le forçant à ouvrir sa main endolorie pour y déposer, avec le plus de soins possible et sans faire un seul bruit les deux pièces qu'il avait désespérément tenté de récupérer.